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Toute la vérité sur la
"grande gueule"
Pascal Perrichon, dit Perri
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Toute la vérité
sur la "grande gueule" Pascal Perrichon,
dit Perri
source image
1959 : naissance
???? : études de droit
???? : journaliste à RFO jusqu'en 1997
1997 : remplace quelqu'un de sa famille malade à la tête de l'entreprise "Pain et Force" marque "Panichaude"
2000 : février, vente de l'entreprise "Pain et Force" au fonds d'investissement américain "Plantagenet Capital"
2001 : présenté à Jean-Charles Corbet par un ami, il intègre l'équipe dirigeante d'Holco, holding mis en place et dirigé par Jean-Charles Corbet qui avait accepté de reprendre la société Air Lib le 27 juillet 2001. Perrichon est directeur de cabinet du président d'Holco, directeur de la communication, responsable des opérations vers l'Algérie et responsable des relations avec les élus des DOM. (*) (**)
2003 : le 17 février le tribunal de commerce de Créteil prononçait la mise en liquidation judiciaire de la société d'exploitation AOM-Air Liberté, communément appelée Air Lib. (**)
2003 : mars, le tribunal de commerce de Charleville-Mézières (Ardennes) a prononcé la liquidation de la société "Pain et Force"
2005 : création d'une petite entreprise, SARL PNC MARKETING SERVICES, activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion (chiffre d'affaires en 2012 : 142 500 €)
2006 ; thèse de géographie à l'Université de Perpignan sous le titre "Du monopole pur et dur aux compagnies low cost : quand le ciel s'est ouvert"
2006 : grâce à Jacques Maillot, le fondateur de Nouvelles frontières, il intègre l'émission les « Grandes gueules » de la radio RMC
(*)
Rémunération de Pascal Perrichon, dit Perri pour 17
mois : 219 867 euros bruts. Pascal Perrichon indique
avoir déclaré à l'administration fiscale environ
140 000 euros en 2002, soit plus que le chiffre
d'affaires 2011 de sa petite société PNC, 127 600 €.
Les pièces comptables d'Holco SAS indiquent qu'entre le 1er août 2001 et le 31
décembre 2002, les rémunérations des dirigeants d'Holco se sont
élevées à 2,685 millions d'euros, soit 2,437 millions d'euros
nets imposables.
Elles ont été réparties, pour l'essentiel entre quatre
personnes, de la manière suivante :
Jean-Charles Corbet,
président : 1 337 127 euros bruts
François
Bachelet, directeur général : 491 989 euros bruts
Alain Bardi, secrétaire général : 522 648 euros
bruts
Pascal Perrichon, dit Perri, directeur de cabinet :
219 867 euros bruts, dont une prime de 50 648 euros, soit
185 287 euros nets, auxquels se sont ajoutés 18 353 euros de
notes de frais.
(**) La Cour de cassation le 30 juin 2010 a condamné Jean-Charles Corbet - dont Pascal Perrichon était le directeur de cabinet - pour abus de confiance, abus de biens sociaux, à quatre ans d'emprisonnement, dont trente mois avec sursis, 300 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer. [Cour de cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 30 juin 2010 contre l'arrêt de la cour d'appel de Z..., 9e chambre, en date du 27 février 2009, qui a condamné Jean-Charles X..., pour abus de confiance, abus de biens sociaux, à quatre ans d'emprisonnement, dont trente mois avec sursis, 300 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, Yves Y..., pour complicité d'abus de confiance, complicité d'abus de biens sociaux et recel, à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, 300 000 euros d'amende, deux ans d'interdiction professionnelle, Christian Z..., pour recel, à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, et statuant sur les intérêts civils, l'a condamné solidairement avec Jean-Charles X... à payer aux sociétés Sairgroup et Sairlines à titre de dommages-intérêts la somme de 50 000 euros, et à MM. K... et L... es-qualités, à titre de dommages-intérêts la somme de 14 140 000 euros sauf à déduire le montant des sommes séquestrées et libérées au profit de la partie civile]
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Il participe au think tank libéral fondapol.
Il réalise une étude en 2005 pour la direction du Tourisme sous le titre : "Impact des compagnies aériennes "low cost" sur les prix de l'immobilier : cas du Limousin, de la Dordogne, et de l'Aude".
Il est auditionné pour le rapport de Charles Beigbeder intitulé "LE «LOW COST» : Un levier pour le pouvoir d’achat" remis en 2007 au Secrétaire d’Etat chargé de la Consommation et du Tourisme.
Il participe en 2009 aux États Généraux de l’Outre-Mer dans l’Hexagone, à l'atelier local "la formation de prix, les circuits de distribution et le pouvoir d'achat" dont il est co-rapporteur avec Guy NUMA l'un des 32 rapporteur(e)s.
Cercle d'amis ou réseau
Jacques Maillot
Charles Beigbeder
George Lewi
Jean-Paul Tréguer
Philippe Mangin
Guy Numa
Livres
Auteur de livres comme : "SNCF: un scandale français", "EDF, les dessous du scandale", "Ne tirez pas sur le foot" etc.
Livre interdit à la vente
"Rien
que pour vos y€ux" chez Carriere
Juin 2013 : "ordre de retrait et de
cessation définitive de
commercialisation" du livre après la
plainte de la coopérative Atol, le titre
du livre étant une marque déposée depuis
janvier 1997.
Bizarrerie
Confusion des 2 livres suivants :
Le Viol au Masculin, 1988, l'Harmattan de Daniel Welzer-Lang
Liban : Le complot, l'Harmattan de Perri et Rahim Hijadi
Même isbn : 2-7384-0225-9
Sur amazon ou google book ce qui apparaît réellement c’est le livre de Daniel Welzer-Lang, Le Viol au Masculin, Paris, 1988, l'Harmattan. Isbn 2-7384-0225-9
autre exemple http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?isbn=2738402259
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Pascal Perri « grande gueule » de RMC : L'union l'Ardennais
Les 32 rapporteur(e)s thématiques des États généraux de l’outre mer dans l’Hexagone
Liban : le complot : [roman] confusion de 2 livres !!!
Rapport Beigbeder : LE «LOW COST» : Un levier pour le pouvoir d’achat
Qui se cache derrière le prof perri de rmc
Vente de Pain et force à Plantagenet capital
Exclusif - Peyrard versus Perri : Atol obtient le retrait du livre " Rien que pour vos yeux "
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http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r0906-t2-7.asp#TopOfPage
N° 906
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin
2003.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur les causes économiques et financières de la disparitition
d'AIR LIB
Président
M. Patrick OLLIER
Rapporteur
M. Charles de COURSON
Députés.
--
TOME II
AUDITIONS
(7ème partie)
(1) La composition de cette commission figure au verso de la
présente page.
Entreprises
TOME SECOND
SOMMAIRE DES AUDITIONS
Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des
séances tenues par la Commission
Début des auditions
Mercredi 28 mai :
- M. Jean-Claude Gayssot, ancien ministre de l'équipement, des
transports et du logement
- M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à
la mer
Mercredi 4juin :
- M. Pascal Perri, directeur de cabinet de M. Jean-Charles
Corbet
Audition de M. Jean-Claude Gayssot
ancien ministre de l'équipement, des transports, du logement
Procès-verbal de la séance du 27 mai 2003
Présidence de M. Patrick Ollier, Président
Audition de M. Pascal Perri1,
directeur de cabinet de M. Jean-Charles Corbet
Procès-verbal de la séance du 4 juin 2003
Présidence de M. Xavier de Roux, vice-président
Le témoin est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives
relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A
l'invitation du Président, le témoin prête serment.
M. le Président : Vous avez été directeur de cabinet du
président d'Holco en 2001 et 2002, ce qui vous a conduit à vivre
de l'intérieur l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler
l'aventure d'Air Lib.
Nous souhaiterions que vous nous indiquiez ce qu'a été votre
rôle et ce que vous avez su de cette affaire pendant l'exercice
de vos fonctions. Ensuite, nous vous poserons quelques
questions.
M. Pascal PERRI : Je me suis demandé si notre réunion
d'aujourd'hui aurait bien lieu puisqu'à la lecture du Règlement
de l'Assemblée nationale, il apparaît que les travaux de la
commission doivent s'interrompre lorsqu'une procédure judiciaire
est engagée. Est-ce exact ?
M. le Président : Aujourd'hui, aucune procédure ne nous a été
notifiée.
M. Pascal PERRI : Il s'agit donc probablement d'une procédure
plutôt à caractère fiscal puisque l'ensemble des opérateurs du
groupe Holco, dirigeants, avocats et administrateurs, ont fait
l'objet d'une perquisition fiscale hier matin. Je me demandais
si cela pouvait avoir une incidence sur la réunion
d'aujourd'hui. Elle n'en a pas, et c'est parfait.
M. le Président : La Chancellerie est parfaitement au courant de
nos travaux. La procédure est que la Chancellerie notifiera, le
cas échéant, au Président de l'Assemblée nationale l'ouverture
d'une information judiciaire, ce qui n'est, à cette heure et
aujourd'hui, pas le cas.
M. Pascal PERRI : Très bien.
Vous souhaitez donc que je vous expose mon point de vue sur les
causes de la disparition d'Air Lib et l'utilisation de l'argent
public.
M. le Président : Exactement !
M. Pascal PERRI : Je crois que les causes de la disparition
d'Air Lib sont de trois ordres.
Le premier élément est incontestablement le fait que nous avons
repris - mes propos porteront sur la période suivant le
1er septembre 2001, date de mon arrivée - deux entreprises qui
étaient en situation de coma dépassé. Un peu plus de 6 milliards
de francs de déficit d'exploitation en un an ; c'était vraiment
une très mauvaise performance économique. Les anciens
actionnaires, qu'il s'agisse de Swissair, l'opérateur qui avait
la responsabilité opérationnelle de l'entreprise, ou de
l'actionnaire majoritaire, le groupe Marine Wendel, portent à
mon sens une très lourde responsabilité dans la situation de ces
deux entreprises telles que nous l'avons trouvée en
août - septembre 2001.
Dans ces entreprises -c'est important pour un transporteur
aérien-, les travaux de maintenance n'étaient plus faits, le
programme d'hiver qui démarre au mois d'octobre n'était pas
déposé dans les ordinateurs. Tout semblait montrer que l'on
s'était arrangé pour tirer un rideau définitif sur les
entreprises AOM et Air Liberté.
Evidemment, nous avons repris ces entreprises dans ce contexte.
Lorsque nous sommes arrivés, il y avait 5 % de passagers dans
les avions.
Le premier travail a été de redonner confiance, un tant soit
peu, de convaincre les différents opérateurs du marché, les
agents de voyage, les consommateurs que le projet que nous
portions était susceptible de s'imposer sur le marché.
De façon connexe, la défaillance de Swissair a été la première
grande cause des difficultés de cette entreprise. Pour ma part,
j'ai fait réaliser une étude complète par l'institut TNS Média
Intelligence, fusion de deux entreprises connues dans le domaine
des études d'opinion, la SOFRES et Taylor, une entreprise
britannique. Je l'ai fait réaliser, puisqu'en plus de mes
fonctions en tant que directeur de cabinet auprès de M. Corbet,
j'étais avant toute chose le porte-parole de la compagnie. Bien
sûr, la résonance médiatique faite autour de l'entreprise
m'intéressait au premier chef.
Cette analyse a été réalisée sur une période de cinq mois, du
1er juillet au 30 novembre 2001. Après étude des articles
publiés dans la presse pendant toute cette période, des
reportages à la radio et à la télévision, l'objectif était de
mesurer l'impact de la défaillance de Swissair, autrement dit,
ce que cela a coûté à l'entreprise en termes commercial et de
crédibilité. Je tiens cette étude à votre disposition. Elle
montre que les appréciations négatives du public sont liées de
façon récurrente d'abord à l'image négative de Swissair et
ensuite, à sa défaillance.
Y a-t-il là un vrai lien avec les difficultés de l'entreprise ?
Je le crois parce qu'une entreprise de transport aérien se
caractérise par un fort volume et de petites marges.
L'entreprise est en contact direct avec le public. Auriez-vous
pris vous-même les avions d'Air Lib en écoutant chaque matin à
la radio que la défaillance de Swissair pouvait avoir des
incidences définitives sur la vie de la nouvelle entreprise Air
Lib ? Auriez-vous pris le risque de réserver sur Air Lib pour
l'été prochain un voyage aux Antilles ? Cette défaillance très
largement et lourdement médiatisée a été, à mon sens,
extrêmement lourde à porter pour l'entreprise.
De plus, elle a privé Air Lib d'une contribution de 60 millions
d'euros. Quand on fait les comptes, et il faut les faire selon
un calendrier glissant, au moment où ces 60 millions d'euros
auraient dû être versés, ils étaient suffisant à l'entreprise
pour honorer ses engagements, suffisants pour reconstruire sa
réputation sur le marché et poursuivre son offensive commerciale
de reconquête.
M. le Président : Vous estimez le besoin de fonds propres d'Air
Lib à 60 millions d'euros à cette époque ?
M. Pascal PERRI : Je pense que les 60 millions d'euros nous
auraient permis de faire face à nos engagements.
La question des fonds propres est plus large. Je ne suis pas
financier, mais je comprends ce dont il s'agit. Il est évident
que ce manque à gagner, ces 60 millions de trésorerie que
l'entreprise a perdus ont eu des conséquences en série. Après la
diffusion des informations parues dans la presse en octobre sur
la défaillance de Swissair, après les déclarations de M. Corti,
qui, parmi les établissements bancaires ou financiers de la
place, aurait eu le culot de prêter le moindre centime à Air
Lib ?
Rappelons que, de surcroît, nous sommes en situation
post-traumatique. Le transport aérien a été très durement
impacté par le 11 septembre.
Deuxième croc en jambe, deux ou trois semaines plus tard, nous
apprenons que celui qui avait ruiné Swissair - 6 milliards de
francs de déficit d'exploitation en un an - est défaillant.
Naturellement, c'étaient deux très mauvaises informations pour
l'image d'Air Lib. Je pense que c'est la première grande cause
des difficultés rencontrées par l'entreprise.
La deuxième cause est la campagne menée contre Air Lib au moment
de l'alternance. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Dominique
Bussereau bien avant son arrivée rue du Bac, comme secrétaire
d'Etat chargé des transports. J'avais eu avec lui des
conversations privées au congrès de l'UMP à Toulouse où j'avais
été invité à présenter un exposé sur les enjeux du transport
aérien pour l'outre-mer. Ensuite, lors d'entretiens personnels à
l'Assemblée nationale, j'avais compris que M. Bussereau
nourrissait à l'égard de la compagnie et de ses dirigeants un
très fort ressentiment. Je ne sais pas d'ailleurs pas pourquoi.
Il faut constater que dès son arrivée au secrétariat d'Etat,
nous avons eu droit, là encore en termes d'image -je souhaite
vous parler de sujets que je maîtrise parfaitement- à une série
de déclarations qui ont ébranlé probablement les consommateurs
et qui ont jeté le discrédit sur la compagnie. Comment
fallait-il comprendre ses déclarations sur la fin de la récré,
sur la fin du Père Noël, sur ses chantages permanents à la
licence ? J'observe que nos vraies difficultés ont commencé au
moment où nous lancions sur le marché, notamment le produit Air
Lib Express qui rencontrait un incontestable succès commercial.
Les déclarations se sont multipliées pour aboutir à une série
d'ultimatum, de dates butoirs : sept dates butoirs au cours des
quatre derniers mois de la vie d'Air Lib. Il était difficile de
faire remonter du monde dans nos avions dans un contexte aussi
défavorable.
La troisième raison est aussi simplement la culture de ces
entreprises. Nous sommes tous le produit individuel et collectif
de notre histoire. AOM et Air Liberté, c'était plus de
150 accords collectifs qui se superposaient. Un véritable
millefeuille social ! Nous avons trouvé en face de nous des
interlocuteurs syndicaux parfois très minoritaires, mais
néanmoins très bavards. A mon sens, ils ont aussi brouillé
l'image de l'entreprise.
Vous avez vraisemblablement reçu certains d'entre eux. Dans une
entreprise comme dans une société, il y a des règles : la règle
de la démocratie, la règle du vote. Je n'ai pas fait voter les
salariés, j'ai simplement constaté que la CFDT qui était ultra
majoritaire au comité d'entreprise n'était pratiquement jamais
entendue, peut-être parce qu'elle défendait les projets
économiques et industriels de la direction sans vraiment faire
de la cogestion. En revanche, je lisais beaucoup dans la presse
les déclarations d'un certain nombre de petits syndicats -il n'y
a aucun mépris dans ce que je dis-, de petits responsables
syndicaux dont certains ont été probablement reçus par vous, qui
ne représentaient qu'eux-mêmes et qui jetaient la suspicion et
sur les dirigeants de l'entreprise et sur la stratégie de
l'entreprise.
Et pourtant, les chiffres sont têtus. Au mois d'août de l'année
dernière, nous étions à 3 millions d'euros de l'équilibre, ce
qui est plutôt bien pour une entreprise qui revient d'un coma
dépassé. Air Lib Express avait de bons résultats. Nous
cherchions à consolider notre position sur l'outre-mer, sur
l'Algérie. Nous lisions jour après jour dans la presse des
déclarations de responsables de syndicats de pilotes, de
syndicats généralistes qui jetaient la suspicion sur les
dirigeants de l'entreprise et sur la politique menée.
Pour être sensible à toutes ces questions liées à l'information
et à l'image, je sais combien il y est difficile de faire face
dans une activité qui est en prise directe avec le public.
Il n'y a évidemment aucune comparaison possible, mais
qu'arrive-t-il aujourd'hui au président du CSA ? Les gens l'ont
jeté en pâture. Je suis certain qu'il ne s'est jamais rien passé
dans sa vie, mais sa vie est à jamais marquée par ce qui a été
dit ou écrit. Nous vivons dans une société où l'image commande.
En ce qui nous concerne, nous avons dû faire face à ce type de
procès médiatique pendant des mois et des mois.
Nous avons vérifié que l'impact de cette communication négative
au cours des derniers mois de l'entreprise lui a coûté une
moins-value en termes de trésorerie estimée à 50 millions
d'euros.
M. le Président : Vous dites que lorsque l'entreprise a été
reprise, elle avait 6 milliards de déficit.
M. Pascal PERRI : Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que le déficit
d'exploitation d'AOM - Air Liberté sur une année avait été de
6 milliards. Nous étions dans le cadre d'une procédure
collective, le plan de cession avait remis les compteurs à zéro.
M. le Président : Je veux dire que vous aviez l'exemple d'un
déficit massif de l'entreprise qui, auparavant, l'avait conduite
au tribunal de commerce. A votre avis, quels étaient les moyens
financiers à mettre en oeuvre à ce moment-là pour reprendre
l'entreprise ? Autrement dit, l'entreprise était-elle reprenable ?
M. Pascal PERRI : Je pense que l'entreprise était reprenable si
les Suisses avaient effectivement tenu leurs engagements
jusqu'au bout.
M. le Président : Ils ont tenu une partie de leurs engagements.
M. Pascal PERRI : Mais il a manqué beaucoup de ces engagements
et la rupture d'engagement, la défaillance est intervenue très
rapidement.
M. le Président : Cela veut dire que le montant des fonds
nécessaires à la reprise d'Air Lib, c'était la contribution
versée par Swissair !?
M. Pascal PERRI : Si les Suisses avaient tenu leurs engagements
jusqu'à leur terme, nous aurions été dans une position
vraisemblablement plus confortable pour consolider un tour de
table avec d'autres actionnaires. Il me semble que la
défaillance des Suisses, en plus des conséquences du
11 septembre, a découragé tous ceux qui pouvaient s'intéresser à
ce dossier.
Une fois encore, je ne gérais pas les finances de l'entreprise,
mais il me semble que c'est cette défaillance qui est à
l'origine d'une vraie perte de chance pour l'entreprise Air Lib.
M. le Président : Autrement dit, le plan de reprise reposait à
l'origine sur l'indemnité Swissair ?
M. Pascal PERRI : Sur la contribution volontaire des Suisses.
C'est ce que j'ai compris en lisant les éléments du plan de
cession. En effet, la contribution de Swissair était un élément
essentiel. J'ai toujours entendu dire par Jean-Charles Corbet
qu'il ne se serait jamais lancé dans cette aventure s'il n'avait
pas eu la certitude de cet apport.
M. le Président : Lui-même n'avait pas d'apport à réaliser.
M. Pascal PERRI : Non, et ce n'était pas l'objet de sa démarche.
M. le Rapporteur : Pouvez-vous expliquer à la commission dans
quelles conditions vous avez été recruté par M. Corbet ? Quelles
étaient vos motivations, quel était votre passé ? Pour quelles
raisons êtes-vous intervenu plus tardivement que les autres
membres de l'équipe Corbet, les futurs dirigeants d'Holco ?
M. Pascal PERRI : Je ne peux pas répondre au dernier volet de
votre question. Je pense que M. Corbet a dû constituer une
équipe opérationnelle après avoir obtenu la reprise devant le
tribunal de commerce.
M. le Rapporteur : Avant.
M. Pascal PERRI : Oui, avant la décision de la fin du mois de
juillet.
Mes fonctions étaient celles de directeur de la communication,
porte-parole de l'entreprise. Dans une entreprise de
2500 personnes, c'est-à-dire une très grosse PME, on fait
beaucoup de choses. Je gérais aussi directement le développement
de l'entreprise en Algérie et la relation avec les élus des
départements d'outre-mer.
Dans quelles conditions ai-je été amené à intervenir ? J'ai été
présenté à M. Corbet par l'un de ses amis que j'avais moi-même
rencontré dans le cadre de relations strictement personnelles.
J'ai manifesté de l'intérêt pour ce dossier parce qu'il me
paraissait fortement emblématique. Le transport aérien est une
activité intéressante. J'ai moi-même publié un ouvrage sur
l'économie du transport aérien en 1994. La vocation d'Air Lib
était de se développer sur l'outre-mer pour le long-courrier.
Or, j'avais été pendant quelques années journaliste et rédacteur
en chef de RFO, la télévision française de l'outre-mer. Je
connaissais les élus et les régions. Je dirais qu'il y avait une
proximité, un intérêt qui était lié aussi à des questions de
géographie personnelle. Voilà les raisons pour lesquelles je
suis intervenu dans ce dossier et pourquoi j'y ai consacré mon
énergie.
M. le Rapporteur : A l'époque où vous êtes recruté, vous étiez
encore journaliste à RFO ?
M. Pascal PERRI : Non.
M. le Rapporteur : Quelle était votre carrière ? Que
faisiez-vous ?
M. Pascal PERRI : J'ai quitté RFO en 1997 pour des raisons
strictement familiales, afin de venir en aide à un membre de ma
famille qui était dirigeant d'entreprise et qui avait connu de
graves ennuis de santé. Cette personne a dû abandonner la
direction de son entreprise. J'étais à l'époque le seul
susceptible de la reprendre. Ce que j'ai fait. C'était une
entreprise assez importante dans l'Est de la France, qui
rencontrait elle-même des difficultés. Je l'ai donc restructurée
et revendue ensuite.
Nous en sommes arrivés à l'été 2001, période à laquelle je suis
intervenu dans le dossier Air Lib. J'avais donc une petite
expérience de la gestion d'entreprise, même si je suis beaucoup
plus juriste et géographe qu'économiste.
M. le Rapporteur : Avant, vous étiez journaliste ...
M. Pascal PERRI : J'ai été journaliste jusqu'en fin 1996, début
1997.
M. le Rapporteur : Vous n'avez pas répondu à la question sur vos
motivations. Vous avez dit que vous aviez publié un livre sur
l'économie du transport aérien, que vous aviez travaillé sur le
secteur etc.
M. Pascal PERRI : Cela fait beaucoup : le transport aérien,
l'outre-mer, une entreprise en difficulté, une entreprise « en
retournement » comme l'on dit aujourd'hui. Je sortais de ce
secteur des entreprises en retournement. Je trouve que cela fait
au moins trois bonnes raisons de m'intéresser à Air Lib.
M. le Président : Vous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez
pas un économiste, mais vous aviez vraiment une expérience des
entreprises en difficulté ?
M. Pascal PERRI : Une expérience modeste. Je connais le code des
procédures collectives qui est aujourd'hui dans le code de
commerce. J'ai fait des études de droit. Mais peut-on prétendre
que l'on est spécialiste des entreprises en difficulté tant les
difficultés des entreprises sont multiples de façon générale ?
M. le Président : Je n'ai pas dit « spécialiste », j'ai dit que
vous aviez une expérience.
M. Pascal PERRI : Une petite expérience à défaut d'une
expertise.
M. le Rapporteur : Vous ne connaissiez pas M. Corbet ?
M. Pascal PERRI : Non, je ne connaissais pas M. Corbet.
M. le Rapporteur : Quand vous arrivez, on est en septembre 2001.
Avez-vous hésité à accepter ce poste ou avez-vous dit oui tout
de suite ?
M. Pascal PERRI : Tout de suite.
M. le Rapporteur : Quand vous êtes arrivé, vous vous étiez un
peu renseigné sur la viabilité de l'entreprise, sur l'importance
des risques ?
M. Pascal PERRI : Oui, bien sûr.
M. le Rapporteur : Vous aviez conscience qu'il y avait des
risques importants ?
M. Pascal PERRI : Qu'il y avait des risques importants ? Bien
sûr ! Je me rappelle de la lecture des gazettes à l'époque. Il
fallait être sourd et aveugle pour ne pas savoir que le
retournement de la future Air Lib, ex-AOM - Air Liberté serait
une entreprise difficile. Sur un marché difficile dans un
contexte international qui était moyen, on ignorait tout de ce
qui allait se passer en septembre.
M. le Rapporteur : Quand êtes-vous arrivé ?
M. Pascal PERRI : Le 1er septembre.
M. le Rapporteur : Les contacts ont été très rapides ?
M. Pascal PERRI : Assez rapides. C'est vrai.
M. le Rapporteur : Vous nous avez dit que vous aviez trois
fonctions : directeur de la communication, responsable des
opérations vers l'Algérie et responsable des relations avec les
élus des DOM. Cela fait un mélange. Vous étiez davantage qu'un
directeur de la communication.
M. Pascal PERRI : On pourrait dire que j'étais directeur de la
communication et des relations extérieures.
M. le Rapporteur : Sur l'Algérie, aviez-vous une mission
spéciale concrètement ?
M. Pascal PERRI : Non, ma mission était de m'assurer que
l'ensemble des formalités administratives sur place, liées à
l'ouverture de la ligne, étaient correctement accomplies.
C'était aussi de nouer des relations avec les responsables
politiques du transport algérien, des contacts réguliers et
fructueux d'ailleurs avec l'ambassadeur de France et ses
services sur place, de m'assurer que nous pourrions ouvrir la
ligne comme nous l'avions prévu, c'est-à-dire en nous faisant
représenter dans une agence du centre-ville d'Alger et en
m'assurant que les travaux de mise en oeuvre de cette agence
étaient correctement effectués.
Mon rôle était encore de veiller à ce que la résonance
médiatique soit favorable et que l'arrivée d'Air Lib soit connue
du public algérien, qui souffrait à l'époque d'une assez lourde
sous capacité sur la ligne entre Alger et Paris et sur la ligne
entre Oran et Paris.
J'assurais donc ce travail d'environnement.
M. le Rapporteur : C'était très différent des fonctions de
directeur de la communication !
M. Pascal PERRI : Non, s'adresser aux journalistes, faire en
sorte que la compagnie soit connue, que ses tarifs soient
connus, que ses projets sur place soient connus, c'est dans les
attributions d'un directeur de la communication un peu moderne,
peut-être aux fonctions un peu étendues. Il me semble que
c'était dans le périmètre de mes fonctions.
De la même façon, aller outre-mer pour faire valoir
l'alternative Air Lib, m'assurer que le public des Antilles et
de la Réunion soit pleinement informé de notre politique
tarifaire, de nos projets de développement, veiller à entretenir
des relations normales avec les présidents de région ou de
conseil général était - me semble-t-il - dans les compétences
d'un directeur de la communication et des relations extérieures,
si cela peut avoir une relation avec le sujet qui nous
intéresse.
M. le Rapporteur : Il semble qu'à un moment, il y ait eu des
négociations pour essayer de faire monter les DOM - TOM au
capital d'Air Lib. Plusieurs schémas ont été envisagés.
M. Pascal PERRI : C'est exact.
M. le Rapporteur : On a trouvé dans un certain nombre de
documents, y compris ceux de Matignon, cette idée qu'il fallait
faire monter au capital des collectivités territoriales des DOM
ou des TOM.
Vous occupiez-vous de ce genre d'affaires ?
M. Pascal PERRI : J'étais en contact avec Paul Vergès, Jean-Luc
Poudroux à la Réunion, avec Mme Michaud-Chevry en Guadeloupe. Je
les rencontrais assez régulièrement dans leur région ou à Paris.
Nous discutions de questions liées de façon générale à la
desserte, à la mobilité. Le président Vergès, Mme Michaud-Chevry,
M. Poudroux et d'autres étaient sensibles au fait qu'une
entreprise comme la nôtre cherche à se développer, à devenir la
compagnie d'outre-mer, tant il est vrai que ce métier, la
desserte de l'outre-mer, est un métier dans le métier avec des
particularités sur lesquelles on pourra revenir si vous le
souhaitez. Par conséquent, nous discutions de la montée des
régions au capital. C'était très symbolique, 10 à 15 millions de
francs pour chaque région, c'est-à-dire plus un signe politique
qu'une décision véritablement économique. On ne leur demandait
pas d'assumer quelque responsabilité de gestion que ce soit. Je
crois me rappeler que les élus des Antilles gardent un
douloureux souvenir de l'affaire Air Martinique qui leur avait
coûté très cher et pour laquelle ils étaient sortis de leurs
compétences véritables. Il ne s'agissait pas de leur demander de
venir gérer l'entreprise avec nous, mais simplement d'adresser
un signe aux consommateurs des départements d'outre-mer pour
leur dire que ces régions, leurs élus soutenaient la politique
menée par Air Lib aux Antilles et à la Réunion.
M. le Rapporteur : Pourquoi aucun de ces contacts n'a-t-il
débouché ?
M. Pascal PERRI : Nous avons eu des lettres d'engagement de
principe assez précises. Puis, il est vrai qu'il y a eu une
volte-face.
J'ai rencontré Mme Michaud-Chevry le 13 juillet 2002 au soir à
la réception du ministère de l'outre-mer. Elle m'a expliqué
qu'on lui avait fait savoir que le soutien à Air Lib n'était
peut-être plus autant d'actualité qu'il ne l'avait été avant la
réélection du Président de la République.
S'agissant de l'outre-mer, je ne peux pas faire l'impasse sur
les relations que nous entretenions avec Mme Girardin, à
l'époque où elle était conseillée du Président de la République
pour l'outre-mer avant de devenir ministre. J'ai lu et entendu
beaucoup de choses sur le sujet. J'ai entendu dire des choses un
peu caricaturales, que grosso modo, l'ancien gouvernement avait
soutenu de façon extrêmement forte le dossier Air Lib en allant
parfois au-delà de ce qui était raisonnable. Je dois vous dire
que sans Mme Girardin et sans le Président de la République,
Air Lib n'aurait sans doute pas survécu à l'hiver 2001. Je me
rappelle avoir rencontré Mme Girardin à plusieurs reprises à
l'Elysée. Je me rappelle de ses déclarations que j'ai pris le
soin de noter. Nous avions quelques difficultés à l'époque avec
Air France, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un programme
de code share. Mme Girardin m'avait déclaré le 12 octobre qu'Air
France semblait poser moins de problèmes depuis que le Président
de la République s'était engagé. Le 19 du même mois, elle avait
dit que le Président de la République souhaitait trouver une
solution globale et demandait à M. Christnacht, le conseiller du
Premier ministre à l'époque, d'organiser les choses au niveau
interministériel.
Puis, il y a eu un conseil des ministres le 5 décembre au cours
duquel le Président de la République s'est adressé au Premier
ministre dans le petit entretien qu'ils avaient avant le
conseil. Je le sais parce que M. Jospin me l'a dit et que
Mme Girardin me l'a confirmé. Le président s'était adressé à
Lionel Jospin en lui disant qu'il souhaitait que le problème
d'Air Lib soit réglé, que la question de la desserte aérienne
vers l'outre-mer lui tenait absolument à coeur. Le Président de
la République, au cours du conseil qui a suivi, a repris le même
discours pour demander que tout soit mis en oeuvre pour sauver
la compagnie.
C'est vrai que l'ancien gouvernement s'est mobilisé en faveur
d'Air Lib. Ce n'est un secret pour personne. Mais je dirais que
cela a été le cas de tout le monde, y compris du premier
responsable de l'Etat, le Président de la République.
Nos relations avec Mme Girardin -j'en reviens au point qui
concernait mon intervention sur l'outre-mer- ont toujours été
d'excellente qualité. Nous avions des contacts relativement
réguliers.
Il y avait un peu partout un intérêt à ce qu'Air Lib devienne
effectivement la compagnie d'outre-mer, non pas contre Air
France, mais au côté d'Air France. Chacun faisait l'analyse que
Air France privatisée aurait probablement d'autres ambitions que
de desservir l'outre-mer. Chacun sait qu'une entreprise privée
n'a plus les mêmes contraintes en matière d'aménagement du
territoire ou en matière de service public. Chacun se disait
donc qu'il fallait un pôle aérien solide et le nom d'Air Lib
revenait très souvent. Les relations avec les élus d'outre-mer
ont été des relations constantes. On peut regretter qu'elles
n'aient pas abouti à la mise en oeuvre des accords de principe
qui avaient été trouvés.
M. le Président : Quel était le résultat d'exploitation des
lignes d'outre-mer à l'époque ?
M. Pascal PERRI : Il était moyen. Nous avions un résultat
d'exploitation honorable sur la Réunion et qui l'était beaucoup
moins sur les Antilles.
Il y avait deux raisons : le code share signé avec Air France
profitait d'abord à Air France. C'est la règle d'un code share.
Le partage de code, c'est un accord par lequel chacun s'engage à
vendre l'autre, à charge pour le passager de choisir sa
compagnie s'il le peut. Mais la règle commerciale bien comprise
est que l'on cherche d'abord à remplir ses avions avant de
remplir ceux du partenaire.
En ce sens, Air France est une machine de guerre commerciale
dont les moyens sont très supérieurs à ceux d'Air Lib. Donc,
le code share a beaucoup plus profité à Air France qu'il n'a
profité à Air Lib.
La deuxième raison est que le trafic vers l'outre-mer est un
vrai métier dans le métier. C'est du long-courrier avec des
exigences particulières en matière de fréquence et de capacité.
C'est un trafic qui se caractérise par un prix moyen coupon très
faible. Sur Paris - Fort de France, il est de l'ordre de
3 000 francs. Sur Paris - New York, soit la même distance, il
est au moins du double. De plus, on subit une très grande
saisonnalité de la demande, des périodes de très forte
affluence, puis des périodes de sous affluence. Troisième et
dernier élément essentiel : l'absence de clientèle à haute
contribution. Il y a à la Réunion - c'est l'une des raisons de
nos performances correctes à la Réunion - une clientèle affaire
qui n'existe pas pour les Antilles. Il n'y a pas pour les
Antilles de classe affaire, de clientèle à haute contribution
qui vienne rééquilibrer le compte d'exploitation. Lorsque l'on
procède à une comptabilité analytique ligne par ligne, les
éléments de fréquentation le montrent très clairement.
M. le Rapporteur : La commission voudrait aussi vous poser des
questions concernant le rôle exact qu'a joué M. Christian Paris.
Nous avons eu ici une série de déclarations de gens disant qu'il
avait eu un rôle d'influence, qu'il avait un bureau à côté de
celui du président.
Pourriez-vous nous dire comment vous l'avez vécu, vu de votre
côté ?
M. Pascal PERRI : D'abord, j'avais un bureau en face de celui du
président. Je peux vous assurer que M. Paris n'avait pas de
bureau entre le mien et celui du président. A ma connaissance,
il n'a jamais eu de bureau dans cette entreprise.
Les relations entre Christian Paris, Jean-Charles Corbet et
François Bachelet étaient des relations de personnes qui ont
travaillé longtemps dans la même entreprise. M. Paris, si j'ai
bonne mémoire, est un ancien de l'ENAC où il a fait ses études
avec Jean-Charles Corbet. Je crois qu'ils ont des souvenirs
sportifs communs. Quand on a vingt ans, ...
M. le Rapporteur : C'était le rugby.
M. Pascal PERRI : ... cela forge des relations personnelles
solides. Ils avaient des relations amicales. M. Paris n'a pas
exercé d'influence particulière à mon sens sur Jean-Charles
Corbet, pas plus qu'il n'en a eu sur les choix de l'entreprise.
M. Paris était là de temps à autres dans le cadre de relations
strictement personnelles.
Il a pu donner un coup de main au début de l'entreprise - je
l'ai croisé un peu plus souvent qu'après - parce qu'il lui
arrivait de donner quelques conseils à François Bachelet en
termes de communication. M. Bachelet n'était pas un très grand
communicateur, en tout cas, ce n'était pas sa culture, même s'il
l'a fait très bien par la suite. Il souhaitait donc avoir l'avis
de quelqu'un dont c'était un peu la sensibilité. L'influence de
M. Paris s'est limitée à ces conseils. Je vous le dis pour
l'avoir vécu de l'intérieur.
M. le Rapporteur : M. Paris nous a déclaré ici qu'il assurait
bénévolement un rôle d'aide, notamment en matière de
communication.
M. Pascal PERRI : C'est exact.
M. le Rapporteur : Comme vous étiez directeur de la
communication, cela ne passait peut-être pas par vous, c'étaient
peut-être des contacts directs avec le président du directoire
ou du conseil de surveillance. Vous le voyiez assez peu quant à
vous ?
M. Pascal PERRI : Ses conseils ont probablement été plus
importants au tout début. Puis sa présence quantitative a décru
au fil du temps. Mais il nous arrivait de parler de
communication, comme il m'arrivait d'en parler avec mes
collègues d'Air France ou d'autres entreprises que j'étais amené
à rencontrer. Ce n'est pas ce qui fait l'influence sur la vie
d'une entreprise et ce n'est pas non plus ce qui fait
l'influence sur ses choix stratégiques.
Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, nous
avions des conversations civiles et urbaines sur la façon de
communiquer des uns et des autres, sur les moyens à mettre en
oeuvre pour que les messages soient mieux compris. Mais cela
s'arrêtait là.
M. le Rapporteur : L'avez-vous vu participer à des négociations
avec les syndicats ?
M. Pascal PERRI : Jamais, à titre personnel.
M. le Rapporteur : Vous êtes resté une vingtaine de mois ?
Etes-vous resté dans la société ?
M. Pascal PERRI : Je suis salarié d'Holco.
M. le Rapporteur : Vous l'êtes toujours. Que faites-vous
actuellement ?
M. Pascal PERRI : Aujourd'hui, je m'efforce de sauver ce qui
peut l'être. Il reste dans le périmètre d'Holco deux ou trois
entreprises qui ont une vie après la disparition d'Air Lib. Il y
a celle pour lesquelles la disparition d'Air Lib a eu un effet
mécanique immédiat comme les filiales de maintenance, de
restauration. D'autres avaient un compte clients plus
diversifié. Logitair, dont je suis le président, est installée à
Nîmes. Elle emploie une centaine de salariés, elle est
spécialisée dans la gestion des recettes commerciales. Cette
entreprise est également le fournisseur d'autres compagnies
aériennes, Air Littoral, Air Gabon, Corsair, d'autres compagnies
africaines, des petites compagnies françaises. Je travaille
aujourd'hui à diversifier ses produits et son compte clients.
Cette entreprise est spécialiste de la reconnaissance
informatique. Quand on émet un ticket, cela entraîne une
recette, mais il faut savoir qui a émis le billet, dans quelles
conditions, en faveur de qui et recouper l'ensemble des
informations. Vous avez sans doute reçu les uns et les autres
dans vos boîtes aux lettres des publicités de la grande
distribution avec des bons gratuits. Lorsque ces bons sont tirés
en faveur du consommateur, il faut un payeur, une reconnaissance
informatique. Je m'efforce de redéployer cette entreprise sur ce
secteur.
M. le Rapporteur : Vous avez vécu près de deux ans avec M. Corbet.
Quelle appréciation portez-vous sur ses qualités de manager ?
