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TED
NELSON / MORCEAUX CHOISIS |
NdT : Nous
avons traduit et rassemblé ici, à loccasion
de sa venue en France, et avec son autorisation,
plusieurs extraits de textes publiés par Ted
Nelson, depuis vingt ans. Les titres sont de nous.
Dautres textes et dautres
informations sont disponibles sur le site denseignement
de Ted Nelson : [http://www.sfc.keio.ac.jp/~ted/] |
1/ LHYPERTEXTE
2/ XANADU ET LE WORLD WIDE WEB
3/ LA REEDITION VIRTUELLE
4/ LACCES AUX TEXTES : TRANS-EDITION ET DROIT DAUTEUR |
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1/ LHYPERTEXTE
Par hypertexte, jentends simplement écriture
non séquentielle.
...
Le langage parlé est une série de mots, lécriture
conventionnelle aussi.
Accoutumés à lécriture séquentielle,
nous en arrivons facilement à supposer que lécriture
est intrinsèquement séquentielle. Elle na
pas à lêtre et ne devrait pas lêtre.
Il y a deux arguments essentiels en faveur de labandon
de la présentation séquentielle.
Le premier est quelle dégrade lunité
et la structure du réseau du texte.
Le deuxième est quelle impose à tous les
lecteurs une seule et même séquence de lecture
qui peut ne convenir à aucun.
A. Lunité et la structure du texte dégradées
La séquentialité du texte repose sur la séquentialité
du langage parlé, et celle de limprimerie
et de la reliure.
Ces deux faits simples et quotidiens nous ont
conduits à penser que le texte était intrinsèquement
séquentiel.
Cest ce qui mène à lerreur selon
laquelle la présentation du texte devrait être
intrinsèquement séquentielle.
Marshall Mac Luhan a même placé cette erreur au
centre de la pensée européenne, et peut être
avait-il raison, peut être est-ce le cas.
Mais la séquentialité nest pas nécessaire.
Une structure de pensée nest pas séquentielle
par elle-même. Cest un système de tissage
didées (ce que jaime appeler une
structangle). Aucune des idées ne vient nécessairement
la première ; et mettre ces idées en morceaux,
puis les disposer sous la forme dune présentation
séquentielle, est un processus arbitraire et
compliqué.
Cest aussi, souvent, un processus
destructeur, dans la mesure où, en dégageant le
système global du réseau pour le présenter séquentiellement,
nous pouvons difficilement éviter de casser
cest à dire de perdre- certains des
réseaux du texte qui sont une partie de lensemble.
Bien sûr, nous pratiquons cette sorte de décomposition
séquentielle et simplificatrice tout le temps ;
mais cela ne signifie pas que nous devons le
faire, cela signifie simplement que nous y sommes
obligés. (
)
B. Une seule et même séquence imposée à
tous les lecteurs
Les gens ont des formations et des manières de
faire différentes. ...
Pourtant le texte séquentiel, dont nous sommes
gavés par la tradition et la technologie, nous
impose décrire les mêmes séquences pour
tout le monde, lesquelles peuvent être appropriées
pour certains lecteurs et ne pas convenir aux
autres, voire ne convenir à personne. (Ce livre,
dailleurs, conviendra difficilement au goût
de tout le monde, dans la mesure où il noffre
quun choix limité de séquences de lecture).
Ainsi, il serait grandement préférable de
pouvoir créer facilement différents chemins
pour différents lecteurs, adaptés à leur
formation, leurs goûts, et probablement leur
compréhension.
Aujourdhui, dans des circonstances
normales, ce résultat est obtenu en écrivant
différents articles et livres sur le même
sujet, et en les publiant en différents
endroits, selon différentes façons, pour différents
publics. Cette orientation proposera aux lecteurs
plusieurs choix pour approcher le même texte.
Dans le monde de lordinateur, cette
situation évoluera sensiblement lorsque
comme je le prévois - il y aura un grand dépôt
unique, où chaque texte pourra être également
accessible.
Cela signifie que les différents articles ou
livres seront, vraisemblablement, devenus les
différentes versions dun même travail, et
les parcours différents du texte par différents
lecteurs.
Extraits de « Literary Machines 90.1 »
Mindful Press, Sausalito, 1990. (Première édition
en 1980).
2/ XANADU ET LE WORLD WIDE WEB
On interprète souvent, à tort, Xanadu, le
projet original de lhypertexte, comme une
tentative pour créer le World Wide Web.
