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Capital n°99 décembre 1999

 

La création du World Wide Web, en 1990, a permis à Internet de se développer En l'an 2000, le monde comptera 300 millions d'internautes Récit de ce décollage, par l'inventeur du système.

 

L’invention du Web marque l'an I d'Internet. Jusque-là. seuls les spécialistes savaient utiliser ce réseau, qui sert à connecter des ordinateurs entre eux. Avec le World Wide Web, tout change : l'accès à Internet devient brusquement un jeu d'enfant. Ensemble de logiciels, le Web («toile» en anglais) permet en effet de créer sur un ordinateur des sites, de les consulter à distance et de naviguer de l'un à l'autre, en activant les liens établis entre des documents (hypertexte). Devenue accessible, la toile a bouleversé l'économie et bâti des fortunes. Mais l'inventeur du Web, Tim Berners Lee, n'est pas devenu riche. Aujourd'hui, cet Anglais de 44 ans dirige le Web Consortium, un organisme mondial qui continue à développer son bébé. Dans un livre tout juste paru aux Etats-Unis, «Weaving the Web» (En tissant la toile), il raconte comment, informaticien au Cern de Genève, le laboratoire européen de physique des particules, il a créé un simple système de documentation pour les chercheurs... devenu l'outil utilisé par 140 millions d'internautes.

 

Octobre 1990 : le Web a failli s'appeler "M0I"

 

En 1990, pour les informaticiens de mon espèce, le fonctionnement de notre centre de recherche, le Cern, à Genève, était difficile à comprendre. Un grand nombre d'informations cruciales n'existaient que dans la tête des chercheurs, soit 10 000 personnes dont la plupart ne mettaient que rarement les pieds au labo. Dans les années 80, j'avais écrit un programme, Enquire, qui associait par des liens informatiques les noms des chercheurs à leurs thèmes de travail ou aux types d'ordinateur qu'ils utilisaient. Mais j'avais une vision plus large : j'imaginais que toutes les informations stockées sur tous les ordina­teurs du monde pourraient être reliées entre elles et que chacune pourrait être identifiée par une adresse. Je pourrais alors demander à mon ordinateur de s'y rendre.

Le Cern souffrait aussi de la diversité de son équipement informatique. Il y avait des IBM des DEC, des Control Data, sans parler des micro-ordinateurs Mac ou PC. Là aussi, j'avais écrit un programme pour faciliter la communication entre ces machines. Mais le labo avait besoin de quelque chose de plus. Personnellement, je souhaitais accéder à toutes sortes d'informations-notes de chercheurs, modes d'emploi de certains logiciels ou comptes rendus de réunions.

A l'inverse, beaucoup de gens qui me posaient des questions auraient gagné du temps en consultant directement mes bases de données. Mon idée était de créer un système décentralisé, combinant mes premiers travaux sur les bases de données en hypertexte (du type de mon Enquire) et une procédure pour interconnecter les ordinateurs. N'importe qui pourrait l'utiliser - et l'alimenter - sans avoir à demander une autorisation d'accès.

Fin 1988, Internet entra dans ma vie. A l'époque, son utilisation était très complexe. Il fallait un logiciel pour se connecter à un autre ordinateur, puis un second pour accéder à l'information voulue. Souvent, un fichier envoyé puis rapatrié devenait illisible... Mais les protocoles d'Internet permet­taient d'interconnecter des ordinateurs en principe incapables de se parler. Je décidai donc de les utiliser.

En mars 1989, je soumis mon projet à la hiérarchie du Cern. Mais il ne se passera rien. Une nouvelle version, en mai 1990, termina elle aussi dans un tiroir. Malgré tout, je cherchais un nom pour mon système. «Mesh> (la maille du filet) ressemblait trop à «mess» (pagaille).

 

"Fin 1990, mes amis doutaient de l'avenir du Web"

 

Mine of Information», abrégé en MOI, sonnait trop égocentrique en français. Même problème avec «The Information Mine» qui, abrégé, donnait mon prénom, TIM. M'inspirant d'une image souvent employée en mathématiques pour décrire les réseaux, je finis parme décider, en octobre 1990, pour a World Wide Web», la toile mondiale. Mes amis du Cern se montrèrent formels. Avec son sigle, WWW, qui se prononçait en neuf syllabes, mon invention ne prendrait jamais.