M. Pascal PERRI : Je porte une appréciation qui est aussi le
résultat de ma propre expérience. Qu'est-ce qu'un bon manager,
un bon chef d'entreprise ? C'est quelqu'un qui se pose des
questions simples : quel est mon marché, quelle est la place de
mon entreprise sur ce marché ?
Jean-Charles Corbet, à la différence de beaucoup d'autres qui,
pourtant, étaient capés des meilleures écoles de commerce de
France et d'Europe, a fait mieux que tous ces responsables qui
se sont entêtés pendant des années à vouloir copier le modèle
dominant. Jean-Charles Corbet, à ma connaissance, est le
premier, et le seul, qui ait compris que la vocation d'Air Lib
dans le ciel français était d'incarner autre chose qu'une copie
du modèle dominant, qu'une copie d'Air France.
Si ce n'étaient les difficultés que nous avons rencontrées, je
suis certain que nous aurions gagné. Je suis certain d'ailleurs
que le marché le montrera finalement et qu'il y a en France
comme en Europe une place pour des entreprises qui proposeront
un produit comparable à celui que nous avions lancé.
Pour répondre à votre question, je dirai qu'un chef
d'entreprise, c'est 50 % de bons sens, 30 % de négociation et
20 % de connaissances techniques. Pour les connaissances
techniques, ce n'est pas très compliqué. Je suis juriste
moi-même, j'ai vécu dans des entreprises. Faire fonctionner un
compte d'exploitation, des hauts et des bas de bilan, la
croissance externe, interne etc., tout cela n'est pas compliqué.
M. le Président : Puisque vous jonglez avec tout cela, à partir
de quand estimez-vous qu'Air Lib était en cessation de
paiement ?
M. Pascal PERRI : Air Lib n'a jamais été en cessation de
paiement au sens où on peut l'entendre. La situation n'a jamais
été irrémédiablement compromise, puisque c'est le terme qui
convient en substance. Les crises de trésorerie jalonnent la vie
des entreprises.
M. le Président : On nous a dit ici que les taxes d'aéroport
n'étaient pas payées, que les charges sociales n'étaient pas
payées. Bref, qu'un ensemble de choses qu'une entreprise
normalement constituée paye, n'étaient plus payées. A partir de
quand ce n'était plus payé ?
M. Pascal PERRI : Si mes souvenirs sont bons, Air Lib a cessé de
payer une partie de ses charges au mois d'avril 2002, a repris
ses paiements quelques mois plus tard et les a de nouveau
interrompus. Tout ceci était lié à la mise en place d'un GIE
fiscal et participait d'un ensemble. Je ne suis pas capable de
rentrer plus dans le détail.
M. le Rapporteur : Pour votre information, les charges sociales
patronales n'ont plus été payées à partir d'octobre 2001, et la
reprise dont vous faites état n'a duré qu'un mois, de mémoire,
au mois d'août. A partir de septembre, de nouveau, on n'a plus
payé. Et là, il ne s'agissait plus seulement des charges
patronales, mais aussi de l'URSSAF...
M. Pascal PERRI : La faute à qui, monsieur le Rapporteur ? La
défaillance de Swissair me semble en être le responsable direct.
M. le Président : Je voudrais simplement savoir à partir de
quand vous estimez - quelles que soient les causes qui peuvent
être très nombreuses - que l'entreprise était en cessation de
paiement.
M. Pascal PERRI : Mon souvenir était que l'entreprise avait
cessé un certain nombre de paiements à partir du mois d'avril.
Si ce n'est pas le cas, je le note.
M. le Rapporteur : Revenons aux qualités de manager de M. Corbet
dont vous avez dit que sa première qualité - mais est-ce une
qualité ? - est qu'il a refusé le modèle dominant.
M. Pascal PERRI : Non. Vous avez sensiblement traduit mon
propos.
Mon propos était de dire que pour rentrer sur un marché comme
celui du transport aérien et venir concurrencer le modèle
dominant avec des produits identiques, il faut une mise de fonds
immense. C'est ce que l'on appelle l'effet de taille. Air Lib
n'avait pas l'effet de taille pour lutter contre Air France et
ne pouvait imposer dans le ciel français qu'un contre modèle. Ce
contre modèle n'était pas un modèle contraire, mais un modèle
différent.
A mon sens, le lancement d'Air Lib Express était une bonne
décision de chef d'entreprise car, au côté d'Air France, il y a
de la place pour un produit différent, complémentaire et
simplifié. Le succès d'autres compagnies qui proposent des
produits de cette nature le démontre.
C'est ce que M. Corbet avait logiquement conclu des expériences
qui ont précédé Air Lib.
M. le Rapporteur : On a dit qu'Air Lib Express n'était pas un low
cost, mais que c'était un low fare avec plutôt des hight costs.
M. Pascal PERRI : Pas tout à fait. Des middle costs qui
tendaient à devenir des low costs.
M. le Rapporteur : Oui, mais qui ne le sont jamais devenus.
M. Pascal PERRI : Bien sûr, on avait besoin de temps pour cela.
On ne peut pas reprocher à un mort d'avoir été malade. C'est
vrai qu'aujourd'hui, il est très facile de dire que ... l'on ne
l'a pas fait. On ne l'a pas fait parce qu'Air Lib Express a été
lancé le 31 mars 2002. Cela représente quelques mois
d'exploitation, de grands succès commerciaux à l'été, un automne
qui a été relativement difficile en termes de communication.
Sept dates butoirs en quatre mois, des déclarations successives
de la tutelle, déclarations agressives qui montrent une volonté
de se passer de cette entreprise, sous cette forme en tout cas,
tout cela n'incite pas les gens à monter dans les avions.
Mais les avions étaient pleins.
M. le Rapporteur : Quelles étaient d'après vous les autres
qualités de manager de M. Corbet ou ses non qualités de
manager ?
M. Pascal PERRI : Ses qualités de manager étaient à mon sens
- je vais me répéter - d'avoir compris qu'elle était la place de
son entreprise sur son marché. Il a probablement rencontré des
difficultés à le faire comprendre à un certain nombre
d'interlocuteurs à l'intérieur de l'entreprise, notamment
certains interlocuteurs syndicaux, mais l'actualité est là pour
vous montrer que dans ce pays, dans certaines circonstances, on
a les deux pieds sur le frein et que l'on n'a pas très envie de
changer sa façon d'être, sa façon de faire et son statut.
Pourtant, pour devenir une entreprise compétitive au côté d'Air
France, il fallait être capable de travailler différemment. Mais
de là à dire, comme certains l'ont dit, que c'était la casse des
statuts, que l'on mettait en cause les conditions de sécurité en
vol, il y a un pas que je ne franchis pas.
On demandait simplement à un certain nombre de navigants de
voler un peu plus, de voler 750 ou 800 heures par an contre 650
à 700, sans toucher à leur rémunération. On demandait aux
hôtesses et aux stewarts, aux personnels navigants commerciaux,
une approche un peu différente de leur métier.
Peut-être aurions-nous dû aller plus vite et plus loin.
Nécessairement, la direction d'Air Lib a commis des erreurs. Je
ne cherche pas à vous dire le contraire, même si je crois que la
grande part des raisons de cet échec est externe et qu'il y a eu
un véritable acharnement.
Au fond, pour me résumer, je crois que cela aurait fait tache
dans le paysage qu'un ancien commandant de bord syndicaliste à
Air France fasse mieux que le patron des patrons !
Cela vous fait peut-être rire, monsieur le président, mais je
l'ai ressenti comme cela.
M. le Président : Cela ne me fait pas rire du tout. Vous dites
que vous avez l'expérience des sociétés en difficulté.
M. Pascal PERRI : Une petite expérience.
M. le Président : Vous avez dit que vous aviez une expérience de
la gestion dans des affaires. Vous l'avez dit tout à l'heure.
Vous dites qu'au 1er avril, vous êtes en cessation de paiement
et que vous ne pouvez plus payer. Je vous demande d'où allaient
venir les concours financiers permettant de mettre en oeuvre les
plans.
M. Pascal PERRI : D'un GIE fiscal.
M. le Président : Le GIE fiscal n'apporte pas des fonds à
l'entreprise.
M. Pascal PERRI : Bien sûr que si !
M. le Président : Le GIE fiscal, c'était pour remplacer un
certain nombre d'avions.
M. Pascal PERRI : Non, le GIE fiscal est un double produit.
C'est un produit opérationnel et fiscal, comme son nom
l'indique.
M. le Président : A partir de quoi un GIE fiscal devait-il se
monter ?
M. Pascal PERRI : A partir de deux avions qui avaient été
prépayés par les anciens actionnaires à hauteur de 27 millions
de dollars chacun. La moindre des choses aurait été que ces
54 millions de dollars profitent à cette entreprise qui payait
les pots cassés et qui venait nettoyer les écuries de ses
prédécesseurs. Soyons concrets !
M. le Président : Vous dites qu'Air Lib devait être sauvée par
le concours financier qu'aurait dû apporter un GIE fiscal. C'est
ce que vous avez dit. Ce GIE fiscal se faisait autour de deux
avions. Combien aurait-il dû rapporter à l'entreprise ?
M. Pascal PERRI : Un peu plus de 50 millions d'euros.
M. le Président : Quels étaient les résultats d'exploitation ?
M. Pascal PERRI : Vous faites le compte : les 60 millions
d'euros que les Suisses et leurs associés n'ont pas payé plus
les 50 millions d'euros, on n'est pas très loin des 120 millions
d'euros d'engagements externes de l'entreprise.
M. le Rapporteur : A votre avis, pourquoi n'a-t-on jamais trouvé
d'investisseur, que ce soit dans le premier ou dans le second
GIE fiscal ? Vous nous parlez du premier GIE sur les deux A300.
M. Pascal PERRI : A ma connaissance, il y avait des
investisseurs.
M. le Rapporteur : Pourquoi ne sont-ils pas venus ?
M. Pascal PERRI : Parce que les avions ont disparu, si j'ai bien
suivi le feuilleton.
M. le Rapporteur : Pourquoi ont-ils disparu ?
M. Pascal PERRI : Parce que M. Flosse les a repris pour Air
Tahiti Nui.
M. le Rapporteur : Oui, mais il n'en était pas le propriétaire.
Le propriétaire était Airbus.
M. Pascal PERRI : Bien sûr, mais Airbus a choisi de les vendre à
M. Flosse. On ne va pas se cacher derrière notre petit doigt :
M. Flosse que j'ai eu l'occasion de rencontrer à de nombreuses
reprises ne se cache pas d'avoir des relations personnelles et
chaleureuses - dit-il d'ailleurs - avec le Président de la
République. Tout est possible.
M. le Rapporteur : Vous pensez que c'est le Président de la
République qui vend les avions de la France en passant des coups
de téléphone ?
M. Pascal PERRI : Je sais que c'est le Premier ministre qui va
les vendre en Inde !
M. le Rapporteur : Vous ne pensez pas que quand le Premier
ministre, quel qu'il soit, va signer, tout cela est bouclé ?
M. Pascal PERRI : Je n'en suis pas certain. Je pense que leur
intervention en amont n'est jamais négligeable. Je pense que le
commerce international est tout sauf un fleuve tranquille.
M. le Rapporteur : Nous avons auditionné les propriétaires des
avions pour leur demander leur version des faits.
M. Pascal PERRI : Ils vous l'ont donnée et je vous donne la
mienne.
M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous dire comment vous étiez
rémunéré quand vous êtes arrivé à la compagnie ?
M. Pascal PERRI : J'ai été rémunéré ... vous voulez que je vous
donne mes salaires ?
M. le Rapporteur : Tout à fait.
M. Pascal PERRI : Pendant les premiers mois, j'ai reçu une
rémunération de l'ordre de 50 000 francs par mois ; quelques
mois plus tard - je ne peux pas vous dire quand précisément -
mon salaire a augmenté pour arriver au niveau actuel de l'ordre
de 50 000 francs net.
M. le Rapporteur : Vous êtes passé du brut à du net.
M. Pascal PERRI : Oui. Considérant que les journées étaient
longues, que l'engagement était important et qu'il comportait
des incidences sur la vie personnelle.
M. le Rapporteur : Pour un directeur de la communication d'une
société comme Air Lib, est-ce dans le marché ?
M. Pascal PERRI : C'est dans la fourchette basse du marché.
M. Pascal PERRI : Il semblerait que vous ayez touché une prime
de 50 648 euros en 2002, en plus de cette rémunération.
Pouvez-vous expliquer à la commission quel en était le
fondement ?
M. Pascal PERRI : Un travail, un engagement personnel en temps,
en énergie. C'était le fait, précisément de compenser un salaire
plutôt moyen et moyen bas, pour une fonction comme celle-ci.
Si vous me reposiez la question, je vous répondrais que j'ai
déclaré à l'administration fiscale environ 140 000 euros l'an
dernier, ce qui doit correspondre à un peu moins d'un million de
francs, c'est-à-dire de l'ordre de 70 à 80 000 francs par mois,
ce qui, salaire plus prime, fait à peu près la même somme.
M. le Rapporteur : Là, vous pensez que l'on est toujours dans la
fourchette basse.
M. Pascal PERRI : Non, on est là dans une fourchette raisonnable
et correcte. J'ai eu depuis des propositions de travail à des
postes similaires pour des montants légèrement supérieurs.
M. le Rapporteur : Avez-vous été au courant des discussions sur
la rémunération de la CIBC ? Cela vous dit-il quelque chose ?
M. Pascal PERRI : Oui, cela me dit quelque chose parce qu'il
faudrait vraiment se boucher les oreilles pour ne pas en
entendre parler.
Bien sûr, j'ai entendu parler de ce sujet. J'ai moi-même été
interrogé par des journalistes à de nombreuses reprises. Je n'ai
pas négocié ces honoraires de la CIBC. Je connais, en revanche,
un tout petit peu le monde des affaires. J'ai quelques amis qui
y gravitent. Pas très loin de chez vous, monsieur le Rapporteur,
dans la Marne, les entreprises de champagne sont de taille
mondiale pour les trois ou quatre plus grandes, et mènent des
opérations de croissance externe avec des banques d'affaires et
des cabinets spécialisés. Je connais grosso modo le prix de ces
prestations. Je dirais que celui de la CIBC - si c'est bien ce
que je crois deviner dans votre question -ne me paraît pas
scandaleux, même si je considère à titre personnel que c'est
beaucoup d'argent.
M. le Rapporteur : Avez-vous été amené à vous occuper de cette
affaire dans vos fonctions ou pas du tout ?
M. Pascal PERRI : Non, j'ai été amené à en parler. Nous sommes
là dans un domaine qui est aussi un domaine d'affichage
médiatique. Le salaire moyen en France est de 1200 euros, soit
8 500 à 9 000 francs. Aller leur dire qu'une entreprise en
difficulté - on n'est pas responsable de ces maladies, on les
assume - a payé de l'ordre de 50 millions de francs d'honoraires
à une banque d'affaire, a un impact. Cela paraît énorme bien
sûr. Mais que dire par exemple du cas de la Banque Lazard qui,
en ce moment, est en train de négocier avec l'autorité monétaire
internationale le rééchelonnement de la dette de l'Argentine et
qui prendra 3 ou 4 % sur ce qu'elle va négocier. On est là sur
des volumes immenses. Tout cela a un effet de résonance
médiatique.
M. le Rapporteur : Avez-vous lu le contrat signé le 11 juillet
2001 ?
M. Pascal PERRI : Non. Je ne l'ai pas lu.
M. le Rapporteur : Mais vous l'avez défendu devant la presse !?
M. Pascal PERRI : J'ai défendu le principe que payer des
honoraires à une banque d'affaires était d'un usage courant dans
les affaires.
M. le Rapporteur : Mais vous avez regardé les quatre composantes
des honoraires tels que prévus au contrat ?
M. Pascal PERRI : Je ne les connais pas de mémoire, mais je l'ai
vraisemblablement lu. Je ne dirais pas le contraire.
M. le Rapporteur : Etes-vous au courant de l'affaire concernant
le paiement d'un cabinet situé, semble-t-il, en Suisse par la
filiale Mermoz à la hauteur de 9,14 millions d'euros ?
M. Pascal PERRI : Non.
M. le Rapporteur : Vous n'en avez jamais entendu parler ?
M. Pascal PERRI : J'en ai entendu parler, mais je n'ai fait
qu'en entendre parler. Je ne sais pas précisément de quoi il
s'agit.
M. le Rapporteur : Avez-vous entendu parlé du contrat avec
Aurel-Leven ?
M. Pascal PERRI : Oui, j'en ai entendu parler, et si j'ai bonne
mémoire, il s'agissait de mobiliser des fonds au moment de la
reprise. Je sais que ces fonds n'ont pas été utilisés. Je crois
me rappeler que dans le contexte, cela aurait été une faute de
gestion de les mobiliser car il y avait d'autres solutions
disponibles au moment où ils allaient être mobilisés.
M. le Rapporteur : Vous voulez parler des fonds d'Etat ?
M. Pascal PERRI : Non, je voulais parler du premier versement de
Swissair.
M. le Rapporteur : Ce n'est pas tout à fait à ce moment-là. Si
vous avez lu le contrat Aurel Leven, vous savez que le non
tirage des fonds au-delà du 1er septembre 2001 entraînait
l'annulation du contrat. Il a donc servi pour la présentation
devant le tribunal de commerce. Après, il y a eu un contentieux
sur le paiement de plus de 3 millions d'euros qui étaient prévus
au contrat pour indemniser l'entreprise Aurel-Leven et les
personnes qu'ils avaient réunies en cas de non utilisation des
80 millions de francs. Je ferme la parenthèse.
M. Pascal PERRI : Oui. Je ne vois pas en quoi c'est
contradictoire avec ce que je viens de vous indiquer. J'ai
entendu dire que cet argent aurait pu être mobilisé au tout
début de la vie de la nouvelle entreprise. Cela n'a pas été le
cas car il y a eu un premier versement de Swissair. Je ne vois
pas le rapport avec l'argent de l'Etat.
M. le Rapporteur : Cela n'a rien à voir puisqu'à partir du
1er septembre, il ne pouvait plus être tiré.
M. Pascal PERRI : Cela n'a effectivement rien à voir ! Nous
sommes d'accord.
M. le Rapporteur : Pour ce qui me concerne, monsieur le
Président, j'en ai terminé.
Mme Odile Saugues : Monsieur Perri, vous nous avez dit quels
étaient vos contacts avec Mme Girardin au moment où elle était
conseillère du Président Chirac. Puisque l'outre-mer était l'un
des intérêts principaux d'Air Lib, avez-vous eu connaissance du
projet Dexair. C'est une question que j'ai posée à d'autres
personnes auditionnées.
Que souhaitez-vous nous en dire ?
M. Pascal PERRI : J'ai eu connaissance du projet Dexair qui a
été révélé par la presse en plein été, au moment de la forte
saison à la Réunion, dans un journal qui s'est spécialisé dans
les annonces spectaculaires.
C'est la une du journal de l'île de la Réunion, notablement
connu sur place. Nous sommes le 8 août 2002, et ce journal,
comme vous le voyez en une, annonce la mort d'Air Lib.
Difficile, là encore, de remplir des avions. Ce journal écrit :
« Air Lib devrait être rayée du ciel dès le mois prochain,
remplacée par Dexair Airlines. Les promoteurs de ce projet ont
reçu des soutiens au plus haut niveau de l'Etat ».
Vous lisez plus loin que précisément, les promoteurs de ce
projet conservent le mystère, mais qu'ils savent frapper aux
bonnes portes. Outre Brigitte Girardin, ils ont rencontré les
conseillers de l'Elysée. Mme Girardin était à l'époque ministre,
et non plus conseillère à l'Elysée. Ils ont rencontré les
conseillers à l'Elysée. J'imagine qu'il s'agit de M. Château,
M. Dupré-Latour, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux
transports, celui-là même qui avait expédié en 25 minutes
Jean-Charles Corbet, PDG d'Air Lib.
Ce projet est porté par un dénommé Bernard Balkou, poursuivi par
la justice, mis en examen dans le cas de la faillite de
l'entreprise Bel Air, entreprise de charter. Il est poursuivi
pour détournement d'actif, pour abus de biens sociaux. On nous
dit dans la presse qu'il a les portes ouvertes dans les plus
grands palais de la République, ce que je me refuse à croire
personnellement.
M. le Président : En effet, ce n'est pas ce que l'on nous a dit.
M. Pascal PERRI : Je me refuse à le croire. Je sais que ce
monsieur est mis en examen. Ce que je peux dire en revanche,
c'est que sa compagnie Dexair n'a jamais vu le jour à ma
connaissance.
M. le Président : Jamais.
M. Pascal PERRI : Mais ce type de manipulation de l'information
a eu évidemment un effet sur les performances économiques et
commerciales de l'entreprise Air Lib. Nous avons vécu un
feuilleton à rebondissements.
J'imagine que la fin rêvée par le scénariste serait de voir un
jour Jean-Charles Corbet entre deux gendarmes à la sortie de son
domicile ou d'un tribunal. On s'en approche d'ailleurs, quand on
voit comment les choses se précisent, les perquisitions fiscales
au domicile des uns et des autres. Il y a un véritable
acharnement.
Moi, je me dis que les causes de la défaillance de cette
entreprise sont clairement identifiées et identifiables. Je ne
dis pas que nous n'avons pas commis des erreurs de management
- c'est le terme que vous avez employé, monsieur le
rapporteur -, mais ouvrons les yeux : défaillance de Swissair,
impunité des prédécesseurs, campagne médiatique !
Je veux bien laisser à votre commission ces deux documents sur
six mois de communications négatives qui ont coûté 50 millions
d'euros à l'entreprise.
Mme Odile Saugues : Qui pouvait avoir intérêt à mettre en avant
ce montage de Dexair qui a nui, d'après vos déclarations, à ce
qu'Air Lib mettait sur pied ?
M. Pascal PERRI : A qui profite le crime ?
Mme Odile Saugues : En quelque sorte.
M. Pascal PERRI : Le crime ne nous a pas profité. On a disparu.
Aujourd'hui, c'est une partie de billard à quatre bandes.
Quel était l'objet ? L'objet était de faire disparaître Air Lib
du paysage. Pourquoi cela ? J'ai eu l'occasion de discuter à
plusieurs reprises avec ma collègue française d'EasyJet. J'ai
même participé à un débat sur France Inter avec elle. On a pu se
dire un certain nombre de choses. L'enjeu était de vendre à
EasyJet 120 Airbus. Cette jeune femme ne se cachait pas des
projets de son entreprise.
Les avions, les 120 Airbus contre les créneaux d'Air Lib. C'est
un plan qui supposait la disparition d'Air Lib. On est quand
même dans une situation de paradoxe.
M. le Président : EasyJet a-t-il reçu les créneaux d'Air Lib ?
M. Pascal PERRI : EasyJet ne les a pas encore eus, mais j'y
viens. Une partie en tout cas !
Aujourd'hui, on est quand même dans une situation un peu
cocasse. L'Etat, qui est l'autorité de tutelle, va privatiser
Air France qui était notre principal concurrent, l'entreprise
dominante du marché.
L'Etat, principal actionnaire du principal concurrent, est aussi
votre juge. C'est lui qui vous coupe la licence et vous fait
disparaître.
Aujourd'hui, très clairement, à qui profite notre disparition ?
M. le Président : Je voudrais que l'on soit précis. Vous dites
que vous êtes juriste.
M. Pascal PERRI : Cela n'a rien à voir avec le droit !
M. le Président : Vous n'ignorez pas que pour maintenir une
licence, il faut une certaine respectabilité financière.
J'emploie le mot respectabilité à bon escient.
M. Pascal PERRI : Pourquoi maintenir la licence d'Air Littoral
dans ces conditions ?
M. le Président : Moi, je vous parle de ....
M. Pascal PERRI : ... qui est dans une situation beaucoup plus
compliquée que la nôtre.
M. le Président : Je vous parle d'Air Lib, je ne connais pas les
comptes d'Air Littoral. Je vous dis simplement....
M. Pascal PERRI : Air Littoral ne paie plus ses charges depuis
très longtemps.
M. le Président : C'est possible. Je n'ai aucune idée de ce que
fait Air Littoral.
M. Pascal PERRI : Peut-être siégerez-vous dans une
commission....
M. le Président : Nous sommes là pour essayer d'être précis et
pour essayer de comprendre.
M. Pascal PERRI : Moi aussi.
M. le Président : On peut faire des romans tout le temps.
J'observe que vous aurez gardé la licence très longtemps, malgré
une situation d'insolvabilité. On peut même se poser la question
de savoir s'il n'y avait pas une certaine imprudence de l'Etat à
avoir maintenu aussi longtemps cette licence.
M. Pascal PERRI : L'imprudence de l'Etat provient surtout de
l'absence de notification à Bruxelles des prêts que nous avons
reçus. Voilà de l'imprudence politique.
Il s'agissait de sauver la deuxième entreprise française de
transports aériens en sachant que le gap n'était pas si
important que cela. Remettons tout cela en perspective. Je
laisse de côté le dossier EasyJet qui n'est pas au coeur de vos
préoccupations. Qu'est-ce que représentent 120 millions d'euros
d'engagement externe dans des circonstances tragiques par
rapport aux quelque 900 millions d'euros de déficit
d'exploitation d'AOM et Air Liberté gérées par les Suisses ?
Tout est relatif. Vous voyez ce que je veux dire.
M. le Rapporteur : On s'égare complètement.
M. le Président : L'argent de Swissair n'était pas de l'argent
de l'Etat français.
M. Pascal PERRI : Mais c'est de l'argent que ses propriétaires
ne reverront jamais. C'est une certitude.
M. le Rapporteur : La commission a été un peu étonnée de
constater que M. Corbet ne dit pas la même chose que le
président Spinetta sur les relations entre Air France et Air
Lib. Nous voudrions donc savoir, puisque vous étiez chargé de la
communication - encore que la communication n'est pas forcément
toujours la réalité - comment vous avez perçu, depuis votre
arrivée jusqu'à la fin, les relations Air Lib-Air France.
M. Pascal PERRI : Manifestement, c'étaient de bonnes relations
de bonne compréhension, de dialogue. Je crois que les relations
ne se sont pas détériorées entre les deux hommes au moment où
M. Corbet a décidé de présenter un plan de cession d'AOM-Air Liberté,
au moment où il a pris la direction de cette entreprise. J'ai
même plutôt l'impression - sans avoir jamais participé à leurs
entretiens -, j'ai eu le sentiment d'après les échos que j'en
avais, que de part et d'autre, ces relations étaient
relativement serrées.
M. le Rapporteur : Vous pensez qu'au démarrage au moins, Air
France a plutôt aidé votre président ?
M. Pascal PERRI : Oui, c'est incontestable. Une partie des
programmes d'Air Lib ont été faits...
M. le Rapporteur : Vous nous le confirmez. Y a-t-il d'autres
points sur lesquels il y a eu des aides d'Air France ?
M. Pascal PERRI : Vous abordez un sujet un peu difficile. Je ne
voudrais pas que vous pensiez que je me soustrais à vos
questions. Entre la veille concurrentielle et les relations
intelligentes avec son concurrent, il y a une frontière très
étroite. Je ressens qu'Air France a bénéficié de la présence
d'Air Lib.
M. le Rapporteur : Sous quelle forme ?
M. Pascal PERRI : Air Lib a été, d'une certaine façon, une
sentinelle dans le ciel français qui a retardé l'arrivée
d'entreprises anglo-saxonnes qui venaient se battre avec des
règles sociales très défavorables, très dégradées par rapport
aux nôtres. Il y avait là un vrai décalage auquel Air France
n'était pas prêt vraisemblablement. Je connais un peu cette
entreprise pour avoir écrit un livre il y a quelques années. Les
choses ont beaucoup évolué depuis.
Je crois qu'Air France a bien sûr bénéficié de la présence d'Air
Lib. C'est incontestable.
M. le Rapporteur : Pensez-vous que vous étiez en service
commandé, à travers ce que vous avez vu ?
M. Pascal PERRI : C'est très difficile à dire. Je pense que le
service commandé n'est pas un service écrit.
M. le Rapporteur : D'accord, mais implicitement !
M. Pascal PERRI : Oui, vraisemblablement.
M. le Rapporteur : Sans aucun accord...
M. Pascal PERRI : Sans aucun accord écrit en tout cas. Je le
saurais.
M. le Rapporteur : Voilà. On vous donnait des coups de main.
M. Pascal PERRI : Je pense que Renault et Peugeot ont des
politiques communes à l'export. Les uns et les autres peuvent
mettre leurs moyens en commun pour aller se défendre sur le
marché américain ou sur les marchés du sud-est asiatique. Je
pense qu'Air France, le ciel français, Air Lib, c'était un seul
et même dossier.
M. le Rapporteur : Vous ne pensez pas que dans un deuxième
temps, les relations se sont dégradées ?
M. Pascal PERRI : Si.
M. le Rapporteur : Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez
vécu ces dégradations et quelles en sont les causes ?
M. Pascal PERRI : Les causes sont le succès d'Air Lib Express.
Très clairement. A mon sens ! Je l'ai observé. Il me semble
qu'il y a un lien de causalité évident.
M. le Rapporteur : Mais ce n'est pas Air France qui a dénoncé
l'accord de code share.
M. Pascal PERRI : Si, c'est Air France qui a dénoncé l'accord
de code share.
M. le Rapporteur : Unilatéralement ou après négociation ?
M. Pascal PERRI : Oui.
M. le Rapporteur : Vous étiez pour continuer ?
M. Pascal PERRI : A titre personnel ? J'étais contre la présence
d'Air Lib à Roissy. J'étais donc défavorable au code share.
M. le Rapporteur : Le président Spinetta nous a affirmé le
contraire.
M. Pascal PERRI : Que vous a-t-il affirmé ?
M. le Rapporteur : Il nous a affirmé que c'est vous qui aviez
dénoncé l'accord.
M. Pascal PERRI : Non, non. Soyons sérieux ! Air France a
dénoncé de fait le code share en ne le renouvelant pas.
M. le Rapporteur : Selon sa version, cela venait de vous.
M. Pascal PERRI : Si je peux me permettre, je peux vous donner
quelques éléments là-dessus.
M. le Rapporteur : Nous sommes là pour vous écouter. Quelle est
votre version ?
M. Pascal PERRI : Nous avons fait le compte de notre présence à
Roissy après quelques mois. Elle nous coûtait plus qu'elle ne
nous rapportait pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure.
Le code share est un instrument dans lequel on règle les
curseurs entre les partenaires, mais la règle est de remplir
d'abord ses avions. Air France remplissait d'abord les siens.
C'est de bonne guerre. On ne va pas faire un procès pour cela.
Simplement, notre présence à Roissy, du fait de cette politique
commerciale, était devenue plus une charge qu'une source de
revenus.
L'idée était de dire à Air France que nous étions à Roissy pour
alimenter leur hub, leur réseau intérieur. Les gens qui
reviennent de la Réunion, des Antilles et qui veulent aller à
Marseille, Toulouse, Perpignan etc. utilisent les avions Air
France. C'était donc tout bénéfice pour Air France. Nous
demandions donc de revoir les conditions de mise en oeuvre de
l'accord. Air France n'a pas souhaité le faire, mais c'était une
façon de dire non.
M. le Rapporteur : D'accord, mais juridiquement, c'est bien vous
qui êtes à l'origine de la fin de cet accord ; Air France
n'ayant pas accepté les modification que vous proposiez.
M. Pascal PERRI : A ma connaissance, le code share n'a pas été
renouvelé par Air France. Si l'on veut être strictement
formaliste, je crois que c'est cela.
M. le Président : Je pense que l'on peut rester sur ce point.
Nous vous remercions pour votre contribution.
M. Pascal PERRI : Je vous remercie de m'avoir reçu.
1 Ce compte rendu d'audition a été transmis au témoin le 6 juin
2003.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r0688.asp
N° 688
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mars
2003
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE
L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE
RÉSOLUTION (n° 684) de MM. Patrick OLLIER et Jacques
BARROT, tendant à la création d'une commission d'enquête sur
les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des
fonds publics par cette compagnie aérienne,
PAR M. Patrick OLLIER,
Député.
--
Entreprises.
Mesdames, Messieurs,
Le 17 février 2003, le tribunal de commerce de Créteil
prononçait la mise en liquidation judiciaire de la société
d'exploitation AOM-Air Liberté, communément appelée Air Lib,
jugeant« absolument impossible » le redressement de cette
société, dont la licence d'exploitation (autorisation
administrative permettant à la compagnie de poursuivre ses
activités aériennes) avait déjà expiré depuis le 6 février 2003.
Cette décision a mis fin aux espoirs placés dans la holding
Holco, qui avait accepté de reprendre la société Air Lib le 27
juillet 2001, avec l'aide des pouvoirs publics.
Les conséquences de ces évènements, qui s'inscrivent dans une
histoire particulièrement chaotique, sont considérables du point
de vue tant social qu'économique, et mettent en jeu
l'aménagement de notre territoire.
Sur le plan social, pour faire face au licenciement des 3 200
salariés du groupe, le Gouvernement a mis en œuvre une
concertation avec d'autres entreprises, telles qu'Air France,
Aéroports de Paris, la SNCF ou encore la RATP, afin de permettre
le reclassement du plus grand nombre possible d'entre eux.
Sur le plan économique, la disparition d'Air Lib, qui assurait
360 vols hebdomadaires au départ de l'aéroport d'Orly et
transportait chaque année environ 3,3 millions de passagers sur
des vols réguliers, signifie la suppression du deuxième pôle
aérien français, représentant en 2002 6,5 % du trafic aérien
(contre 77 % pour Air France et les compagnies franchisées).
Cette disparition laisse Air France, société dans le capital de
laquelle l'Etat devrait être, à terme, minoritaire, sans
véritable concurrent d'origine nationale. Une telle évolution
n'est pas conforme à un fonctionnement harmonieux du marché.
Sur le plan territorial enfin, cette faillite porte atteinte à
l'équilibre régional du transport aérien, puisque cette
compagnie assurait en 2000 un tiers des dessertes vers les DOM
et la Polynésie française ainsi que, plus récemment, une
desserte compétitive pour de nombreuses villes de province.
Ainsi, les vols assurés par les 33 appareils de la société Air
Lib desservaient 31 lignes, dont 19 en France métropolitaine.
Ce constat conduit naturellement à se demander si une telle
conclusion pouvait être évitée. L'observation des évènements les
plus récents montre que cette issue était hélas inéluctable
depuis quelques mois, sauf à engager plus encore les finances
publiques dans le sauvetage incertain et excessivement coûteux
d'une société privée. En effet, le plan de reprise de la société
Air Lib proposé en décembre dernier par le groupe néerlandais
Imca supposait non seulement l'acquisition de nouveaux avions à
des prix réduits qui n'avaient pas l'accord du groupe Airbus,
mais encore l'obtention de crédits de l'Etat à hauteur de 300
millions d'euros, dont 172 millions sous forme de « subsides non
remboursables ».
Dès lors, il convient de s'interroger sur les circonstances qui
ont conduit à une dégradation irréversible de la santé
financière de cette entreprise, malgré un soutien public
important. Au-delà des erreurs de stratégie et de gestion qui
pourraient avoir été commises par les dirigeants d'Air Lib et de
la holding Holco qui la contrôlait, le citoyen et le
contribuable doivent être informés de l'utilisation dans
l'intérêt des salariés et de l'équilibre de la société des 130
millions d'euros versés par les pouvoirs publics et notamment du
prêt de 30,5 millions d'euros décidé le 4 janvier 2002 par le
Gouvernement en faveur d'Air Lib, qui n'est pas aujourd'hui en
mesure de le rembourser.
Face à cette situation inacceptable et à ces interrogations, la
commission des affaires économiques a été saisie le 5 mars 2003
d'une proposition de résolution (n° 684) de MM. Jacques Barrot
et Patrick Ollier tendant à la création d'une commission
d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur
l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne.
Votre rapporteur s'attachera tout d'abord à s'assurer de la
recevabilité juridique de cette proposition, avant d'examiner la
pertinence de la création d'une commission d'enquête, compte
tenu de la nature des faits et du rôle dévolu aux assemblées
parlementaires.
I. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EST JURIDIQUEMENT RECEVABLE
En vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ainsi
que des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée
nationale, une telle proposition de résolution doit, pour être
recevable, remplir deux conditions cumulatives.
En premier lieu, elle doit déterminer avec précision les faits
donnant lieu à enquête. L'entreprise Air Lib, elle-même issue
des compagnies AOM et Air Liberté, est aujourd'hui clairement
identifiée. La commission d'enquête aura pour objet d'étudier
les circonstances économiques et financières ayant conduit cette
compagnie à la faillite malgré un important soutien public.
Toutefois, afin d'éviter toute ambiguïté quant aux intentions du
Parlement, qui n'a pas vocation à s'immiscer dans la gestion
d'une entreprise privée mais doit suivre l'emploi des deniers
publics, la rédaction proposée pourrait être améliorée. Votre
rapporteur vous propose de faire référence aux « causes
économiques et financières de la disparition d'Air Lib ».
La proposition de résolution mentionne en outre « l'utilisation
des fonds publics par cette compagnie aérienne », formule qui
recouvre l'ensemble des crédits français et communautaires
accordés pour favoriser le redressement de l'entreprise. Par ces
mots, la proposition de résolution indique que la commission
d'enquête doit permettre d'établir l'emploi réel de ces fonds,
dont le caractère public justifie à l'évidence un contrôle
parlementaire, et de déterminer si cet emploi était conforme à
l'objectif de redressement. Afin d'inclure dans le champ de
réflexion de la commission d'enquête l'étude des conditions dans
lesquelles ont été décidés les soutiens financiers dont a
bénéficié Air Lib et l'examen de l'usage que cette compagnie en
a fait, votre rapporteur vous propose toutefois de faire
référence aux « fonds publics accordés à cette compagnie
aérienne ».
En second lieu, les faits ayant motivé le dépôt de la
proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de
poursuites judiciaires au sens de l'article 141 de notre
règlement. Certes, la réponse, datée du 7 mars 2003, de
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, à
la notification par le président de l'Assemblée nationale du
dépôt de la proposition de résolution indique que les faits en
cause « font actuellement l'objet d'une enquête judiciaire,
ordonnée par le procureur de la République de Paris le
26 février 2003 ».
Toutefois, selon les informations recueillies par votre
rapporteur, il ne s'agit que d'une enquête préliminaire, n'ayant
à ce stade pas conduit à engager des poursuites. Par ailleurs,
les amendements à l'article unique de la proposition de
résolution présentés par votre rapporteur sont de nature à
éviter toute ambiguïté quant au respect de l'article 141 de
notre Règlement.
II. - LES CIRCONSTANCES AYANT CONDUIT À LA LIQUIDATION
JUDICIAIRE D'AIR LIB RESTENT TROUBLES
Air Lib, société née de la fusion, le 25 mars 2001, des
compagnies AOM et Air Liberté, a été confrontée dès l'origine à
d'importantes difficultés financières, tout comme Air Liberté
qui avait déjà été placée en redressement judiciaire en 1996. La
reprise d'Air Lib par la holding Holco, le 27 juillet 2001,
était en effet consécutive à la mise en redressement judiciaire
de la compagnie aérienne le 15 juin 2001.
Lorsque le « projet Holco » présenté par le pilote d'Air France
Jean-Charles Corbet avait été retenu, parmi seize offres, le
groupe SwissAir, qui détenait jusque là 49,49 % du capital de la
société d'exploitation AOM-Air Liberté, s'était engagé à verser
à Holco 180 millions d'euros en échange de l'abandon des
poursuites engagées à son encontre pour sa gestion
catastrophique de la société. Or, l'ensemble des 152,5 millions
d'euros effectivement versés par le groupe SwissAir avant qu'il
ne fasse faillite n'ont pas bénéficié à Air Lib.
En effet, le système complexe de holding mis en place par M.
Jean-Charles Corbet (voir organigramme infra) a conduit au
versement de 75 % seulement de cette somme à Air Lib (15
millions d'euros sous forme d'apport en capital et
100,5 millions d'euros en apport de trésorerie), les 25 %
restant alimentant notamment les comptes de deux filiales d'Holco
établies au Luxembourg (Holco Lux, à hauteur de 5 millions
d'euros) et aux Pays-Bas (Mermoz UA, à hauteur de 14 millions
d'euros). L'utilisation de ces sommes demeure à ce jour peu
transparente : quand bien même l'attribution d'une partie des
fonds SwissAir destinés au sauvetage d'Air Lib à des filiales
étrangères du groupe Holco serait légal, il n'est pas certain
que l'usage de ces fonds, comme de ceux directement versés à Air
Lib, ait été conforme aux intérêts des compagnies.
