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Transfert n°14 mai 2001 Nous sommes tous des
cybercommunistes Pour Richard Barbrook, le Web réalise
les prédictions de Marx et d'Engels. C'est le «
cybercommunisme ». Derrière la formule choc, on trouve
une vraie philosophie du gratuit, de la coopération bénévole
et du droit d'auteur. Portrait d'un iconoclaste. Il est du genre à clore l'un de ses exposés,
dans un colloque sérieux, par : « Bon, on va passer aux
questions. mais. d'abord, je vais pisser. » Chemise
ouverte, tignasse frisée, casquette british vissée en
permanence sur une bille rigolarde, Richard Barbrook
aime à jouer les mauvais garçons. Un mauvais garçon
fier d'un de sa « bonne blague », comme il désigne lui-même
le manifeste qui l'a rendu célèbre : Cyber-communisne (1).
Avec jubilation, il a lancé ce beau pavé dans la mare,
en septembre 1999, au moment où les dollars euphoriques
de la nouvelle économie coulaient à flot : « Je
trouvais que tout le monde se prenait trop au sérieux,
se souvient Barbrook. On affirmait que l'Internet était
la place de marché parfaite. Alors, j'ai voulu écrire
un texte disant : qui l'eût cru ? L'outil le plus
perfectionné du communisme, l'lnternet, a été inventé
par les militaires américains ! » Dans ce texte, le
trublion soutenait due l'essor du Net était en train de
réaliser une prédiction marxiste : le capitalisme
donnait enfin naissance à un système apte à le détruire.
On imagine combien la thèse a fait grincer de dents,
outre-Atlantique. « C'était fait pour », jubile
Barbrook, arborant un sourire ironique, façon Mick
Jagger des années 60. Pourtant, à 44 ans - il en fait
15 de moins -, Barbrook n'appartient pas à la génération
des Stones, mais à celle des Sex Pistols, l'un de ses
groupes fétiches, qu'il a découvert sur scène quand il
avait douze ans. Derrière son titre provocateur,
Cybercommunism est un texte long, plutôt charnu et même
érudit, mêlant Rousseau, Marx, Saint-Simon et McLuhan.
Pas d'erreur : le professeur d'histoire des médias à la
très sérieuse université de Westminster, à Londres,
n'est pas un zozo, et son brûlot cache une vision
subtile. Sa théorie : le secteur économique le plus
important du Net échappe complètement aux marchands.
Les internautes passent le plus clair de leur surf à
faire des actes « gratuits » : envoyer des mails,
participer à des forums de discussions, créer des pages
web, mettre des fichiers MP3 sur Napster, etc. C'est
cette colossale dépense de temps, d'argent et d'énergie,
totalement gracieuse, ce « cybercommunisme », qui fait
l'essence du Net. Comme le Monsieur Jourdain de Molière,
qui fait de la prose sans s'en apercevoir, nous sommes
tous des communistes sur le Net ! « Si le HTML, les
sites, les navigateurs n'étaient pas gratuits, le Net
n'existerait pas, analyse Barbrook. La bêtise des libéraux,
c'est de croire qu'on ne sait ni parler ni agir sans
places de marché. Mais c'est exactement le contraire sur
le Net. » Et ça le fait bien rire, que le e-business,
le B2C et les grandes théories marchandes fassent un
flop. Et qu'on impute ce flop à une frilosité des
internautes : « Les gens ont désespérément envie de
donner. Ils supplient : lisez mon texte, prenez mon
fichier MP.3, il est meilleur que les autres ! » Et il
ajoute : « On pensait que la révolution, c'était la
Bastille ou les drapeaux rouges. Ce qui est radical,
aujourd'hui, c'est que cette révolution-là se fait
spontanément. sans concertation. Certains internautes.
qui tiennent un discours de libéraux de droite, chattent
tous les jours gratuitement ! » Le partage en héritage Mais quelle est donc cette rage de partager
qui prend l'humanité dès qu'elle arrive sur le Web ?
Barbrook ne prendrait-il pas ses idéalistes vessies pour
des lanternes ? Non. Selon lui, « les égoïsmes de
chacun sont comblés, car on reçoit toujours dix on
mille fois plu que l'on donne ». Pas seulement la
reconnaissance de nos camarades internautes ou
l'impression de participer à une aventure commune, mais
un réel bénéfice : quand on y songe, qu'est-ce que
mettre un fichier MP3 à disposition des internautes
quand on peut avoir accès aux millions de morceaux sur
le réseau Napster ? Pour Barbrook, nous avons hérité
cette obligation de partage des universitaires, les pères
du Web. Ce n'est pas qu'ils soient plus altruistes que
vous et moi, mais ils ont besoin de partager les
informations pour faire progresser leurs travaux. «
Pourquoi la recherche américaine était en avance sur la
recherche soviétique ?, interroge Barbrook. Parce que
les scientifiques étaient presque obligés de publier
leurs travaux, pour bénéficier de conseils et de l'aide
de leur confrères. En URSS, tout était cloisonné et
secret. » Travailleur du don Cette « économie du don »(2), théorisée
par ses idoles, les situationnistes, s'illustre de
multiples exemples. Ainsi, la coopération bénévole et
enthousiaste de milliers de programmeurs a fait de Linux
un programme plus performant et plus sûr que Microsoft.
