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La Crise de la culture
Hannah Arendt
La Crise de la culture [Poche] Hannah Arendt Éditeur : Gallimard (4 avril 1989) Collection : Folio ISBN-10: 2070325032
La Crise de la culture (titre original Between Past and Future) est un ouvrage d’Hannah Arendt. La première édition, parue en 1961, était composée de six essais. La traduction française est fondée sur la deuxième édition, parue en 1968 et composée de huit essais complétés d'une importante préface...
2 catégories d'extraits, tout d'abord en rapport avec la brèche du temps entre le passé et le futur, voir à ce sujet les Feuillets d'Hypnos de René Char sur ce même site, puis en rapport avec l'éducation.
Extrait de la préface « l'homme dans la pleine réalité de son être concret vit dans cette
brèche du temps entre le passé et le futur. ...
V. La crise de l'éducation … C'est un fait que, en Amérique, l'éducation joue un rôle différent, et politiquement incomparablement plus important, que celui qu'elle joue dans d'autres pays. Cela s'explique techniquement par le fait que l'Amérique a toujours été un pays d'immigration; il est clair que c'est seulement par la scolarisation, l'éducation et l'américanisation des enfants d'immigrants que l'on peut tenir cette gageure de fondre les groupes ethniques les plus divers en un seul peuple; gageure jamais tout à fait réussie, mais réussissant toujours au-delà de toute attente. Pour la plupart des enfants d'immigrants, l'anglais n'est pas la langue maternelle et doit donc être appris en classe, par suite, il est évident que les écoles ont à jouer un rôle qui, dans toute autre nation, serait naturellement assuré par les parents. ... Pour l'Amérique, la devise inscrite sur chaque dollar Novus Ordo Saeclorum – Un Nouvel Ordre du Monde – a toujours été le facteur déterminant ... nulle part les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité et nulle part ailleurs les théories pédagogiques les plus modernes n'ont été acceptées de façon si servile et si peu critique. Ainsi, la crise de l'éducation en Amérique annonce d'une part la faillite des méthodes modernes d'éducation et d'autre part pose un problème extrêmement difficile car cette crise a surgi au sein d'une société de masse et en réponse à ses exigences, … Puisque la scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, chaque enfant doit entrer au lycée, et le lycée, par conséquent, n'est au fond qu'une sorte de prolongement de l'école primaire. Il résulte de ce manque d'enseignement secondaire que la préparation à l'enseignement supérieur doit être assurée par les facultés elles-mêmes, dont les programmes sont donc toujours surchargés, ce qui se répercute sur la qualité même du travail qu'on y fait. … Car en Angleterre a été institué pour les élèves de onze ans, à la fin des études primaires, le redoutable examen qui ne conserve que dix pour cent environ d'élèves aptes à poursuivre des études. Même en Angleterre, la rigueur de cette sélection n'a pas été acceptée sans susciter des protestations; en Amérique, cela eût été tout simplement impossible. L'Angleterre tend à instaurer une «méritocratie », ce qui revient clairement à établir une oligarchie, fondée cette fois non plus sur la richesse ou la naissance mais sur les aptitudes. Mais quand bien même les Anglais n'en seraient pas tout à fait conscients, cela signifie que, même sous un gouvernement socialiste, leur pays continuera à être gouverné comme il l'a toujours été depuis des temps immémoriaux, c'est-à-dire non pas comme une monarchie ni comme une démocratie, mais bien comme une oligarchie ou une aristocratie, … Ainsi, en Amérique, ce qui rend la crise d'éducation si aiguë, c'est le caractère politique de ce pays, qui, de lui-même, se bat pour égaliser ou effacer, autant que possible, la différence entre jeunes et vieux, doués et non doués, c'est-à-dire finalement entre enfants et adultes et en particulier entre professeurs et élèves. Il est évident que ce nivellement ne peut se faire qu'aux dépens de l'autorité du professeur et au détriment des élèves les plus doués. … Quant à l'enfant dans ce groupe, il est bien entendu dans une situation pire qu'avant, car l'autorité d'un groupe, fût-ce un groupe d'enfants, est toujours beaucoup plus forte et beaucoup plus tyrannique que celle d'un individu, si sévère soit-il. … la pédagogie est devenue une science de l'enseignement en général, au point de s'affranchir complètement de la matière à enseigner. … Puisque le professeur n'a· pas besoin de connaître sa propre discipline, il arrive fréquemment qu'il en sait à peine plus que ses élèves. En conséquence, cela ne veut pas seulement dire que les élèves doivent se tirer d'affaire par leurs propres moyens, mais que désormais l'on tarit la source la plus légitime de l'autorité du professeur, qui, quoi