Plusieurs éléments troublants dans la gestion particulièrement
complexe et opaque de la holding Holco permettent de nourrir des
doutes sur l'usage de ces fonds au profit de la société Air Lib.
PARTICIPATIONS DE LA HOLDING HOLCO
Le comité d'entreprise de la société Air Lib, malgré des
demandes répétées des syndicats, n'a pu être correctement
informé sur la gestion comptable de la société Air Lib et le
périmètre véritable de la holding Holco. L'imbrication des
activités des différentes sociétés de cette holding était
pourtant réelle, puisque l'une des filiales d'Holco, Mermoz
Aviation Irlande, gérait la flotte aérienne d'Air Lib et avait
décidé de délocaliser celle-ci aux Pays-Bas pour des raisons
fiscales. L'absence de la société Air Lib Finances de tous les
organigrammes de la holding Holco, alors que cette filiale était
propriétaire de plusieurs aéronefs, est également révélatrice de
l'opacité qui semblait prévaloir dans la société Air Lib.
Votre rapporteur estime en outre que le non respect de
l'engagement pris par M. Jean-Charles Corbet, lors de la cession
d'Air Lib en juillet 2001, de confier 34 % du capital de
l'entreprise aux salariés constitue une source supplémentaire
d'interrogations.
La mise en évidence de tels éléments pourrait être utile à la
compréhension d'ensemble de la gestion de cette compagnie, qui a
conduit à des résultats financiers catastrophiques. Ainsi, Air
Lib a réalisé entre août et décembre 2001 une perte nette
d'environ 100 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de
seulement 230 millions d'euros, et a modifié en 2002 ses
dessertes au profit de destinations proches, conduisant à une
inadaptation de sa flotte et à des sureffectifs notoires.
Lorsque le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la
liquidation judiciaire d'Air Lib, l'actif disponible de la
société ne s'élevait plus qu'à 2,5 millions d'euros, tandis que
son passif privilégié et son passif chirographaire atteignaient
respectivement 59 et 218 millions d'euros. En revanche, 10
millions d'euros détenus par le groupe Holco échappent à ce jour
à la procédure de liquidation judiciaire.
L'intervention de la représentation nationale pourrait être un
atout pour éclairer le fonctionnement d'Air Lib et de la holding
Holco, ainsi que les circuits financiers empruntés par les
différents fonds destinés à soutenir Air Lib. Le recours à une
commission d'enquête semble légitime compte tenu de l'importance
des fonds publics versés à la société Air Lib.
III. - LE PARLEMENT A VOCATION À CONTRÔLER L'USAGE FAIT PAR AIR
LIB DES FONDS PUBLICS QUI LUI ONT ÉTÉ ACCORDÉS
La société Air Lib, comme les sociétés qui lui ont donné
naissance, a bénéficié pendant plusieurs années d'un soutien
financier public. Air Lib a, en particulier, perçu les 9 janvier
et 28 février 2002 plus de 30 millions d'euros de crédits
communautaires accordés, sur décision du précédent gouvernement,
par le Comité interministériel pour les restructurations
industrielles (CIRI), sous la forme d'un prêt au titre du FDES
(Fonds de développement économique et social).
Le versement de ces fonds, qui devaient être remboursés le 9
juillet puis le 9 novembre 2002, a été effectué sous le contrôle
de l'agent judiciaire du Trésor contre le versement du produit
futur des procédures diligentées par Air Lib contre des entités
ayant succédé à Swissair. La transformation, en juillet 2002, de
cette aide au sauvetage en aide à la restructuration a conduit
M. Jean-Charles Corbet à s'engager à soumettre rapidement au
Gouvernement un plan de restructuration crédible pour assainir
la société Air Lib. Or, non seulement un tel plan de
restructuration n'a pas été fourni, malgré les pressions
répétées du nouveau gouvernement pendant l'été 2002, mais en
outre les sommes prêtées n'ont pas été restituées - et ne
pourront plus l'être compte tenu de la liquidation judiciaire de
la société.
Ainsi, les plans de restructuration présentés par M.
Jean-Charles Corbet les 29 et 30 octobre 2002, ou encore le 20
décembre 2002 furent rejetés par l'Etat pour leur manque de
sérieux, en ce qui concerne tant les réductions de masse
salariale envisagées que la volonté réelle des éventuels
repreneurs. Par ailleurs, la possibilité d'un soutien financier
de la société néerlandaise Imca a conduit l'Etat, le 13 décembre
2002, à retarder au 9 janvier 2003 l'échéance du remboursement
par Air Lib de l'ensemble de ses 130 millions d'euros de dette
publique, avant de repousser à nouveau cette date et finalement
de constater l'incapacité matérielle de la société à honorer ses
dettes publiques.
Au 31 janvier 2003, les principales dettes publiques de
l'entreprise concernaient l'Union de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales
(URSSAF, 29 millions d'euros), la Direction générale de
l'aviation civile (31,6 millions d'euros) et Aéroports de Paris
(27,2 millions d'euros), en raison du gel du recouvrement des
échéances courantes décidées à la suite des événements du
11 septembre 201.
Les conditions dans lesquelles, depuis plusieurs années, ces
deniers publics ont été accordés par les services de l'Etat puis
utilisés par la société Air Lib appellent à l'évidence une étude
approfondie, qui relève pleinement des attributions du
Parlement.
Il ne s'agit nullement de contester le bien-fondé d'un soutien
public à une entreprise chargée du transport aérien, puisque de
nombreux Etats, tels que les Etats-Unis ou la Suisse, ont
apporté ces dernières années une aide financière considérable à
leurs entreprises dans ce secteur, dont la rentabilité a diminué
après les attentats anti-américains du 11 septembre 2001.
Toutefois, une gestion économe des deniers publics doit conduire
à entourer ces versements de certaines précautions et à en
contrôler attentivement l'emploi.
A cet égard, votre rapporteur constate que la réelle vigilance
exercée par le Gouvernement depuis six mois n'a malheureusement
pas permis de remédier au choix effectué en janvier 2002 de
procéder à un versement très rapide des fonds prêtés à la
société Air Lib, puisque aucun plan de restructuration viable
n'a été présenté et que les fonds n'ont pu être récupérés. Il
aurait sans doute été plus prudent de procéder à un
échelonnement des versements par le CIRI, en subordonnant, dès
la première tranche, le versement des tranches ultérieures à la
fourniture préalable d'un plan de restructuration crédible.
Votre rapporteur estime donc que la formulation retenue par la
proposition de résolution soumise à la représentation nationale,
qui évoque « l'utilisation des fonds publics » par Air Lib,
pourrait donner lieu à une interprétation restrictive, alors que
le champ d'investigation de la commission d'enquête devrait
inclure autant les conditions dans lesquelles les fonds publics
ont été engagés dans ce soutien que l'utilisation de ces fonds
par la holding Holco dans son ensemble, et non par la seule
société Air Lib. A cet égard, faire référence, dans le
dispositif de la proposition de résolution aux « fonds publics
accordés à cette compagnie aérienne » semblerait plus judicieux.
*
* *
Finalement, la commission d'enquête dont la création est
proposée à notre assemblée peut réglementairement être
constituée et disposerait des moyens appropriés pour permettre
aux citoyens de déterminer si les fonds publics ont été
réellement affectés au sauvetage de la compagnie Air Lib et d'en
comprendre l'échec. Une telle démarche supposera un examen
approfondi du périmètre et du fonctionnement de la holding Holco,
tant sur le plan financier que commercial. Le sort injuste des
salariés d'Air Lib et les enjeux stratégiques associés à
l'existence de cette compagnie concurrente d'Air France
appellent une réaction parlementaire.
EXAMEN EN COMMISSION
Lors de sa réunion du 12 mars 2003, la Commission a examiné, sur
le rapport de M. Patrick Ollier, la proposition de résolution de
MM. Patrick Ollier et Jacques Barrot (n° 684) tendant à la
création d'une commission d'enquête sur les conditions de
gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par
cette compagnie aérienne.
Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont
intervenus dans la discussion générale.
S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Odile Saugues a
estimé paradoxal que la majorité demande la création d'un
commission d'enquête portant sur une entreprise en particulier,
après avoir abrogé les dispositions de la loi n° 2001-7 du 4
janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux
entreprises, dite loi « Hue », par l'article 84 de la loi n°
2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour
2002 ; elle a jugé qu'il y avait donc « deux poids, deux
mesures ».
Puis, Mme Odile Saugues a souhaité que la commission d'enquête
ne limite pas ses travaux aux seules aides publiques accordées à
Air Lib et mène également des investigations sur les raisons
ayant poussé l'Etat à aider une compagnie aérienne suite à la
défection d'actionnaires privés et notamment de la société
Wendel. Elle a, par ailleurs, demandé que la commission
d'enquête étende son champ d'étude à l'examen des aides
publiques, directes ou indirectes, accordées actuellement par
les collectivités locales et les chambres de commerce et
d'industrie aux compagnies dites « low cost », estimant que ces
nouvelles pratiques commerciales étaient particulièrement
inquiétantes au regard de l'éthique et des règles de la
concurrence loyale. Elle a rappelé sur ce point que la
Commission européenne venait d'ouvrir une enquête sur la prise
en charge de certains frais par les collectivités territoriales
belges au bénéfice de la compagnieRyan Air, afin que celle-ci
s'implante sur l'aéroport de Charleroi.
Après avoir souligné qu'il était indispensable que l'Etat
conserve un rôle majeur dans le secteur du transport aérien,
fragile et exposé à la déréglementation, afin d'éviter de telles
dérives, elle a observé que la compagnie Air France,
actuellement soumise au contrôle de la Cour des comptes,
échapperait à ce dernier une fois sa privatisation réalisée.
Elle a estimé paradoxal que la majorité parlementaire réclame un
contrôle des aides publiques octroyées à une compagnie privée,
tandis que le contrôle par l'Etat de la première compagnie
aérienne française serait bientôt supprimé.
Dénonçant ces mesures qu'elle a jugé incohérentes et trompeuses,
Mme Odile Saugues a annoncé que les commissaires socialistes
s'abstiendraient lors du vote de la proposition de résolution,
la nation ne devant pas être condamnée, selon elle, à
n'intervenir qu'au travers de commissions d'enquête
parlementaires pour contrer les effets de la déréglementation du
transport aérien.
Le Président Patrick Ollier a alors fait remarquer qu'avait été
récemment créée une commission d'enquête relative à la situation
financière des entreprises publiques, présidée par M. Philippe
Douste-Blazy dont le rapporteur est M. Michel Diefenbacher et
dont l'objet se rapporte justement aux points soulevés par Mme
Odile Saugues. Il a jugé qu'à cette occasion, un débat riche en
informations, parfois surprenantes, serait ouvert et permettrait
de répondre aux interrogations émises par le groupe socialiste.
Il a, par ailleurs, fait part de son souhait de ne pas faire
évoluer l'objet de la commission d'enquête vers un champ
d'investigation trop large et a suggéré à Mme Odile Saugues
d'alerter ses collègues, présents dans la commission d'enquête
relative à la situation financière des entreprises publiques,
afin d'orienter les travaux de cette dernière sur les problèmes
qu'elle avait évoqués.
M. Léonce Deprez s'est ensuite réjoui que la Commission des
affaires économiques, de l'environnement et du territoire soit
saisie de la proposition de résolution et a souhaité qu'elle
intervienne plus fréquemment sur les questions au cœur de
l'actualité économique. Estimant que l'efficacité de la
commission d'enquête supposait de ne pas octroyer un champ
d'investigation trop large à celle-ci, il a en revanche jugé
nécessaire qu'elle ne limite pas ses travaux aux évènements les
plus récents et prenne en compte le passé de la compagnie Air
Lib, proposition à laquelle le Président Patrick Ollier s'est
rallié.
Puis, M. Gilbert Biessy, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s
communistes et républicains, a déclaré partager l'analyse de Mme
Odile Saugues concernant les conséquences économiques et
financières de la disparition d'Air Lib et s'est également
interrogé sur la pertinence d'une démarche consistant à poser la
question de l'utilisation des fonds publics et parallèlement à
supprimer la loi dite « Hue ». Il a indiqué qu'en conséquence,
son groupe s'abstiendrait lors du vote de la proposition de
résolution. Il a, par ailleurs, noté que l'amendement présenté
par le Président Patrick Ollier supprimait la référence à un
contrôle de l'utilisation des fonds publics ayant bénéficié à la
société Air Lib et a jugé que cette démarche confortait le choix
de l'abstention.
Le Président Patrick Ollier a rappelé que son amendement
répondait à un souci de précaution, afin d'éviter que les
travaux de la commission d'enquête n'interfèrent avec une
éventuelle information judiciaire. Souscrivant à la nécessité de
faire référence à l'utilisation des fonds publics, il a alors
annoncé qu'il rectifierait son amendement afin de préciser que
la commission d'enquête porterait sur « les causes économiques
et financières de la disparition d'Air Lib et sur les fonds
publics accordés à cette compagnie aérienne », le principal
objectif demeurant d'éviter de faire référence à la « gestion »
de la société, sur laquelle pourraient porter des poursuites
judiciaires.
Puis, M. Jacques Le Guen, s'exprimant au nom du groupe UMP,
s'est déclaré très favorable à la proposition de résolution,
notant qu'elle permettrait de répondre au souci de transparence
accrue émanant tant des contribuables, qui veulent légitimement
connaître l'emploi des deniers publics que des salariés d'Air
Lib. Rejoignant l'analyse de Mme Odile Saugues, il a espéré que
la commission d'enquête présidée par M. Philippe Douste-Blazy
permettrait de répondre à des interrogations justifiées, par
exemple concernant le déficit de France Telecom, qu'il a jugé
colossal. Après avoir également souscrit aux propos de M. Léonce
Deprez relatifs au rôle que doit jouer la Commission des
affaires économiques, de l'environnement et du territoire, il a
annoncé que le groupe UMP voterait en faveur de la proposition
de résolution portant création de la commission d'enquête.
M. Jean-Pierre Grand a rejoint ces propos, soulignant que le
contrôle du Parlement devait s'exercer dès lors qu'existent des
interrogations portant sur l'utilisation des fonds publics ;
rappelant que les dettes de la société Air Lib s'élevaient à
130 millions d'euros, il a jugé que la création de la commission
d'enquête répondrait non seulement aux attentes des
3 200 salariés de cette compagnie, mais aussi à celles des
contribuables.
La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique
de la proposition de résolution.
· Article unique
La Commission a adopté l'amendement rectifié du Président
Patrick Ollier pour viser les causes économiques et financières
de la disparition d'Air Lib.
· Titre
La Commission a adopté un amendement de coordination du
Président Patrick Ollier, visant à modifier le titre de la
proposition de résolution.
Puis, la Commission a adopté la proposition de résolution
(n° 684), ainsi modifiée et intitulée.
·
· ·
En conséquence, la commission de la production et des échanges
vous demande d'adopter la proposition de résolution, dont le
texte suit :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les causes économiques et financières de la disparition
d'Air Lib
Article unique
Il est créé, en application des articles 140 et suivants du
Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de
trente membres sur les causes économiques et financières de la
disparition d'Air Lib et sur les fonds publics accordés à cette
compagnie aérienne.
N° 0688 - Rapport sur la proposition de résolution créant une
commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib (M.
Patrick Ollier)
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r0906-t1.asp
N° 906
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin
2003.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur les causes économiques et financières de la disparitition
d'AIR LIB
Président
M. Patrick OLLIER
Rapporteur
M. Charles de COURSON
Députés.
--
TOME I
RAPPORT
(1ère partie)
(1) La composition de cette commission figure au verso de la
présente page.
Entreprises
La Commission d'enquête sur les causes économiques et
financières de la disparition d'Air Lib est composée de :
M. Patrick Ollier, président ; M. Xavier de Roux, Mme Odile
Saugues, vice-présidents ; M. Jean-Claude Lefort, M. Christian
Philip, secrétaires ; M. Alfred Almont, M. Claude Bartolone,
M. Joël Beaugendre, M. Marcel Bonnot, M. Jean-Jacques Descamps,
M. Jean Diébold, M. Christian Estrosi, M. Gilbert Gantier,
M. Jean-Pierre Gorges, M. Alain Gouriou, Mme Arlette Grosskost,
M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Gabrielle
Louis-Carabin, M. Lionnel Luca, M. Louis-Joseph Manscour,
M. Jean Marsaudon, M. Philippe Armand Martin (51), M. Jacques
Remiller, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Jean-Marc Roubaud,
M. Frédéric Soulier, Mme Christiane Taubira, Mme Catherine
Vautrin.
S O M M A I R E
_____
Pages
AVANT-PROPOS 7
INTRODUCTION 13
I.- DÈS L'ORIGINE, UN PROJET À LA VIABILITÉ DOUTEUSE 16
A.- LE PROJET DE REPRISE D'AOM-AIR LIBERTÉ PAR M. CORBET
S'EFFECTUE DANS DES CONDITIONS ÉTONNANTES 16
1.- Un salarié d'Air France, responsable syndical et
représentant d'une partie des actionnaires d'Air France
pouvait-il reprendre un concurrent d'Air France ? 16
a) Les fonctions cumulées par Jean-Charles Corbet
n'étaient-elles pas incompatibles avec sa démarche de
repreneur ? 16
b) Protéger Air France et préserver l'emploi ? 19
2.- L'affaire de la Canadian Imperial Bank of Commerce (CIBC)
World Markets :
acquiert une crédibilité
financière apparente 25
3.- Le recrutement de deux anciens cadres supérieurs d'Air
France pour crédibiliser le projet 29
B.- UN PROJET DE REPRISE SURDIMENSIONNÉ ET SOUS-CAPITALISÉ 29
1.- Un plan d'affaires largement surdimensionné pour justifier
le maintien de l'emploi 29
a) La mise en redressement judiciaire 29
b) La présentation des principaux plans de reprise 31
c) Le projet de reprise présenté par M. Corbet a bénéficié du
soutien quasiment unanime des représentants des salariés 34
2.- Les motivations du tribunal de commerce de Créteil ne
dissimulent pas les insuffisances financières patentes du projet
de M. Corbet 37
a) Les inquiétudes quant au financement du projet 37
b) Le projet Holco est apparu au tribunal de commerce de
Créteil, sous d'importantes réserves, comme une alternative
possible à la liquidation 39
c) L'homologation du principe de la transaction passée entre les
anciens actionnaires et le repreneur 41
C.- LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE M. CORBET N'ONT PAS ÉTÉ
TENUS 43
1.- Les promesses de M. Corbet pour permettre le développement
de l'entreprise 43
2.- Aucune des mesures décrites au tribunal de commerce de
Créteil n'a été mise en oeuvre 45
a) Une lettre d'évidence de fonds non utilisée 45
b) Des investisseurs introuvables 48
II.- PREMIER ACTE DE GESTION DE M. CORBET : VERSER DES PRIMES
CONSIDÉRABLES ET DES HONORAIRES EXORBITANTS 50
A.- DES PRIMES CONSIDÉRABLES POUR L'ÉQUIPE DIRIGEANTE 51
B.- DES HONORAIRES EXORBITANTS POUR LES CONSEILS 53
1.- Le cabinet de Me Léonzi 54
2.- Le cas CIBC World Markets 56
III.- UNE GESTION OPAQUE, DÉFICITAIRE ET SOCIALEMENT
CONFLICTUELLE 62
A.- UNE GESTION OPAQUE 63
1.- La mise en place d'Holco et de ses filiales et la
répartition des actifs 63
a) Holco 63
b) Les filiales françaises 64
c) Les filiales étrangères 65
d) Les participations de la holding Holco 76
2.- Dès le mois d'octobre 2001, M. Bachelet envisage le dépôt de
bilan et se heurte au refus de M. Corbet 79
3.- Le droit d'alerte, seul moyen pour le comité d'entreprise de
disposer d'informations 81
B.- DES PROJETS DÉFICITAIRES 83
1.- Le pari perdu d'Air Lib Express 83
a) Le lancement du produit bas tarifs n'a pas été précédé de la
nécessaire diminution des coûts d'exploitation, ce qui a
rapidement condamné l'expérience 84
b) Une forme illégale d'intéressement du personnel navigant
commercial 86
2.- La desserte de l'Algérie et de la Libye 87
a) L'Algérie 87
b) La Libye 88
C.- UN CLIMAT SOCIAL PROFONDÉMENT DÉGRADÉ 89
1.- Les relations des syndicats avec la direction se sont
rapidement dégradées 90
2.- Les luttes de pouvoir internes au Comité d'entreprise autour
du droit d'alerte 92
2ème partie
IV.- L'APPEL AUX FONDS PUBLICS A PERMIS DE RETARDER D'UN AN LE
DÉPÔT DE BILAN D'AIR LIB
A.- UN GIE FISCAL AVORTÉ FAUTE D'INVESTISSEURS
1- Le montage envisagé avec l'accord de l'Etat
2- L'absence persistante d'investisseurs
3- Airbus a finalement choisi un autre acquéreur pour les deux
avions
B.- UN PRÊT DU FDES DE 30,5 MILLIONS D'EUROS ACCORDÉ DANS DES
CONDITIONS SURPRENANTES
1.- Un prêt sur instruction et sans instruction
2.- Une prolongation du prêt malgré les incertitudes sur le
devenir d'Air Lib
C.- UNE ACCUMULATION DE PRÈS DE 100 MILLIONS D'EUROS DE CHARGES
PUBLIQUES IMPAYÉES
1.─ Des difficultés précoces
2.- L'ampleur rapidement prise par les impayés
D.- LE NOUVEL ESPOIR D'UN REPRENEUR RETARDE DE TROIS MOIS LE
DÉPÔT DE BILAN
1.- Un plan de restructuration incompatible avec les règles
communautaires
2.- IMCA : un bien étrange investisseur
3.- Les ultimes manœuvres dilatoires d'IMCA
4.- Les avions seraient devenus la propriété de M. de Vlieger
CONCLUSION
EXPLICATIONS DE VOTE
LISTE DES ANNEXES
AUDITIONS : voir Tome II
AVANT-PROPOS
Avec la publication du rapport de M. Charles de Courson,
s'achèvent les travaux de la commission d'enquête relative aux
causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib,
dont la création avait été autorisée par l'Assemblée nationale,
le 18 mars 2003, par l'adoption d'une résolution dont j'ai pris
l'initiative.
L'objet de cette commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de
présider, n'était pas de conduire une mission d'information sur
l'histoire et l'avenir du transport aérien français ou sur la
menace que représente la concurrence des compagnies à bas coûts,
même si ces sujets ont été largement évoqués tout au long de nos
travaux.
Le champ d'investigation de la commission était strictement
défini dans le temps et dans son objet : rechercher, depuis la
reprise de la société décidée le 27 juillet 2001, toutes les
causes de la disparition d'Air Lib et s'interroger sur la
manière dont les fonds publics ont été mobilisés et dépensés, en
pure perte, au moment où cette compagnie était en situation de
dépôt de bilan annoncé.
Les comptes rendus des auditions témoignent que notre commission
d'enquête a mené ses travaux avec le souci d'obtenir des
réponses précises à des questions précises sur des faits
déterminés et qu'elle ne s'est pas laissée intimider par aucun
tabou, notamment ceux touchant aux salaires, primes, honoraires
ou commissions perçus par les uns ou les autres.
Certains témoins ont pu être surpris du caractère quelque peu
investigateur de nos auditions et en ressentir quelque émoi.
Mais une commission d'enquête se doit d'être menée dans le cadre
d'une procédure contradictoire avec le seul souci de la
recherche de la vérité. J'ai le sentiment que c'est bien ce que
nous avons fait, tous ensemble, chacun dans notre rôle.
Depuis sa réunion constitutive, le 27 mars 2003, la commission
d'enquête a procédé à 27 auditions et entendu 45 témoins. Elle
s'est fait remettre par le ministère de l'économie, des finances
et de l'industrie et par le ministère de l'équipement, des
transports et du logement, toutes les notes et tous les
courriers relatifs à Air Lib, et a pu également se faire
communiquer un certain nombre de documents et de dossiers par
d'autres acteurs de cette affaire.
Elle a pu ainsi convoquer devant elle diverses personnalités, à
l'exception de celles qui, du fait de leur nationalité, n'était
pas tenues de déférer à ses convocations et n'ont pas cru
indispensable de livrer leur témoignage. Nous avons cependant
essayé, vainement hélas, de procéder à leurs auditions.
Elle s'est vu opposer à plusieurs reprises le secret
professionnel, principe qu'elle a volontiers respecté lorsqu'il
reposait sur un texte précis ou qu'il protégeait des intérêts
commerciaux, mais dont l'évocation a paru souvent un moyen
d'éluder des questions gênantes ce qui nous a conduit à
poursuivre nos recherches et à prolonger certaines auditions.
En particulier, lors de sa seconde audition, M. Jean-Charles
Corbet, s'est abrité derrière ce principe, alors qu'il n'avait
pas eu la même attitude lors de sa première audition, le 14 mai.
On peut d'ailleurs parler à ce sujet d'une tactique suspecte qui
n'a pas été sans conséquences sur l'intime conviction des
membres de notre commission.
D'une manière générale, en dépit de sa promesse de travailler
avec la commission d'enquête en toute transparence,
M. Jean-Charles Corbet a très nettement mesuré sa coopération et
ne nous a pas adressé les informations essentielles qu'il a
proposé de donner en audition, annonçant leur transmission par
courrier.
S'il a bien voulu délier le cabinet Mazars et Guérard et le
cabinet KPMG de leur obligation de secret professionnel afin que
leurs représentants puissent être totalement libres de leur
expression, de nombreuses demandes de documents n'ont pas été
satisfaites.
Les documents les plus éclairants ont donc été obtenus par
d'autres voies, en particulier par la mise en œuvre des pouvoirs
reconnus au Rapporteur de la commission dans le cadre de ses
pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place, à l'occasion d'une
visite que nous avons faite au cabinet d'expert-comptable de la
société Holco.
Le Rapporteur a pu ainsi consulter le grand livre de cette
société, les états relatifs aux salaires et primes, les états
relatifs aux honoraires versés par la société Holco, ainsi que
certaines factures.
Le dernier obstacle rencontré par la commission a été le
principe posé par le troisième alinéa du paragraphe I de
l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires qui dispose : « Il
ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant
donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que
ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été
créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information
judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée
d'enquêter ».
Or, à la date de la constitution de la commission d'enquête, une
enquête préliminaire de la brigade financière sur les faits qui
intéressent la commission était en cours. Les conclusions de
cette enquête ne sont pas encore connues aujourd'hui. Cependant,
pour éviter le risque de devoir interrompre ses travaux, la
commission a décidé de remettre ses propres conclusions dès à
présent, même si d'autres auditions ou investigations
complémentaires auraient pu être envisagées pour apporter encore
plus de précision à des faits cependant très suffisamment
éclairés.
La commission d'enquête s'est intéressée, après le processus de
reprise, à l'usage qui a été fait des fonds publics.
A cet égard, elle a été étonnée par la rapidité - trois
jours ! - avec laquelle les services de l'Etat ont instruit le
dossier d'octroi d'un prêt du FDES qui a abouti au versement de
30,5 millions d'euros de fonds publics en deux versements, en
dépit de l'avis défavorable du ministre des finances, qui
craignait notamment que l'Etat puisse être accusé de faire du
soutien abusif. C'est la détermination du ministre des
transports qui a emporté la décision favorable.
Cette décision a été directement à l'origine de l'engagement
financier de l'Etat, engagement qui se solde aujourd'hui par une
dette publique d'Air Lib de 130 millions d'euros.
La commission a été étonnée aussi que le groupe Holco, à ce
moment là, ne mobilise que 5 millions d'euros, soit 20 % de ses
ressources disponibles en France ou à l'étranger, en faveur du
soutien d'Air Lib alors que la contribution Swissair
- 152,5 millions d'euros - qui a abondé Holco, était censée
participer au redressement de la compagnie.
On ne peut que s'interroger à propos de ce que M. Jean-Charles
Corbet a appelé au cours de sa deuxième audition, des
« décisions de gestion » qui ont conduit à répartir une partie
de la contribution Swissair entre diverses filiales, notamment
étrangères, et à refuser d'utiliser ces moyens lorsque Air Lib a
rencontré des difficultés, au nom du risque que le groupe Holco
soit accusé de se livrer à du « soutien abusif » !
En second lieu, certains aspects de ce dossier demeurent obscurs
et nécessitent des recherches approfondies avec des moyens dont
nous ne disposons pas. Cependant, les éléments qui ont pu être
portés à notre connaissance sont suffisamment consistants pour
nous permettre de conclure. Tout au long du rapport qui vous est
présenté, les analyses dont nous disposons nous conduisent à
nous interroger sur plusieurs points qui peuvent constituer des
infractions à la législation.
- Tout d'abord, la commission s'est posée des questions quant à
la sincérité et la bonne foi des engagements pris devant le
tribunal de commerce de Créteil. Outre que le plan d'affaires
était surdimensionné socialement et économiquement, les
garanties financières, qu'il s'agisse de la montée au capital
des salariés pour 23 millions d'euros ou de la lettre d'évidence
de fonds d'Aurel Leven pour 12 millions d'euros, ont pu être
présentées dans le seul but de convaincre le tribunal. Le fait
qu'aucun de ces engagements n'ait été respecté par la suite
constitue en effet un élément lourd d'interrogation.
- La commission a appris que M. Jean-Charles Corbet était entré
en relation avec la banque d'affaire CIBC en se prévalant de sa
qualité de président du conseil de surveillance des fonds
Concorde alors qu'il nous a été indiqué qu'il n'avait
apparemment pas reçu de mandat de la part de ce conseil. Cette
présentation est de nature à créer une situation suspecte dont
le rapport démontrera la dimension.
- Le contrat conclu avec cette banque - le Rapporteur en apporte
la démonstration -, soulève également d'autres interrogations
quant à ses clauses et quant au montant des honoraires qui ont
été versés en application de ces dernières.
- L'unique actionnaire de la holding s'est attribué une prime
d'arrivée d'un montant considérable (855 000 euros) alors que
son entreprise était en redressement et devait affronter la
crise induite par les attentats du 11 septembre.
- La répartition de la contribution Swissair - 152,5 millions
d'euros - entre les différentes filiales de la holding Holco,
notamment à l'étranger, et la très faible mobilisation de ces
fonds (20 %) en faveur de la société d'exploitation Air Lib au
moment où cette dernière rencontrait de très sérieuses
difficultés et où il était fait appel aux fonds publics sont
aussi une source d'interrogations préoccupantes.
- Tout au long de notre enquête, nous avons également constaté
des erreurs de gestion répétées et graves qui pourraient
justifier que M. Jean-Charles Corbet fasse l'objet d'un recours
en comblement de passif.
- Le fait que M. Jean-Charles Corbet ait refusé de déposer le
bilan en décembre 2001 et ait avec obstination poursuivi une
exploitation déficitaire est susceptible d'être un motif
d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son encontre.
- Enfin, les conditions dans lesquelles la société IMCA est
devenue propriétaire de la filiale Mermoz du groupe Holco
demeurent surprenantes tout comme le dernier épisode de la
fausse reprise d'Air Lib par M. de Vlieger.
Pour toutes ces raisons exposées de manière détaillée par ce
rapport j'ai décidé, en accord avec le Rapporteur, de
transmettre solennellement le rapport de la commission
d'enquête, les documents annexes et nos conclusions à Monsieur
le Procureur de la République de Paris afin qu'il examine
l'opportunité de leur donner les suites civiles ou pénales
qu'ils méritent.
Patrick Ollier
Président
INTRODUCTION
L'histoire de la brève existence d'Air Lib fait suite à celle,
somme toute courte également et au moins aussi tourmentée, des
compagnies AOM et Air Liberté. Les fusions, changements
d'actionnaires et tentatives de rationalisation de ce qui devait
être le deuxième pôle aérien français se sont en effet
multipliés, sans jamais aboutir à la mise en place d'une
compagnie véritablement intégrée et performante.
Pour mieux comprendre le poids et la complexité de ce passé, un
bref rappel de l'évolution de l'actionnariat des compagnies AOM
et Air Liberté s'impose.
La compagnie Air Liberté est née en juillet 1987. AOM Minerve,
issue du rapprochement de Minerve et d'Air Outre-Mer, est pour
sa part constituée en septembre 1990.
En janvier 1997, British Airways rachète Air Liberté, alors
placée en redressement judiciaire, et organise un rapprochement
avec TAT. En fait, depuis le 1er avril 1997, Air Liberté
exploite le fonds de commerce de TAT EA en location gérance. Ce
système maintient les différentes entités sans procéder à leur
fusion.
Taitbout Antibes BV, filiale de Marine Wendel, et Swissair vont
successivement racheter AOM Minerve et Air Liberté.
La reprise d'AOM Minerve, annoncée dès février 1999, est
effective le 25 août 1999. Auparavant détenue par le consortium
de réalisation (CDR), la maison mère de la compagnie aérienne (AOM Participations)
est cédée à Taitbout Antibes BV à hauteur de 50,38 % et à
SAirLines, filiale de Swissair, à hauteur de 49,5 %.
Suite à la reprise d'AOM Minerve, dans un premier temps,
Taitbout Antibes BV, agissant en accord avec Swissair, a acquis
Participations Aéronautiques, la maison mère d'Air Liberté le
4 mai 2000. Dans un second temps, il était prévu que Taitbout
Antibes BV cède le capital de Participations Aéronautiques
(société mère d'Air Liberté) à AOM Participations (société mère
d'AOM Minerve).
Le rapprochement des trois compagnies (AOM Minerve, Air Liberté
et TAT) est finalement opéré par la recapitalisation d'AOM
Participations à hauteur de 1,99 milliard de francs effectuée en
décembre 2000. Cette augmentation de capital avait deux objets :
racheter Participations Aéronautiques à Taitbout Antibes BV,
d'une part, et restructurer AOM Participations, d'autre part.
AOM Participations était, à l'issue de cette recapitalisation,
la maison mère de Participations Aéronautiques et demeurait
détenue à hauteur de 50,38 % par Taitbout Antibes BV et de
49,5 % par SAirLines. A compter du 1er janvier 2001, le fonds de
commerce d'Air Liberté a été exploité en location gérance par
AOM.
Nommé à la tête du directoire d'AOM-Air Liberté en février 2001,
M. Marc Rochet est chargé de la restructuration de l'entreprise
mais ne dispose pas du temps nécessaire pour opérer
l'intégration réelle des anciennes sociétés. De plus, les
difficultés financières sont telles que le 15 juin 2001 la
société dépose son bilan, les actionnaires majoritaires ayant
refusé de la renflouer. Le 19 juin 2001, le tribunal de commerce
de Créteil ordonne l'ouverture d'une procédure de redressement
judiciaire et, le 27 juillet 2001, autorise la reprise d'AOM-Air Liberté
par M. Jean-Charles Corbet.
Même si le nouveau dirigeant de ce qui allait devenir Air Lib
n'apportait pas de capital, il bénéficiait aux termes d'un
protocole signé avec Swissair, d'une contribution de
1,3 milliard de francs. Cet engagement ne sera pas honoré,
160 millions d'euros seulement (1,05 milliard de francs) étant
effectivement versés. Par ailleurs, la crise du transport aérien
à la suite des attentats du 11 septembre 2001 a profondément
affecté une compagnie qui partait avec de lourds handicaps. Très
vite, Air Lib a donc recouru aux fonds publics, par le biais
d'un prêt du FDES, pour un montant de 30,5 millions d'euros, et
d'un arrêt du paiement de ses charges sociales et publiques.
Ces aides ont eu pour seul effet de différer une issue
malheureusement prévisible dès le début de l'année 2002. Le
13 février 2003, Air Lib est en cessation de paiements et, le
17 février, le tribunal de commerce de Créteil prononce sa
liquidation.
Le retentissement de la chute d'Air Lib, l'ampleur des fonds
publics consacrés à son maintien en vie et le nombre
considérable de salariés ayant perdu leur emploi ont conduit
l'Assemblée nationale a adopter, le 18 mars 2003, la proposition
de résolution déposée par M. Patrick Ollier1 créant une
commission d'enquête sur les causes économiques et financières
de la disparition d'Air Lib.
Compte tenu du déroulement d'une enquête de police sur ces mêmes
faits, la commission a souhaité travailler rapidement, ce qui ne
l'a pas empêchée de procéder à de nombreuses auditions,
permettant d'entendre l'ensemble des acteurs et témoins de ce
dossier.
Ces auditions et l'étude des diverses pièces transmises ont
conduit la commission tout d'abord à s'intéresser de près aux
conditions dans lesquelles le projet de reprise de Jean-Charles
Corbet a été élaboré et présenté au tribunal de commerce de
Créteil. La commission a également souhaité faire la lumière,
autant que faire se pouvait, sur les primes et honoraires
considérables versés par Holco, la holding présidée par
Jean-Charles Corbet dans les tout premiers temps de son
existence. Les travaux menés ont par ailleurs permis de relever
les défaillances multiples de la gestion financière, humaine et
commerciale d'Air Lib. Enfin, les conditions de l'octroi de
fonds publics importants à une entreprise dont la fragilité
était patente ont fait l'objet d'une attention toute
particulière, tant en ce qui concerne la décision initiale
d'aider Air Lib que s'agissant des prolongations d'un dispositif
d'assistance coûteux, alors même que l'espoir d'un redressement
de l'entreprise s'amenuisait chaque jour.
I.- DÈS L'ORIGINE, UN PROJET À LA VIABILITÉ DOUTEUSE
La reprise des compagnies AOM et Air Liberté par M. Corbet le
27 juillet 2001 soulève de nombreuses interrogations :
- quelles étaient les motivations personnelles de Jean-Charles
Corbet ?
- était-il réellement en « service commandé » comme il a pu
l'affirmer et, si oui, au service de qui ?
- les fonds Concorde, fonds regroupant les actions détenues par
les pilotes d'Air France dans le capital de cette dernière,
ont-ils joué un rôle dans la préparation du projet ?
- ce projet n'était-il pas surdimensionné et sous-capitalisé ?
- pour quelles raisons le tribunal de commerce de Créteil a-t-il
cédé les actifs d'AOM-Air Liberté à Holco ?
- pourquoi les engagements pris par Jean-Charles Corbet devant
le tribunal de commerce de Créteil en termes de réformes
sociales, de financement et de développement des capitaux
propres de l'entreprise n'ont-ils pas été tenus ?
A.- LE PROJET DE REPRISE D'AOM-AIR LIBERTÉ PAR M. CORBET
S'EFFECTUE DANS DES CONDITIONS ÉTONNANTES
1.- Un salarié d'Air France, responsable syndical et
représentant d'une partie des actionnaires d'Air France
pouvait-il reprendre un concurrent d'Air France ?
a) Les fonctions cumulées par Jean-Charles Corbet
n'étaient-elles pas incompatibles avec sa démarche de
repreneur ?
La commission d'enquête n'a pas pour objet de faire le procès
d'un homme ni de sonder son âme ; il est cependant difficile
d'échapper à des interrogations sur les motivations personnelles
d'un homme qui a conduit un projet au nom d'une noble intention
de défense de l'emploi, qui a de toute évidence échoué, mais qui
est aujourd'hui incontestablement plus riche qu'il y a deux ans.
Il convient avant tout de souligner les conflits d'intérêts
majeurs dans la démarche de Jean-Charles Corbet, qui exerçait à
Air France plusieurs fonctions importantes :
- en tant que pilote d'Air France, son statut ne lui permettait
théoriquement pas de travailler à la reprise d'une entreprise
concurrente ;
- en tant que responsable syndical, il avait vocation à défendre
les intérêts des pilotes qu'il représentait et n'était pas censé
mettre à profit les facilités liées à son mandat syndical pour
développer ce projet de reprise ;
- en tant qu'actionnaire d'Air France2, ses intérêts personnels
étaient en contradiction avec le projet de reprendre le
principal concurrent français d'Air France ;
- enfin, en tant que président du conseil de surveillance du
fonds Concorde, représentant donc les pilotes actionnaires d'Air
France, il n'était pas satisfaisant qu'il puisse continuer à
exercer ses fonctions tout en menant à bien un projet de reprise
d'une compagnie concurrente.
S'agissant des motivations personnelles de Jean-Charles Corbet,
les témoins ne s'accordent que sur un fait : il est intervenu à
la demande de M. Immediato, président de la section Air Liberté
du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).
M. Corbet, pilote de ligne chez Air France, a été le président
du syndicat national des pilotes de ligne d'Air France. Le
15 décembre 2000, il a été remplacé à la tête de ce syndicat.