Mais Xanadu a toujours eu une ambition beaucoup
plus vaste : proposer une forme globale et complète
de littérature; où les liens ne se brisent pas
à chaque changement de version ; où les
documents peuvent être mis côte à côte,
comparés et annotés de près ; où il est
possible de connaître le contexte dorigine
de chaque citation ; et qui intègre un
dispositif de droit dauteur une
convention littéraire, juridique et commerciale-
autorisant, sans conflit ni négociation, la
pratique de citation, sans limite de temps ou de
quantité.
Le Web a vulgarisé le modèle original de Xanadu
à une large échelle, mais en réduisant toutes
ces questions à un monde de liens
unidirectionnels, fragiles et toujours prêts à
se briser, sans reconnaissance des modifications
et du droit dauteur, et sans support pour
les versions successives ou la ré-utilisation
systématique.
On y met laccent sur lhabillage et le
tape-à-lil, au détriment dune
structuration en réseau du contenu.
La littérature électronique sérieuse (à des
fins de connaissance, de travail en coopération
ou de débat approfondi) doit permettre des liens
bidirectionnels, à profusion ; et une réutilisation
systématisée, sappuyant sur une recherche
facile à travers les versions et citations.
La structuration xanalogique du texte est un système
unique de mise en réseau du texte (et des autres
composantes médiatiques ).
Elle comporte deux formes complémentaires de
mise en réseau : une mise en réseau du texte
solide et durable (méthode des liens de contenu),
et une ré-utilisation du texte identifiable et
visualisable (méthode de la transclusion).
(
)
Ce système de structuration du texte présente
une méthode intégrée originale pour la gestion
des versions, la comparaison côte-à-côte et la
visualisation de la ré-utilisation, qui conduit
à un système cohérent et bénéfique de
gestion des droits dauteur (approuvé en
principe par lACM). Bien quéloignée
à un point presque décourageant des normes qui
lont emporté jusquà maintenant,
cette conception est encore valable et peut
toujours trouver une place dans lunivers en
évolution de linternet.
Extrait de « Xanalogical Structure, Needed
Now More than Ever... ». Communication au
Congrès de lACM. 23/05/00. Il sagit
du résumé.
Texte complet : [http://www.sfc.keio.ac.jp/~ted/Xusurvey/xuDation.html]
3/ LA REEDITION VIRTUELLE
Il y a une forte aspiration à pouvoir ré-utiliser
les contenus.
Si nous pouvons trouver un moyen légitime de
satisfaire cette aspiration, alors, peut être,
le pillage des droits dauteur pourra être
évité.
Aujourdhui le débat porte principalement
sur la gestion et la perception des droits sur la
vente de contenus numériques.
La question habituelle est « Comment prévenir
les infractions au droit dauteur ? ». Si
nous re-formulons ainsi la question : « Comment
permettre la ré-utilisation ? », la solution
peut être plus simple et plus forte quon
ne pense, avec des bénéfices pour toutes les
parties.
Ce point reprend une idée qui sest présentée
à lauteur à la fin de 1960, et qui depuis
est devenue une composante implicite du Projet
Xanadu, un système ambitieux de publication
hypermédia, avec une gestion approfondie des
versions.
En raison des difficultés et des controverses qua
rencontrées le projet, notre proposition
fondamentale en matière de droit dauteur na
pas été comprise.
Et, parce que cette méthode était intégrée au
logiciel conçu pour le projet Xanadu, elle na
été ni comprise ni présentée comme une
doctrine distincte dautorisation légale.
Dans cet article, nous distinguons maintenant
cette méthode dapproche du droit dauteur
de lhistoire du logiciel et la présentons
comme une méthode que chacun peut utiliser.
Cest une doctrine dautorisation légale,
avec des effets de grande portée et des
avantages qui peuvent être considérables.
LOBJECTIF
Depuis le début, lobjectif du Projet
Xanadu était de faciliter une nouvelle forme de
littérature : un nouveau média populaire, un
système dédition « de beaucoup -vers-
beaucoup », qui ne soit pas concentré entre les
mains des sociétés dédition et de
communication, mais ouvert à tous.
Il était conçu pour créer une nouvelle forme
de liberté de publication, et rendre possible
une compréhension plus profonde des contenus
publiés.
Mais cela ne signifiait pas simplement la mise à
disposition électronique de documents fermés.
Nous voulions aussi ré-utiliser les contenus
existants, et linformatique pouvait nous
aider à organiser cette ré-utilisation de manière
cohérente (et cela sans avoir à espionner les
utilisateurs).