 

Noël 1990 : naissance du premier site

 

J’avais pris contact avec des spécialistes de l'hypertexte, qui avaient déjà sorti des logiciels d'édition de documents, avec l'idée d'intégrer leurs produits au Web. Leur réaction ? «Trop compliqué». J'allais devoir développer le Web moi-même. La première étape fut d'écrire le logiciel pour créer des documents munis de liens hypertextes, dans un langage appelé < HTML», puis de définir la procédure permettant à un ordinateur de suivre, via Internet, ces passerelles vers une autre machine - c'est ce qu'on appelle l'«Hypertext Transfer Protocol» (HTTP). J'écrivis aussi l'< Universal Resource Identifier» (URI), le système qui attribue à chaque document son adresse. En novembre 1990, ce travail était terminé. Je conçus ensuite le premier programme serveur, le logiciel qui abrite des pages Web sur un ordinateur tout en permettant aux autres d'y accéder.

Bientôt, le premier site Web tournait sur l'ordinateur central du Cern sous le nom de info.cern.ch. J'y publiai aussitôt toutes les notes relatives à mon projet. Mon collègue belge du Cern, Robert Cailliau, s'acheta un ordinateur identique au mien (un NeXT,une machine imaginée par Steve Jobs). A Noël, le Web fonctionnait sur nos deux machines, qui communiquaient via Internet.

 

Juin 1991: un deuxième site en Californie

 

Dans mon esprit, le Web devait devenir beaucoup plus qu'un outil réservé aux scientifiques du Cern. Le principe fondamental, au contraire, était que tout document mis à disposition (texte, image, son ou base de données) soit accessible à n'importe qui depuis n'importe quel ordinateur. Et même qu'on puisse faire référence à ce document par un lien permettant à d'autres d'aller le consulter. Pour cela, il ne pouvait y avoir de contrôle centralisé. Les gens ont d'ailleurs eu du mal à comprendre que, derrière les protocoles qui permettaient au Web de fonctionner, il n'y avait... rien. Pas d'ordinateur central, pas de «siège social» du Web.

Mon protocole HTTP était suffisamment simple pour que la recherche d'information ressemble à une navigation rapide, du type «Je veux ce document»... «Le voilà !» La technique se mettait en place peu à peu, mais le projet n'était toujours pas officiel. Après tout, on ne me pavait pas pour créer le Web. En mars 1991, je confiai les programmes aux quelques chercheurs du Cern qui avaient, comme moi, des ordinateurs NeXT. Ils purent ainsi consulter et enrichir notre site. En mai, Paul Kunz, un chercheur de Stanford en visite au Cern, essaya lui aussi le Web. Conquis, il rentra en Californie avec le programme. Peu après, le premier site extérieur au Cern était né.

Cet enthousiasme nous incita, Robert Cailliau et moi, à rédiger une nouvelle présentation de nos recherches. Avec le secret espoir que, cette fois-ci, un responsable s'écrierait : «Quelle révolution ! Voici quatre programmeurs pour vous aider.> Mais nous n'avons pas eu cette chance. En août 1991, espérant toujours attirer l'attention des chercheurs, je publiai sur Internet le programme du Web, ainsi que mon logiciel de navigation («browser») rudimentaire et le mo d'emploi pour créer un serveur. Je reçus bientôt des e-mails me décrivant les «bugs» d'installation ou me faisant des suggestions. Parfois, le message disait seulement : «Salut, je viens d'ouvrir un site. Voilà l'adresse.» La planète s'emparait du Web : en juillet et août 1991, sur le serveur info.cern.ch, 100 pages étaient consultées chaque jour.

 

Automne 1992 : le premier musée virtuel

 

Début 1992, les physiciens du Cern, eux, n'utilisaient toujours pas mon invention. L'une des raisons était que notre browser ne fonctionnait que sur les ordinateurs NeT. Il fallait rendre compatible avec les autres systèmes d'exploitation (PC, Mac, Unix). Comme nous n'avions pas le temps de faire ce travail nous-même, cela devint une espèce de défi pour les étudiants en informatique un peu partout dans le monde.

 

"Début 1993, on comptait une cinquantaine de sites"

 

En mai 1992, Pei Wei, un étudiant de Berkeley, publia ainsi un programme appelé «ViolaWWW», très en avance sur son temps. Grâce à lui, les nombreux ordinateurs fonctionnant sous Unix accédaient enfin au Web. De son côté, Robert Cailliau conçut un « browser» pour Macintosh.