S'il n'est pas impossible que cette éviction ait joué un rôle
dans le désir de M. Corbet de se lancer dans l'aventure de la
reprise d'AOM-Air Liberté, ses motivations initiales étaient,
apparemment, celles d'un syndicaliste.
Devant les difficultés d'AOM-Air Liberté, dès mars 2001, M. Corbet
a indiqué s'être trouvé face à un dilemme : « J'étais dans le
dilemme de la défense d'intérêts corporatistes de pilotes d'une
section et d'une compagnie aérienne [la section Air France du
SNPL] face à la défense générale des pilotes de ligne français.
Quand je dis défense générale, nous avions en tête à l'époque et
nous en discutions dans les instances nationales du SNPL la
problématique des retraites et celle de l'emploi. Les caisses de
retraite des personnels navigants ont un régime particulier et
la disparition brutale de quelque 650 ou 700 pilotes d'AOM-Air Liberté
et quelque 1 500 ou 2 000 navigants commerciaux posait un vrai
problème. »
M. Immediato, président du SNPL d'Air Liberté, connaissait
personnellement M. Corbet et l'a contacté début mars 2001, pour
lui faire part de son inquiétude de voir disparaître Air Liberté
et AOM. Les difficultés devenant plus évidentes, M. Immediato a
demandé à M. Corbet de procéder à un audit de la situation des
compagnies, lequel aurait démontré que le risque d'une
liquidation « n'était pas négligeable ». M. Corbet aurait alors
cherché à alerter, tant sa direction, que le ministère de
tutelle : « Si AOM-Air Liberté disparaissait, on allait être
confronté à deux problèmes dans le transport aérien. Le premier
était un problème d'emploi avec la pérennité de nos caisses de
retraite et avec les difficultés inhérentes. Le deuxième était
qu'Air France allait peut-être se retrouver dans une situation
difficile avec l'arrivée massive de compagnies à bas coûts. Ces
discussions informelles mais importantes ont fait qu'on m'a
laissé continuer à surveiller et à regarder ce problème de très
près, parce que l'inquiétude était réelle.»
M. Immediato aurait eu l'idée de développer une opération de
rachat des entreprises par leurs salariés. Lors de son audition,
M. Corbet a appelé RES cette opération. L'expression RES (rachat
d'une entreprise par les salariés) renvoie à un dispositif
précis d'avantages fiscaux bénéficiant aux salariés dans le
cadre du rachat de leur entreprise et le RES ne peut plus être
mis enœuvre depuis le 1er janvier 1997. Il faut donc considérer
que M. Corbet entendait par RES, non pas le dispositif
susmentionné, mais le simple fait de développer l'actionnariat
salarial.
Il convient ici de souligner que M. Corbet n'a renoncé à exercer
aucune de ses fonctions durant cette période de construction du
projet de reprise d'AOM-Air Liberté, ne levant aucune des
incompatibilités qui lui étaient opposables. Il est ainsi
demeuré pilote de ligne d'Air France, responsable syndical et
président du conseil de surveillance du fonds Concorde, ce qui
relève d'une étrange conception des règles de la déontologie et
de la concurrence.
M. Rochet, ancien dirigeant des compagnies aériennes et qui
était opposé au projet de M. Corbet lors du processus de
reprise, a déclaré : « C'était un peu idéaliste, c'était presque
un rêve de gosse, mais je suis convaincu qu'ils y croyaient
profondément. Jean-Charles Corbet est entré dans ce rêve pensant
qu'en aplanissant toutes les difficultés sociales, tous les
points d'aspérité, il arriverait à redresser l'entreprise avec
ses partenaires syndicaux. (...) Je suis convaincu que le projet
et son instigateur ont dérivé et qu'ils se sont laissés
entraîner dans des promesses, des engagements qui se sont
révélés ensuite complètement inapplicables. » Nous verrons que
cette interprétation contient une part de vérité mais que
d'autres motivations ont pu entrer en ligne de compte.
b) Protéger Air France et préserver l'emploi ?
_ M. Corbet affirme avoir été en « service commandé » et M. Spinetta
le nie
Les motivations de M. Corbet ont été, d'après ses dires, de
protéger les intérêts d'Air France face aux compagnies à bas
coûts et de sauver « quelque 6 000 emplois » : « Il s'agissait,
avec cette reprise, de faire en sorte qu'Air France n'ait pas un
concurrent, mais qu'Air France ait, à côté d'elle, une
entreprise [AOM-Air Liberté] qui lui permette de continuer à se
valoriser et à se développer sans avoir une épine dans le
pied. »
Il ne fait aucun doute que M. Corbet se sentait investi d'une
mission - sauver Air France ! - et que ce messianisme était
conforté par l'idée très personnelle qu'il se faisait de son
ancienne fonction de président du SNPL. M. Corbet a
expliqué : « Pour le président Spinetta- et demandez-lui de vous
le confirmer - dans une entreprise de transport aérien, et je
partage son point de vue, il y a deux hommes clés : le président
de la compagnie aérienne qui gère un environnement et le
président du syndicat majoritaire des pilotes. » En tant que
président du SNPL, il aurait donc été associé aux décisions
stratégiques de la compagnie, non seulement jusqu'en
décembre 2000, mais également jusqu'au moment de l'élaboration
du projet de reprise au printemps 2001.
Mais au-delà de ces déclarations, il est difficile d'affirmer
que M. Corbet aurait reçu un mandat précis de la part du
président d'Air France.
En mai 2001, M. Immediato aurait, selon les déclarations de M. Corbet,
officiellement demandé à ce dernier de conduire, à ses côtés, un
projet de reprise d'AOM-Air Liberté par ses salariés. « C'est à
partir de ce moment que je considère avoir été en service
commandé (...) Dans ces cas-là, c'est toujours comme cela que
cela se passe, on vous dit que vous pouvez y aller, mais que si
cela se passe mal, on ne vous a rien dit et que vous serez face
à vos responsabilités », a déclaré M. Corbet. Les termes de
service commandé, déjà prononcés par M. Corbet devant la presse
audiovisuelle, ne sont pas employés par hasard. Il convenait
donc de l'interroger sur le sens qu'il donne à ces propos. Il a
explicité sa pensée, ne reniant en aucun cas cette expression.
Il a même ajouté avoir « accepté de relever cette mission ». Il
faut donc considérer que, selon M. Corbet, c'est au service
d'Air France et du ministère des transports de l'époque que le
pilote a développé son projet de reprise.
Ces propos sont-ils fiables ? Les opinions des salariés d'Air
France semblent avoir été partagées s'agissant d'AOM-Air
Liberté. Certains préféraient avoir pour concurrent AOM-Air
Liberté plutôt que des compagnies à bas coûts étrangères
soumises à des réglementations sociales et fiscales bien plus
favorables, d'autres considéraient la compagnie comme un
concurrent direct.
Lors de sa seconde audition, M. Corbet a ajouté, s'agissant de
l'attitude du ministère des transports, que la tutelle était
dans une logique d'encouragement de tous les repreneurs. M. Gayssot
a indiqué que M. Corbet n'était pas en service commandé de la
part du gouvernement. Le ministre a également déclaré n'avoir
pas imposé à Air France quelque décision que ce soit concernant
la reprise au nom de l'autonomie de gestion de l'entreprise.
Pour sa part, M. Spinetta, président-directeur général d'Air
France, a vivement réagi aux termes de « service commandé »
prononcés par M. Corbet: « En service commandé de la part de
l'entreprise, certainement pas ! » Il a uniquement reconnu ne
pas avoir imposé d'ultimatum à M. Corbet : « Dans cette période
d'avril-mai à la fin juillet, ai-je demandé alors à M. Corbet de
choisir entre le développement de ce projet et ses activités de
pilote à Air France ? La réponse est clairement non. Il faisait
son travail. La situation était connue, il était venu m'en
parler. (...) Lui ai-je demandé à ce moment-là de respecter
scrupuleusement l'ensemble de ses obligations ? Non. Nous avons
une règle à Air France, que nous avons un peu durcie ces
dernières années. Nombre de pilotes d'Air France ont d'autres
activités. (...) En règle générale, ils doivent en informer la
direction d'Air France et avoir une situation claire, dès lors
que le projet a pris forme. Il me semble que cela a été le cas
de M. Corbet. »
M. Spinetta l'a ensuite mis en relation avec M. Rochet et M. Lapautre,
alors respectivement président du directoire d'AOM-Air Liberté
et président du conseil de surveillance d'AOM-Air Liberté. M. Spinetta a
par ailleurs déclaré lors de son audition avoir trouvé ce projet
de reprise « baroque »: « A l'époque, je l'ai plutôt dissuadé de
se lancer dans cette aventure qui me paraissait assez
audacieuse, mais il a décidé de donner suite à son projet. »
M. Spinetta a affirmé n'avoir pas spécifiquement soutenu l'une
ou l'autre offre de reprise. La compagnie Air France a indiqué
aux repreneurs potentiels (trois offres de reprise principales
s'étaient fait jour, celles de M. Rochet, M. Corbet et le projet
de Fidei, investisseur américain) être prête à envisager un
accord de partage de codes pour la desserte des DOM (ce type
d'accord permet à une compagnie de vendre les billets d'une
autre contre rémunération).
Il semble donc que M. Spinetta ait adopté une attitude
relativement souple, n'imposant notamment pas au pilote de
choisir immédiatement entre ses fonctions à Air France et ses
projets concernant Air Lib. Certains éléments rapportés à la
commission d'enquête, essentiellement par M. Corbet, s'agissant
de la construction de son plan de reprise, doivent être mis en
regard avec les déclarations de M. Spinetta.
S'est posée la question des facilités matérielles éventuellement
offertes à M. Corbet par son employeur. Il s'agit de déterminer
si M. Corbet a continué à exercer réellement son métier de
pilote, d'une part, et s'il a pu s'appuyer sur l'expertise des
services d'Air France pour élaborer son projet de reprise,
d'autre part.
En ce qui concerne le premier point, interrogé sur les
possibilités concrètes de mener à bien un projet de reprise tout
en continuant à assumer des fonctions de pilote, M. Spinetta a
répondu que M. Corbet avait continué à exercer son métier de
commandant de bord sur A 340 à Air France. Du fait des
contraintes de leur métier, les pilotes disposent en moyenne de
quinze jours par mois pendant lesquels ils ne volent pas et, en
tant que représentant syndical, M. Corbet bénéficiait de
facilités, c'est-à-dire de quelques jours par mois à consacrer à
cette activité syndicale. Dans un courrier en date du 15 mai
2003 adressé au Rapporteur, Jean-Cyril Spinetta indique que
l'activité de Jean-Charles Corbet pendant les mois de mai à août
2001 a été comparable à celle d'autres pilotes exerçant un
mandat syndical, à l'exception d'un nombre de jours de congés
importants (35 jours) essentiellement pris en juillet et août.
« A cet égard, la compagnie n'était pas fondée à interroger M. Corbet
sur l'utilisation de ces journées de congé. » M. Corbet a, quant
a lui, indiqué avoir exécuté le nombre d'heure réglementaire
minimum, « soit environ trente heures de vol par mois, dont six
décollages et six atterrissages ». Ces déclarations sont
corroborées par le courrier de M. Spinetta précité. M. Corbet a
donc assuré ses fonctions de pilote à Air France suivant les
règles en vigueur avant de prendre des congés.
Pourtant, à l'occasion d'un nouvel échange avec le Rapporteur,
M. Corbet a fait cette déclaration trouble et surprenante : « M.
le Rapporteur : Si j'ai bien compris, à la première question que
je vous ai posée, votre réponse est que vous êtes payé jusqu'au
1er septembre [2001]...
M. Jean-Charles CORBET : ... Par Air France, pour conduire une
reprise, tout à fait, si c'est ce que vous voulez dire.
M. le Rapporteur : Avez-vous été payé pour procéder à une
reprise ?
M. Jean-Charles CORBET : Vous le voyez comme vous le voulez.
J'ai développé dans ma réponse à la question précédente qu'avec
l'accord bienveillant de ma direction, j'étais autorisé à
conduire une reprise. Je continuais à être payé par Air France
dans ce cadre. C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure et
c'est pour cela que je parle, peut-être improprement, de service
commandé. »
A partir du 1er septembre 2001, M. Corbet a pris un congé
sabbatique d'une année au terme de laquelle il devait choisir
entre une réintégration et une démission. Depuis le 31 août
2002, M. Corbet ne fait plus partie des effectifs d'Air France.
A cet égard, il n'aurait pas envoyé de lettre de démission,
contrairement à ses déclarations devant la commission, et c'est
M. Spinetta qui aurait pris l'initiative de régulariser la
situation.
S'agissant des rumeurs d'un appui technique d'Air France, M. Corbet,
interrogé par le Rapporteur sur l'attitude de M. Spinetta dans
les mois précédant la reprise, a indiqué que son projet avait
été développé avec les services d'Air France : « En d'autres
termes, quelle a été la position du président Spinetta ? Vous
a-t-il encouragé ou découragé, ou bien est-il resté neutre ?
Quelles ont été vos relations avec le président Spinetta et la
direction générale d'Air France ?
M. Jean-Charles CORBET : Les mots ont une importance lourde. Le
mot encouragé ou découragé a un sens précis. Je pense que c'est
au président Spinetta qu'il faudrait poser la question sur le
mot encouragé ou découragé.
M. le Président : La question lui a été posée.
M. Jean-Charles CORBET : Je ne vais pas répondre à sa place,
mais je vais vous dire ce que, moi, je considère. Quelle valeur
donner au mot « encouragé » quand le projet de reprise qui doit
s'appuyer sur un programme [des vols notamment] est construit
avec les services d'Air France ?
M. le Rapporteur : Vous confirmez donc ce point.
M. Jean-Charles CORBET : Oui. »
Il a ensuite ajouté que « cela a été fait avec plusieurs
repreneurs ».
M. Spinetta a, lui, indiqué le contraire : « M. le
Rapporteur : Pour préciser la question de Mme Saugues, il est
rapporté que des responsables d'Air France ont aidé, au moment
de la reprise, pour établir les premiers programmes de vols.
M. Jean-Cyril SPINETTA : Sur le recours à des services
conseillers d'Air France, non. »
Quoi qu'il en soit, le programme de vols de M. Corbet a été
construit de manière à ne pas faire d'AOM-Air Liberté une
concurrente directe d'Air France, ce qui apparaît logique compte
tenu du différentiel de puissance entre les deux compagnies.
« C'est ainsi que, dans le programme, on a abandonné Bordeaux,
Marseille, on a établi le principe d'un accord commercial de
partage des codes [pour la desserte des DOM] qui mettait Air Lib
au départ de Roissy », a précisé M. Corbet. Ce dernier accord va
d'ailleurs se révéler très coûteux pour Air Lib, la compagnie
étant basée à Orly.
Un accord de partage de codes est une alliance entre compagnies
aériennes permettant aux contractants de vendre les billets les
uns des autres, ceci afin de proposer davantage de destinations
et de faciliter les correspondances. Sont donc alliés les offres
de vols et les réseaux commerciaux de plusieurs transporteurs.
Une compagnie vendant le billet d'une autre ne perçoit pas le
prix du billet mais une commission. Ce type d'accord est très
répandu dans le transport aérien.
M. Spinetta a insisté sur le fait que cet accord avait permis à
Air Lib de bénéficier de l'assise commerciale d'Air France qui a
vendu pour elle de très nombreux billets : « Le nombre de places
commercialisées sur les avions d'Air France par Air Lib est
infinitésimal, moins de 1 %. Le pourcentage des places
commercialisées par Air France sur les avions d'Air Lib est très
significatif. Plus de 40 % des places vendues sur les avions
d'Air Lib sont vendues à travers l'intervention des services
commerciaux d'Air France qui reçoivent une commission pour
services rendus, comme tout agent de voyages.»
Mais l'accord entre Air France et Air Lib était impraticable
pour cette dernière. Le terme d'ineptie a été prononcé devant la
commission d'enquête pour qualifier l'exploitation bi-base (sur
les aéroports d'Orly et de Roissy) prévue pour Air Lib. M. Derivery,
directeur dans le cabinet KPMG Consulting France qui a remis le
15 juillet 2002 un rapport sur les conditions d'exploitation des
différents réseaux de la compagnie aérienne Air Lib à la
direction générale de l'aviation civile (DGAC), a expliqué lors
de son audition les raisons pour lesquelles l'accord de partage
de codes allait se révéler défavorable à Air Lib : « Enfin,
s'agissant de la desserte des DOM, Air Lib avait conclu un
accord très important de partage de codes avec Air France. Cet
accord a aidé la compagnie à survivre, puisqu'il était fortement
générateur de trésorerie. Mais la trésorerie ne doit pas être
confondue avec le bénéfice. Cet accord était très défavorable
par certains aspects et pas forcément seulement en montant pur.
Il impliquait en effet pour Air Lib une exploitation sur deux
sites. Or, une telle exploitation en transports aériens est très
sophistiquée et très coûteuse. De plus, leur flotte n'était pas
forcément très fiable, parce que les avions étaient vieux. Les
coûts de maintenance étaient très élevés. Souvent, des avions
tombaient en panne sur la base de Roissy et devaient être
dépannés, ce qui coûtait des sommes très importantes [les
services de maintenance étant à Orly]. Donc, notre position
était de dire : certes, il y a là quelque chose d'intéressant
parce que ça génère du chiffre et de la trésorerie ; maintenant,
peut-être que cela détruit de la valeur pour l'entreprise. »
Devant les coûts générés par le partage de codes, Air Lib a,
dans une lettre en date du 27 juin 2002, annoncé à Air France
qu'elle souhaitait modifier les conditions du partage de codes.
Air France aurait eu à sa disposition 80 % des sièges des vols
opérés par Air Lib mais aurait dû accepter de prendre en charge
80 % des coûts afférents à ces sièges, a déclaré M. Spinetta.
Air France a refusé et Air Lib a annoncé qu'à compter du
8 septembre 2002, elle cesserait de desservir Roissy et
concentrerait ses moyens sur Orly. L'accord a été dénoncé de
manière définitive en septembre 2002.
En conclusion, entre la thèse de M. Corbet selon laquelle il
avait pour but de protéger les intérêts d'Air France dans une
stratégie de freinage du développement des compagnies à bas
coûts en France et la thèse de M. Spinetta d'une neutralité
d'Air France, où est la vérité ?
Des éléments recueillis par la commission d'enquête, on peut
estimer que les deux thèses ne sont pas totalement
incompatibles. Air France, en s'abstenant de rappeler à
Jean-Charles Corbet entre avril et juillet 2001,
l'incompatibilité entre ses trois fonctions de salarié
d'Air France, d'actionnaire d'Air France et de représentant des
pilotes détenant 6 % du capital d'Air France via le fonds
Concorde, a apporté un appui implicite à M. Corbet. Avec
l'accord de partage des codes et l'aide à la construction des
programmes de vol, Air France lui a apporté un appui explicite.
_ Un administrateur d'Air France, conseiller en communication de
la direction d'Holco
Enfin doit être évoqué le rôle de M. Christian Paris, pilote de
ligne chez Air France, président du conseil de surveillance du
fonds commun de placement d'entreprise Concorde par lequel les
pilotes d'Air France détiennent une partie du capital de la
compagnie, poste auquel il a succédé à M. Corbet, et membre du
conseil d'administration à ce titre. M. Paris, ami proche de M. Corbet,
aurait très souvent été vu à Air Lib. Certains témoins l'ont
même décrit comme étant omniprésent.
Pour beaucoup, le rôle de M. Paris était ambigu et dépassait le
simple cadre de visites amicales. Selon certains témoins, il
aurait même disposé d'un bureau dans les locaux d'Air Lib.
Auditionné par la commission d'enquête, M. Paris a reconnu avoir
aidé M. Bachelet (directeur général d'Holco et président du
directoire d'Air Lib) dans le domaine de la communication
médiatique et de la communication interne, à la demande de M.
Bachelet. Il en aurait averti M. Spinetta par oral (à
l'automne 2001) : « J'ai prévenu mon président que mon amitié
pour Corbet ne se démentirait pas, que je pourrais être amené à
donner des conseils à Bachelet ou Corbet sur le strict plan de
la communication. Mon président m'a dit que cela ne lui posait
pas de problème particulier à deux conditions. (...) D'abord,
que tout cela soit sans rémunération. Ensuite que cela
n'interfère pas avec l'activité d'Air France, en particulier
avec la situation de compétition sur le marché commun. »
M. Paris n'aurait pas conseillé M. Corbet car celui-ci n'était
que l'actionnaire d'Air Lib avant le départ de M. Bachelet en
décembre 2001. Il a déclaré avoir parfois rédigé la « Lettre du
président » mais ne serait intervenu qu'une seule fois auprès de
pilotes envisageant de déclencher une grève, se trouvant par
hasard aux côtés de M. Corbet avec lequel il s'apprêtait à
partir en congés.
M. Spinetta a déclaré n'avoir pas eu la preuve que M. Paris
était un conseiller officieux de M. Corbet. M. Paris ne serait
pas allé en discuter avec la direction d'Air France. Il ne s'est
pas étonné du fait que M. Paris soit demeuré proche de M. Corbet
puisque les deux hommes entretenaient une amitié de longue date.
2.- L'affaire de la Canadian Imperial Bank of Commerce (CIBC)
World Markets : Jean-Charles Corbet acquiert une crédibilité
financière apparente
La CIBC World Markets est la banque d'affaires canadienne ayant
assisté M. Corbet dans le montage de son projet de reprise des
compagnies AOM et Air Liberté. Cette banque était notamment
chargée de trouver des investisseurs susceptibles de financer le
projet. La CIBC World Markets est à l'origine de la présentation
au tribunal de commerce de Créteil (qui allait décider ou non de
la reprise) d'une lettre d'évidence de fonds de 80 millions de
francs.
La CIBC avait déjà travaillé avec M. Corbet sur l'ouverture du
capital d'Air France aux pilotes et celui-ci a donc mobilisé ses
anciens partenaires : « j'avais dans ma « boîte à outils » un
certain nombre de contacts et de relations avec des banques
d'affaires et des conseils puisque j'avais mené, entre 1998 et
1999, le projet d'ouverture du capital d'Air France aux pilotes
d'Air France; dans ce cadre, j'avais fait des appels d'offres à
différentes banques d'affaires et cabinets de conseils. Avec
l'accord de mes pairs, j'ai utilisé cette boîte à outils pour
adjoindre au projet de Jean Immediato un certain nombre de
compétences sans lesquelles il était impossible de monter un
projet crédible. » M. Corbet « entrevoyait » une possible
seconde ouverture du capital d'Air France aux salariés et la
CIBC a de nouveau été approchée dans ce cadre. Puis, M. Corbet a
été amené à travailler avec la banque d'affaires pour la reprise
d'AOM-Air Liberté.
Le contrat signé entre la CIBC World Markets et M. Corbet le
11 juillet 2001 pose plusieurs problèmes.
En premier lieu, c'est en vertu de ce contrat que la banque a
perçu une rémunération de 8,335 millions d'euros versée en août
et en septembre 2001. Le montant et la justification de la
facture soulèvent des interrogations qui seront étudiées dans le
II du présent rapport.
En second lieu, le libellé du contrat donne à penser que M.
Corbet se serait servi de ses fonctions de président du conseil
de surveillance du fonds Concorde, impliquant ce dernier dans
son projet de reprise et engageant peut-être sa responsabilité,
à l'évidence pour accroître sa crédibilité personnelle face à la
banque d'affaires. Rappelons que le fonds commun de placement
d'entreprise Concorde a été créé suite à la grève des pilotes de
1998. Dans le cadre d'un dispositif d'échange « salaires contre
actions », établi en 1998, il était prévu de stabiliser les
barèmes de rémunération des personnels navigants techniques
(pilotes de ligne et officiers mécaniciens navigants). En
contrepartie, ce personnel devait détenir, à terme, 12 % du
capital. Près de 80 % des pilotes ont participé à l'opération et
ont souscrit 6,5 % du capital3. L'ensemble des salariés
détiennent actuellement 12,7 % du capital d'Air France.
Il convient donc de se demander dans quelle mesure M. Corbet
était autorisé à utiliser le fonds Concorde dans son opération
de reprise d'AOM-Air Liberté.
Les premières phrases du contrat entre M. Corbet et la CIBC
World Markets laissent entendre que M. Corbet aurait contracté
avec cette dernière au nom du fonds commun de placement
d'entreprise Concorde, en tant que président du conseil de
surveillance de ce fonds : « Mon cher Jean-Charles, en réponse à
votre demande, et pour faire suite à nos récents entretiens,
nous avons le plaisir de vous présenter les conditions dans
lesquelles nous sommes intervenus depuis le 2 mai 2001 et nous
continuerons d'intervenir à compter de ce jour, à la demande du
conseil de surveillance du fonds commun de placement
d'entreprise Concorde en qualité de conseil financier de la
société Holco ». Dans le même paragraphe du contrat est évoquée
la possibilité d'une intervention des porteurs de parts du FCPE
Concorde (en tant qu'investisseurs dans Air Liberté-AOM). Sur la
dernière page du contrat ont été apposées les signatures de M. Mongeau
pour la CIBC World Markets et de M. Corbet pour Holco. Au-dessus
de la mention « Pour le compte du conseil de surveillance du
FCPE Concorde, Jean-Charles Corbet », ce dernier n'a pas signé.
Cependant, il a bien paraphé l'ensemble des feuillets, dont le
premier faisant état d'une intervention de la CIBC World Markets
« à la demande du conseil de surveillance du fonds commun de
placement d'entreprise Concorde ». Ceci est surprenant et met en
cause la manière dont M. Corbet a voulu attirer la confiance de
ses interlocuteurs.
M. Paris, alors membre du conseil de surveillance du fonds,
n'était pas au courant des termes de ce contrat avec la CIBC
World Markets et a indiqué que le conseil de surveillance
n'avait pas autorisé M. Corbet, alors président, à impliquer le
fonds dans son projet de reprise. « Très clairement, aucune
réunion du conseil de surveillance, qu'il s'agisse d'une réunion
formelle ayant donné lieu à un compte rendu, ou d'une réunion
informelle de travail, comme cela nous arrive régulièrement, n'a
donné lieu à la moindre évocation de ce sujet [le contrat passé
avec la banque d'affaires]. Je suis conscient de parler sous
serment, monsieur le Rapporteur. (...) Il est écrit : « à la
demande du conseil de surveillance ». Or, le conseil de
surveillance n'a jamais rien demandé. » M. Corbet aurait
uniquement demandé à pouvoir se prévaloir de sa qualité de
président du conseil de surveillance « comme d'une ligne
supplémentaire sur sa carte de visite ». Le conseil de
surveillance aurait répondu de manière positive, sous certaines
limites : « ça ne nous posait pas de problème, à une seule
condition, c'est que bien entendu, ça reste sous cet aspect-là,
valorisation d'un CV, d'un profil, ça n'engage en aucun cas le
conseil de surveillance. »
M. Corbet a présenté les choses différemment. Il a indiqué qu'il
était en contact avec la CIBC World Markets en tant que
président du conseil de surveillance du fonds Concorde pour une
éventuelle seconde ouverture du capital d'Air France. Quand il a
souhaité engager la CIBC World Markets pour la reprise, cette
banque d'affaires ne travaillant pas pour des particuliers, il a
fallu trouver la structure pour laquelle la CIBC World Markets
devrait désormais intervenir et il a été décidé que la CIBC
World Markets n'interviendrait plus pour le président du conseil
de surveillance du fonds Concorde mais pour le président d'Holco,
société à créer. C'est pourquoi le contrat en date du
11 juillet 2001 précise que la CIBC World Markets a « le plaisir
de vous présenter les conditions dans lesquelles nous sommes
intervenus depuis le 2 mai 2001 et nous continuerons
d'intervenir à compter de ce jour, à la demande du conseil de
surveillance du fonds commun de placement d'entreprise Concorde
en qualité de conseiller financier de la société Holco.» Mais
pendant trois mois, d'avril à juin, la CIBC a travaillé sur la
reprise pour le compte de M. Corbet, président du conseil de
surveillance du fonds Concorde. Or, ce dernier a confirmé
n'avoir pas eu de mandat du conseil de surveillance à cet effet.
Cependant, il a nié n'avoir pas informé le conseil de
surveillance, affirmant qu'il avait été clairement question, au
mois d'avril, que les pilotes d'Air France puissent investir une
partie de leur capital dans Air Lib.
Dans ces conditions, puisqu'il n'était plus question d'une
participation des pilotes d'Air France dès le mois de mai,
pourquoi le contrat mentionne-t-il, le 11 juillet, la
possibilité d'une intervention des porteurs de parts du FCPE
Concorde (en tant qu'investisseurs dans Air Liberté-AOM) ?
Cette affaire a d'ailleurs posé des difficultés à M. Paris, qui
a pris la succession de M. Corbet à la tête du conseil de
surveillance du fonds Concorde en août 2001, comme il a pu en
témoigner : « Ce qui a été rapporté par la suite, notamment dans
les tracts syndicaux, c'est que M. Corbet avait engagé le
nantissement des titres détenus dans les Fonds Concorde pour
mener sa reprise, ce qui voulait dire qu'on engageait les titres
détenus par les pilotes au titre de l'échange salaire-actions en
1999, qu'on leur faisait prendre un risque financier pour mener
une reprise d'entreprise. J'ai fait faire une étude juridique
sur le sujet. C'est strictement impossible. J'ai répondu à
chaque porteur de parts. J'ai écrit à 2 850 pilotes. »
M. Corbet a-t-il pris seul la responsabilité d'engager le fonds
Concorde ? On ne peut manquer de s'interroger sur les suites qui
auraient pu être données par la CIBC World Markets à ce contrat
si M. Corbet n'avait pas été choisi comme repreneur.
L'intégralité des 8,335 millions d'euros n'auraient pas été dus
mais la facture aurait été considérable (près de 700 000 dollars
d'après le contrat) et il n'est pas évident que M. Corbet aurait
pu l'honorer seul. D'après les informations recueillies par le
Rapporteur, la CIBC World Markets n'aurait cependant pas
recherché la responsabilité du conseil de surveillance du fonds
Concorde car M. Corbet n'avait pas signé pour le compte du
conseil de surveillance. Pour autant, l'ambiguïté du premier
paragraphe du contrat demeure.
Le fait que le contrat ait été rétroactif, puisque signé le
11 juillet alors qu'il s'appliquait depuis le 2 mai, laisse la
porte ouverte à une autre hypothèse : il aurait été signé après
le 26 juillet 2001 et aurait été antidaté. Le fait que les
paiements soient étalés sur août et septembre 2001 plaide en ce
sens.
3.- Le recrutement de deux anciens cadres supérieurs d'Air
France pour crédibiliser le projet
M. Corbet a eu, semble-t-il, quelques difficultés à recruter des
professionnels avertis pour constituer son équipe au printemps
2001. L'exemple de l'un des cadres de Lufthansa a été cité. M. Antinori,
pour venir dans une société telle qu'Air Liberté-AOM, risquant
de polluer son image pour le reste de sa carrière, selon les
termes de Me Léonzi, demandait une prime de 35 millions de
francs. Ce montant a été jugé déraisonnable dans le cadre de
cette reprise.
Deux anciens salariés d'Air France, MM. Bachelet et Bardi,
respectivement anciens président d'Air France Cargo et directeur
général d'Air France Cargo, à la retraite, connus dans le
secteur du transport aérien, ont ensuite été approchés et
recrutés. Ils ont été affectés à des postes clés. M. Bachelet a
été nommé directeur général d'Holco et président du directoire
de la société d'exploitation AOM-Air Liberté. M. Bardi, quant à
lui, occupait les fonctions de secrétaire général d'Holco et
était membre du directoire de la société d'exploitation AOM-Air
Liberté.
MM. Bachelet et Bardi quitteront l'entreprise respectivement en
février et avril 2002.
M. Pascal Perrichon, dit Perri, directeur de cabinet, complète
cette équipe.
B.- UN PROJET DE REPRISE SURDIMENSIONNÉ ET SOUS-CAPITALISÉ
La reprise d'AOM-Air Liberté à la barre du tribunal de commerce
de Créteil était fondée sur un certain nombre d'engagements pris
pour redresser la compagnie. Malgré tout, le projet demeurait
fragile.
1.- Un plan d'affaires largement surdimensionné pour justifier
le maintien de l'emploi
a) La mise en redressement judiciaire
Suite à leur dépôt de bilan le 15 juin 2001, le tribunal de
commerce de Créteil a, par un jugement en date du 19 juin 2001,
ouvert une procédure de redressement judiciaire des sociétés Air
Liberté-AOM (ancienne AOM Minerve) et Air Liberté.
Le tribunal a constaté que les sociétés SA Air Liberté AOM et
SA Air Liberté n'étaient pas en mesure de faire face au passif
exigible (5,38 milliards de francs pour AOM et 1,74 milliard de
francs pour Air Liberté) avec leur actif disponible
(respectivement 1,71 milliard de francs et 334 millions
de francs).
Il a prononcé la confusion des patrimoines des entreprises,
attendu que « l'ensemble des moyens sont confondus sur le plan
matériel et humain », le fonds de commerce de la société Air
liberté étant exploité en location gérance depuis le 1er janvier
2001 par SA Air Liberté AOM. Le contrat de location gérance est
celui par lequel « le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de
commerce en concède totalement ou partiellement la location à un
gérant qui l'exploite à ses risques et périls4 ». Un contrat de
location gérance permet d'opérer un rapprochement entre deux
compagnies sans toutefois aller jusqu'à la fusion. Il n'a pas un
caractère irréversible comme la fusion et permet de maintenir
des personnels sous leurs statuts antérieurs.
Air Liberté AOM employait alors 4 245 salariés et Air Liberté
aucun.
Le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à
l'égard des deux sociétés. Il a estimé qu'il ressortait des
débats que des solutions étaient envisageables. Aussi, il a
permis aux organes de la procédure de les explorer en prononçant
un redressement judiciaire, « mais en limitant toutefois à trois
mois la période d'observation, compte tenu de l'importance du
passif et de moyens de trésorerie limités pour faire face aux
dépenses postérieures à l'ouverture de la procédure. »
Des jugements similaires du même jour ont concerné les
entreprises suivantes :
- SA Air Liberté Industrie qui a une activité de maintenance
aéronautique et emploie 248 salariés ;
- SA TAT European Airlines (aucun salarié), dont le fonds de
commerce était exploité en location gérance par Air Liberté
depuis le 1er avril 1997 ;
- SARL Hotavia Restauration Services. Cette entreprise fournit
des prestations de restauration et emploie 188 salariés ;
- SA Minerve Antilles Guyane, exerçant une activité d'assistance
en escale (aux Antilles et à la Réunion) et employant 94
salariés.
Ces quatre entreprises exerçant la quasi-totalité de leur
activité en lien avec Air Liberté AOM, il était opportun que
leur sort soit lié à celui de cette dernière.
b) La présentation des principaux plans de reprise
Par un jugement en date du 27 juillet 2001, le tribunal de
commerce de Créteil a autorisé la reprise des sociétés en
redressement judiciaire par Jean-Charles Corbet.
Seize candidats à la reprise se sont présentés le 19 juin, dont
notamment la SAS Participations aériennes (appuyée sur la
société financière Fidei 5), M. Jean-Charles Corbet et M. Marc
Rochet (soutenu, sur le plan financier, par MAAF Assurances).
Le 19 juin 2001, les différentes parties ont été convoquées et
ont comparu en Chambre du Conseil. L'offre de M. Marc Rochet,
déposée hors délai, n'a pu être examinée à cette occasion.
Comme l'a alors indiqué le ministère public, deux propositions
semblaient pouvoir être retenues : celle d'Holco, société à
créer par M. Jean-Charles Corbet, et celle de Fidei.
Swissair, l'un des deux actionnaires de référence des
compagnies, s'était engagé à apporter un concours financier au
repreneur qui serait choisi par le tribunal. M. Corbet avait
fondé son plan de reprise sur une contribution de deux milliards
de francs mais elle sera en fait fixée à 1,3 milliard de francs.
Fidei proposait une reprise d'une partie du personnel,
correspondant à 2 200 postes équivalents temps plein. Le
périmètre de la reprise comprenait les sociétés : Air Liberté-AOM,
Air Liberté, Air Liberté Industrie, TAT European Airlines et
Minerve Antilles Guyane. La société qui devait être créée,
Participations aériennes, aurait également repris les
participations détenues dans les sociétés suivantes : Service
Assistance Piste (SAP), Services Avions Assistance Sol (SAAS),
Logitair (traitement des recettes) et Air Lib Finances
(financement des avions).
En ce qui concerne le statut du personnel, Fidei exigeait que,
sur la base du plan présenté par la direction de l'époque, pour
chaque catégorie professionnelle, un statut unique se substitue
aux anciens statuts des personnels émanant des différentes
sociétés constituant Air Liberté-AOM.
Du point de vue financier, la société Participations aériennes
serait dotée dès la reprise d'un financement sous la forme d'un
prêt participatif d'au moins un milliard de francs (pouvant
aller jusqu'à 1,15 milliard de francs), s'ajoutant à une
capitalisation à hauteur de 100 millions de francs.
Le prix de cession hors taxes proposé était d'un million de
francs.
S'agissant de l'offre de Fidei, le ministère public a noté
que « cette proposition bien structurée présente la petite
faiblesse de ne pas avoir une adhésion parfaite et totale de
tous les salariés, cependant les aspects financiers sont à
retenir. »
On s'apercevra qu'en fait l'accord des salariés a prévalu sur la
solidité des aspects financiers.
Le projet de M. Jean-Charles Corbet prévoyait, pour sa part, la
reprise d'un effectif total de 2 532 personnes. Le périmètre de
la reprise proposé comprenait les sociétés Air Liberté-AOM, Air
Liberté, Air Liberté Industrie, Minerve Antilles Guyane, Hotavia
Restauration Services et TAT European Airlines. Le prix de
cession proposé était de un franc.
Comme le notait le tribunal, en ce qui concerne le volet
financier : « Hormis la participation financière des
actionnaires actuels à hauteur de 2 milliards de francs, le
projet Holco ne démontre aucune évidence d'une solidité
financière propre destinée à faire face aux futures pertes
d'exploitation non budgétées et qui pourraient cependant se
faire jour. »
Le ministère public a souligné que l'offre Holco « a l'avantage
d'avoir l'appui de l'ensemble des salariés, et bien que faible
sur le plan financier, le projet d'entreprise paraît sérieux et
peut faire prospérer ce groupe. »
En chambre du conseil, le 19 juillet 2001, l'offre de reprise de
M. Corbet a été modifiée. M. Corbet a déclaré vouloir également
reprendre les actions des sociétés SR Technics France, Service
Assistance Piste (SAP), Services Avions Assistance Sol (SAAS),
Logitair, Alyzair (traitement des données de vol) et Air Lib
Finances. Le nombre des salariés repris a été relevé à 2 930. Le
prix de cession a été maintenu à un franc symbolique.
Une nouvelle audience a été organisée par le tribunal de
commerce de Créteil afin de permettre à tous les repreneurs de
présenter ou d'améliorer leur plans (M. Rousselin, président du
tribunal de commerce de Créteil, l'a expliqué : « Cela
permettait à tous les partenaires de mettre à profit cette
semaine pour améliorer leurs propositions et cela permettait à
M. Rochet de présenter sa proposition dans les mêmes conditions
que les autres»). Lors de l'audience du 26 juillet, les éléments
précités ont de nouveau été étudiés et précisés. Me Léonzi,
avocat d'Holco, a ainsi déclaré qu'« Holco acceptait en l'état
le montant de la contribution proposée par Swissair à hauteur de
1,3 milliard de francs [contre les deux milliards prévus dans le
plan présenté le 19 juillet]tout en précisant que cette somme ne
correspond pas à la nécessité des besoins de financement de
l'entreprise sur les 17 mois. » Par ailleurs, le nombre de
salariés repris a une nouvelle fois été modifié et a été ramené
à 2 706 (contre 2 930 précédemment) et la flotte a été réduite
de cinq appareils.
L'offre de M. Marc Rochet a été présentée lors de cette audience
du 26 juillet 2001. La reprise proposée portait sur les
sociétés : Air Liberté-AOM, Air Liberté, Air Liberté Industrie,
TAT European Airlines et Minerve Antilles Guyane. M. Rochet
reprenait également les actions détenues dans les sociétés
Air Liberté Finances et Air Liberté Voyages. Les effectifs
repris s'élevaient au total à 2 600 et le prix de reprise était
de trois francs. La société repreneuse, AOM-Liberté, devait être
dotée d'un capital de 200 millions de francs.