qu'on en pense, est encore celui qui en sait le plus et qui est le plus compétent. Ainsi le professeur non autoritaire qui, comptant sur l'autorité que lui confère sa compétence, voudrait s'abstenir de toute méthode de coercition, ne peut plus exister. … L'intention avouée n'était pas d'enseigner un savoir, mais d'inculquer un savoir-faire: le résultat fut une sorte de transformation des collèges d'enseignement général en instituts professionnels qui ont remporté autant de succès quand il s'est agi d'apprendre à conduire une voiture, à taper à la machine, ou - plus important encore pour 1'« art de vivre» - à se bien comporter en société et à être populaire, qu'ils ont récolté d'échecs quand il s'est agi d'inculquer aux enfants les connaissances requises par un programme d'études normal. … L'enseignement des langues illustre directement le lien étroit entre ces deux points; la substitution du faire à l'apprendre et du jeu au travail … il est parfaitement clair que cette méthode cherche délibérément à maintenir, autant que possible, l'enfant plus âgé au niveau infantile. Ce qui précisément devrait préparer l'enfant au monde des adultes, l'habitude acquise peu à peu de travailler au lieu de jouer est supprimée au profit de l'autonomie du monde de l'enfance. Quel que soit le lien qui existe entre le faire et le savoir, ou quelle que soit la valeur de la formule pragmatique, l'application de celle-ci à l'éducation, c'est-à-dire à la façon dont l'enfant apprend, tend à faire du monde de l'enfance un absolu, exactement comme nous l'avions remarqué dans le cas de la première idée de base. Ici également, sous prétexte de respecter l'indépendance de l'enfant, on l'exclut du monde des adultes pour le maintenir artificiellement dans le sien, … on rétablira une fois de plus l'autorité dans l'enseignement; on ne jouera plus pendant les heures de classe et on fera de nouveau du travail sérieux; on mettra l'accent non plus sur les activités extra-scolaires, mais sur les matières du programme. Enfin on parle même de modifier les programmes actuels de formation des professeurs qui devront eux-mêmes apprendre quelque chose avant d'être lâchés auprès des enfants. … Puisque l'enfant a besoin d'être protégé contre le monde, sa place traditionnelle est au sein de la famille. C'est là qu'à l'abri de quatre murs les adultes reviennent chaque jour du monde extérieur et se retranchent dans la sécurité de la vie privée. Ces quatre murs à l'abri desquels se déroule la vie de famille constituent un rempart contre le monde et en particulier contre l'aspect public du monde. Ils délimitent un endroit sûr sans lequel aucune chose vivante ne peut prospérer. Cela est valable non seulement pour la vie de l'enfant, mais pour la vie humaine en général partout où cette dernière est constamment exposée au monde sans la protection de l'intimité et la sécurité privée, sa qualité vitale est détruite. Dans le monde public, commun à tous, les personnes comptent, et aussi l'œuvre, c'est-à- dire l'œuvre de nos mains par laquelle chacun de nous contribue à notre monde commun, mais là, la vie en tant que vie ne compte pas: le monde ne peut pas s'y intéresser et elle doit s'en cacher et s'en protéger. Toute vie, et non seulement la vie végétative, émerge de l'obscurité, et si forte que soit sa tendance naturelle à se mettre en lumière, a néanmoins besoin de la sécurité, de l'obscurité pour parvenir à maturité. C'est peut-être ce qui explique que si souvent les enfants de parents célèbres tournent mal, la célébrité s'insinue entre les quatre murs, envahit le domaine privé, apportant avec elle, surtout dans les conditions actuelles, la lumière impitoyable du domaine public, qui vient inonder toute la vie privée de ceux-ci … Les derniers à être touchés par ce processus d'émancipation furent les enfants et ce qui justement pour les femmes et les travailleurs avait signifié une véritable libération - car ce n'étaient pas seulement des femmes et des travailleurs, mais aussi des personnes, qui pouvaient donc prétendre légitimement accéder au monde public, c'est-à-dire avaient le droit de regard sur lui et de s'y faire voir, d'y parler et d'y être entendus - fut un abandon et une trahison dans le cas des enfants qui sont encore au stade où le simple fait de vivre et de grandir a plus d'importance que le facteur de la personnalité. Plus la société moderne supprime la différence entre ce qui est privé et ce qui est public, entre ce qui ne peut s'épanouir qu'à l'ombre et ce qui demande à être montré à tous dans la pleine lumière du monde public, autrement dit plus la société intercale entre le public et le privé une sphère sociale où le privé est rendu public et vice versa, plus elle rend les choses difficiles à ses enfants qui par nature ont besoin d'un abri sûr pour grandir sans être