Lidée était de préserver lintégrité
du matériau numérique, et les droits qui y étaient
attachés, tout en permettant à chacun de
reprendre librement ces matériaux, qui devaient
garder leur identité à tout moment.
En permettant à chacun de rééditer tout matériau,
on définissait effectivement un nouveau système
de transmedia numérique, doté de fluïdité,
avec une liberté universelle de réutilisation
et une possibilité de visualiser le texte repris.
Toutes ces différentes rééditions pouvaient en
principe être vues côte-à-côte par le
lecteur, favorisant ainsi une meilleure compréhension
des contenus et des points de vue des différents
documents, de leurs auteurs et rééditeurs.
Le schéma est simple.
Dans ce dispositif, chacun est libre de rééditer
virtuellement des contenus numériques, sous la
forme de citations, anthologies et collages, pour
autant que la réédition soit virtuelle ; cest
à dire, pour autant que le rééditeur se
contente de fournir des instructions pour lacquisition
et lassemblage des différentes parties, et
que chaque copie des octets préalablement publiés
soit acquise séparément auprès de léditeur
original, au moment de la livraison.
Le rééditeur se contente de distribuer des
pointeurs indiquant comment obtenir le matériau,
et dans quel nouveau contexte il prend place.
Chaque destinataire achète ces matériaux indépendamment.
Selon cette méthode, chaque destinataire est
propriétaire en propre dune copie indépendante
des matériaux, obtenue auprès de léditeur
original. Tout aussi important : cette méthode
favorise une ré-utilisation honnête des
contenus dont chacun bénéficie.
Extrait de « Transcopyright : Pre-Permission
for Virtual Republishing ». Version du14/10/98.
Version imprimée dans Educom Review (Janvier/février
1997). [http
://www.sfc.keio.ac.jp/~ted/transcopyright/transcopy.htm]
4/ LACCES AUX TEXTES :
TRANS-EDITION ET DROIT DAUTEUR
Trois raisons principales militent en faveur de
la méthode de trans-édition et de la trans-citation.
Les deux premières sont immédiatement opératoires.
A. LAccès aux textes : une méthode légale
pour la ré-édition
Ce système propose une autorisation unique de re-composer
et ré-éditer.
IL NEXISTE PAS DE METHODE LEGALE PERMETTANT
DE GENERALISER LA RE-UTILISATION A GRANDE ECHELLE
DES CONTENUS PROTEGES PAR LE DROIT DAUTEUR.
Nous navons pas identifié précisément,
ni ressenti comme un manque labsence dune
telle méthode légale, pour la même raison quen
général nous ne ressentons pas comme un manque
les nouvelles inventions jusquà ce quelles
soient créées.
Ce nouveau système daccessibilité présente
plusieurs avantages particuliers :
- Chacun peut citer le texte sans limitation,
sans négociation ni pré-paiement.
- Les éditeurs bénéficient du système, dans
la mesure où ils peuvent diffuser (et, éventuellement,
vendre) leur contenu plus largement.
- Le public en bénéficie aussi, puisquil
a la possibilité de re-publier des contenus protégés
par le droit dauteur.
- Léditeur original contrôle la
circulation du contenu (et potentiellement, sa
vente).
B. LACCES AU CONTEXTE DORIGINE
Un lien est conservé vers le contexte dorigine
du fournisseur de contenu. La trans-citation nest
jamais située hors contexte, puisque le contexte
dorigine est immédiatement accessible au
lecteur.
C. UN PAIEMENT A LA CITATION
Un des développements importants du système
devrait permettre aux éditeurs de percevoir un
petit paiement, pour chaque portion de texte téléchargé,
si lutilisateur le souhaite.
Si un système de micropaiement adapté est
attaché au contenu, chaque utilisateur qui télécharge
un contenu, acquitte un paiement auprès de léditeur
original pour la portion exacte de la citation.
De cette manière, léditeur original est rémunéré
en proportion exacte de lusage du lecteur.
Ce système de paiement est complètement différent
de tout autre. Il nécessite de nouvelles formes
de monnaie électronique.
Extrait de « Transpublishing : Benefits of
Transquotation ». 09/03/99.
Loriginal comporte des schémas. [http
://www.sfc.keio.ac.jp/~ted/TPUB :tpubBenefits.html] |
Textes choisis et traduits
par Alain Giffard, 25/02/01. |
Source : http://www.culture.fr/culture/actualites/conferen/tasca-2001/extraits-nelson.htm |
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