M. Rochet a déclaré lors de son audition par la commission
d'enquête avoir voulu, en présentant un plan de reprise,
« démontrer par écrit ce qu'il fallait faire pour sauver
l'entreprise».
Le ministère public a indiqué que cette offre présentait un
double problème, quant à sa recevabilité juridique et quant à
son opportunité : « ses avantages sont le soutien de Swissair
quasi entier, mais elle ne recueille le soutien que d'une faible
partie du personnel, son financement propre apparaît léger. Il
reste également une condition suspensive d'un accord avec les
salariés et enfin le management apparaît comme devant être
changé pour créer une nouvelle dynamique d'entreprise. »
Les relations de M. Rochet avec les syndicats constituaient une
difficulté évidente. Qualifiant ces rapports, M. Fourier,
délégué syndical CGT, a indiqué : « Les rapports étaient donc
francs dans l'hostilité générale. » En outre, deux problèmes
majeurs se posaient s'agissant de la recevabilité de l'offre de
M. Rochet : étant le dirigeant qui avait mené l'entreprise au
dépôt de bilan, il n'était pas certain qu'il puisse la reprendre
à la barre d'un tribunal et, avant tout, le fait d'avoir assorti
le plan de reprise d'une condition suspensive tenant à la
renégociation des statuts des personnels excluait cette offre de
la reprise.
M. Rousselin, président du tribunal de commerce de Créteil, a
apporté les précisions suivantes lors de son
audition: « Contrairement à ce que permet la loi, M. Rochet a
assorti sa proposition d'une condition suspensive, c'est-à-dire
qu'il entendait que sa proposition ne soit prise en compte que
pour autant que l'ensemble du personnel accepte de passer un
accord d'entreprise remettant les accords des uns et des autres
sur un pied d'égalité. La loi ne permet pas qu'un tribunal, quel
qu'il soit, puisse arrêter un plan de cession avec des
conditions suspensives. C'est impossible. »
Lors de cette audience, le ministère public a également noté que
l'offre Fidei, « semble être une solution ; le plan semble
économiquement viable, l'équipe est jeune et dynamique. Le prix
de cession de un million de francs n'est pas négligeable. Elle a
l'inconvénient de ne pas recueillir l'adhésion totale du
personnel. »
Enfin, en ce qui concerne l'offre d'Holco, le ministère public a
conclu qu'« elle apparaît comme l'offre la plus aboutie. Elle
est l'œuvre de personnes issues du milieu du transport aérien et
M. Corbet est en mesure de regrouper le personnel autour de
lui. »
c) Le projet de reprise présenté par M. Corbet a bénéficié du
soutien quasiment unanime des représentants des salariés
Le projet de reprise de M. Corbet était le plus acceptable
socialement. Aux 2 706 emplois repris dans le cadre des six
sociétés mises en redressement judiciaire le 19 juin 2001, il
fallait ajouter, compte tenu de la reprise des actions détenues
dans plusieurs sociétés, d'après le jugement du 27 juillet, un
effectif de 540 salariés, soit un total de 3 246. A titre de
comparaison, en prenant en compte les participations financières
reprises dans les deux principaux projets concurrents, on
obtenait un total de 3 000 emplois repris pour M. Rochet et
2 218 salariés pour le projet Participations aériennes/Fidei.
Cette dernière offre se situait donc largement en retrait.
Il apparaît clairement dans le jugement du 27 juillet 2001 que
le soutien manifeste des salariés pour le projet de M. Corbet a
joué un rôle déterminant dans l'attribution de la reprise.
On rappellera que lors de la délibération du comité d'entreprise
du 26 juillet 2001, le projet Fidei a fait l'objet de vingt
abstentions, le projet de M. Marc Rochet a recueilli dix votes
favorables et dix abstentions, tandis que 17 membres ont voté
pour le projet Holco (et trois abstentions ont été recensées).
M. Monnin, alors co-secrétaire CFDT du comité d'entreprise d'AOM
Air Liberté, a déclaré au tribunal de commerce, d'après le
jugement du 27 juillet : « Ce projet [le projet Holco] est le
seul qui ait répondu à notre besoin de transparence, l'analyse
qui a été faite sur le volet social est particulièrement
cohérente. »
M. Fourier, délégué syndical CGT, porte aujourd'hui un regard
nuancé sur les éléments ayant amené les syndicats à soutenir M.
Corbet : « M. Corbet, lui, nous a fait aussi une très belle
danse du ventre. Il nous a dit qu'il apportait les meilleures
garanties sociales, il nous a fait des promesses sur les
statuts ; il nous a dit qu'il faudrait faire des efforts de
productivité - il y a des papiers qui en attestent -, mais qu'il
ne toucherait pas à certaines choses etc. Je crois - je vais
faire un peu d'humour - qu'il n'est pas un ancien syndicaliste
pour rien et qu'il a su nous séduire. Je crois que c'est en
grande partie sur ce discours que, au bout d'un moment, nous
avons choisi le projet Corbet. Je ne suis pas sûr que cela soit
sur des critères purement économiques, purement financiers et
purement en raison de la solidité du projet Corbet. C'est en
tout cas mon sentiment aujourd'hui. »
Les aspects sociaux de la reprise ont joué un rôle déterminant.
Le tribunal de commerce a indiqué, au sujet du volet
social, « le projet Corbet/Holco apparaît nettement comme celui
qui a mieux répondu aux préoccupations du personnel, en
cherchant à traiter celles-ci avec une volonté d'apaisement,
ajoutée à une capacité d'anticipation en vue de réduire les
risques de conflits dans l'immédiat et plus tard, et motiver les
salariés grâce à la mise en place d'une politique
d'intéressement et de participation au capital du personnel à
hauteur de 34 % (...) »
Plusieurs acteurs ont dit s'être interrogés sur le
surdimensionnement de l'offre de reprise de M. Corbet. M. Ricono,
ancien directeur de cabinet du ministre de l'équipement, du
transport et du logement, M. Gayssot, a pu en témoigner :
« C'est vrai que nous avons eu des interrogations quant au
dimensionnement de la voilure par rapport au business plan. Mais
il convient d'avoir en mémoire aussi qu'à l'époque, nous étions
dans une situation de croissance très forte du transport aérien,
de l'ordre de 4 à 6 % par an. Toutefois, après le 11 septembre,
c'est-à-dire un mois et demi après la reprise effective, le
transport aérien a baissé de 10 %. Les réglages, qui n'étaient
peut-être pas auparavant les plus performants, sont devenus
catastrophiques. » Cette appréciation doit être nuancée. L'année
2001, dans son ensemble, a été une année de repli notable du
transport aérien. L'environnement était dégradé, dès avant le
11 septembre. Les causes des pertes étaient nombreuses. Le
projet de rapport Secaphi-Alpha sur la situation d'Air Lib pour
l'exercice clos le 31 mars 2002 et au 30 septembre 2002, remis
au comité d'entreprise de la compagnie le 13 février 2003, cite
la baisse des taux de profit du fait de l'intensification de la
concurrence, l'augmentation des cours du pétrole et la
multiplication des opérations de croissance externes lourdes à
gérer. « En Europe, la situation n'était pas (...) brillante, la
croissance du trafic était limitée à 1,4 % sur les neufs
premiers mois. », est-il indiqué.
La commission d'enquête a interrogé de nombreuses personnalités
du transport aérien et leurs réponses se rejoignaient sur la
question du surdimensionnement de l'offre de M. Corbet.
M. Rochet est catégorique : « Les principales faiblesses de
l'offre d'Holco, je dis bien Holco et non M. Corbet, sont au
nombre de trois. Premièrement, il a surdimensionné de façon
assez significative, sans doute dans un esprit de surenchère
sociale, ses moyens matériels et humains afin que son offre soit
la plus attractive possible. Dès le départ, il était évident,
pour ceux qui étaient fortement impliqués dans ce dossier, qu'il
gardait trop d'avions et trop de personnels. »
M. Spinetta, président-directeur général d'Air France a établi
un diagnostic similaire : « Dernier élément, il me semble qu'ils
ont été quelque peu ambitieux dans le plan de reprise, en termes
de maintien d'activité. Ce plan de reprise aurait eu plus de
chance de réussite s'ils avaient accepté, en juillet 2001, une
contraction d'effectifs plus vigoureuse et le maintien de moins
d'avions dans la flotte. »
Enfin, M. Paris, ami de M. Corbet, pilote d'Air France et membre
du conseil d'administration de la compagnie, a donné son
sentiment sur le plan d'affaires : « Je n'ai pas donné mon avis
à M. Corbet mais si vous me le demandez, je vais vous le donner.
Je pense que le business plan était trop optimiste ; qu'à
vouloir faire du social à tout prix, on en perd le sens des
réalités. La priorité, c'était de sauver un socle à partir
duquel on pourrait reconstruire. »
Plusieurs syndicats ont témoigné de l'inactivité de plusieurs
pilotes sur de longues périodes. M. Lafosse-Marin, délégué
syndical de l'Union des navigants de l'aviation civile (UNAC), a
ainsi déclaré : « Pour emporter la décision du tribunal,
Jean-Charles Corbet avait enjolivé son plan de reprise,
notamment au niveau social (...)
M. le Rapporteur : Combien y avait-il de pilotes ?
M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Sur Fokker 100, ils étaient une
centaine et M. Corbet en a repris 21 alors que cet avion
n'existait plus. Ces 21 pilotes sont restés chez eux, pendant
une petite année, faute de recevoir une formation, tout en étant
rémunérés. Nous avons alerté la direction par le biais du comité
d'entreprise, dont j'étais élu, lui faisant remarquer que la
masse salariale était en train de partir en fumée. Nous n'avons
obtenu aucune réponse. » En ce qui concerne les effectifs sur
A 340, il a indiqué l'existence d'un sureffectif de 40 pilotes :
« Il s'agissait de pilotes qui étaient obligés de repartir au
bout de 3 mois au simulateur pour s'entraîner à atterrir. »
M. Corbet a répondu aux interrogations de la manière suivante:
« A l'origine, le business plan n'était pas surcapacitaire. La
problématique du long courrier était que l'on s'appuyait sur des
avions anciens, des DC10, qui n'avaient pas forcément été
entretenus d'une manière rigoureuse, si bien que le taux
d'incidents sur ces avions était très élevé. Le business plan,
en accord avec Air France, puisque nous travaillions en partage
de codes, prévoyait au départ de Roissy et d'Orly, une desserte
de chacune des îles tous les jours. Pour pouvoir assurer ce
programme, avec des avions neufs, on aurait pu se contenter de
cinq ou six avions mais il nous en fallait pratiquement treize.
C'est en ce sens qu'Air France, au départ, disait qu'il y avait
une surcapacité de sièges offerts. A l'utilisation, ce n'était
pas le cas car on ne pouvait pas faire voler les avions « au
taquet ». Pour être dans des normes et des ratios industriels
normaux, il faut qu'un avion long-courrier vole un minimum de
cinq mille heures par an. Or, quand on pouvait faire voler les
DC 10 d'Air Lib 3 200 heures, on était satisfait... Le business
plan s'est construit comme cela. »
Cette explication ne répond pas à la question du
surdimensionnement en personnel du projet de reprise.
2.- Les motivations du tribunal de commerce de Créteil ne
dissimulent pas les insuffisances financières patentes du projet
de M. Corbet
a) Les inquiétudes quant au financement du projet
Les insuffisances financières du projet n'ont pas échappé au
tribunal qui relève, dans sa décision du 27 juillet 2001 : « La
situation est encore plus délicate sur ce point pour ce qui
concerne le projet Corbet/Holco, dont les besoins de
financement, fixés dans son dernier business plan à hauteur de
2 milliards de francs, devraient être financés par une
contribution des actionnaires pour 1,8 milliard de francs et un
apport en fonds propres estimé à 250 millions de francs au total
à verser à concurrence de 100 millions par les investisseurs et
150 millions par l'actionnariat salarié. En termes de fonds
propres apportés par les investisseurs, Corbet/Holco a obtenu
une mise à disposition d'un montant de 80 millions de francs par
la société Independant Travel Support Fund. (...) En tout état
de cause, le projet Holco souffre d'avoir une assise financière
insuffisante, sous réserve du concours des actionnaires de
référence. Il lui reste à réunir une somme que l'on peut évaluer
à 400 millions de francs. »
Sur le plan financier, selon le tribunal, « le cas de
Participations financières est radicalement différent. Il s'agit
d'un projet assez bien conçu tant sur le plan industriel que sur
le plan financier, qui apparaît en plus comme celui qui a le
mérite de proposer le meilleur prix de cession ». Toutefois,
« l'objection déguisée, voire l'indifférence qui apparaît à
travers le comportement des représentants du personnel vis-à-vis
de ce projet ne sont pas de bon augure pour prendre le risque de
leur attribuer le groupe AOM Air Liberté par voie de cession ».
Une note de la directrice des transports aériens, Mme Bénadon,
au directeur de cabinet du ministre de l'équipement, des
transports et du logement en date du 31 juillet 2001, rappelle
que « dans le cadre du plan soumis au conseil supérieur de
l'aviation marchande (CSAM)6, celuici avait estimé, conformément
à l'analyse des promoteurs du projet que, pour financer
l'ensemble des coûts de restructuration, les pertes prévues et
les investissements, les fonds propres ou quasi fonds propres
devaient être portés le plus rapidement possible à
2,375 milliards de francs dont au moins 1,5 milliard de francs
libérés en numéraire préalablement au début de l'exploitation.
Les ajustements finalement apportés au plan doivent, sans doute,
permettre de retenir des garanties financiers un peu moins
élevées.» La somme devant être réunie avant le début de
l'exploitation demeurait la même, soit 1,5 milliard de francs.
Or, seuls le 1,3 milliard de franc proposé par Swissair et les
80 millions de francs de la lettre d'évidence de fonds d'Aurel
Leven pouvaient être mobilisés rapidement. Au-delà de la période
de reprise de l'activité, il est souligné dans la note
précitée : « En ce qui concerne la mise en place de ressources
propres nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise, il y
a lieu d'être à ce stade beaucoup plus circonspect. »
Les personnes auditionnées ont également indiqué avoir eu
conscience des difficultés soulevées par l'insuffisance de
financements sûrs.
M. Monnin, alors co-secrétaire CFDT du comité d'entreprise d'AOM
Air Liberté, a reconnu la faiblesse du projet Holco sur le plan
financier : « Aucune des offres ne présentait d'investisseurs,
celle de M. Corbet pas plus que les autres, et aucun appui
financier n'était crédible. Le seul élément, c'est que M. Corbet
se présentait avec l'appui d'une grande banque canadienne - que
nous ne connaissons pas - qui nous a présenté une lettre
d'évidence de fonds à hauteur de 80 millions de francs. » et a
ajouté : « En ce qui concerne les garanties, il convient d'être
clair, une lettre d'évidence de fonds n'est pas une garantie. Il
n'y avait donc aucune garantie financière dans ce plan et le
tribunal de commerce a d'ailleurs fait remarquer qu'aucun des
plans ne répondait à des conditions favorables en termes de
financement. Nous avons donc pris position en toute connaissance
de cause ; le travail restait à faire après le rachat. La
condition sine qua non à la réussite du plan était de trouver
ensuite des investisseurs. »
M. Rochet a indiqué n'avoir jamais cru au plan de financement
présenté par M Corbet: « compte tenu du surdimensionnement, en
raison des coûts qui n'étaient pas revus à la baisse par un
effet de restructuration sociale, son offre était financièrement
insuffisante en termes de capitalisation.»
b) Le projet Holco est apparu au tribunal de commerce de
Créteil, sous d'importantes réserves, comme une alternative
possible à la liquidation
Soulignant que « l'esprit comme la lettre de la loi du
25 janvier 19857 imposent au tribunal de rechercher non
seulement les solutions à caractère financier, mais aussi celles
permettant de sauvegarder le maximum d'emplois » et que l'accord
quasi unanime du personnel pour le projet Holco constituait un
élément déterminant, le tribunal de commerce a décidé d'arrêter
un plan de cession globale au profit de la société Holco, pour
le prix symbolique de quatre francs.
Interrogé par le Rapporteur sur les motivations du jugement,
M. Rousselin, président du tribunal de commerce de Créteil, a
indiqué : « Dans cette affaire, aucune des propositions - c'est
écrit dans le jugement - ne disposait des moyens financiers
suffisants pour permettre la reprise de l'entreprise. Le
tribunal, dans un contexte ordinaire, aurait dû prononcer la
liquidation judiciaire, ce qui est expressément indiqué dans le
jugement. Mais il se trouve que les actionnaires ont proposé en
chambre du conseil - c'est également dans le jugement, je peux
donc en parler - deux milliards de francs pour permettre le
redressement de cette entreprise. Le tribunal a donc considéré
que l'esprit de la loi de 1985 était respecté. Cette loi, je le
rappelle - on peut en discuter, mais cela relève de la
compétence du législateur - prévoit, par ordre de priorité, de
préserver les emplois, d'assurer la sauvegarde de l'entreprise
et éventuellement de payer les créanciers8. Malheureusement, en
matière de procédures collectives, c'est toujours le
mieux-disant social qui, dans la mesure où les choses sont
correctes, a la préférence, car c'est l'esprit et la lettre de
la loi actuelle. (...)
La seule alternative se limitait d'ailleurs à cela : soit
décider de la cession à la société Holco, soit prononcer la
liquidation judiciaire immédiate de l'entreprise. »
Commentant la décision du tribunal, M. Rochet a souligné : « La
décision du tribunal de commerce était très favorable. Si on lit
le jugement, par ailleurs classique sur ces points-là, tous les
actifs appartenant à la société étaient repris par Holco pour 1
franc symbolique. C'était des DC 10, des MD 83. J'avais mené
l'acquisition de la plupart d'entre eux au nom d'AOM dans la
version 1991-1995. Les échéances avaient été remboursées année
après année. Même s'il ne s'agissait plus d'avions d'une très
grande valeur, on parle quand même de plusieurs dizaines de
millions d'euros. En outre, il n'y avait reprise d'aucune dette,
ce qui bonifiait encore les investissements réalisés. »
La rumeur selon laquelle la décision du tribunal aurait fait
suite à des pressions politiques n'a pas été confirmée. Les
témoins auditionnés par la commission d'enquête ont nié
l'existence de pressions des pouvoirs publics sur le tribunal de
commerce pour le choix du repreneur, ainsi M. Rousselin a
déclaré : « M. le Rapporteur : Je vais vous poser une question
concernant les conditions dans lesquelles vous avez délibéré en
juillet 2001 : avez-vous subi des pressions, vous-même monsieur
le Président ou les juges qui ont été amenés à décider ?
M. Christian ROUSSELIN : Non. La réponse du tribunal a été
longuement débattue. Je le dis très solennellement : le tribunal
n'a été l'objet d'aucune pression de qui que ce soit. »
M. Gayssot a déclaré à la commission d'enquête : « Je veux ici
déclarer avec toute la solennité possible que le choix a été
celui du tribunal de commerce sans la moindre intervention du
ministre pour l'orienter. L'on a parlé de mes liens d'amitié et
même familiaux avec le dirigeant d'Holco. Tout cela est
contre-vérité. Il n'existe ni lien familial ni lien politique
entre nous. » Il a ajouté avoir été satisfait que le tribunal de
commerce choisisse un repreneur et que « contrairement à ce qui
s'est dit, je n'ai pas sauté au plafond à l'annonce de la
décision, car si je connaissais les capacités de leader syndical
de M. Corbet, je ne connaissais rien de ses capacités de
gestionnaire. J'aurais préféré une solution de fusion des
propositions, car il était indiscutable que M. Rochet était un
dirigeant d'entreprise, ce qui n'était pas le cas de M. Corbet. »
M. Ricono, ancien directeur de cabinet du ministre de
l'équipement, du transport et du logement M. Gayssot, a souligné
que la décision que le tribunal allait prendre le 27 juillet
2001 était une inconnue : « Jusqu'à la décision du tribunal de
commerce de Créteil, je n'avais aucune idée de la décision qu'il
allait prendre. Nous n'avons jamais eu l'idée d'intervenir
auprès du procureur de la République. »
M. Amar, ancien conseiller technique de M. Gayssot, a reconnu
que tous les repreneurs potentiels avaient été reçus sans que le
cabinet ait exprimé une quelconque préférence. M. Ricono a
également précisé que des mariages de compétences avaient été
imaginés et M. Gayssot a confirmé ces propos.
On notera par ailleurs que le tribunal de commerce a prononcé
l'inaliénabilité des fonds de commerce des sociétés Air Liberté AOM,
Air Liberté Indutrie, Minerve Antilles Guyane, Hotavia Restauration Services
et de l'ensemble des avions appartenant à ces sociétés pendant
deux ans, sauf autorisation du Tribunal.
c) L'homologation du principe de la transaction passée entre les
anciens actionnaires et le repreneur
Le tribunal a, dès le jugement du 27 juillet 2001, homologué le
principe d'une transaction entre les anciens actionnaires
(Swissair et Taitbout Antibes BV) et le repreneur. En
contrepartie de l'effort financier qui serait consenti, le
repreneur renonçait à toute poursuite contre l'ensemble des
personnes physiques ou morales composant les groupes Swissair et
Taitbout Antibes BV (filiale de Marine Wendel). Les actionnaires
ont renoncé mutuellement à toute réclamation l'un contre
l'autre. Les poursuites auxquelles il est fait référence ici
concernent les modalités de la gestion des compagnies aériennes
avant la cession.
Durant la phase de reprise d'AOM-Air Liberté, les anciens
actionnaires se sont mutuellement rejetés la responsabilité de
l'échec de la compagnie et le rôle de Marine Wendel, la maison
mère de Taitbout Antibes BV (se voulant actionnaire majoritaire
non gestionnaire), a été vivement critiqué.
Il convient de préciser qu'au moment de la reprise par M. Corbet
d'Air Liberté-AOM, AOM Participations (maison mère des
compagnies aériennes) était détenue à hauteur de 50,38 % par
Taitbout Antibes BV et de 49,5 % par SAirLines. Taitbout Antibes
BV est une entreprise française, filiale de Marine Wendel, et
SAirLines est filiale de Swissair, groupe suisse.
D'après la législation européenne en vigueur à l'époque du
rachat d'AOM en 1999 et d'Air Liberté en 2000 par Swissair et
Taitbout Antibes BV (Règlement 2407/92 du 23 juillet 1992), une
entreprise de transport aérien ne pouvait obtenir de licence
d'exploitation dans l'Union européenne que lorsqu'elle était
directement ou indirectement détenue en majorité par des
citoyens de l'UE9. Depuis juin 2002, la réglementation
concernant la Suisse a changé et les capitaux helvétiques sont
désormais assimilés à des capitaux communautaires.
Si Taitbout Antibes BV (actionnaire majoritaire) déclarait
n'avoir pas géré les compagnies aériennes, c'était donc à
Swissair, groupe suisse non communautaire, qu'était revenue
cette tâche.
Swissair souhaitait, par sa contribution, aider au redressement
de la compagnie. Le protocole des 31 juillet et 1er août 2001,
homologué par le tribunal de commerce de Créteil, visait à
écarter les poursuites relatives aux rôles et à la gestion des
anciens actionnaires, en contrepartie d'une participation
financière importante.
Aux termes de ce protocole, Swissair s'engageait à :
- apporter au repreneur une contribution financière de
1,3 milliard de francs (composée d'une contribution de
1,25 milliard de francs et d'une concession complémentaire de
50 millions de francs à titre de participation aux coûts
engendrés par le plan de redressement) ;
- prendre en charge les billets émis par Air Liberté à la date
du 19 juin 2001 et non utilisés, c'est-à-dire les billets émis
avant la cession des actifs à Holco et pour lesquels Air Lib a
dû assurer le transport des passagers après la cession, à
concurrence d'un montant maximum de 200 millions de francs ;
- réduire le loyer mensuel des Airbus A 340 loués à la société
Flightlease, filiale de SAirGroup, d'un million de dollars à
750 000 dollars par avion pour la durée des contrats restant à
courir. Cet effort représentait une économie globale de
530 millions de francs ;
- prendre en charge la cellule de reclassement dans la limite de
28,6 millions de francs ;
- permettre au repreneur de bénéficier, à sa charge, des polices
d'assurances du groupe Swissair jusqu'au 31 octobre 2001.
C.- LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE M. CORBET N'ONT PAS ÉTÉ TENUS
Les engagements pris par M. Corbet devant le tribunal de
commerce de Créteil en termes de refondation sociale et de
développement des capitaux propres de l'entreprise n'ont pas été
tenus. On peut même s'interroger sur la bonne foi ou le sérieux
de l'équipe qui les a endossés devant le tribunal de commerce.
1.- Les promesses de M. Corbet pour permettre le développement
de l'entreprise
Il était indiqué dans le projet de reprise qu'un accord signé
avec les représentants du personnel prévoyait que 34 % du
capital de la société Holco seraient détenus par les salariés.
Le reste du capital devait être détenu par les principaux cadres
des directoires des sociétés reprises et par un groupe
d'investisseurs et de partenaires industriels. Le plan de
reprise indiquait : « Jusqu'à 34% du capital seront réservés aux
salariés du groupe, leur adhésion au projet de reconstruction de
l'entreprise, leur mobilisation autour de son développement et
de l'amélioration de ses performances apparaissant essentielles
au repreneur.10 »
Les besoins de financement de l'entreprise étaient fixés à
2 milliards de francs dans le business plan. Il était prévu que
ces 2 milliards de francs soient financés par :
- la contribution des anciens actionnaires (Swissair) à hauteur
de 1,8 milliard de francs (Swissair ne s'engagera finalement
qu'à verser une contribution d'un montant de 1,3 milliard de
francs) ;
- l'apport en fonds propres de 100 millions de francs par les
investisseurs ;
- l'apport de 150 millions de francs par l'actionnariat salarié.
La participation des salariés pouvait être couverte par les
pilotes d'Air Liberté, d'après les dispositions d'un accord
approuvé à l'unanimité par leurs représentants syndicaux le
25 juillet 2001, est-il indiqué dans le jugement du 27 juillet
2001. Cet accord n'aurait été qu'un accord de principe selon M. Corbet.
Interrogé par la commission d'enquête, M. Monnin, secrétaire du
comité d'entreprise et délégué syndical de la CFDT, a indiqué
qu'il s'agissait d'un accord visant à réduire de 10 % les
salaires des pilotes contre une montée au capital à hauteur de
34 %. La « charte » signée n'aurait, selon lui, pas été mise
en œuvre car aucune des parties n'aurait respecté ses
engagements.
Pour M. Corbet, la première difficulté rencontrée a été le fait
des syndicats de pilotes qui auraient refusé de débattre d'un
échange salaire-actions tant que les salaires n'étaient pas
harmonisés à la hausse. Des discussions auraient ensuite été
engagées avec le comité d'entreprise élu le 25 juin 2002 mais
n'auraient pas pu aboutir avant la mise en liquidation d'Air
Lib, le 17 février 2003. Telles seraient les causes du non
respect de l'engagement pris devant le tribunal de commerce
d'ouvrir le capital d'Air Lib aux salariés.
Des investisseurs devaient être trouvés pour permettre
d'accroître l'apport en fonds propres. Dans le document présenté
au tribunal de commerce de Créteil le 26 juillet 2001, il est
affirmé :« Le solde du capital sera détenu par un groupe
d'investisseurs et de partenaires industriels notamment parmi
ceux déjà approchés par la banque CIBC. (...) Un premier type
d'investisseurs en capital-risque, déjà réunis en l'état par
Aurel Leven pour couvrir l'évidence de fonds à hauteur de
80 millions de francs, sera rapidement remplacé par des
investisseurs à long terme.11 »Malgré ce ton très affirmatif, il
faut souligner, d'une part, que Holco n'a pas usé du droit de
tirage auquel la société pouvait pourtant prétendre avec la
fameuse lettre d'évidence de fonds et, d'autre part, qu'aucun
investisseur n'a renforcé les fonds propres de l'entreprise
jusqu'à la mise en liquidation intervenue le 17 février 2003.
Cette absence d'investisseurs est, selon M. Spinetta, la
principale cause de la chute d'Air Lib : « Le véritable échec
sur cette affaire, au-delà du 11 septembre, a été le fait
qu'aucun investisseur français, européen ou non européen, n'a
manifesté le souci de prendre un risque économique et d'exposer
des capitaux. »
2.- Aucune des mesures décrites au tribunal de commerce de
Créteil n'a été mise en oeuvre
a) Une lettre d'évidence de fonds non utilisée
La lettre d'évidence de fonds produite par Aurel Leven, qui
avait réuni des investisseurs au sein de l'Independant Travel
Support Company n'a jamais permis l'apport de trésorerie
envisagé. Holco a fait le choix de ne pas utiliser son droit de
tirage.
Me Léonzi a expliqué ainsi la nécessité de produire une lettre
d'évidence de fonds devant le tribunal : « Le chapitre Aurel Leven
est un élément qui est lié à la particularité des reprises des
entreprises en difficulté. Lorsqu'un repreneur se présente à la
barre du tribunal, il doit normalement faire état d'une lettre
d'évidence de fonds d'un montant significatif, généralement 20 %
du prix de cession qui est proposé. La cession étant réalisée
pour 1 euro, il aurait été stupide de demander quoi que ce soit.
En revanche, venir se présenter uniquement avec des engagements
d'investisseurs potentiels et l'argent des Suisses me semblait
vis-à-vis du tribunal pouvoir poser une difficulté pour la
couverture des premiers frais ». La lettre devait crédibiliser
le projet de reprise de M. Corbet aux yeux du tribunal de
commerce.
M. Corbet a précisé que cette lettre d'évidence de fonds
répondait à une exigence de l'ancien actionnaire Swissair qui
demandait que le repreneur apporte lui-même une somme de
100 millions de francs.
Me Léonzi aurait découvert les conditions d'utilisation des
fonds mis à disposition par Aurel Leven tardivement :
« Postérieurement à la reprise, au mois d'août, puis au mois de
septembre, sollicité en ma qualité de conseil, je me suis aperçu
que le montage était une usine à gaz. En fait, pour obtenir
80 millions, il fallait pratiquement en séquestrer 150. Exerçant
mon devoir de conseil, j'ai indiqué aux entreprises qu'il était
plus qu'hasardeux de donner suite à ce tirage, ce qui fait que
ce droit n'a jamais été exercé, mais la lettre a été fournie. »
M. Corbet a, lui, indiqué que le droit à tirage n'a pas été
exercé car ses conditions de mise en œuvre, si elles étaient
acceptables avant le 11 septembre avec un versement de Swissair
à hauteur de 1,8 milliard de francs, n'étaient plus praticables
après le 11 septembre et la défaillance de Swissair. Il a
indiqué, interrogé par le Président : « Je suppose que cette
lettre d'évidence de crédit a été négociée et que vous en
connaissiez les conditions au moment où elle a été apportée.
Dans quelles conditions a-t-elle été négociée et pourquoi
n'a-t-elle pas été utilisée au moment où vous avez rencontré les
pires difficultés pour la survie de votre entreprise ? Vous avez
été amené à faire appel aux fonds publics plutôt qu'à cette
lettre d'évidence de crédit.
M. Jean-Charles CORBET : Elle a été négociée par la banque
d'affaires qui avait le mandat pour cela [la CIBC World Markets,
qui avait elle-même mandaté l'intermédiaire financier Aurel
Leven]. Elle a été négociée dans un cadre relativement précis.
Le cadre dans lequel s'intégrait ce capital risque, était un
cadre où l'apport de Swissair devait être de 1,8 milliard.
C'était une des clauses du contrat avec Aurel Leven. La
particularité de ce montage était qu'Aurel Leven mettait
80 millions à disposition de Holco, sous réserve que le jour de
la mise à disposition, Holco ait créé un fonds d'investissement
en déposant 35 millions de francs, avec des intérêts qui
étaient, de mémoire, de 9,8 % par an sur cinq ans. Ceci faisait
qu'au bout de cinq ans, on devait payer 42 millions de francs
supplémentaires. C'était quelque chose de très cher. Cela
pouvait se concevoir si la contribution de Swissair avait été de
1,8 milliard. Quand le 11 septembre est arrivé et que, trente
jours plus tard, il y a eu la défaillance de Swissair, j'ai pris
la décision de ne pas mettre en oeuvre ce fonds
d'investissement. En effet, cela ne m'amenait que 45 millions de
francs et cela mettait en danger, à court terme, la trésorerie
d'Holco. »
Il faut bien considérer que le rôle d'Aurel Leven a été celui
d'un intermédiaire financier. Aurel Leven a été chargé par la
CIBC World Markets de rechercher des investisseurs prêts à
apporter des fonds rapidement dans un projet risqué. Ce n'était
donc pas Aurel Leven qui mettait les fonds à disposition mais
ces investisseurs.
En outre, la déclaration de M. Corbet indique qu'il a pris la
décision de ne pas recourir à la lettre d'évidence de fonds
après le 11 septembre et la défaillance de Swissair début
octobre.
Or, par la suite, nous avons appris avec surprise que M. Corbet
avait négocié une clause de non utilisation des fonds avant la
présentation de la lettre au tribunal.
D'après les informations recueillies par le Rapporteur, si le
contrat entre la CIBC World Markets et Aurel Leven en date du
25 juillet 2001 prévoyait bien la faculté pour Holco de ne pas
utiliser les fonds (contre une rémunération des investisseurs
fixée à 3,86 millions d'euros), ce choix devait intervenir avant
le 1er septembre, les investisseurs ne pouvant maintenir à la
disposition d'Holco les fonds au-delà de cette date. Le simple
fait que M. Corbet ait négocié une clause de non utilisation des
fonds invite à s'interroger sur sa sincérité lors de la
présentation de la lettre d'évidence de fonds devant le tribunal
de commerce. D'après un courrier de la direction d'Aurel Leven
adressé à la commission d'enquête, « ce n'est qu'à la fin du
mois d'août que la société Holco a fait connaître à CIBC son
souhait de ne pas souscrire à l'émission obligataire ». C'est
donc avant le 11 septembre 2001 que la décision de ne pas
utiliser la lettre d'évidence de fonds aurait été prise.
Par ailleurs, l'une des conditions du contrat est bien
l'engagement de Swissair de verser une contribution allant
« jusqu'à 1,8 milliard de francs », mais le montant exact de la
contribution n'est pas indiqué. La contribution de Swissair
s'étant « limitée » à 1,3 milliard de francs, Holco a, dans une
lettre à Aurel Leven en date du 24 septembre 2001, indiqué que
ce montant ne correspondant pas aux termes du contrat, Holco
était dégagé de toute obligation contractuelle envers Aurel
Leven et les investisseurs. Holco proposait aux investisseurs
une indemnisation à hauteur de 10 millions de francs. Un accord
définitif sur le montant de l'indemnisation est en fait
intervenu très tardivement, soit le 15 octobre 2002, Holco
n'ayant pas versé les 10 millions de francs proposés malgré
l'accord des parties et des poursuites ayant été engagées, a
indiqué la direction d'Aurel Leven. Le montant transactionnel de
l'indemnisation a été relevé.
Me Léonzi a affirmé que la présentation de la lettre d'évidence
de fonds était, au moment du jugement, justifiée : « Il n'est
pas dans mes habitudes professionnelles de pratiquer
l'escroquerie à jugement. Si une pièce ne doit pas être produite
ou si elle semble polluée et viciée, on ne la présente pas. La
lettre d'évidence de fonds transmise par CIBC, je crois, le
matin de l'audience en chambre du conseil, n'était pas un
élément essentiel de l'offre ; cet élément n'était pas compris
dans l'offre. Mais, effectivement, ce document a été présenté au
tribunal et visé comme toutes les autres pièces dans les
attendus du jugement. »
M. Corbet a également tenu à souligner que présenter cette
lettre devant le tribunal ne constituait en aucun cas une
tromperie: « M. le Président : (...) Mais lorsque vous l'avez
présentée [la lettre d'évidence de fonds] au tribunal,
connaissiez-vous les conditions de sa mise en œuvre ? Si oui,
pourquoi l'avez-vous proposée alors que vous saviez que vous ne
l'utiliseriez pas ? Et si vous ne connaissiez pas ces
conditions, est-ce que cela ne jette pas un doute sur le sérieux
de votre projet ?
M. Jean-Charles CORBET : Si vous voulez me faire dire qu'il y a
eu tromperie du tribunal, je dis très clairement non. »
Il faut ici préciser que cette lettre constituait le seul
apport, en termes de financement, du plan de reprise de M. Corbet.
Il n'est donc pas possible d'affirmer que cette lettre n'était
pas un élément important de l'offre.
b) Des investisseurs introuvables
La CIBC World Markets, chargée de rechercher des investisseurs,
n'a jamais mené sa mission à bien. Plusieurs noms ont été cités
au cours des auditions (Bombardier, Air Canada, Preussag et le
Club Méditerranée).
Pour autant, aucune de ces entreprises n'a investi dans Air Lib.
L'impact du 11 septembre doit être pris en compte. Il est en
effet certain que les investisseurs sont devenus plus réticents
à développer des projets dans le secteur aérien. Dans les
semaines suivant le 11 septembre, le trafic a diminué de 50 %
aux Etats-Unis. Le trafic passager d'Air France, qui a mieux
supporté le choc que les autres compagnies européennes, a
diminué de 7 %12.
A cet égard, la situation financière d'Air Lib a connu une
profonde dégradation avec la défaillance de Swissair avant le
paiement intégral des sommes dues au titre du protocole
homologué par le tribunal de commerce de Créteil le 1er août
2001.
La mise à disposition des fonds devait intervenir suivant un
échéancier à définir entre les parties, le premier versement
devant être opéré au plus tard le jour de la prise de possession
des sociétés. Les versements ont été opérés durant le mois
d'août et tout début septembre. Un premier versement direct aux
administrateurs est intervenu le 7 août 2001 pour un montant de
7,622 millions d'euros. Trois versements ont suivi, ceux-ci à
destination d'Holco, les 20 et 31 août 2001 et le
3 septembre 2001, dont les montants s'élevaient respectivement à
45,735 millions d'euros, 15,245 millions d'euros et
91,469 millions d'euros. Holco a donc perçu dans un délai d'un
mois suivant sa constitution un total de 152,449 millions
d'euros, soit presque un milliard de francs sur le
1,250 milliard dû (étant tenu compte des 50 millions de francs
versés directement aux administrateurs).
A la suite du 11 septembre 2001, la défaillance de SAirGroup et
SAirLines, du groupe Swissair, fin septembre 2001 a entraîné le
non paiement des sommes restant dues.
La créance de Holco sur Swissair s'élève donc à 38,11 millions
d'euros (250 millions de francs). Dans le bilan d'Holco pour
l'exercice clos le 31 mars 2002, les amortissements et
provisions représentent 45,07 millions d'euros, ce montant
résultant avant tout de la provision pour dépréciation de la
créance détenue sur Swissair à hauteur de 38,11 millions
d'euros. Par ailleurs, Swissair n'a pas non plus réglé les
sommes de garantie des billets émis et non utilisés au jour de
la cession et qu'Air Lib prenait à sa charge, ce pour un total
de 24,82 millions d'euros au 31 mars 2002, d'après les
informations transmises par Me Léonzi. Au total, la créance
détenue sur Swissair s'élève donc à 62,93 millions d'euros.
C'est avec SAirGroup et SAirLines (ainsi que Flightlease pour
laquelle les deux sociétés précitées se sont portées fort) que
Holco avait contracté. Pour autant, ces sociétés agissaient,
d'après le protocole transactionnel signé le 1er août 2001,
« tant pour elles-mêmes que pour le compte des personnes morales
appartenant au groupe Swissair ». Certaines sociétés du groupe
Swissair (Crossair, Flightlease LTD et Swissport) n'ont pas été
placées en redressement judiciaire en octobre 2001 et
poursuivent leurs activités. Crossair a depuis modifié sa
dénomination sociale et est devenue, le 1er juillet 2002, Swiss
international airlines. En conséquence, considérant que les
sociétés du groupe Swissair ayant survécu devaient payer à Holco
le solde dû, de nombreuses actions en justice sont en cours. Air
Lib et Holco ont assigné les sociétés du groupe Swissair afin
d'obtenir le paiement de la dette de Swissair ainsi qu'une
indemnisation des sociétés Holco et Air Lib pour le préjudice
d'image commerciale, économique et financier subi.