De nouveaux sites apparaissaient sans cesse. Je me souviens du premier «musée virtuel», consacré à la Rome de la Renaissance, et de l'atlas réalisé par un chercheur du Xerox Parc, dans la Silicon Valley. On pouvait zoomer sur les cartes - un grand classique aujourd'hui. Quant à notre site info.cern.ch, il recevait 1 000 visites par jour à l'automne 1992.

 

Avril 1993: ouf ! Le Web restera gratuit

 

En janvier 1993, le Web comptait une cinquantaine de sites. Partout dans le monde, les étudiants en informatique essayaient toujours de créer le meilleur browser. A l'université de l'Illinois (Etats-Unis), un certain Marc Andreesen (le futur fondateur de Netscape) restait branché en permanence sur les forums de discussion d'Internet consacrés au Web. Tout en ingurgitant des litres de café noir, il prenait en compte toutes les suggestions pour améliorer son propre logiciel de navigation. Le résultat de son travail, Mosaic, fut prêt en février 1993 et devint aussitôt très populaire. En mars, au cours d'une visite à l'université de l'Illinois, je m'aperçus même avec inquiétude que les chercheurs se présentaient comme les principaux promoteurs du Web.

Au même moment se produisit un événement crucial. L'université du Minnesota, qui possédait un système concurrent du Web, baptisé «Gopher», décida de faire payer les utilisateurs. Ce fut considéré comme une trahison, et « Gopher» s'effondra du jour au lendemain. Du coup, on commença à me demander si j'allais, moi aus­si, faire payer l'utilisation du Web. En réalité, les droits de ces logiciels appartenaient au Cern. Le 30 avril 1993, l'un de ses directeurs annonça que n'importe qui pouvait les employer pour créer un serveur ou un browser, sans contraintes ni royalties. Ouf !

 

1994 : le grand public s'empare du "système

 

J’avais maintenant en tête de créer un consortium pour continuer à développer le Web. J'avais engagé des discussions sur ce sujet avec le laboratoire d'informatique du Massachusetts Institute of Tcchnology (MIT), à Boston. Car le Web se passait de plus en plus de mon impul­sion. Le grand public s'en emparait. Les créateurs de sites ne prenaient plus la peine de m'informer. Fin 1993, on dénombrait plus de 200 serveurs. Les médias commençaient à s'y intéresser. Des «fournisseurs d'accès» permettaient désormais à leurs abonnés de se brancher sur Internet via les lignes de téléphone locales. L'étudiant de l'Illinois Marc Andreesen avait rencontré Jim Clark et fondé Mosaic Communications, devenue Netscape lors de leur déménagement en Californie, en avril 1994. Pour conquérir le marché, ils prirent une décision sans précédent: au lieu de vendre leur logiciel de navigation, ils le distribuèrent gratuitement par Internet.

On me demandait si, moi aussi, j'allais fonder ma start-up. Finalement, je n'ai pas fait du Web mon business personnel. Je voulais garder une vue d'ensemble sur le développement de mon « bébé» .Au début du mois de juillet 1994, je reçus le feu vert du MIT pour créer le consortium dont je rêvais. Le World Wide Web Consortium démarrerait dès le 1er septembre. Certains en Europe s'inquiétèrent: le Web partait vers l'Ouest, loin de ses racines. Pour moi, cela ne faisait aucun doute. Il fallait que je rejoigne le centre de gravité de l'Internet, et il était désormais aux Etats-Unis.

 

1999 Tim Berners-Lee (traduit par Frédéric Béghin)

 

1995-2000 : de l'essor du Web à la « new economy » américaine

Le nombre d'internautes a été multiplié par 100 depuis 1990. Un Américain sur quatre achètera en ligne en 2002.

 

A l'automne 1994, Internet n'était qu'une pro­messe :quelques centaines de sites Web et 30 millions d'utilisateurs dans le monde. II y a aujourd'hui 25 millions de sites pour 141 millions d'internautes, un chiffre qui devrait tripler d'ici à 2002. Cette explosion a fondé un nouveau secteur économique dominé par des jeunes entreprises. Le fournisseur d'accès AOL a 19 millions d'abonnés, l'annuaire Yahoo ! pèse 45 milliards de dollars en Bourse et le libraire Amazon incarne l'essor de l'i(e-commerce» : on estime que 65 millions d'Américains achèteront ~(en ligne» en 2002. Aux Etats-Unis, le Net est devenu le moteur d'une <new economy» dopée à la high-tech, avec plus de 2 millions d'emplois et un chiffre d'affaires de 507 milliards de dollars. Déjà plus que le transport aérien...