Le code source du navigateur Netscape est désormais
accessible à tous. Et la dernière publicité d'Apple,
que Barbrook arbore comme un étendard, proclame que le
Mac est « né pour graver ». « Ils appellent littéralement
à faire de la copie pirate. Mais ils ne diraient pas ça
pour leur propres logiciels ! » Paradoxe ? Là où
certains verraient une contradiction du capitalisme,
Barbrook pointe une évolution : une « économie mixte
», qui mêlerait le marchand et le don, le payant et le
gratuit. II ne préconise, ni ne prédit, l'abolition du
marchand. Nous serions, en réalité, dans une période
de transition, incomprise par les entreprenautes, dont
l'absence de clairvoyance le navre. « Le problème des
start-up, c'est que les gens y travaillent à plein temps
! Ce qui fonctionne, c'est de faire de choses avec
passion, en hobby. » Et il juge complètement dépassée
la crispation sur le copyright des grosses majors américaines.
Il rit de leur obsession de tout sécuriser, tout
verrouiller et traquer les « pirates » de Napster, qui
ne se font pourtant pas un sou en distribuant le MP3 : «
Ce sont de capitalistes ultra-libéraux et soudain, quand
on touche au copyright, l'État devient le centre de leur
vie Quand ils attaquent Napster, ils nient
l'essence même de l'Internet. C'est zone fuite de la
modernité. » Quelle est cette modernité, selon lui ?
Le fait que chaque internaute soit à la fois émetteur
et récepteur d'informations, ce qu'il appelle un «
travailleur du don ». Le temps des spectateurs passifs,
attendant que le contenu copyrighté leur tombe tout cuit
dans le bec, est terminé. Mais ce n'est pas le Net qui a
sonné en premier 1e glas d'une conception étriquée du
droit. Barbrook souligne qu'on le trouve en germe dans
l'art contemporain, avec les collages de journaux par
Picasso, avec la récupération de l'imagerie
publicitaire par le Pop Art ou avec l'utilisation des
samples, ces « repiquages » de morceaux clés autres,
par le hip-hop ou la techno. « Pour moi, l'esprit du
Net, c'est le groupe Daft Punk, qui
sample des morceaux merdiques pour en faire de chansons géniales. (1) Voir http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00046.html (première des quatre parties du manifeste) (2) L'Économie du don high-teck, traduit en
français par Florent Latrive et Olivier Blondeau dans
Libres enfants du savoir numérique, éditions de l'Éclat,
2000 Cybercommunisme ou dotcommunisme ? Le terme « dotcommunisme » (postérieur à
celui de cybercommunisme) a été inventé par l'Américain
John Perry Barlow, ex-parolier du groupe américain
Grateful Dead et... frère ennemi de Richard Barbrook.
L'histoire remonte à 1996 : après la publication de la
célèbre Déclaration d'indépendance du cyberespace (3),
Barlow est auréolé d'une gloire immense dans le petit
monde du Web. Mais cela n'effraie pas Barbrook qui, bien
qu'encore inconnu, ose moquer, dans un texte cinglant (4),
les idées de l'intouchable fondateur de l'Electronic
Frontier Fondation. Il n'hésite pas à dire, alors, que
l'absence de réglementation et d'intervention de l'État
sur l'Internet, prônée par Barlow et ses thuriféraires
(du magazine américain Wired, notamment), s'apparente à
un ultra-libéralisme à l'ancienne. Selon Barbrook,
cette liberté est surtout la possibilité pour une «
aristocratie high-tech », riche et blanche, de s'arroger
le Réseau, laissant le reste de la population sur le
bord du chemin. Le militant travailliste Barbrook (très
peu blairiste et pas du tout communiste) estime qu'il est
du devoir de l'État de permette à tous d'avoir accès
au Net. Un joli tour de force pour un penseur anglo-saxon
! Naturellement, Brabrook s'attire les épitaphes
condescendantes de la presse américaine, le jugeant désespérément
étatiste, passéiste et rabat-joie. Mais, depuis, Barlow
semble, avec son dotcommunisme, avoir mis un peu de
Barbrook dans son vin... (3) Voir http://www.freescape.eu.org/eclat/lpartie/Barlow/barlowtxt.html (4) La liberté de l'hypermédia, dans Libres enfants du savoir numérique, op cit. |
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