Me Lafont a indiqué: « Une cinquantaine de procédures ont été
introduites, non seulement en France, mais aussi dans les pays
avoisinants, Belgique, Suisse, Italie et Espagne, pour bloquer
la billetterie pendante. Au moment de la liquidation judiciaire
au mois de février de cette année, entre 350 et 400 millions de
francs étaient bloqués, mais non attribués. Il s'agissait de
saisies conservatoires effectuées auprès de tous les gens
pouvant détenir des fonds pour le compte de Swiss ou Swissair.
Il a été jugé par un tribunal français que la compagnie Swiss
était l'héritière de Swissair et devait donc, nonobstant la
procédure collective atteignant le groupe Swissair en Suisse,
prendre en charge les dotations. »
II.- PREMIER ACTE DE GESTION DE M. CORBET : VERSER DES PRIMES
CONSIDÉRABLES ET DES HONORAIRES EXORBITANTS
Le premier acte d'Holco a été de récompenser financièrement
l'équipe des repreneurs ainsi que les cabinets d'avocats et de
conseil impliqués dans la reprise.
En tant que telle, la rémunération des heures passées à
travailler sur le dossier n'appelle pas de commentaires
particuliers. En revanche, les montants des rémunérations de
résultat soulèvent de nombreuses interrogations, tant pour les
dirigeants d'Holco que pour le cabinet d'avocats de Me Léonzi et
la banque d'affaires CIBC World Markets.
En outre, les montants en question n'ont été révélés que
tardivement. En effet, le rapport du cabinet Mazars et Guérard Approche
de la situation financière du groupe Holco remis au comité
interministériel de restructuration industrielle en juillet 2002
a été le premier document à porter à la connaissance des
pouvoirs publics les rémunérations et honoraires perçus. La
version officieuse du rapport fournit les données nominatives
tandis que la version finale a été expurgée et ne contient que
des données agrégées.
Quelques chiffres résument le problème :
- au cours du seul mois d'août 2001, ce sont 9,6 millions
d'euros qui ont été versés en primes et honoraires ;
- du 1er août 2001 au 31 décembre 2002 (17 mois), le total des
honoraires versés par Holco atteint 17,728 millions d'euros,
auxquels il faut ajouter le paiement, par Mermoz pour le compte
d'Holco, de 9,14 millions d'euros au cabinet Plegler et Blach,
cette opération ayant été comptabilisée au 31 mars 2002, et le
total des salaires et primes versés aux dirigeants d'Holco s'est
élevé à 2,685 millions d'euros.
Ainsi, du 1er août 2001 au 31 décembre 2002, les dirigeants d'Holco,
leurs avocats et leurs banques conseils ont touché près de
29,55 millions d'euros, soit une somme proche des 30,5 millions
d'euros qui seront prêtés par l'Etat à Air Lib en janvier 2002.
A.- DES PRIMES CONSIDÉRABLES POUR L'ÉQUIPE DIRIGEANTE
Les pièces comptables d'Holco SAS consultées par le Rapporteur
et le Président indiquent qu'entre le 1er août 2001 et le 31
décembre 2002, les rémunérations des dirigeants d'Holco se sont
élevées à 2,685 millions d'euros, soit 2,437 millions d'euros
nets imposables.
Elles ont été réparties, pour l'essentiel entre quatre
personnes, de la manière suivante :
_ Jean-Charles Corbet, président : 1 337 127 euros bruts dont
une prime d'arrivée (« golden hello ») de 855 904 euros, soit
1 234 269 euros nets, auxquels se sont ajoutés 87 473 euros de
notes de frais.
Les comptes d'Holco font apparaître que c'est postérieurement au
11 septembre 2001, le 28 septembre 2001, que 785 112 euros ont
été versés à M. Corbet. Les très sérieuses difficultés
auxquelles allait devoir faire face la compagnie ne faisaient
alors plus aucun doute et la défaillance de Swissair, quelques
jours plus tard, devait être certaine à cette date. Le
Rapporteur ne peut donc que s'interroger sur la date à laquelle
est intervenu ce versement.
_ François Bachelet, directeur général : 491 989 euros bruts
dont une prime d'arrivée de 380 122 euros, soit 448 995 euros
nets, auxquels se sont ajoutés 38 113 euros d'indemnités de
licenciement, six mois après l'arrivée de cet ancien cadre d'Air
France qui avait interrompu sa retraite pour participer à partir
du mois de mai 2001 à l'élaboration du projet de reprise.
A propos de sa « golden hello », M. Bachelet a indiqué : « J'ai
eu ce que je demandais. C'était relativement inférieur à ce que
demandaient d'autres membres de l'équipe, ce qui a été
discuté » puis « Nous aurions eu ce débat au mois de novembre,
deux mois plus tard, sans doute ces sommes n'auraient pas été
versées et n'auraient pas été demandées. » M. Bachelet ne semble
pas avoir connaissance de la date de versement de la prime de
M. Corbet.
_ Alain Bardi, secrétaire général : 522 648 euros bruts dont une
prime d'arrivée de 380 122 euros, soit 474 385 euros nets,
auxquels s'est ajoutée une indemnité de licenciement de 38 113
euros, versée en avril 2002.
Les primes accordées à MM. Bachelet et Bardi ont, elles, été
versées au mois d'août 2001.
_ Pascal Perrichon, dit Perri, directeur de cabinet :
219 867 euros bruts, dont une prime de 50 648 euros, soit
185 287 euros nets, auxquels se sont ajoutés 18 353 euros de
notes de frais.
M. Perri exerçait les fonctions de directeur de cabinet de
Jean-Charles Corbet et de directeur de la communication et des
relations extérieures. Il est encore salarié d'Holco dont il
dirige l'une des filiales, Logitair.
Deux autres personnes ont été payées directement par Holco, mais
pour des sommes sensiblement inférieures :
_ Louis-Antoine Repaci, responsable à la direction (du 1er mai
2002 au 31 décembre 2002) : 60 667 euros bruts, soit
50 300 euros nets.
_ Francis Gisselmann, directeur général (du 1er avril 2002 au
31 août 2002) : 53 355 euros bruts, soit 44 548 euros nets.
Les personnes auditionnées ont été interrogées sur le montant
des primes versées. Me Léonzi, pour justifier les sommes perçues
par les dirigeants, a indiqué que peu de professionnels étaient
prêts à venir diriger Air Lib. Et les primes d'arrivée accordées
ne lui ont pas semblé anormalement élevées : « Il n'y avait pas
d'autres professionnels de l'aérien qui aient été trouvés en
dehors de MM. Bachelet et Bardi. Ils ont exigé des « golden
hello ». Encore une fois, je n'ai participé ni aux négociations,
ni eu un mot à formuler. J'en ai eu connaissance. Ces sommes
m'ont-elles paru exorbitantes par rapport aux fonctions ? La
réponse est non. S'agissant de M. Corbet, sa rémunération de
base, de mémoire, 30 000 euros, donc environ 150 000 francs,
était inférieure à son salaire de pilote à Air France.»
La rémunération de M. Rochet aurait été bien supérieure à celle
de M. Corbet d'après lui.
Pourtant, M. Rochet, ancien dirigeant d'Air Liberté-AOM, a
estimé au contraire la rémunération globale de M. Corbet entre
août 2001 et mars 2002 (1,005 millions d'euros d'après le
rapport Mazars et Guérard remis au comité interministériel de
restructuration industrielle en juillet 2002) en décalage avec
les usages de la profession : « Je ne peux pas porter un
jugement sur un document que je n'ai pas. S'il a effectivement
touché ces rémunérations pour cette période, cela me semble
totalement disproportionné avec ce qui se pratique dans notre
milieu. »
M. Corbet s'est expliqué sur le montant de sa prime, versée
après le 11 septembre : elle correspondait aux indemnités qu'il
aurait touchées s'il avait été licencié d'Air France ! En effet,
son objectif de départ n'était pas de s'investir comme dirigeant
opérationnel d'Air Lib mais bien de sauver la compagnie puis de
retourner à Air France ; cependant, après le 11 septembre,
transmettre Air Lib à un investisseur dans le secteur du
transport aérien devenait impossible et cela « condamnait » M. Corbet
à demeurer dirigeant d'Air Lib, et donc à renoncer à exercer la
fin de sa carrière à Air France. Cette golden hello aurait
compensé un préjudice matériel et le risque pris.
Cette explication n'a pas convaincu la commission d'enquête
parce que M. Corbet était à l'époque en congé sabbatique et
qu'aucun pilote n'a jamais été licencié à Air France.
Bien entendu, d'autres entreprises de cette importance accordent
à leurs cadres dirigeants les plus performants des avantages
comparables, voire supérieurs. Mais, dans le cas d'Air Lib, ces
avantages ont été versés alors que le redressement de
l'entreprise n'était pas acquis - et pour cause !
B.- DES HONORAIRES EXORBITANTS POUR LES CONSEILS
Les honoraires versés par Holco SAS tels qu'ils apparaissent sur
la DAS2 (déclaration à l'administration fiscale des honoraires
versés sur une année) représentent une somme très élevée :
14,327 millions d'euros en 2001 et 3,401 millions d'euros en
2002. De telles dépenses, alors que la société Air Lib a été
reprise à la barre d'un tribunal de commerce sont difficilement
justifiables.
En 2001, ces sommes ont été pour l'essentiel réparties ainsi :
- CIBC World Markets (Londres): 8 334 140 euros;
- Cabinet Léonzi (Paris) : 3 337 365 euros ;
- Hoche Sela, société d'avocats (Paris) : 553 362 euros.
En 2002, la ventilation des principaux versements a été la
suivante :
- Cabinet Léonzi : 1 783 791 euros ;
- Banque Arjil et associés (Paris) : 300 000 euros.
En cumulé sur 2001 et 2002, les principaux bénéficiaires sont
donc :
- la CIBC World Markets (8,334 millions d'euros) ;
- le Cabinet Léonzi (5,121 millions d'euros).
1.- Le cabinet de Me Léonzi
Me Léonzi a fondé son cabinet en août 1995. Lorsque Me Léonzi a
été contacté par M. Corbet, cinq collaborateurs travaillaient
dans ce cabinet, contre quinze aujourd'hui. Il intervenait en
qualité de conseil d'Holco et d'Air Lib. Cette mission a, selon
les déclarations de Me Léonzi, représenté 80 % de l'activité de
son cabinet et 85 % de son chiffre d'affaires. « Pendant ces
deux ans, Air Lib m'a occupé sept jours sur sept,
environ 17 heures par jour, certains jours beaucoup plus », a
tenu à préciser Me Léonzi.
Me Léonzi a déclaré avoir touché une prime de résultat, suite à
la reprise, d'un montant de 1,6 million d'euros.
M. Marty, du cabinet Mazars, est l'un des experts comptables
ayant participé à la mission dont les conclusions constituent le
second rapport Mazars et Guérard rendu au comité
interministériel de restructuration industrielle (CIRI) le
15 juillet 2002. Interrogé sur le montant des honoraires versés
à Me Léonzi, il a souligné que le montant de la prime de
résultat versée suite à la reprise peut soulever des
interrogations. En revanche, l'activité intense du cabinet
aurait justifié les rémunérations courantes.
« Au-delà du « success fee » sur lequel on peut s'interroger à
la fois quant au montant et au fondement - mais c'est une
pratique relativement habituelle dans ce type d'intervention -,
les montants facturés tout au long de la période, au titre des
prestations effectuées par Me Léonzi qui intervenait dans un
vaste champ des relations juridiques du groupe Holco avec ses
partenaires, nous sont apparus comme compréhensibles. » De
nombreux témoins ont pu, il est vrai, témoigner de l'activisme
juridique de Me Léonzi, lequel allait parfois au-delà de sa
mission, n'hésitant pas à participer aux comités d'entreprise.
Cependant, il faut souligner que M. Marty a également déclaré ne
pas se souvenir du montant exact de la prime perçue par Me Léonzi
mais il l'estimait de mémoire à quelques centaines de milliers
d'euros. Or, d'après les déclarations de Me Léonzi, elle a
atteint un montant bien plus élevé, soit 1,6 million d'euros.
Afin de porter une appréciation sur les rémunérations
« courantes », il est nécessaire d'étudier les factures émises
par le cabinet Léonzi. Les factures consultées par la commission
d'enquête sont pour le moins sibyllines. En effet, aucun nombre
d'heures de travail justifiant le montant de ces factures n'est
fourni. Le nombre des collaborateurs ayant travaillé n'est pas
indiqué. Comment apprécier dans ces conditions le fondement de
ces factures? Le cabinet Mazars a indiqué que la présentation de
telles factures par les avocats était malheureusement fréquente.
Au moins un collaborateur de Me Léonzi travaillait avec ce
dernier pour Holco et Air Lib.
Le Rapporteur ne peut manquer de s'interroger sur les montants
en question. Rappelons qu'entre le 1er août 2001 et le
31 décembre 2002, le cabinet Léonzi a perçu 5,12 millions
d'euros d'honoraires.
Il convient également de souligner que ce sont les tout premiers
fonds versés par Swissair en vertu de la transaction homologuée
par le tribunal de commerce de Créteil qui ont permis l'octroi
de telles rémunérations.
Me Léonzi n'a pas considéré cet ordre des priorités comme étant
anormal : « L'ensemble des conseils qui ont participé à la
reprise avait passé un accord avec Jean-Charles Corbet prévoyant
qu'ils seraient rémunérés pour la partie antérieure de leurs
activités. Concernant mon cabinet, il s'agissait d'une somme
extrêmement importante, de l'ordre de 4 millions de francs au
moment de la reprise. Une reprise d'une entreprise de cette
taille-là, cela implique, pour une structure comme la mienne,
six personnes qui travaillent de 7 heures du matin à 2 heures,
voire 4 heures du matin, parce que les services des ministères
que nous rencontrions sur les aspects réglementaires ne nous
recevaient qu'après leur journée de travail. Tout le monde était
logé à la même enseigne : s'il y avait une reprise, comme cela
est l'usage, l'ensemble des intervenants serait payé par un
honoraire de résultats. Les honoraires n'étaient pas une
surprise pour qui que ce soit, puisque les « start cost » font
partie des business plan qui ont été remis au tribunal de
commerce. Les gens avaient travaillé pendant trois, quatre ou
cinq mois et commençaient à avoir des difficultés de trésorerie
- j'imagine CIBC un peu moins que nous - mais en ce qui concerne
ma structure, elle en avait beaucoup au mois de juillet et au
mois d'août. Les gens qui avaient fait travailler leurs
structures, qui avaient négligé leurs autres clients, étaient
pressés de toucher leurs honoraires. Aussi, effectivement, les
premiers fonds qui sont venus des Suisses, de mémoire,
600 millions de francs sur Holco (en sus des 50 premiers
millions versés entre les mains des administrateurs), en dehors
des dotations en capital, ont servi à payer les honoraires des
conseils. »
Il est cependant permis de penser que l'argent versé pour
redresser la compagnie aérienne pouvait à l'époque trouver
d'autres usages.
2.- Le cas CIBC World Markets
M. Corbet a contracté avec la CIBC World Markets. Cette dernière
avait pour mission de fournir l'assistance et les conseils
permettant d'obtenir des informations relatives aux plans de
restructuration et aux évaluations des concurrents, d'élaborer
un plan de financement, d'approcher des investisseurs en capital
et d'autres établissements financiers et d'engager des
discussions avec les actionnaires de l'époque et des tiers
intéressés par AOM. Il est précisé que les obligations de CIBC
World Markets sont des obligations de moyens et non des
obligations de résultat.
Me Léonzi n'a pas caché ses interrogations sur le contrat passé
entre la CIBC et M. Corbet : « Est-ce que j'ai connaissance du
contrat CIBC ? La réponse est « bien évidemment » dans la mesure
où postérieurement à la reprise, ce contrat a toujours fait
partie des points de questionnement, que ce soit de la part des
commissaires aux comptes ou de l'ensemble des intervenants. »
La première source de difficulté est le fait que la CIBC World
Markets déclare intervenir au nom du conseil de surveillance du
fonds Concorde, comme il est expliqué dans la première partie du
rapport.
Me Léonzi a ensuite tenu à préciser qu'il ne lui appartenait pas
de superviser l'ensemble des contrats et des actes qui pouvaient
être passés. Il a notamment déclaré ne pas être intervenu en
tant que conseiller juridique pour ce contrat CIBC World Markets.
La seconde interrogation a trait au montant des rémunérations
versées à la CIBC World Markets, soit au total 8,335 millions
d'euros. Me Léonzi n'a pas participé à la rédaction de ce
contrat, a-t-il déclaré, et n'a pas signé ce contrat. En
revanche, il a pu « en tant que professionnel du droit » le
commenter : « La rémunération de CIBC, telle que je l'ai
comprise, devait être une rémunération forfaitaire par rapport à
une reprise qui était envisagée initialement comme une
reprise in bonis de la société. Le chapitre de la recherche
d'investisseurs faisait partie du contrat, mais à ma
connaissance - je parle de mémoire -, ne devait donner lieu ni à
rémunération particulière sur la recherche du contrat, ni a
fortiori à obligation de résultat. Le contrat était d'abord un
contrat concernant la reprise d'Air Lib, avec des honoraires
calculés sur la réduction du passif et sur la hauteur de la
contribution spontanée de Swissair, avec un certain nombre de
sous-postes. Voilà la connaissance que j'en ai, et encore une
fois, lorsque j'évoque la CIBC auprès de vous, c'est
effectivement parce que je l'ai rencontrée, que j'ai lu le
contrat, mais je n'ai pas participé à sa rédaction. Mais bien
évidemment, je connais le contrat, parce que tous les tiers
intéressés ont eu à lire ce contrat et à tenter de le
comprendre. »
Ayant « tenté » de comprendre ce contrat, Me Léonzi a produit,
le 12 juillet, une note d'explication destinée au cabinet Mazars
et Guérard qui était mandaté par le CIRI pour réaliser une
approche de la situation financière du groupe Holco. Me Léonzi a
lui-même décrit cette note comme « une note de scribe »
retranscrivant « la loi des marchands ». Les experts du cabinet
Mazars ont indiqué que les échanges qu'ils avaient eus avec Me Léonzi
à propos de la facture de la CIBC World Markets ne leur avaient
pas permis de porter une appréciation sur cette facture et
notamment de déterminer si cette facture était fondée ou non.
Interrogés sur le caractère satisfaisant ou non des réponses
apportées par Me Léonzi dans sa note en date du 12 juillet 2002,
les experts du cabinet Mazars ont répondu :
« M. Luc MARTY : Elles permettent de comprendre un certain
nombre d'éléments de calcul des mentions portées sur la facture.
Elles ne répondent pas totalement -et là c'est une appréciation
personnelle- à l'interrogation qui prévaut sur les montants. »
En conséquence, le cabinet n'a pas commenté dans son rapport les
sommes versées à la CIBC World Markets :
« M. le Rapporteur : Pourquoi ne l'avez-vous pas écrit dans
votre rapport [faisant référence aux éléments d'explication
obtenus et qualifiés de partiels]?
M. Luc MARTY : Parce que nous ne disposions pas de suffisamment
d'informations pour pouvoir apprécier si ces versements étaient
effectivement fondés ou pas. »
La facture de la CIBC World Markets comprend quatre éléments :
la rémunération de base, la rémunération de résultat - composée
des « advisory fees » et des « financing placement fees » - et
le remboursement des frais et débours.
La rémunération de base, d'un montant de 250 000 US dollars,
correspond au tarif mensuel de la CIBC World Markets
(100 000 dollars) multiplié par trois (pour les mois de mai,
juin et juillet) et forfaitisé à 250 000 dollars.
Les frais exposés par la banque d'affaires s'élèvent à
75 000 dollars.
Les « financing placement fees », rémunération pour avoir trouvé
un investisseur au moment de la reprise, s'élèvent à
320 000 dollars. D'après Me Léonzi, cette rubrique correspond à
ce qui était dû à la CIBC World Markets pour sa recherche ayant
permis que des investisseurs, réunis par l'intermédiaire d'Aurel
Leven qui avait été mandaté par la CIBC, apportent devant le
tribunal de commerce de Créteil le 27 juillet 2001 une lettre
d'évidence de fonds de 80 millions de francs. Cette lettre
d'évidence de fonds répondait, d'après M. Corbet, à une exigence
de Swissair qui avait voulu que le repreneur prouve pouvoir
disposer de 100 millions de francs : « Les Suisses avaient dit
qu'ils ne laisseraient pas l'entreprise à qui n'apporterait pas
lui-même une centaine de millions de francs. C'était leur
logique et c'était leur demande qu'on pouvait comprendre. A
partir du moment où cela été annoncé, fixé et dit en audience,
il a fallu présenter cet apport de 100 millions de francs. Fidei
avait présenté un projet qui s'appelait « Participations
aériennes » qui, par le biais d'un fonds d'investissement
américain, prétendait avoir la possibilité d'apporter
100 millions. On a mandaté la banque d'affaires pour trouver
rapidement un investisseur susceptible d'apporter ces
100 millions. »
Les 320 000 euros correspondent à « la rémunération calculée sur
l'opération Aurel Leven, dont l'assiette est de 80 millions de
francs (3 % contractuels) », écrit Me Léonzi. Cette part de la
facture peut donc être expliquée. Il faut rappeler que le droit
de tirage n'a jamais été exercé.
La dernière composante - la plus élevée - d'un montant de
6,67 millions de dollars est quant à elle plus énigmatique. Ces
honoraires « advisory fees » seraient calculés sur deux
éléments :
- 3 % liés à la reprise des sociétés sans passif (résultante de
la procédure judiciaire suivante : plan de cession après dépôt
de bilan). Le passif figurant au bilan de Swissair étant de
4,7 milliards de francs, l'application des 3 % prévus par le
contrat donnerait d'après Me Léonzi le résultat suivant :
6,272 millions de dollars. Or, 3 % de 4,7 milliards de francs
représentent la somme de 141 millions de francs, soit
21,5 millions d'euros. Appliquant le raisonnement de Me Léonzi,
le montant calculé (21,5 millions d'euros) est supérieur au
triple de celui facturé (6,272 millions de dollars). Il est
évident que l'explication donnée par Me Léonzi n'est pas la
bonne. La lecture, peu aisée, du contrat semble plutôt indiquer
que Holco devait payer 1 % « du montant de tout passif pris en
charge (...) ou toutes les dettes dont la partie cédant ses
actions ou ses actifs ou AOM ou ses affiliés seraient
déchargées. » Il faut comprendre que Holco devait payer pour la
réduction de passif, opération n'ayant aucun lien avec les
travaux de la CIBC World Markets. En effet, dans le cas d'un
plan de cession d'entreprise suite à un dépôt de bilan, le
cessionnaire (ici Holco) ne reprend pas le passif, sauf volonté
contraire de sa part13. Me Léonzi l'a reconnu lors de son
audition: « Ce serait un non sens d'obtenir une rémunération
pour une réduction de passif obtenue à la barre du tribunal,
puisque de par la loi c'est l'effet même d'une déclaration de
cessation des paiements. » puis « Est-ce que cette assiette à un
sens dans un cadre de reprise après dépôt de bilan ? Ma réponse
en tant qu'avocat est très claire. Cela n'a aucun sens. »
- un pourcentage de la contribution versée par Swissair, soit
1 % de 1,5 milliard de francs, soit deux millions de dollars.
Au total, les honoraires s'élevaient à 8,2 millions de dollars
et ont été réduits, à la demande de M. Corbet, à 6,67 millions
de dollars. « Après la reprise, dans la mesure où nous n'étions
plus dans un plan de continuation mais dans un plan de cession,
j'ai demandé à CIBC de bien vouloir considérer que la partie
réduction de passif était un élément qui pouvait être diminué »,
a indiqué M. Corbet. Me Léonzi a témoigné en ce sens : « Et la
seule explication qui m'ait été donnée et que j'ai retransmise,
c'est que ce contrat n'a aucun sens dans le cadre d'une reprise
à la barre d'un tribunal d'une entreprise en redressement (par
voie de cession d'actifs) et n'a de sens que dans le contexte
qui m'a été indiqué, à savoir accord sur la chose et sur le prix
à un moment où la reprise était envisagée in bonis dans le cadre
de la conciliation. »
L'argument avancé, tant par M. Corbet que par son avocat Me Léonzi,
est que lors de la négociation du contrat, il n'était pas
question de reprendre l'entreprise après un dépôt de bilan. Il
s'agissait de reprendre des entreprises en activité. A ce titre,
une banque d'affaires pouvait négocier une réduction du passif
pris en charge. Mais qui peut croire que la situation du groupe
Air Liberté-AOM n'était pas déjà catastrophique en avril ou
mai 2001 ? Il semble évident à tous les observateurs de ce
dossier qu'une reprise autre qu'à la suite d'un dépôt de bilan
n'a jamais pu être sérieusement envisagée. Il convient également
de rappeler le caractère rétroactif du contrat passé entre M. Corbet
et la banque d'affaires puisque celui-ci, daté du
11 juillet 2001, soit plusieurs semaines après le dépôt de bilan
d'AOM-Air Liberté, s'appliquait à compter du 2 mai 2001. Le
Rapporteur se demande donc si la date réelle de signature du
contrat n'est pas postérieure à la date du jugement du tribunal
de commerce de Créteil attribuant le bénéfice de la reprise à
M. Corbet.
Il semble aberrant que la banque d'affaires ait pu toucher un
pourcentage, tant de la réduction du passif que de la
contribution Swissair, puisque ces deux éléments auraient
bénéficié à tout repreneur. Sur ce point Me Léonzi a au
contraire indiqué que Swissair avait voulu, en quelque sorte,
choisir le repreneur auquel serait versée la contribution et,
qu'ainsi, la rémunération de la CIBC sur la base de cette
contribution était justifiée : « M. le Rapporteur : Mais le
milliard et demi de Swissair était public. CIBC n'a eu aucun
travail. Ce que je ne comprends pas, c'est quel est le lien
entre l'action qu'a eue CIBC et l'assiette ?
M. Yves LEONZI : Non, là aussi, on se fait une fausse idée de ce
qu'a pu être la reprise. L'offre publique faite par voie de
presse en disant « je donne 2 milliards et vient les chercher
qui veut », ce n'était pas du tout ça. (...) Je reprends mon
propos qui est très ferme. La volonté de Swissair était de
choisir son repreneur et de faire bénéficier de ces 2 milliards
un repreneur choisi par elle. Est-ce choquant ? Pas du tout.
(...) Donc, les Suisses - et CIBC a participé à ce travail-là -
ont organisé eux aussi des grands oraux avec ou sans les
administrateurs, où chaque repreneur devait exposer ce qu'il
comptait faire avec 1 milliard, 2 milliards, etc ; afin que
Swissair émette un avis. » Les informations recueillies par le
Rapporteur accréditent la thèse selon laquelle la CIBC aurait
effectivement réalisé un travail auprès de Swissair.
Le montant de la facture n'a pas seulement alerté la commission
d'enquête et a, semble-t-il, également interpellé Me Léonzi et
l'ensemble des conseillers travaillant avec M. Corbet, comme l'a
indiqué Me Léonzi : « Ai-je été au courant que CIBC a été payée
en même temps que tous les autres conseils ? Oui. Est-ce que
j'ai été au courant des montants ? Oui. Est-ce que le montant
m'a surpris ? Oui, énormément. Je ne suis pas commissaire aux
comptes et je ne suis pas expert-comptable ; je n'ai pas à
valider antérieurement ou en continu un paiement. En ma qualité
d'avocat j'ai posé une question s'agissant des montants évoqués.
Il m'a été indiqué - et je crois que c'est pour la première fois
que j'ai vu la pièce que vous évoquez - que les montants étaient
des montants contractuels. Nous avons fait part, chacun pour ce
qui nous concerne, d'étonnement et de réserves par rapport à ces
montants. Si l'application du contrat était automatique, le
montant correspondant à ce qui était éventuellement
contractuellement dû, était supérieur au montant effectivement
payé [M. Corbet a en effet fait abaisser le montant de la
facture]. J'ai eu connaissance d'une discussion qui est
intervenue entre Jean-Charles Corbet et les représentants de la
CIBC pour forfaitiser un montant qui a été au final versé à la
CIBC. » Puis Me Léonzi fait cette déclaration contradictoire
avec ce paragraphe : « Donc, oui, j'ai été, dans ces
conditions-là, avisé des éléments. Ce montant est-il choquant,
parce que c'est une autre question que vous pouvez me poser en
qualité de professionnel ? Par rapport aux montants
habituellement pratiqués par les banques d'affaires, surtout
nord-américaines, non, pas du tout ! » Le montant de la facture
aurait donc semblé anormalement élevé mais le dernier passage
invite à penser qu'il aurait été conforme aux tarifs des banques
d'affaires nord-américaines.
Il faut ici préciser que la facture de 8,335 millions d'euros a
été acquittée très rapidement en trois versements datés des
21 août 2001 (345 811 euros), 31 août 2001 (4,95 millions
d'euros) et 5 septembre 2001 (3,03 millions d'euros). La banque
aurait néanmoins continué à travailler pour Holco sans percevoir
d'autre rémunération. M. Corbet a rappelé qu'il est d'usage que
les banques d'affaires continuent à accompagner un client après
avoir été rémunérées dans le cadre d'un contrat. D'après Me Léonzi,
suite aux attentats du 11 septembre 2001, la CIBC aurait
interrompu ses travaux en décembre 2001. « Je parle sous toute
réserve, parce que je fais appel à ma mémoire et j'ai peur de
commettre des impairs. CIBC a interrompu son travail en voyant
qu'elle ne pouvait pas venir en aide à Air Lib sur les activités
de recherche d'une banque de proximité. Je crois que son travail
de recherche d'une banque de proximité et de possibilité de
financement a été interrompu, en décembre 2001. »
La CIBC serait de nouveau intervenue à l'été 2002 puis dans le
cadre de la conciliation confiée à Me Lafont le 14 novembre 2002
par le tribunal de commerce de Créteil devant les difficultés
rencontrées par la compagnie.
Me Léonzi affirme que trois personnes de la CIBC étaient basées
à Paris pour aider M. Corbet.
Les investisseurs approchés par la CIBC World Markets dont Me Léonzi
déclare avoir entendu parler étaient Bombardier et Air Canada.
Preussag était également intéressé et le Club Méditerranée avait
annoncé à l'ensemble des repreneurs qu'il était prêt à
participer « pour une fraction symbolique » au capital. Le Club
Méditerranée était surtout intéressé, selon Me Léonzi, par
l'activité charter d'Air Lib.
Aucun de ces investisseurs n'est allé au-delà et n'a investi
dans Air Lib.
III.- UNE GESTION OPAQUE, DÉFICITAIRE ET SOCIALEMENT
CONFLICTUELLE
La manière dont la compagnie Air Lib a été gérée explique pour
une large part les difficultés rencontrées par la compagnie. Les
témoins interrogés ont tous reconnu que M. Corbet n'était pas un
gestionnaire et qu'il a tenté de s'entourer de personnes dont
les qualités étaient reconnues en ce domaine. Ces dernières ont
quitté la compagnie dès décembre 2001 et les observateurs
considèrent qu'il devenait dans ces conditions impossible de
gérer Air Lib. La gestion de la société a été non seulement
défaillante mais également opaque et a soulevé six principales
interrogations :
- quelles étaient les vraies raisons de la création de filiales
à l'étranger?
- la dispersion des actifs repris répond-elle à un objectif de
redressement de la compagnie aérienne ?
- dans quelle mesure la capitalisation d'Holco Lux, à hauteur
d'un million d'euros, auquel s'ajoutent quatre millions
d'avances d'actionnaire, et de Mermoz, à hauteur de
12,196 millions d'euros était-elle justifiée ? A cet égard,
quelle a été l'utilisation faite par Mermoz de cette somme
considérable, présentée comme devant permettre d'assurer la
maintenance des avions ?
- pour quelles raisons le dépôt de bilan préconisé dès
octobre 2001 par M. Bachelet, président du directoire d'Air Lib,
n'a-t-il pas été mis en œuvre ?
- dans quelle mesure la gestion économique et commerciale de M. Corbet
a-t-elle accéléré la chute d'Air Lib ?
- enfin, comment expliquer que l'ancien syndicaliste ait pu, en
quelques mois, dégrader le climat social de l'entreprise ?
A.- UNE GESTION OPAQUE
La gestion de Holco et de ses filiales a été source de
nombreuses interrogations. Très peu d'informations étaient
disponibles et M. Corbet semblait prendre seul les décisions.
Ainsi, M. Bachelet, pourtant directeur général d'Holco, a
déclaré avoir été tenu à l'écart de la vie des filiales
étrangères.
1.- La mise en place d'Holco et de ses filiales et la
répartition des actifs
En préambule, une déclaration de Me Léonzi, intervenant lors du
comité d'entreprise du 29 avril 2002, peut être
citée : « Aujourd'hui il faut trouver des montages dynamiques
pour permettre la création d'une vraie entreprise avec plusieurs
pôles d'activité, en les cloisonnant pour éviter qu'un problème
d'une entité affecte les autres. C'est une option de gestion que
nous revendiquons. »
a) Holco
Holco a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés
le 23 juillet 2001. L'entreprise, dont le siège est situé à
Paris et dont le capital s'élève à 40 000 euros, est détenue à
99,99 % par M. Corbet. Holco est la maison mère de la société
d'exploitation AOM-Air Liberté, baptisée Air Lib en
septembre 2001, et des autres sociétés reprises le 27 juillet
2001.
Le patrimoine immobilier d'Holco doit être détaillé.
La société dispose aujourd'hui seulement d'un crédit-bail sur un
immeuble situé à Tours d'après M. Corbet. Le contrat de crédit
bail s'achèvera le 30 juin 2003.
S'agissant d'un immeuble situé à Rungis (ancien siège social d'AOM),
M. Corbet a indiqué que les actes de cession n'étaient pas
encore signés et que les administrateurs judiciaires étaient
donc encore en charge du dossier. Ils auraient refusé de céder
le bien à M. Corbet. Le contrat de crédit bail viendra à
échéance le 31 décembre 2006. Le jugement du tribunal de
commerce de Créteil en date du 27 juillet 2001 indique, quant au
périmètre de la reprise, que la cession comprend l'ensemble des
immobilisations corporelles et incorporelles rattachées aux
fonds repris, notamment les « droits aux baux ou crédit-bail des
locaux appartenant à des tiers dans lesquels sont exploités les
fonds [de commerce] repris ». En conséquence, le périmètre de la
reprise ne comprenait pas les crédits baux dans lesquels les
fonds de commerce repris n'étaient pas exploités. L'immeuble de
Rungis n'aurait, semble-t-il, pas à être intégré au périmètre
des actifs repris.
Les déclarations de M. Corbet ne recouvrent pas les indications
fournies par le rapport Mazars et Guérard de juillet 2002 sur la
situation financière du groupe Holco. Ce rapport fait également
état d'un contrat de crédit-bail sur l'immeuble de Rungis. Il
n'est pas indiqué que les actes de cession concernant ce dernier
immeuble n'ont pas été signés alors que le rapport a pris soin
d'indiquer les opérations non encore menées à leur terme.
b) Les filiales françaises
La SAS Holco s'étant vu attribuer le bénéfice de la reprise, il
restait à organiser les filiales souvent nombreuses dans les
compagnies aériennes.
Le projet de reprise présenté par M. Corbet prévoyait
explicitement la possibilité de substituer à Holco toute entité
créée pour les besoins de la reprise. Or, le 27 juillet 2001, le
tribunal de commerce a omis de statuer sur ce point pourtant
essentiel pour la mise en place de la société.
Statuant à la demande de la SAS Holco, le 13 septembre 2001, le
tribunal de commerce de Créteil a procédé à une rectification
accordant à la société Holco le bénéfice « d'une faculté de
substitution au profit de toute entité créée pour les besoins de
la reprise sous réserve de leur contrôle par le repreneur dans
les conditions des articles 355-1 et 355-2 de la loi du
24 juillet 1966 et notamment au profit des sociétés Minerve
Antilles Guyane SN, Hotavia Restauration Services SN,
Air Liberté Technics et Société d'exploitation AOM Air Liberté. »
Cette décision autorise donc la création de filiales pouvant se
substituer à la SAS Holco. Aucune condition restrictive n'est
posée, si ce n'est l'obligation que les filiales soient
contrôlées par le repreneur.
Du fait des délais d'établissement des actes de cession des
sociétés reprises, la société Holco a du signer le 24 octobre
2001 un contrat de location gérance des différents fonds de
commerce (pour un franc par mois et par fonds de commerce). Ce
contrat prenait effet, rétroactivement, à compter du 1er août
2001. Les actes de cession n'ont été établis que les
19 et 21 décembre 2001.
L'organigramme de la société a évolué considérablement, laissant
apparaître au final 11 filiales. Holco était la seule structure
préexistant à la reprise. Le 24 août 2001, la société
d'exploitation AOM Air Liberté, dite Air Lib à compter du
20 septembre 2001, était immatriculée au registre du commerce et
des sociétés. Peu après ont été immatriculées les sociétés
Air Lib Technics (le 30 août 2001), Hotavia Restauration
Services (le 30 août 2001 également) et Minerve Antilles Guyane
(le 17 septembre 2001). Ces sociétés ont racheté le fonds de
commerce de sociétés leur préexistant. Ainsi, Air Lib Technics
a, dans un premier temps, repris les fonds de commerce de Air
Liberté Industrie et de TAT European Airlines puis, dans un
second temps, celui de la société SR Technics France. Hotavia
Restauration Services et Minerve Antilles Guyane ont, quant à
elle, repris les fonds de commerce des sociétés du même nom
Hotavia Restauration Services et Minerve Antilles Guyane.
Par ailleurs, dans le cadre de la reprise, Holco devenait
également propriétaire des titres des sociétés Alyzair (créée en
1995) à hauteur de 60 % ; Logitair (créée en 1992) à hauteur de
100 % ; SAAS (Service avions assistance sol, créée en 1996) à
hauteur de 50,04 % ; SAP (Service assistance piste, créée en
1992) à hauteur de 51 % et Air Liberté Finances (créée en 1992)
à hauteur de 100 %. D'après les informations recueillies, ce
sont les participations des sociétés les plus directement liées
à l'activité et présentant un intérêt économique réel qui ont
été reprises. Certaines filiales, dont les liens avec l'activité
de la compagnie aérienne semblaient trop distendus, ont été
écartées. Pourtant, les membres du cabinet Mazars et Guérard
auditionnés ont indiqué que la société Alyzair n'avait plus
d'activité lors de leurs travaux en juillet 2002.
A l'issue de ces opérations, Holco comprenait neuf filiales.
Par la suite, lorsque le produit Air Lib Express a été
développé, la société d'exploitation AOM-Air Liberté, dite Air
Lib, a vu ses activités réparties entre deux entités : la
société Air Lib Express, immatriculée le 1er octobre 2002, et la
société d'exploitation Air Lib, immatriculée le 2 décembre 2002.
Ces deux sociétés sont des filiales à 100 % de la société
d'exploitation AOM-Air Liberté.
c) Les filiales étrangères
Les filiales étrangères ont été créées plus tardivement que les
premières filiales françaises.
● Holco Lux
Holco Lux, détenue à 100 % par Holco, a été inscrite au registre
du commerce et des sociétés de Luxembourg le 28 décembre 2001.