dérangés. … Normalement, c'est à l'école que l'enfant fait sa première entrée dans le monde. Or, l'école n'est en aucune façon le monde, et ne doit pas se donner pour tel; c'est plutôt l'institution qui s'intercale entre le monde et le domaine privé que constitue le foyer pour permettre la transition entre la famille et le monde. C'est l'État, c'est-à-dire ce qui est public, et non la famille, qui impose la scolarité, et ainsi, par rapport à l'enfant, l'école représente le monde, bien qu'elle ne le soit pas vraiment. … Qui refuse d'assumer cette responsabilité du monde ne devrait ni avoir d'enfant, ni avoir le droit de prendre part à leur éducation. Dans le cas de l'éducation, la responsabilité du monde prend la forme de l'autorité. L'autorité de l'éducateur et les compétences du professeur ne sont pas la même chose. Quoiqu'il n'y ait pas d'autorité sans une certaine compétence, celle-ci, si élevée soit-elle, ne saurait jamais engendrer d'elle-même l'autorité. La compétence du professeur consiste à connaître le monde et à pouvoir transmettre cette connaissance aux autres, mais son autorité se fonde sur son rôle de responsable du monde. Vis-à-vis de l'enfant, c'est un peu comme s'il était un représentant de tous les adultes, qui lui signalerait les choses en lui disant: «Voici notre monde.» … L'autorité a été abolie par les adultes et cela ne peut que signifier une chose: que les adultes refusent d'assumer la responsabilité du monde dans lequel ils ont placé les enfants. … c'est-à-dire à la fois la nature de la crise actuelle de l'autorité et la nature de notre pensée politique traditionnelle - implique que la disparition de l'autorité qui se manifesta d'abord dans le domaine politique s'achève dans le. domaine privé ; et ce n'est pas un hasard si l'endroit ou l'autorité politique a d'abord été ébranlée, à savoir l'Amérique, est aussi celui où la crise actuelle de l'éducation se fait le plus fortement sentir. … C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : «En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort. » … car le monde, dans ses grandes lignes comme dans ses moindres détails, serait irrévocablement livré à l'action destructrice du temps sans l'intervention d'êtres humains décidés à modifier le cours des choses et à créer du neuf. … C'est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l'éducation doit être conservatrice; elle doit protéger cette nouveauté et l'introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux qui, si révolutionnaires que puissent être ses actes, est, du point de vue de la génération suivante, suranné et proche de la ruine. … Pour l'éducateur cet aspect de la crise est particulièrement difficile à porter, car il lui appartient de faire le lien entre l'ancien et le nouveau : sa profession exige de lui un immense respect du passé. Pendant des siècles, c'est-à-dire tout au long de la période de civilisation romano-chrétienne, il n'avait pas à s'aviser qu'il possédait cette qualité, car le respect du passé était un trait essentiel de l'esprit romain et le Christianisme n'a ni modifié ni supprimé cela, mais l'a simplement établi sur de nouvelles bases … Nous devons fermement séparer le domaine de l'éducation des autres domaines, et surtout celui de la vie politique et publique. Et c'est au seul domaine de l'éducation que nous devons appliquer une notion d'autorité et une attitude envers le passé qui lui conviennent, mais qui n'ont pas une valeur générale et ne doivent pas prétendre détenir une valeur générale dans le monde des adultes. En pratique, il en résulte que, premièrement, il faudrait bien comprendre que le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde, et non pas leur inculquer l'art de vivre. Étant donné que le monde est vieux, toujours plus vieux qu'eux, le fait d'apprendre est inévitablement tourné vers le passé, sans tenir compte de la proportion de notre vie qui sera consacrée au présent. Deuxièmement, la ligne qui sépare les enfants des adultes devrait signifier qu'on ne peut ni éduquer les adultes ni traiter les enfants comme de grandes personnes. Mais il ne faudrait jamais laisser cette ligne devenir un mur qui isole les enfants de la communauté des adultes, … Mais à l'éducation, dans la mesure ou, elle se distingue du fait d'apprendre, on doit pouvoir assigner un terme. Dans notre civilisation, ce terme coïncide probablement avec l'obtention du premier diplôme supérieur (plutôt qu'avec le diplôme de fin d'études secondaires) [Respectivement: graduation tram college et graduation from high school (N.d. T.)] car la préparation à la vie professionnelle dans les universités ou les instituts techniques, bien qu'elle ait toujours quelque chose à voir avec l'éducation, n'en est pas moins une sorte de spécialisation. … FIN DES EXTRAITS |
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