Elle a bénéficié des fonds versés par Swissair à Holco à hauteur
de cinq millions d'euros (dont un million d'euros pour sa
dotation en capital et quatre millions d'euros apportés à son
compte-courant). D'après le rapport Mazars et Guérard remis au
comité interministériel de restructuration industrielle le
15 juillet 2002, la société Holco Lux a pour objet d'être « la
structure d'accueil d'opérations de croissance externe du groupe
dans les domaines connexes de l'aérien ». Cet objet indéterminé
n'a pas manqué de susciter quelques inquiétudes parmi les
salariés de la compagnie aérienne qui n'ont pas été informés
rapidement de l'existence de cette filiale. M. Fourier, délégué
syndical CGT a ainsi déclaré : « Nous avons découvert que cette
filiale était destinée, je cite : « à prendre des participations
sous quelque forme que ce soit dans des entreprises ou sociétés
luxembourgeoises ou étrangères au Luxembourg ». C'est un peu
surprenant, surtout dans le cadre d'une entreprise qui allait
quand même très mal. Je vous rappelle que, dès décembre 2001,
c'est-à-dire 5 mois après la reprise, Air Lib mettait déjà à
l'ordre du jour du comité d'entreprise : « possible dépôt de
bilan ». » Il a ajouté: « Holco Lux a pris une participation
dans une société qui s'appelait I.P. Bus qui, semble-t-il, était
destinée à la formation des pilotes. Cela a fait l'objet
d'ailleurs d'une question en comité d'entreprise par ma collègue
Sylvie Guillou-Faure. Quand on a appris la possibilité pour
Holco Lux de faire de la formation de pilotes, Sylvie
Guillou-Faure a posé la question en disant :« Si l'on comprend
bien, vous pourriez, à un moment donné, fermer la compagnie
aérienne et garder votre filiale de formation des pilotes qui
pourra être utilisée par n'importe quelle autre compagnie
aérienne ». Effectivement, la réponse de la direction avait été
claire. Ils avaient dit : « Oui, juridiquement, c'est tout à
fait possible qu'à un moment donné, on ne garde que cette
filiale ou telle ou telle filiale et que la compagnie aérienne
ait disparu ». Pour cette raison, dès le début, nous les avons
suspectés de vouloir mettre sinon de l'argent, en tout cas de
l'activité de côté pour assurer un avenir à cette holding
au-delà de la compagnie aérienne. »
D'après le rapport précité, un projet d'investissement dans
l'institut de formation des pilotes n'a pas été retenu. En
revanche, Holco Lux aurait prêté 614 000 euros à une société
Newco qui a pour objectif d'investir « dans des sociétés à fort
développement ». Un projet IP Bus aurait notamment été
développé, qui consiste, cette fois d'après une note
d'information du cabinet Secaphi-Alpha sur les comptes d'Holco
en date du 5 mars 2003 et destinée au comité d'entreprise, à
« développer des formations à distance en entreprise par
l'utilisation de transmissions satellites » pour les pilotes.
Cet élément n'est pas éclairant sur les activités exactes d'Holco Lux.
En outre, quelle a été l'utilisation faite des quatre millions
d'euros restant dans Holco Lux ? M. Corbet n'a pas souhaité
répondre à cette question lors de son audition, se réfugiant
derrière le secret des affaires :
« M. Jean-Charles CORBET : Pour ce qui concerne Holco Lux, c'est
un peu la même démarche : c'est une structure de participation.
Elle était prévue pour permettre à terme la filialisation des
structures de formation pour les personnels navigants techniques
d'Air Lib.
M. le Rapporteur : Vous dites qu'elle était destinée, mais
est-ce qu'elle a l'a fait ? Quelle utilisation avez-vous fait de
la filiale Holco Lux après l'avoir dotée de cinq millions
d'euros ?
M. Jean-Charles CORBET : C'est ce qu'elle a commencé à faire,
monsieur le Rapporteur.
M. le Rapporteur : Pouvez-vous être plus précis ?
M. Jean-Charles CORBET : Non.
M. le Rapporteur : Pourquoi ?
M. Jean-Charles CORBET : Je vous l'écrirai.
M. le Rapporteur : Pourquoi l'avez-vous dotée de cinq millions
d'euros ?
M. Jean-Charles CORBET : Et pourquoi pas ?
M. le Rapporteur : La question est : pourquoi un ? Pourquoi pas
deux ou dix ?
M. Jean-Charles CORBET : Parce que cinq ! C'est un arbitrage de
gestion qui ne se discute pas, monsieur de Courson. Je suis
étonné de votre question. Vous êtes quelqu'un qui a l'habitude
des structures financières, du monde des affaires. Cette
question, je ne la comprends pas.
M. le Rapporteur : C'est la première fois qu'un témoin répond
ainsi à la question qu'on lui pose. Pourquoi avoir doté une
filiale à hauteur de cinq millions dans un but qui, d'après ce
que vous avez indiqué, n'a pas été réalisé puisque votre idée
initiale était la formation des pilotes ? Quand je vous pose la
question « Pourquoi cinq millions ? Pourquoi pas un million,
pourquoi pas vingt millions ? », vous me dites que c'est une
réponse de gestion qui n'appartient qu'à vous-même et que vous
n'avez pas à répondre à la commission. Cette réponse est
étrange.
M. Jean-Charles CORBET : Ce n'est pas ce que je vous dis. Je
vous dis : c'est cinq. Je ne sais pas pourquoi ce n'est pas un
ou six ou vingt. D'abord la capitalisation était de un
million....
M. le Rapporteur : ...un plus quatre !
M. Jean-Charles CORBET : Un plus quatre de fonds propres qui
sont sur un compte courant Holco Lux. Mais vous savez qu'entre
la société d'en haut et la société d'en bas, rien n'est
irréversible. Donc, c'était cinq composé de cette manière :
capitalisation de un million, compte courant de quatre millions.
M. le Rapporteur : Qu'avez-vous fait de ces cinq millions dans
la filiale ? Vous étiez le président d'Holco Lux !
M. Jean-Charles CORBET : Oui.
M. le Rapporteur : Vous savez donc ce qui s'est passé en tant
que président d'Holco Lux ? Qu'avez-vous fait des cinq
millions ?
M. Jean-Charles CORBET : Je vous rappelle que nous sommes dans
un cadre public et que j'ai à respecter le cadre confidentiel du
secret des affaires. Je vous répondrai par écrit.
M. le Rapporteur : Vous étiez l'unique actionnaire, monsieur
Corbet, de Holco Lux ?
M. Jean-Charles CORBET : Non. Holco était l'unique actionnaire,
pas Jean-Charles Corbet.
M. le Rapporteur : Mais vous êtes l'unique propriétaire de la
maison mère ?
M. Jean-Charles CORBET : Je suis l'unique actionnaire de la SAS Holco ;
Holco était l'unique actionnaire d'Holco Lux. »
Il faut ici rappeler quel était l'objet de la contribution
Swissair, tel qu'il a été défini par le tribunal de commerce de
Créteil dans son jugement en date du 27 juillet 2001 : « Le
groupe Swissair consent au repreneur ci-dessus désigné une
contribution volontaire d'un montant de 1,3 milliard de francs,
comprenant le cas échéant les prêts participatifs, pour financer
la restructuration, l'activité et la reprise des actifs faisant
l'objet du présent plan de cession. »
Les cinq millions d'euros versés à Holco Lux et prélevés sur les
fonds Swissair respectent-ils les conditions posées par le
tribunal ? Leur objet est-il de financer la restructuration,
l'activité et la reprise des actifs ? Il est permis d'en douter.
● Mermoz
Une deuxième filiale, Mermoz, a été créée le 29 octobre 2001.
Mermoz, propriété à 100 % de Holco, était la structure d'accueil
d'une partie de la flotte à compter du 1er août 2001 (les actes
de cession des avions ont été signés le 17 décembre 2001 avec
effet rétroactif). Onze avions lui ont été cédés, dont quatre
FOKKER 28-2000 en cours de cession ou en pièces détachées. Lui
sont donc restés sept avions : un ATR 42-300, cinq DC 10-30 et
un MD 83.
Sur la délocalisation des avions de la compagnie à l'étranger
pour des raisons fiscales, semble-t-il, M. Rochet, ancien
dirigeant d'AOM-Air Liberté, s'est exprimé en ces termes : « On
peut reprocher beaucoup de choses aux directions précédentes en
termes de management, d'option commerciale, de choix sociaux,
mais je peux témoigner qu'à aucun moment les actifs,
essentiellement d'ailleurs constitués autour d'AOM première
version, dont vous avez fait l'historique, ne sont sortis du
groupe. Lorsque je dis le groupe, ils pouvaient très bien être
positionnés autour d'AOM participations, d'AOM compagnie
aérienne, d'Air Liberté, d'Air Liberté Finances, mais ils sont
restés à l'intérieur du périmètre et en France. »
Interrogés sur la question de la location des avions par des
filiales à une compagnie aérienne du même groupe, les experts du
cabinet KMPG consulting France ont souligné le caractère commun
de ce type d'organisation : « le fait qu'il y ait des gens qui
achètent les avions et qui les louent à des compagnies
d'exploitation est courant. Air France maintenance a fait la
même chose. Si vous regardez le nombre d'entreprises
positionnées au Luxembourg et qui y positionnent leurs avions,
c'est assez classique. »
M. Spinetta, président-directeur général d'Air France, a lui
aussi indiqué que cette pratique est répandue : « en soi, cela
ne me parait pas être une pratique scandaleuse. Nous le faisons
également sur autorisation de la direction générale des impôts
qui en est informée. Les décisions sont prises par le conseil
d'administration d'Air France sur avis positif de la direction
générale des impôts. (...) Certes, nous avons quelques avions
logés dans des structures en Irlande ou ailleurs, mais dans des
conditions de transparence et de connaissance de la tutelle qui
sont totales.»
En principe, Mermoz louait ces avions à Air Lib, mais
M. Bachelet, président du directoire de la compagnie jusqu'au
31 décembre 2001, a expliqué avoir toujours refusé qu'Air Lib
paie pour utiliser ces avions.
Mermoz a elle aussi bénéficié des fonds Swissair mais dans des
proportions plus importantes qu'Holco Lux. La société a été
dotée d'un capital de 12,28 millions d'euros (la comptabilité d'Holco
fait apparaître la somme légèrement inférieure de
12,196 millions d'euros) intégralement libéré le 24 janvier
2002, d'après une note de synthèse sur la création des sociétés
Mermoz et Mermoz Aviation Ireland fournie par Me Léonzi.
Selon la note précitée, ce capital était « destiné à couvrir les
frais de maintenance liés à l'utilisation des avions avant la
reprise dans la mesure où le cabinet Bureau Francis Lefebvre a
recommandé que seuls les frais liés à l'utilisation postérieure
à la reprise soient laissés à la charge de l'utilisateur, Air
Lib. »
D'après le rapport Mazars et Guérard, le partage entre la
maintenance à la charge d'Air Lib et celle à la charge de Mermoz
n'apparaissait pas être aussi clair puisque Air Lib semblait
avoir reconstitué une partie des réserves de maintenance dues
par Mermoz (le montant est évalué entre trois et quatre millions
d'euros). Les experts du cabinet Mazars et Guérard auditionnés
ont indiqué que la justification de la capitalisation qui leur
avait été donnée était celle des charges de maintenance. Le
calcul de la somme n'a pas été vérifié par le cabinet car cela
n'entrait pas dans le cadre de sa mission pour le CIRI.
« M. le Rapporteur : Dans la mesure où, dans votre mission, il y
avait un essai de réflexion sur les comptes consolidés, l'une
des tâches d'un auditeur est de vérifier que les provisions sont
correctement calculées.
M. Pierre SARDET : Ce n'était pas un audit, mais nous avons
pensé qu'il était souhaitable de donner cette information au
ministère, sans pouvoir la qualifier précisément. Si, en
revanche, vous me demandez, en tant que technicien, si nous
aurions adopté le même traitement comptable, je n'en suis pas
certain. »
Plusieurs points doivent être soulignés. La note de Sécaphi-Alpha
en date du 5 mars 2003 destinée au comité d'entreprise a indiqué
que des incertitudes pesaient sur l'utilisation des sommes
versées à Mermoz.
Le montant de douze millions d'euros a semblé disproportionné
aux personnes auditionnées. M. Rochet a commenté le montant : « Holco
a reçu des avions nets de dette pour 1 franc, mais sans les
provisions correspondantes. Je ne suis donc pas choqué, sur le
plan comptable, que l'on recrée progressivement les provisions
suffisantes pour aller jusqu'au terme des heures de vols encore
possibles et ensuite payer les travaux d'entretien. J'ai des
ordres de grandeur en tête, mais je suis prêt à étudier la
question plus précisément. En tout cas, je vois mal, pour la
flotte qui était effectivement de l'ordre de grandeur que vous
avez mentionné, comment on peut recréer 12 millions de
provisions. Cela me semble irréaliste.
M. le Rapporteur : Cela vous paraît-il excessif ?
M. Marc ROCHET : Ah oui ! Dans un rapport minimum de 1 à 2,
voire de 1 à 3. »
S'il est normal qu'un propriétaire mette de côté les sommes
nécessaires à la maintenance des avions, dans le cas d'une
compagnie en grande difficulté comme Air Lib, il aurait été
préférable de constituer progressivement les provisions. Rien ne
justifiait d'avancer de telles sommes dès le mois
d'octobre 2001, quelques semaines après le 11 septembre 2001.
Interrogé sur la capitalisation de Mermoz, M. Corbet a, une
nouvelle fois, estimé ne pas pouvoir répondre à la commission
d'enquête :
« M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi
- vous nous avez fourni des explications qui nous paraissent
incomplètes -vous avez doté de 12,2 millions d'euros la filiale
coopérative Mermoz ?
M. Jean-Charles CORBET : Là encore, je crois que cela a été
expliqué à Mazars. Je vous invite à relire le rapport Mazars et
vous aurez la réponse. »
Si la capitalisation de Mermoz à hauteur de 12,196 millions
d'euros était liée aux charges de maintenance des avions,
comment expliquer dans ce cas que Mermoz ait versé, pour le
compte d'Holco, 9,14 millions d'euros à un cabinet Plegler et
Blach, ainsi que le démontre le grand livre des comptes d'Holco
pour l'exercice clos le 31 mars 2002. Le paiement de cette somme
apparaît dans les comptes à la date du 31 mars 2002, date de
clôture de l'exercice mais cette inscription ne constituerait
qu'une régularisation a posteriori des écritures comptables.
D'après les renseignements fournis au Rapporteur, cette somme
aurait été payée antérieurement. La date précise n'a pas pu être
déterminée. Pourtant, le cabinet Mazars et Guérard, interrogé, a
indiqué ne pas avoir eu connaissance de ce mouvement financier
en juillet 2002.
Une nouvelle justification de l'apport de 12,196 millions
d'euros à Mermoz apparaît donc, qui serait une facture d'un
cabinet d'avocats. Interrogé par la commission d'enquête, Me Léonzi
a indiqué avoir eu connaissance de ce contrat : « j'ai vu le
contrat qui est un contrat de paiement d'honoraires
forfaitaires, avec un engagement qui doit survivre aux malheurs
éventuels de tout ou partie des structures Holco-Air Lib. » Le
paiement d'une provision sur un suivi est, d'après lui,
inhabituel, mais le montant engagé (9,14 millions d'euros) pour
recouvrir une créance de 60 millions d'euros ne lui a pas « posé
de difficultés particulières ». Les commissaires aux comptes ont
d'ailleurs validé les comptes. Le fait que ce soit une filiale
d'Holco qui avance l'argent pour le compte de sa maison mère
est, selon Me Léonzi, une pratique tout à fait habituelle. Il
convient également de souligner que le comité interministériel
de restructuration industrielle (CIRI) avait été informé par les
dirigeants d'Holco de la destination des actifs de Mermoz :
« Mermoz détenait une quinzaine de millions d'euros d'actifs. Je
vous cite, sous le contrôle de Philippe Leroy, les termes mêmes
des dirigeants d'Holco SAS et de leurs conseils : ces sommes
sont destinées à financer le contentieux à l'encontre de
Swissair et à aller les chercher jusqu'au bout de la Terre», a
indiqué Jean-Baptiste Massignon, secrétaire général du CIRI.
Il s'agissait donc pour les avocats d'être rémunérés pour
l'ensemble des poursuites à venir contre Swissair. Pour autant,
ces poursuites constituent également une bonne partie de
l'activité du cabinet de Me Léonzi, qui n'intervient pas à titre
gracieux dans cette affaire, comme il l'a expliqué : « Je
pourrais vous fournir un certain nombre de précisions sur cette
créance puisque mon cabinet coordonne les différentes actions à
travers l'Europe sur le recouvrement des 60 millions d'euros dus
à titre contractuel, indépendamment des indemnités réclamées à
l'ensemble des personnes morales ayant composé le groupe
Swissair. »
Me Léonzi a indiqué de quelle manière il serait
vraisemblablement rémunéré pour l'ensemble de ses actions contre
Swissair (occupant trois collaborateurs de son cabinet et
coûtant environ 1,5 million de francs par mois d'honoraires
d'avocats à travers toute l'Europe, d'après ses déclarations) :
« Le président Corbet va faire jouer le mécanisme Plegler et
Holco va être servi par Plegler du montant correspondant à la
rémunération des factures.
M. le Rapporteur : Vous serez donc rémunéré via les
9,14 millions d'euros.
M. Yves LEONZI : Je serai rémunéré par Holco, parce que je
n'accepterai pas de paiement de qui que ce soit d'autre. »
On ne peut que souligner le caractère extrêmement élevé de la
somme en question et, légitimement, s'interroger sur le fait que
cette somme ait été payée ou provisionnée dans son intégralité
avant même que la créance sur Swissair ne soit recouvrée (les
procédures sont toujours en cours aujourd'hui). M. Corbet a
apporté peu de précisions à la commission d'enquête :
« M. le Rapporteur : Nous avons découvert que la filiale
coopérative Mermoz, votre filiale en Hollande, a versé
9,1 millions d'euros pour le compte de Holco, pour le compte de
la holding, à un cabinet d'avocats suisse, Plegler et Blach, à
charge pour ce cabinet de suivre le dossier de recouvrement de
la contribution non payée par Swissair qui était de l'ordre de
38 millions d'euros, puisqu'ils devaient vous verser
1,3 milliard et qu'ils ont versé 1,05 milliard.
M. Jean-Charles CORBET : La dette de Swissair est de 60 millions
d'euros, monsieur.
M. le Rapporteur : Oui, mais il y avait deux parties : la partie
qu'ils devaient verser en cash à la société holding était de
1,3 milliard d'après la décision du tribunal de commerce de
Créteil et vous avez touché 1,05 milliard. Cela fait une
différence de 250 millions de francs, soit 38 millions d'euros.
Pouvez-vous nous confirmer que vous avez bien versé ces
9,1 millions d'euros ? Pourriez-vous nous expliquer comment vous
pouvez verser à un cabinet d'avocats situé en Suisse,
9,1 millions d'euros en réglant par avance les honoraires sans
aucune clause d'intéressement. C'est-à-dire que si le cabinet ne
réussit à recouvrer que zéro, ils auront toujours ces
9,1 millions, et s'ils réussissent à recouvrer une dizaine de
millions, vous auriez payé autant pour recouvrer.
Pourquoi avez-vous signé ce contrat ? Pourriez-vous donner à la
commission ce contrat que nous avons demandé et que nous n'avons
pas encore reçu.
M. Jean-Charles CORBET : D'abord, ce que vous venez de dire est
erroné : ce n'est pas un cabinet suisse.
M. le Rapporteur : Vous l'avez versé en Suisse d'après ce que
l'on nous a indiqué.
M. Jean-Charles CORBET : Vous voyez que l'on vous indique des
choses inexactes.
M. le Rapporteur : Nous sommes là justement pour que vous nous
expliquiez.
M. Jean-Charles CORBET : Je vous réponds que nous sommes dans
une procédure contre les Suisses, procédure extrêmement
complexe. Il n'est absolument pas question que je dévoile
publiquement ma stratégie. Ces éléments dont vous parlez sont
aujourd'hui chez un expert judiciaire qui va les transmettre au
tribunal de commerce de Paris. Dès lors que son rapport sera
fait, je vous invite à le lui demander.
M. le Rapporteur : Ce n'est pas le débat, monsieur le président.
M. Jean-Charles CORBET : Mais c'est ma réponse.
M. le Rapporteur : Le débat est que j'ai trouvé cette somme dans
votre comptabilité. Et donc, je vous pose la question : votre
filiale Mermoz a payé 9,1 millions. A qui ? Il y a quand même un
versement ! Je l'ai trouvé. On m'a indiqué que cela a été versé
à un cabinet appelé Plegler et Blach.
Pouvez-vous dire à la commission ce qu'est ce cabinet et quel
est le fondement du versement de 9,1 millions d'euros. Nous
sommes au début 2002, au moment où vous avez demandé
30,5 millions à l'Etat et où vous espérez avoir en plus, via le
GIE fiscal, à peu près aussi 30 millions. Pouvez-vous nous
expliquer cela ?
M. Jean-Charles CORBET : Je vous répondrai par écrit. De manière
très schématique, c'est une assurance - vie complète qui permet
que, aujourd'hui, nous puissions continuer à poursuivre les
Suisses partout dans le monde. Nous avons aujourd'hui des
procédures contre les Suisses en Pologne, en Belgique, en
Italie, en France, au Luxembourg.
C'est une provision qui nous permet d'avoir la certitude que
quoi qu'il arrive, nous irons au bout de la procédure.
M. le Rapporteur : Vous faites payer cette somme par la filiale.
Pourquoi cette somme a-t-elle été payée par la filiale ?
M. Jean-Charles CORBET : Non, je ne peux pas vous l'expliquer.
M. le Rapporteur : Pourquoi n'est-ce pas la holding qui l'a
payé ?
M. Jean-Charles CORBET : Je ne peux pas vous l'expliquer, je
vous l'expliquerai par écrit.
M. le Président : Vous comprenez, monsieur Corbet, que quelles
que soient les explications que vous donnez ou que vous ne
donnez pas, l'interrogation de la commission est de savoir
pourquoi, au moment où vous demandez 30 millions de prêt à
l'Etat, vous honorez une facture de 9,1 millions d'euros à un
cabinet dont vous ne voulez pas donner le nom et pour des
raisons que vous ne voulez pas dire.
Nous verrons ce que vous nous répondrez ultérieurement. Mais
comprenez que l'on se pose des questions.
M. Jean-Charles CORBET : Je comprends que vous vous posiez des
questions. Le 5 janvier -je vérifierai- dans le débat que nous
avons eu avec le CIRI ce jour-là, dans l'arbitrage des
5 millions, nous avons indiqué au CIRI que nous gardions une
somme en provision pour poursuivre les Suisses jusqu'au bout du
monde.
M. le Rapporteur : Aviez-vous donné le montant au CIRI ?
M. Jean-Charles CORBET : Oui. J'ai indiqué au CIRI que cela
représenterait environ 10 millions d'euros.
M. le Rapporteur : Avez-vous eu un accord écrit ?
M. Jean-Charles CORBET : Je n'avais pas à avoir d'accord écrit
du CIRI ! Le CIRI a arbitré et nous a imposé la descente de
5 millions d'euros en compte courant bloqué.
M. le Rapporteur : Cela n'explique pas que, simultanément, vous
versiez 9 millions. Nous n'avons pas trouvé trace de cela. Je
vous serai donc reconnaissant de nous confirmer par écrit que
vous avez informé le CIRI - vous nous avez dit que oui -, que
vous avez indiqué le montant et à qui vous le versiez et à quel
usage ?
M. Jean-Charles CORBET : Je vous indiquerai tout cela.
M. le Rapporteur : Dernière question : quel est ce cabinet ?
M. Jean-Charles CORBET : Je vous l'indiquerai par écrit.
M. le Rapporteur : Parce que vous ne le savez pas ?
M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr que si, mais je suis en train
de vous dire qu'il s'agit de choses confidentielles alors que
nous sommes dans un débat public. Aujourd'hui, cela fait partie
d'une enquête judiciaire à qui nous avons indiqué tout cela. Je
vous l'indiquerai et je vous donnerai éventuellement le
rapport. »14
Il convient une nouvelle fois de rappeler que le tribunal de
commerce de Créteil avait précisé dans son jugement sur la
reprise que l'objet de la contribution versée par Swissair était
de financer la restructuration, l'activité et la reprise des
actifs. De nouveau, l'on doit constater que la destination
réelle des fonds s'éloigne de celle posée par le tribunal.
Le total des fonds versés à Holco Lux et à Mermoz sur la
contribution Swissair atteint 15,3 millions d'euros, compte tenu
des mouvements de trésorerie ultérieurs des filiales vers Holco.
Le 1er mars 2002, Mermoz a reversé un million d'euros à Holco.
Une des conditions du versement de la seconde tranche du prêt du
FDES qui a été accordé à Air Lib en janvier 2002 était en effet
qu'Holco fasse « descendre » de la trésorerie vers Air Lib
(5 millions d'euros). Holco a donc fait revenir une partie des
fonds disponibles dans ses filiales étrangères. Le
6 janvier 2003, Mermoz a à nouveau effectué un virement d'un
montant de 700 000 euros au profit d'Holco. Postérieurement à la
mise en liquidation judiciaire d'Air Lib le 17 février 2003,
Holco Lux a versé 200 000 euros à Holco.
● Mermoz Aviation Ireland
Une filiale de Mermoz, Mermoz Aviation Ireland a ensuite été
créée à partir d'une société de droit irlandais inactive depuis
sa formation en 2000. D'après la note de Me Léonzi précitée, les
parts de cette société ont été transférées à Mermoz le 28 mai
2002 puis le nom de la société a changé pour devenir Mermoz
Aviation Ireland et, le 20 décembre 2002, cette dernière a
bénéficié d'un apport en capital de la part de Mermoz composé :
- de la propriété des avions et
- du bénéfice des conventions de location des avions depuis le
1er août 2001.
Les avions sont donc devenus la propriété de Mermoz Aviation
Ireland qui est elle-même détenue à 100% par Mermoz.
d) Les participations de la holding Holco
Les participations de la holding Holco étaient les suivantes
avant la mise en liquidation judiciaire d'Air Lib le 17 février
2003 :
PARTICIPATIONS DE LA HOLDING HOLCO
Mermoz Aviation
Irlande
(gestion de la flotte)
SE AOM-Air Liberté
(« Air Lib »)
(transport aérien)
15 millions d'euros
* Antilles et Réunion
2.- Dès le mois d'octobre 2001, M. Bachelet
envisage le dépôt de bilan et se heurte au refus de M. Corbet
M. Bachelet, président du directoire d'Air Lib, s'est très
rapidement rendu à l'évidence de l'impossibilité de poursuivre
l'exploitation de la compagnie.
D'après ses déclarations à la commission d'enquête : « Vers le
15 octobre [2001], j'ai estimé que l'affaire n'était plus
viable. Je l'ai écrit au cabinet du ministre en lui disant qu'il
me paraissait invraisemblable que l'on puisse trouver des fonds
propres supplémentaires pour faire face à la carence de Swissair
et que, dans le contexte du transport aérien tel qu'on le
vivait, le business plan sans financement était irréaliste. Je
suggérais, de façon non étudiée, l'arrêt de l'activité. On avait
encore de la trésorerie, donc, on ne pouvait pas déposer le
bilan, mais on pouvait très bien décider d'arrêter l'activité et
d'abonder un plan social avec le reste de trésorerie pour
distribuer au personnel ce qui aurait été sauvé du désastre de
Swissair. »
M. Bachelet a transmis par écrit à la commission d'enquête les
principaux éléments qui figuraient dans sa lettre au directeur
de cabinet du ministre du transport, M. Ricono, car il n'a pas
été en mesure de fournir une copie de cette lettre. La situation
financière d'Air Lib laissait présager une trésorerie nulle fin
décembre 2001. Les désagréments pour les passagers en cas
d'arrêt de l'exploitation à cette date étaient jugés trop
grands, il fallait donc trouver une alternative. M. Bachelet
proposait donc un arrêt de l'exploitation dès la fin
d'octobre 2001. La proximité avec les événements du 11 septembre
et la faillite de Swissair permettait d'attribuer à ces deux
facteurs le plus grand rôle dans la faillite de la compagnie et
la trésorerie disponible pouvait abonder un plan social. M. Ricono
n'aurait pas cherché à joindre M. Bachelet par la suite, d'après
les déclarations de ce dernier. M. Amar, alors conseiller
technique du ministre du transport, a simplement indiqué lors de
son audition : « A partir de octobre-novembre, lorsque nous
sommes au coeur de la crise, nous nous apercevons, et Air Lib
nous le fait savoir, que l'imminence d'une situation critique
est proche. »
M. Bachelet a expliqué que le dépôt de bilan avait commencé à
être préparé par le conseil de surveillance d'Air Lib. Des
promesses selon lesquelles un investisseur allait soutenir
Air Lib lui auraient été faites, sans qu'aucune opération
aboutisse, et, le 18 décembre 2001, MM. Bachelet et Bardi
(l'autre membre du directoire) ont signé un délibéré du
directoire d'après lequel les besoins de financement structurels
de l'entreprise s'élèvent à 800 millions de francs, dont
400 millions de francs en fonds propres ou quasi fonds propres.
Le directoire estime qu'à la fin du mois de décembre 2001, la
situation de l'entreprise sera irrémédiablement compromise et
que le plan de relance ne pourra pas être mis en œuvre. « Le
directoire continuera dans ces conditions la mise en œuvre du
plan de relance et préparera, dans la confidentialité la
déclaration de cessation des paiements avant le
31 décembre 2001. » M. Bachelet a indiqué avoir pris rendez-vous
au tribunal de commerce de Créteil pour le début du mois de
janvier.
Devant le comité d'entreprise, M. Bachelet tenait un tout autre
langage : « Nous ne sommes donc ni en cessation de paiement, ni
face à une situation irrémédiablement compromise. Le dépôt de
bilan n'est donc pas à l'ordre du jour. » (Réunion
extraordinaire du comité d'entreprise du 18 décembre 2001 dont
l'ordre du jour était le suivant: « Information et consultation
éventuelle du comité d'entreprise sur la marche générale de
l'entreprise et conséquences éventuelles, pouvant entraîner la
nécessité d'un dépôt de bilan. »). Les réunions extraordinaires
des 31 décembre 2001 et 2 janvier 2002 prévoyaient également à
l'ordre du jour une « éventuelle consultation du comité
d'entreprise sur un éventuel dépôt de bilan ».
M. Bachelet a déclaré avoir démissionné en décembre 2001 et
cessé ses fonctions le 31 décembre 2001 mais la comptabilité d'Holco
fait apparaître son licenciement le 15 février 2002.
La réaction de M. Corbet a été radicale. Afin que le directoire
ne puisse pas déposer le bilan, la structure juridique de
l'entreprise a été modifiée : le directoire a été supprimé et
Air Lib est devenue une société anonyme avec un conseil
d'administration.
M. Corbet a expliqué que la trésorerie permettait de faire vivre
Air Lib quelques semaines et que, juridiquement, les actes de
cession des actifs n'étant pas signés, un dépôt de bilan dans
ces conditions était compliqué. Il a ajouté lors de sa seconde
audition devant la commission d'enquête : « En comité
d'entreprise [le 31 décembre 2001], j'explique donc que si nous
n'obtenons pas de quasi fonds propres et un prêt de
restructuration et si nous ne parvenons pas à diminuer les coûts
de l'ordre de 50 millions d'euros, nous sommes alors dans une
situation de dépôt de bilan. »
S'agissant de la modification de la structure juridique de
l'entreprise, du fait du départ de M. Bachelet, il était urgent
de remplacer le mandataire social par lui-même. M. Bachelet
livre un autre éclairage sur le comportement de M. Corbet : « Il
faut dire aussi que la transformation de la structure juridique
de l'entreprise a été faite lorsque M. Corbet a compris que
j'avais la prérogative, sans avoir besoin de son accord, de
déposer le bilan. Vite, on a supprimé le président du directoire
pour éviter qu'il ne lui vienne une idée saugrenue. J'avais pris
rendez-vous avec le tribunal de commerce le 2 ou 3 janvier.
Donc, on a transformé la structure juridique de l'entreprise
pour être bien sûr qu'un président de directoire ne prendrait
pas des initiatives. »
3.- Le droit d'alerte, seul moyen pour le comité d'entreprise de
disposer d'informations
Le degré de non information du comité d'entreprise d'Air Lib
doit être souligné. Pour obtenir des éléments de réponse, il
allait devoir déclencher un droit d'alerte, procédure qui en dit
long sur la dégradation des relations sociales au sein de
l'entreprise. Le droit d'alerte vise à provoquer une discussion
avec les dirigeants. « Lorsque le comité d'entreprise a
connaissance de faits de nature à affecter de manière
préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut
demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette
demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine
séance du comité d'entreprise», dispose l'article L. 432-5 du
code du travail relatif au droit d'alerte.
M. Petit, délégué syndical ALTER, a déclaré : « Je vous livre
encore un élément : vous lirez dans le procès verbal du 29 avril
2002 la réponse qu'il fait quand on lui demande ce qu'il ferait
si demain Air Lib rencontrait des difficultés. Il répond
clairement : « Non, je n'investirai pas ce que j'ai mis dans
Holco dans Air Lib ». C'est-à-dire que dès le 29 avril 2002, il
y a quasiment un an, M. Corbet avait déjà fait la séparation des
pouvoirs et celle des intérêts. Il avait bien séparé Air Lib d'Holco. »
Il est évident que de tels échanges ont nourri les angoisses et
les soupçons des syndicats.
A cet égard, trois syndicats (Unac, Spac et CFTC) ont même
cherché à faire saisir les actions détenues par Holco dans ses
filiales à l'étranger (Holco Lux et Mermoz). Le 9 juillet 2002,
les syndicats ont été déboutés après l'examen au fond de leur
demande.
La mise en œuvre du droit d'alerte a été extrêmement difficile
du fait des obstacles posés par la direction. Mais, le 12 avril
2002, l'inscription de la discussion de la procédure d'alerte à
l'ordre du jour d'une réunion du comité d'entreprise n'ayant pu
être obtenue, une ordonnance en référé du tribunal de grande
instance de Créteil fixe l'ordre du jour du comité d'entreprise
pour le mois d'avril. Cet ordre du jour prévoit notamment une
discussion et un vote sur le déclenchement de la procédure de
droit d'alerte.
Le 9 avril, M. Bonan, expert-comptable, est mandaté par le
comité d'entreprise pour l'assister. Lors de son audition, M. Bonan
a indiqué avoir eu les plus grandes difficultés à se procurer
des documents. Les rares qui lui auraient été montrés
constituaient des pièces comptables inutilisables. Il aurait à
cette occasion constaté le grand retard dans la tenue des compte
d'Air Lib. Plusieurs témoins auditionnés ont également indiqué à
la commission d'enquête que la gestion comptable d'Air Lib
posait problème. Me Lafont, mandataire puis conciliateur, a
admis que les comptes étaient en retard jusqu'au mois
d'octobre 2002, soit quelques semaines avant la liquidation.
M. Marty, du cabinet Mazars et Guérard a estimé : « Les comptes
permettaient d'avoir une certaine information, mais ils
n'étaient pas suffisamment à jour, compte tenu de la complexité
des opérations traduites que représente l'exploitation d'une
compagnie aérienne, pour être considérés comme suffisamment
utilisables pour pouvoir réaliser nos travaux. »
Quant à Holco, M. Corbet aurait indiqué à M. Bonan qu'il ne
disposerait d'aucun document puisque M. Bonan était mandaté par
le comité d'entreprise d'Air Lib. Des courriers de l'inspecteur
du travail des transports à la direction d'Air Lib confirment
les propos de M. Bonan et l'inspecteur a, à de nombreuses
reprises (les 30 mai, 5 juin et 25 juin 2002), engagé M. Corbet
à résoudre ces difficultés. Ces courriers fermes n'ont pas
suffi. Pourtant, l'employeur ne peut se soustraire aux demandes
d'explications du comité d'entreprise dans le cadre du droit
d'alerte car ce serait un délit d'entrave passible de sanctions
pénales.
Le 9 juillet, Air Lib est condamné en référé par le tribunal de
grande instance de Créteil à communiquer, sous astreinte, des
pièces comptables à M. Bonan. Pour autant, ce dernier, malgré la
décision de justice, n'aurait pas davantage disposé des
documents par la suite. L'astreinte a été liquidée le 2 décembre
2002.
Me Lafont, mandataire puis conciliateur pour Air Lib, a indiqué
à la commission d'enquête : « M. Bonan est la source
d'information dont je me défierais le plus ; elle est
tendancieuse et mal informée. » Mais, au-delà de M. Bonan, les
faits et les décisions de justice sont là pour démontrer la
mauvaise volonté de la direction d'Air Lib à communiquer des
pièces comptables aux représentants des salariés.
B.- DES PROJETS DÉFICITAIRES
1.- Le pari perdu d'Air Lib Express
Le produit Air Lib Express consistait à commercialiser sur les
lignes intérieures des billets à des tarifs très avantageux,
proches de ceux des compagnies dites bas coûts. La mise en place
du projet bas tarifs peut être analysée comme une réponse à la
concurrence croissante d'Air France sur le moyen courrier. En
effet, la compagnie avait développé le système de la Navette et
un programme de fidélisation qui privaient Air Lib des clients à
« haute contribution », les plus recherchés. Le projet bas
tarifs représentait l'ultime tentative pour sauver une part
importante de l'activité d'Air Lib (près d'un tiers de
l'activité) en s'implantant dans le secteur touristique15.
Le rapport KPMG Consulting France, Audit des conditions
d'exploitation des différents réseaux d'une compagnie aérienne,
remis à la direction générale de l'aviation civile le 15 juillet
2002, dresse un panorama du potentiel commercial européen des
compagnies « bas coûts ». Ces dernières ont transporté 4% des
passagers européens en 2000, contre 25 % aux Etats-Unis et,
d'après le rapport, leur part de marché devrait atteindre 15 à
20 % en 201016.
Les effets du 11 septembre ont très certainement incité Air Lib
a modifier sa stratégie commerciale. Air Lib a dû réagir
rapidement pour trouver un positionnement propre sur le marché
du transport aérien. Des essais ont donc été menés en novembre
2001 sur les produits bas tarifs et Air Lib Express a été lancé
le 31 mars 2002 vers six destinations (Nice, Toulouse, Toulon,
Lourdes, Perpignan et Marseille).
Air Lib Express ne correspond pas au modèle des compagnies « bas
coûts » (flotte homogène utilisée au maximum, desserte
d'aéroports secondaires, distribution directe privilégiée,
localisation dans les pays anglo-saxons) et doit donc être
considéré comme un produit « bas tarifs ». Il était envisagé, à
moyen terme, d'appliquer les bas tarifs aux lignes
moyen-courrier internationales et de développer des synergies
avec d'autres compagnies17.
a) Le lancement du produit bas tarifs n'a pas été précédé de la
nécessaire diminution des coûts d'exploitation, ce qui a
rapidement condamné l'expérience
Dès juillet 2002, les experts sont réservés sur le sort
d'Air Lib Express et préconisent un abaissement important des
coûts d'exploitation.
Les difficultés liées à la concurrence du TGV sur la ligne
Paris-Marseille ont été soulignées et le prix de vente moyen du
coupon de vol (le « prix moyen coupon » sur une ligne est la
référence permettant de synthétiser les très nombreux tarifs
souvent pratiqués pour un même vol) y a été jugé
« dangereusement faible »18. Une éventuelle fermeture de la
ligne est évoquée. Pour trois autres lignes, le prix moyen
coupon apparaît préoccupant pour le cabinet KPMG Consulting
France (Orly-Toulouse, Orly-Perpignan, Orly-Lourdes).
L'ensemble des charges devaient être abaissées pour se
rapprocher des standards des compagnies « bas coûts » dont les
coûts d'exploitation sont inférieurs de 30 % à 40 % à ceux des
compagnies classiques. A cet égard, le rapport KPMG Consulting
France préconisait notamment de favoriser les ventes directes
(Internet, centres d'appels), sans qu'il soit pour autant jugé
possible d'atteindre les standards des compagnies « bas coûts ».
En outre, Air Lib prenait le risque de la désaffection des
agences de voyage pour les autres produits Air Lib. Il
apparaissait également nécessaire d'accroître l'utilisation des
avions et de limiter le nombre des personnels navigants à bord.
Le Rapporteur ne peut manquer de s'interroger sur le sérieux des
équipes ayant mis en place Air Lib Express. Il apparaît très
nettement qu'Air Lib n'était pas structuré pour de telles offres
et proposait des prix d'appel trop faibles pour espérer
rentabiliser l'activité sans procéder à une refonte globale des
modes d'exploitation.
M. Lafosse-Marin, délégué syndical UNAC (Union des navigants de
l'aviation civile) d'Air Lib, a, comme plusieurs témoins
auditionnés, indiqué qu'Air Lib n'était certainement pas
structuré pour le bas tarif : « Quant au moyen courrier, nous
avons attendu cinq mois avant d'instaurer le low-cost ; les
avions se sont alors remplis. Remplir un avion n'est pas un
problème, gagner de l'argent est plus difficile ; or vous ne
pouvez pas gagner de l'argent en lançant des prix d'appel à
29 euros. L'heure de vol d'un MD83 étant de 40 000 francs, avec
de tels tarifs, il faut remplir l'avion à plus de 100 % pour
faire des bénéfices. Par ailleurs, si vous prenez les exemples
de ce qui se fait de mieux en low-cost en Europe, à savoir par
des compagnies comme Easy Jet et Ryanair, vous constatez que les
ratios de personnel sont de l'ordre de quatre personnels
navigants pour un personnel sol. Le low-cost suppose en effet
des économies de personnel au sol, via la sous-traitance
notamment. Nous, nous étions à un rapport de un pour un. Or on
ne peut pas faire du low-cost avec un tel ratio. »
Contrairement à ce qu'affirme M. Corbet, les difficultés
structurelles n'ont pas été résorbées après l'été comme le
montre le projet de rapport Secaphi-Alpha. Si les taux de
remplissage sur Air Lib Express apparaissaient satisfaisants
(76 %), le prix moyen des billets était trop faible pour
permettre la survie de l'activité. Le rapport souligne que « le
PMC [prix moyen coupon] de l'activité express est proche de
celui de Ryanair (56 euros) mais nettement inférieur à celui d'Easy
Jet (85 euros). Or, celui d'Easy Jet devrait servir de référence
dans la mesure où, contrairement à Ryanair, Easy Jet dessert des
aéroports majeurs à taxes aéroportuaires élevées. »19
Me Hubert Lafont, mandataire puis conciliateur, n'a pas porté la
même appréciation puisqu'il a affirmé : « A titre indicatif, fin
septembre, les vols « bas coûts » ne perdaient en court courrier
que deux ou trois millions d'euros, ce qui était négligeable au
regard de 103 millions sur les Antilles. Il y avait donc une
tendance à la remontée des recettes qui faisait que l'on devait
parvenir à l'équilibre ». M. Corbet a également avancé cet
argument.
Or, les chiffres fournis dans le rapport remis au comité
d'entreprise, pour l'ensemble de l'activité Air Lib Express et
pour la ligne Orly-Figari (ligne dégageant des résultats
positifs), ne corroborent pas cette appréciation de Me Lafont.
Pour le mois de septembre 2002, les pertes se sont élevées à
4,61 millions d'euros, ce chiffre tenant compte des bons
résultats de la ligne Orly-Figari20. Les pertes ont été, pour
chaque ligne, systématiquement supérieures à 20 % du chiffre
d'affaires. « Plus grave, les résultats ne s'améliorent que peu
au cours de la période et les mois d'été sont restés
médiocres », est-il précisé21.
En conclusion, « compte tenu de l'ampleur des pertes, la
réalisation d'économies conséquentes ne sera pas suffisante. Une
remise à plat du produit et des destinations desservies est
impérative. »22
b) Une forme illégale d'intéressement du personnel navigant
commercial
L'activité Air Lib Express semble avoir été lancée dans
l'improvisation. Le cas des rémunérations des personnels
navigants commerciaux est, à cet égard, éclairant.
La direction avait mis en œuvre un moyen de faire baisser les
coûts des vols qui consistait à faire effectuer le nettoyage des
avions à l'arrivée par les personnels navigants commerciaux
plutôt que de recourir à des intervenants extérieurs. En échange
de ce surcroît de travail, les personnels voyaient leur
rémunération augmenter. En effet, ils pouvaient se partager les
recettes des ventes à bord de produits achetés par la compagnie.
La compagnie ne payait pas de charges sur cette partie de la
rémunération et la tentation était grande, pour les salariés
concernés, de ne pas déclarer ces revenus.
M. et Mme Termignon, délégués syndicaux du Syndicat national du
personnel navigant commercial, ont fait part de la confusion
dans laquelle les questions relatives aux commissions du
personnel navigant commercial ont été traitées :
« M. le Rapporteur : Vous faites tous deux partie du personnel
navigant commercial. Pouvez-vous nous confirmer les propos de
vos collègues de la CFTC, selon lesquels il existait des
pratiques assez étranges : le personnel navigant était autorisé
à vendre des boissons, des sandwichs, achetés par la compagnie,
le personnel navigant commercial se partageant le fruit de la
vente pour améliorer sa rémunération. Avez-vous constaté ces
faits ?
M. Philippe TERMIGNON : Chez Air Lib, les choses se sont
toujours faites rapidement et un peu à contresens. (...) Nous
ignorions les méthodes de services qui seraient pratiquées dans
l'avion. La problématique des ventes a été évoquée deux jours
avant son lancement. C'est là que la direction a décidé que l'on
commencerait ainsi et que l'on verrait par la suite. C'est un
chantier resté inabouti. Il aurait fallu trouver une solution,
mettre cela aux normes. C'est un chantier qui n'a pas été
entrepris.
M. le Rapporteur : Concrètement, en tant que personnel navigant
commercial pouvant vendre des produits achetés par la compagnie,
que faisiez-vous de la recette ?
Mme Sofia TERMIGNON : Elle était partagée entre tous les membres
de l'équipage, hors le personnel navigant technique,
c'est-à-dire les pilotes.
M. le Rapporteur : En qualité de représentants du personnel,
n'avez-vous pas fait remarquer qu'il s'agissait de travail au
noir ...? Et que l'on courait à la catastrophe ?
Mme Sofia TERMIGNON : Si, si.
M. le Rapporteur : La direction n'a-t-elle pas réagi ?
Mme Sofia TERMIGNON : Le sujet a été débattu dans le cadre de
deux comités d'entreprise avec une solution : on attendait une
autorisation de Bercy. »
Cette rémunération ne portait pas sur des sommes négligeables,
comme l'a démontré M. Duhayer, délégué syndical CFTC et ancien
responsable du personnel navigant commercial : « Cela peut faire
sourire, mais sachez tout de même que chaque personne concernée
percevait au noir entre 4 000 et 6 000 francs par mois ; 300 ou
400 personnes touchant entre 4 000 et 6 000 francs par mois
pendant huit ou neuf mois, voyez combien cela peut faire ! »
M. Corbet a, lors de son audition, confirmé l'existence de cette
rémunération et a indiqué que son directeur financier était
chargé de négocier avec les services fiscaux un accord
spécifique. Cependant, lui-même n'a pas pu préciser dans le
détail les modalités de la régularisation envisagée.
2.- La desserte de l'Algérie et de la Libye
La mise en œuvre des liaisons vers l'Algérie et la Libye ont
révélé des failles importantes dans la gestion commerciale de la
compagnie.
a) L'Algérie
La réouverture de la ligne Paris-Alger le 21 janvier 2002 a
marqué une nouvelle étape dans le développement d'Air Lib. Le
marché en cause était important et seule Air Algérie était
présente sur la desserte de l'Algérie.
La position des autorités françaises a été résumée par Mme Bénadon,
directrice des transports aériens : « Il faut savoir qu'aucun
transporteur français ne desservait l'Algérie, en tout cas la
ligne Paris-Alger, depuis le détournement de l'avion
d'Air France à la fin de 1994. Les autorités françaises étaient
donc satisfaites d'avoir un transporteur français à mettre en
regard du pavillon algérien qui assurait 95 ou 99 % du trafic.
En outre, je le répète, les perspectives de rentabilité étaient
infiniment meilleures que sur d'autres destinations. »
Pour desservir cette nouvelle destination, Air Lib s'est
associée à Khalifa Airways par deux type de contrats : un
contrat relatif à l'assistance technique sur les aéroports
d'Alger et d'Oran, d'une part, et un contrat commercial, d'autre
part. Ce dernier contrat appelle plusieurs observations. Comme
le soulignait le rapport KPMG Consulting France 23, Air Lib
prenait ainsi le risque de s'appuyer sur un concurrent
potentiel. Un bureau de représentation propre à Air Lib venait
alors à peine d'être ouvert en juillet 2002 afin de ne plus
dépendre uniquement de Khalifa Airways. Plusieurs personnes
auditionnées ont indiqué que le rapatriement des produits des
ventes constituait un problème réel, comme M. Fourier, délégué
syndical CGT : « Il a été évoqué également la difficulté de
rapatrier les fonds, les recettes faites en Algérie dans ces
agences [les agence de Khalifa Airways]. »
Les résultats de la desserte de l'Algérie ont été positifs. Pour
autant, cette activité de niche ne représentait que 5 % du
chiffre d'affaires de l'exercice 2001/2002 Lib (soit
3,5 millions d'euros entre janvier 2002 et le 31 mars 2002) et
ne pouvait pas, à elle seule, redresser la compagnie. Et, de
toute évidence, le système de commercialisation était
insatisfaisant.
b) La Libye
Suite à l'avis favorable du conseil supérieur de l'aviation
marchande (CSAM) en date du 27 mars 2002, Air Lib a pu desservir
la Libye à l'automne 2002. Air Lib avait indiqué au CSAM que,
d'un point de vue commercial, les contacts pris auprès d'un
certain nombre d'entreprises impliquées dans les échanges avec
la Libye permettaient d'anticiper un accueil favorable. Le
marché touristique vers la Libye aurait également été en pleine
croissance. 6 000 passagers devaient être transportés dès la
première année, puis 15 000 et 16 000 les années suivantes. M. Spinetta,
président-directeur général d'Air France, porte, lui, un
jugement très prudent sur l'intérêt commercial de la ligne
Paris-Tripoli : « Honnêtement, nous n'avons manifesté aucun
intérêt pour ces dessertes qui sont, d'ailleurs, d'un intérêt
économique assez modeste. »
La ligne a été fermée après quelques semaines d'exploitation.
Les raisons pour lesquelles cette ligne a été ouverte, ce contre
la volonté des personnels navigants, ne sont pas claires. La
réponse sommaire de Me Lafont, mandataire et conciliateur de la
compagnie, démontre le manque de transparence auquel s'est
heurtée la commission d'enquête sur ce sujet : « M. Xavier DE
ROUX : M. Corbet avait dû faire une étude avant d'ouvrir une
ligne. Pourquoi a-t-il ouvert une ligne dans de telles
conditions ?
M. Hubert LAFONT : Parce qu'il n'y avait plus de ligne depuis
1983 ou 1984 qui desservait l'Europe du nord-ouest à partir de
la Libye. La Grande-Bretagne et la France étaient autrefois
desservies par UTA. Le seul moyen d'aller en Libye consistait à
passer par l'Italie et Malte. »
Le Président a pu par lui-même constater qu'il était impossible
de se procurer des billets d'Air Lib à Tripoli car aucune agence
de la compagnie n'était présente sur place. Par ailleurs, les
témoins auditionnés ont rapporté que les vols étaient vides.
Le Rapporteur ne peut que souligner la défaillance totale de la
gestion pour l'organisation de la desserte de la Libye.
C.- UN CLIMAT SOCIAL PROFONDÉMENT DÉGRADÉ
Les qualités de leader syndical de M. Corbet ont contribué à son
succès devant le tribunal de commerce de Créteil dans la mesure
où, comme nous l'avons vu, elles lui ont permis de conquérir les
suffrages des représentants du personnel. Elles pouvaient aussi
impulser une nouvelle dynamique de groupe dans une entreprise
minée par d'innombrables clivages. Force est de constater que la
nouvelle équipe n'a pas su insuffler un esprit nouveau dans
l'entreprise.
Il convient en préambule de souligner que des accusations
délictueuses graves ont été portées devant la commission
d'enquête. Il n'appartenait pas à la commission d'enquête de
vérifier le fondement de ces accusations mais le simple fait que
de tels propos aient pu être tenus dans ce cadre a démontré la
profonde dégradation du climat social.
1.- Les relations des syndicats avec la direction se sont
rapidement dégradées
Le projet de reprise de M. Corbet, décrit dans le jugement du
tribunal de commerce de Créteil du 27 juillet 2001, prévoyait
plusieurs mesures relatives au personnel.
La première partie du plan d'entreprise présenté le 26 juillet
2001 au tribunal de commerce de Créteil par M. Corbet était
intitulée « L'indispensable refondation sociale ». Il est écrit
dans ce document 24 : « Rebâtir une cohésion sociale à partir de
l'homogénéisation des conditions d'emploi de tous les personnels
en lissant les disparités actuelles est, pour ce qui concerne
l'équité de traitement, plus qu'une ardente obligation, une
absolue nécessité. »
L'harmonisation des statuts est clairement présentée comme un
objectif prioritaire : « Faire cohabiter sur des postes
identiques, dans de telles circonstances, des personnels aux
statuts et aux conditions d'emploi différents relève d'une
impossibilité absolue. (...) Dès lors, faire de l'harmonisation
des conditions d'emploi (conditions de travail et conditions de
rémunérations) un fil conducteur de cette première phase [il est
ici question des phases de redressement de la compagnie] est un
choix de management. »25 Suivent des éléments de démonstration
détaillés démontrant la complexité des conditions d'emploi ainsi
que les axes de la refondation pour chaque catégorie de
personnel (personnel au sol, personnel navigant commercial et
personnel navigant technique).
Me Lafont, désigné mandataire puis conciliateur par le tribunal
de commerce de Créteil a, dans son exposé préliminaire, décrit
les problèmes sérieux posés par l'existence de trop nombreux
statuts :
« La deuxième difficulté est provenue du fait que, comme je
l'indiquais précédemment, la société cédante, AOM-Air Liberté,
résultait du rapprochement dans des conditions mal gérées de
cinq ou six compagnies, ce qui amenait à constater l'existence
de cinq ou six catégories de personnels, régis par des
conventions collectives et des normes de salaires différentes et
répondant à des organisations sociales différentes. A titre
d'exemple, le comité d'entreprise de la nouvelle société qui
avait repris 2 700 salariés en direct de l'ancienne, avait comme
représentation sociale près d'une centaine de personnes car il y
avait des sections syndicales pour chacune des anciennes
compagnies. C'est ainsi qu'il y avait, par exemple, quatre ou
cinq représentations CGT, avec un titulaire et un suppléant pour
chacune, et qui ne se présentaient pas sous un front uni, mais
avec des positions différentes et des langages différents. M. Corbet
a donc eu de très grandes difficultés à gérer cet ensemble.
J'ajoute qu'en ce qui concerne le statut proprement dit des
personnels, il pouvait très bien se trouver que dans le même
avion, le pilote, le co-pilote, le personnel navigant et
commercial obéissaient chacun à des conventions collectives
différentes. Ainsi en était-il du système des repos
compensateurs ou des congés. »
M. Rochet a lui aussi souligné ce problème : « Nous étions face
à un enchevêtrement social absolu. De mémoire, je peux citer le
chiffre de 140 accords collectifs particuliers. »
D'après les informations transmises au rapporteur, seule la
catégorie des personnels au sol a vu ses statuts harmonisés.
« M. le Rapporteur : Quelles mesures ont été prises ? La baisse
de 10 % des salaires des pilotes contre 34 % des actions pour
l'ensemble des salariés ? Le blocage des rémunérations du
personnel navigant commercial ? L'harmonisation des statuts ?
Pouvez-vous nous dire ce qui a été mis en œuvre ?
M. Gilles NICOLI : L'harmonisation des statuts, au niveau du
personnel au sol. Le dernier accord a été signé pour une
application au 1er août 2002. »
En ce qui concerne le personnel navigant commercial (hôtesses et
stewards), les délégués syndicaux du Syndicat national du
personnel navigant commercial (SNPNC), ont expliqué que seule
une harmonisation par défaut avait eu lieu. En effet, les
anciens salariés d'Air Liberté se sont simplement vus appliquer
les accords des anciens salariés d'AOM, ce quinze mois après le
début de la location gérance du fonds de commerce d'Air Liberté
par AOM le 1er janvier 2001. Le 1er avril 2002, les accords des
anciens salariés d'AOM ont donc été étendus au personnel issu
d'Air Liberté. Un nouveau statut unique n'a pas été créé.
L'ensemble des témoignages recueillis s'accorde sur le fait que
les tensions sociales qui avaient marqué la vie de l'entreprise
sont réapparues dès l'automne 2001, soit quelques semaines
seulement après la reprise d'AOM-Air Liberté par M. Corbet. Le
terme d'autoritaire a été prononcé à plusieurs reprises devant
la commission d'enquête pour qualifier M. Corbet.
Les déclarations de M. Fourier, délégué syndical CGT, attestent
de l'amertume des acteurs sociaux: « De toute façon, les
relations avec l'équipe Corbet se sont dégradées extrêmement
rapidement, ne serait-ce que par la gestion du plan social de
2001. Nous avons vu qu'il nous faisait faire le « sale boulot ».
On nous avait promis des choses claires, c'est-à-dire du
dialogue social, des négociations et cela n'arrivait pas. Les
relations se sont vraiment dégradées dès
novembre-décembre 2001. »
M. Rousselin, président du tribunal de commerce de Créteil
apporte un éclairage intéressant, car extérieur à l'entreprise :
« Les conflits se sont apparemment vite institués entre les
différents représentants du personnel et de la direction, c'est
la raison pour laquelle Me Lafont avait été désigné comme
mandataire ad hoc [dès le 9 janvier 2002]. La situation était
devenue extrêmement difficile, d'une violence rare. Cela arrive
dans les conflits sociaux, mais là on était dans des schémas
extrêmement violents, de la part d'élus, de représentants du
personnel, y compris apparemment entre eux d'ailleurs, car nous
avons été abreuvés de tracts en tous genres. »
Me Lafont nommé notamment pour résoudre les difficultés sociales
interviendra également en tant que conciliateur à partir du
14 novembre 2002 afin de faire aboutir les négociations entre
l'Etat, Air Lib, Holco et IMCA, investisseur potentiel.
Les conflits ont parfois pu dégénérer et être tranchés devant le
juge. Ainsi, Air Lib a engagé une dizaine d'actions contre des
représentants syndicaux ou des syndicats. Air Lib a demandé
l'annulation des désignations de sept personnes en qualité de
délégués syndicaux et contesté la représentativité et
l'existence légale de deux syndicats. Le tribunal d'instance de
Longjumeau a, par une décision en date du 21 novembre 2002
relative à l'ensemble de ces affaires, soit déclaré les recours
irrecevables ou sans objet, soit débouté Air Lib. Ces mises en
cause ont été vécues par les personnes en question comme le
moyen de les éloigner temporairement de la vie sociale de
l'entreprise en mobilisant leurs efforts sur des procédures
judiciaires.
Le climat régnant dans l'entreprise fin 2002 était de toute
évidence déplorable.
2.- Les luttes de pouvoir internes au Comité d'entreprise autour
du droit d'alerte
Les tensions entre les syndicats d'Air Lib ont pu être
constatées par la commission d'enquête qui a souhaité débuter
ses travaux par l'audition des représentants de six syndicats.
La situation a longtemps été complexe du fait de l'histoire de
la société. Des représentants de chacune des entités agglomérées
au fil du temps étaient élus, ce qui ne facilitait certainement
pas les débats. En outre, et c'est une caractéristique des
entreprises de transport aérien, les trois catégories de
personnel (personnel au sol, personnel navigant technique et
personnel navigant commercial) devaient être représentées. Le
syndicat majoritaire au sein du comité d'entreprise depuis le
25 juin 2002 est la CFDT. Le secrétaire du comité d'entreprise,
M. Monnin, avait, dès la reprise, affiché son soutien envers les
projets de M. Corbet. Son syndicat demeure aujourd'hui le moins
sévère dans son appréciation des actions menées par le dirigeant
d'Holco.
Air Lib a été condamnée, sous astreinte, le 9 juillet 2002, à
communiquer à l'expert comptable mandaté par le comité
d'entreprise dans le cadre de la procédure d'alerte le 29
avril 2002 les pièces comptables nécessaires à l'exercice de sa
mission. L'astreinte a été liquidée le 2 décembre 2002.
Peu avant la liquidation de l'astreinte, soit le 25 novembre
2002, M. Bonan était démis de ses fonctions par le nouveau
comité d'entreprise et aucun expert-comptable ne l'a ensuite
remplacé. Les difficultés à retrouver un expert-comptable prêt à
prendre la relève d'un collègue évincé ont été évoquées. Quoi
qu'il en soit, la procédure d'alerte n'a jamais pu aller à son
terme.
La CFDT a laissé s'éteindre la procédure mise en œuvre par une
majorité différente. Ce syndicat n'avait d'ailleurs, dès
l'origine, pas approuvé la mise en œuvre de la procédure de
droit d'alerte.
Ces éléments témoignent de la dureté des conflits au sein de
cette entreprise minée par des luttes catégorielle et de l'échec
patent de Jean-Charles Corbet dans sa mission d'apaisement
social revendiquée devant le tribunal de commerce de Créteil
comme préalable à tout redressement de la compagnie.
Suite du rapport
N° 0906 - Rapport de la commission d'enquête sur les causes
économiques et financières de la disparitition d'Air Lib (MM.
Patrick Ollier etCharles de Courson) (tome I)
1 N° 684.
2 En application de l'accord salaires contre actions, M. Corbet
a acheté des actions d'Air France à raison de 40.000 francs par
mois. Il a été interrogé sur ce point au cours de son audition
du 27 mai.
3 Rapport n° 654 de M. de Courson, fait au nom de la Commission
des finances, de l'économie générale et du plan, sur le projet
de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment
à la société Air France, page 49.
4 Article L. 144-1 du code de commerce.
5 Elle-même détenue à 100 % par LUK FIDEI, société de droit
américain, détenue à 100 % par Leucadia National Corp, société
d'investissement cotée à la bourse de New York.
6 Le CSAM expertise, parallèlement à la procédure judiciaire,
les dossiers de reprise des compagnies aériennes. L'avis du CSAM
est requis pour s'assurer de la recevabilité des plans au regard
de la réglementation aérienne. Les avis sont transmis au
ministre puis au tribunal de commerce.
7 Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à
la liquidation judiciaires des entreprises.
8 L'article L.620-1 du code de commerce (titre II du Livre VI
intitulé « Des difficultés des entreprises ») dispose en son
premier alinéa: « Il est institué une procédure de redressement
judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l'entreprise,
le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du
passif. »
9 D'après l'article 4 du règlement (CEE) n° 2407/92 du
23 juillet 1992, un Etat ne délivre de licence d'exploitation à
une entreprise que si elle est détenue et continue à être
détenue, soit directement, soit par participation majoritaire,
par des Etats membres et/ou des ressortissants d'Etats membres.
Elle doit à tout moment être effectivement contrôlée par ces
Etats ou ces ressortissants.
10 Récapitulatif et améliorations de l'offre présentée par la
société Holco en vue de l'audience du 26 juillet 2001, page 16.
11 Récapitulatif et améliorations de l'offre présentée par la
société Holco en vue de l'audience du 26 juillet 2001, page 17.
12 Secaphi-Alpha, Air Lib. Projet de rapport sur la situation de
l'entreprise pour l'exercice clos le 31 mars 2002 et au
30 septembre 2002, page 81.
13 Dans le cadre d'un plan de cession suite à un dépôt de bilan,
l'un des objectifs du plan de cession est l'apurement du passif.
C'est le prix de cession, fixé souverainement par le tribunal
(dans les limites de la proposition faite par le repreneur), qui
permet de payer les créanciers. Dans le cas d'AOM-Air Liberté,
le prix de cession avait été fixé à trois francs. Le repreneur
n'a pas ensuite, en règle générale, à prendre en charge le
passif de l'entreprise, sauf volonté contraire de sa part. A
titre dérogatoire, seules les sûretés immobilières ou mobilières
qui garantissent le remboursement d'un crédit qui a permis de
financer l'acquisition d'un bien inclus dans le plan de cession
bénéficient d'un régime favorable : le repreneur doit en effet
assurer le remboursement des échéances dues à compter de la
reprise. Le repreneur ne peut échapper à cette charge qu'avec
l'accord des créanciers concernés.
14 Contrairement à ses engagements, à la date d'adoption du
présent rapport, M. Corbet n'a communiqué aucun des documents
promis lors de son audition.
15 Secaphi-Alpha, Air Lib. Projet de rapport sur la situation de
l'entreprise pour l'exercice clos le 31/03/2002 et au
30/09/2002, page 21.
16 KPMG Consulting France, Audit des conditions d'exploitation
des différents réseaux d'une compagnie aérienne, 15 juillet
2002, page 74.
17 Idem, page 78.
18 Idem, page 80.
19 Secaphi-Alpha, Air Lib. Projet de rapport sur la situation de
l'entreprise pour l'exercice clos le 31/03/2002 et au
30/09/2002, page 24.
20 Idem, page23.
21 Idem, page 28.
22 Idem, page 28.
23 KPMG Consulting France, Audit des conditions d'exploitation
des différents réseaux d'une compagnie aérienne, 15 juillet
2002, page116.
24 Récapitulatif et améliorations de l'offre présentée par la
société Holco en vue de l'audience du 26 juillet 2001, page 12.
25 Récapitulatif et améliorations de l'offre présentée par la
société Holco en vue de l'audience du 26 juillet 2001, page 20.
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r0906-t1-2.asp#TopOfPage
N° 906
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin
2003.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur les causes économiques et financières de la disparitition
d'AIR LIB
Président
M. Patrick OLLIER
Rapporteur
M. Charles de COURSON
Députés.
--
TOME I
RAPPORT
(2ème partie)
(1) La composition de cette commission figure au verso de la
présente page.
Entreprises
La Commission d'enquête sur les causes économiques et
financières de la disparition d'Air Lib est composée de :
M. Patrick Ollier, président ; M. Xavier de Roux, Mme Odile
Saugues, vice-présidents ; M. Jean-Claude Lefort, M. Christian
Philip, secrétaires ; M. Alfred Almont, M. Claude Bartolone,
M. Joël Beaugendre, M. Marcel Bonnot, M. Jean-Jacques Descamps,
M. Jean Diébold, M. Christian Estrosi, M. Gilbert Gantier,
M. Jean-Pierre Gorges, M. Alain Gouriou, Mme Arlette Grosskost,
M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Gabrielle
Louis-Carabin, M. Lionnel Luca, M. Louis-Joseph Manscour,
M. Jean Marsaudon, M. Philippe Armand Martin (51), M. Jacques
Remiller, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Jean-Marc Roubaud,
M. Frédéric Soulier, Mme Christiane Taubira, Mme Catherine
Vautrin.
S O M M A I R E
_____
1ère partie
I.- DÈS L'ORIGINE, UN PROJET À LA VIABILITÉ DOUTEUSE
A.- LE PROJET DE REPRISE D'AOM-AIR LIBERTÉ PAR M. CORBET
S'EFFECTUE DANS DES CONDITIONS ÉTONNANTES
B.- UN PROJET DE REPRISE SURDIMENSIONNÉ ET SOUS-CAPITALISÉ
C.- LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE M. CORBET N'ONT PAS ÉTÉ TENUS
II.- PREMIER ACTE DE GESTION DE M. CORBET : VERSER DES PRIMES
CONSIDÉRABLES ET DES HONORAIRES EXORBITANTS
A.- DES PRIMES CONSIDÉRABLES POUR L'ÉQUIPE DIRIGEANTE
B.- DES HONORAIRES EXORBITANTS POUR LES CONSEILS
III.- UNE GESTION OPAQUE, DÉFICITAIRE ET SOCIALEMENT
CONFLICTUELLE
A.- UNE GESTION OPAQUE
B.- DES PROJETS DÉFICITAIRES
C.- UN CLIMAT SOCIAL PROFONDÉMENT DÉGRADÉ
2ème partie
IV.- L'APPEL AUX FONDS PUBLICS A PERMIS DE RETARDER D'UN AN LE
DÉPÔT DE BILAN D'AIR LIB 5
A.- UN GIE FISCAL AVORTÉ FAUTE D'INVESTISSEURS 6
1.- Le montage envisagé avec l'accord de l'Etat 6
2.- L'absence persistante d'investisseurs 11
3.- Airbus a finalement choisi un autre acquéreur pour les deux
avions 14
B.- UN PRÊT DU FDES DE 30,5 MILLIONS D'EUROS ACCORDÉ DANS DES
CONDITIONS SURPRENANTES 16
1.- Un prêt sur instruction et sans instruction 16
2.- Une prolongation du prêt malgré les incertitudes sur le
devenir d'Air Lib 30
C.- UNE ACCUMULATION DE PRÈS DE 100 MILLIONS D'EUROS DE CHARGES
PUBLIQUES IMPAYÉES 38
1.─ Des difficultés précoces 38
2.-- L'ampleur rapidement prise par les impayés 41
D.- LE NOUVEL ESPOIR D'UN REPRENEUR RETARDE DE TROIS MOIS LE
DÉPÔT DE BILAN 48
1.- Un plan de restructuration incompatible avec les règles
communautaires 48
2.- IMCA : un bien étrange investisseur 53
3.- Les ultimes manœuvres dilatoires d'IMCA 61
4.- Les avions seraient devenus la propriété de M. de Vlieger 68
CONCLUSION 73
EXPLICATIONS DE VOTE 77
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT AU GROUPE DES
DÉPUTÉS COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS 84
LISTE DES ANNEXES
IV.- L'APPEL AUX FONDS PUBLICS A PERMIS DE RETARDER D'UN AN LE
DÉPÔT DE BILAN D'AIR LIB
A l'issue d'une « aventure » somme toute brève, les dettes
publiques d'Air Lib représentent un peu plus de 130 millions
d'euros. Comment en est-on arrivé aussi rapidement à une telle
addition pour le contribuable ?
De fait, la dégradation de la situation financière d'Air Lib et
son incapacité à trouver des investisseurs ont conduit ses
dirigeants à se tourner très tôt vers l'Etat en vue d'un soutien
financier. Afin de compenser la défaillance de Swissair, une
aide de 60 millions d'euros a été envisagée. La décision de
principe tant sur le montant que sur les modalités a été prise
lors d'une réunion entre les ministres concernés et le Premier
ministre le 3 janvier 2002. Une réunion interministérielle du
7 janvier 2002, en présence de membres du cabinet du Premier
ministre a ensuite concerné la mise en œuvre de cette aide, qui
devait prendre deux formes. Comme l'indique le compte rendu de
cette dernière réunion :
« Postérieurement à la réunion, le Premier ministre confirme le
schéma d'aide suivant :
- confirmation d'un accord pour la mise en place d'un GIE fiscal
pour l'acquisition de deux Airbus A340 ;
- intervention d'un prêt du FDES pour 30,5 millions d'euros
versé à hauteur de 16,8 millions d'euros le mardi 8 janvier, le
solde avant la fin du mois de janvier. »
Le GIE tardant à se concrétiser, de fait c'est le prêt du Fonds
de développement économique et social (FDES) qui constituera
l'aide déterminante, marquant le début du soutien financier
accordé par l'Etat à la compagnie.
A la suite du changement de majorité et après un temps consacré
à la prise de connaissance du dossier, le nouveau gouvernement a
décidé de prolonger le prêt du FDES et des contacts ont été pris
avec la compagnie en vu d'une éventuelle transformation de
l'aide au sauvetage en aide à la restructuration. L'essentiel du
soutien public a pris à partir de l'été la forme de moratoires
sur les dettes publiques d'Air Lib, ces dernières n'ayant cessé
de s'accumuler du printemps 2002 jusqu'à la liquidation de la
compagnie. Pourtant, en dépit de ce soutien massif, M.
Jean-Charles Corbet soutient que les pouvoirs publics et
d'autres acteurs sont responsables de la faillite de sa
compagnie qui était, selon lui, sur la voie de la
convalescence... Le Rapporteur démontrera que la réalité est
bien différente.
A.- UN GIE FISCAL AVORTÉ FAUTE D'INVESTISSEURS
1.- Le montage envisagé avec l'accord de l'Etat
_ L'idée de recourir à un dispositif de GIE fiscal afin de faire
bénéficier Air Lib d'une importante et rapide rentrée de
trésorerie est semble-t-il apparue très rapidement, à l'automne
2001.
Comme l'a indiqué M. Gilles Nicoli, délégué syndical CFDT : « Le
2 octobre, les Suisses font faillite et il nous manque
60 millions d'euros. L'idée du GIE fiscal est alors émise, qui
d'ailleurs devait déjà avoir germé dans l'esprit des politiques,
M. Ricono et les autres, au moment de la reprise. Ce GIE fiscal
a été fait pour l'achat de deux A340 de Flightlease, filiale de
Swissair, qui avait versé 54 millions d'euros en déposit à
Airbus. »
Cette déclaration est confirmée par celle de M. Patrick Amar,
ancien conseiller technique du ministre de l'équipement, des
transports et du logement : « A partir de octobre-novembre,
lorsque nous sommes au coeur de la crise, nous nous apercevons,
et Air Lib nous le fait savoir, que l'imminence d'une situation
critique est proche. Plusieurs aspects se présentent. Nous avons
conscience que les fonds manquants de Swiss n'arriveraient pas
avant de mettre en place une procédure de poursuite, ce qui
suppose un certain délai. Une des pistes est le GIE fiscal pour
lequel sont préparées, fin novembre-décembre 2001, les premières
ébauches, avec les acteurs de ce GIE fiscal. Il nous semble, au
regard de cette crise de trésorerie qui est ponctuelle, que des
solutions de moyen terme permettraient de passer le cap
difficile de l'hiver 2001. Nous savons que, dans le domaine
aérien, la période la plus critique est celle qui va de novembre
à avril. »
_ Pour simplifier, l'idée était de monter le GIE à partir des
deux Airbus A 340 précités. Airbus ayant définitivement encaissé
54 millions de dollars au titre des acomptes et disposant des
deux appareils à la vente, le constructeur pouvait céder les
appareils à un prix prenant en considération les acomptes. Les
avions étant ensuite cédés dans le cadre du GIE au prix du
marché, la différence alimentait immédiatement la trésorerie
d'Air Lib. Les appareils auraient ensuite été loués par les
investisseurs, ceux-ci tirant parti de surcroît de l'avantage
fiscal que peut constituer le GIE.
Le dispositif relatif au GIE fiscal figure à l'article 39 CA du
code général des impôts. Cet article prévoit que, sur agrément
préalable du ministre chargé du budget, les opérations de
financement présentant un intérêt économique et social
significatif ne sont pas soumises au cantonnement de
l'amortissement, organisé par les dispositions de l'article
39 C, et relèvent d'un régime fiscal différencié.
Les conditions suivantes doivent être réunies :
- les biens sont des biens meubles amortissables selon le mode
dégressif sur une durée au moins égale à huit ans ;
- l'utilisateur de ces biens est une société qui les exploite
dans le cadre de son activité habituelle et est susceptible d'en
acquérir la propriété à titre permanent ;
- l'acquisition du bien a reçu l'agrément préalable du ministre
chargé du budget.
Par ce système, les entreprises peuvent mettre en place des
schémas de financement d'investissements en crédit-bail. Ainsi,
un GIE, constitué généralement par des banques, acquiert
l'investissement à financer et le donne en crédit-bail à
l'utilisateur. Le bien, en principe de nature industrielle, est
amorti selon le mode dégressif par le GIE. Les loyers versés par
l'utilisateur et le prix de levée de l'option d'achat en fin de
contrat permettent au GIE de couvrir son propre financement,
intérêts et capital compris.
En raison des amortissements dégressifs et des frais financiers
qui, par définition, sont concentrés sur les premières années
d'utilisation du bien, les résultats du GIE sont fortement
déficitaires au cours de ces années et deviennent bénéficiaires
au cours d'une seconde période lorsque le montant des loyers
perçus excède le total des charges constatées (amortissements et
frais financiers compris).
Dès lors que le GIE relève du régime des sociétés de personnes,
les déficits qu'il constate au cours de ses premières années
d'activité viennent en déduction des bénéfices imposables
réalisés par ses membres à raison de leurs activités courantes.
Les économies d'impôt ainsi obtenues par les établissements
financiers durant les premières années de l'opération sont
compensées par les suppléments d'impôt qui apparaissent ensuite
lorsque le GIE réalise des bénéfices. Toutefois, ce décalage
dans le temps permet de dégager un gain de trésorerie.
L'article 39 CA prévoit le respect de conditions précises pour
que soit accordé l'agrément. Ainsi, le prix d'acquisition doit
correspondre au prix du marché et l'investissement doit
présenter, du point de vue de l'intérêt général,
particulièrement en matière d'emploi, un intérêt économique et
social significatif. Les biens amortis doivent être conservés
jusqu'à l'expiration du contrat de location ou de mise à
disposition.
_ Le GIE pouvait permettre à Air Lib de bénéficier d'une
importante et rapide entrée de trésorerie. L'intérêt de
l'utilisation d'appareils plus modernes, certes réel,
apparaissait comme une préoccupation de second rang.
Le montage du GIE fiscal a été confié par Holco à Arjil et
Associés Banque. Dans une lettre adressée au secrétaire général
du CIRI, datée du 27 février 2002, cet établissement récapitule
les caractéristiques du schéma envisagé. L'opération visait
l'acquisition de deux Airbus A340-200 commandés par Flightlease
avant la faillite de Swissair, appareils disponibles et pour
lesquels un dépôt de garantie avait été versé. Comme l'a rappelé
M. Noël Forgeard, directeur exécutif d'Airbus, « le contrat qui
liait le groupe Airbus à Swissair est tout à fait explicite en
cas de défaillance de l'acheteur. Les acomptes sont acquis au
fabricant. »
Le mécanisme proposé par Arjil était le suivant :
« 1. Compte tenu des circonstances particulières du dossier,
l'avion serait cédé par Airbus à une entité ad hoc à un prix
incluant une remise commerciale exceptionnelle. L'entité ad hocrecèderait
l'avion au GIE à un prix correspondant à sa valeur de marché. La
différence permettra de dégager des moyens financiers qui seront
mis à la disposition d'Air Lib. Hors les aménagements clients,
le prix actuellement proposé par Airbus est de 75 millions de
dollars par avion. Le prix définitif sera arrêté dans les tout
prochains jours entre le président d'Airbus et celui d'Air Lib.
Airbus a déjà engagé, sous sa propre responsabilité, les
opérations de déstockage des deux avions. Air Lib est confiante,
compte tenu des discussions en cours et des engagements des
autres parties, en l'obtention d'un prix final significativement
inférieur à 75 millions de dollars.
Pour la rédaction de la présente opinion, il a été retenu un
prix de 70 millions de dollars par appareil.
2. Il est prévu que le financement soit arrangé par Crédit
Agricole Indosuez, qui en recherchera la syndication. Ce
financement comprendra :
- une tranche senior de 47 millions de dollars environ,
principal objet de la syndication,
- une tranche junior de 25 millions de dollars, pour laquelle la
société PK Air Finance, filiale du groupe General Electric, a
donné un accord de principe,
- et une tranche subordonnée de 14 millions de dollars consentie
par Air Lib ou toute autre entité que celle-ci pourrait être
amenée à se substituer.
Le financement sera complété par un prêt relais des avances de
différé fiscal, d'environ 21 millions de dollars, également à
arranger et à syndiquer par CAI1.
3. Ce schéma de financement est appuyé sur deux garanties
extérieures au preneur :
- une garantie de valeur résiduelle de l'avion au moment de
l'exercice éventuel de l'option de sortie du GIE (8 ans et
8 mois), donnée par Airbus aux prêteurs junior et senior, pour
une tranche entre 27 millions de dollars minimum et 40 millions
de dollars maximum, pour laquelle le constructeur a donné son
accord de principe lors d'une réunion tenue au ministère des
transports.
- une garantie de continuité d'exploitation des avions donnée
par une compagnie aérienne de premier rang. Les termes
principaux de cette garantie sont le montant du loyer accepté
(exprimé en fonction des taux d'intérêt court terme à ce jour)
et les conditions de reprise des avions par la compagnie
garante. En l'état actuel des choses, la compagnie garante
s'obligerait à prendre les deux appareils moyennant un loyer
mensuel indexé de 500 000 dollars par appareil (...)
4. L'ensemble du dispositif suppose l'obtention de l'agrément
fiscal approprié. La lettre du Ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie du 8 janvier 2002 donne un aval de
principe à la fois (i) quant à l'éligibilité de l'opération au
bénéfice du mécanisme de l'article 39 CA et , dans ce cadre, à
la non remise en cause de l'agrément en cas de changement du
locataire de l'avion et (ii) quant à l'exonération de la plus
value de cession en cas d'exercice de l'option d'achat anticipée
par le preneur ou par un tiers ou en cas de revente de l'avion.
»
En effet, de manière générale, les biens acquis dans le cadre du
GIE fiscal font l'objet d'une obligation de conservation. Cela
étant, de façon dérogatoire, la décision d'agrément peut
permettre la cession en franchise d'impôt du bien.
La banque Arjil et associés estimait en conclusion que « sur la
base de l'ensemble des éléments (...), en supposant la capacité
fiscale placée pour l'essentiel auprès d'entreprises du secteur
public, la trésorerie nette dégagée pour Air Lib par cette
opération serait de l'ordre de 42 millions d'euros (au taux de
change de 1 euro = 0,87 USD). »
Un tableau fourni en annexe prévoyait trois hypothèses de prix
unitaire de l'avion, respectivement 75 millions de dollars,
70 millions de dollars et 65 millions de dollars. En fonction de
celles-ci, le gain en trésorerie pour Air Lib par avion allait
de 14,3 millions de dollars à 18,3 millions de dollars, voire
22,2 millions de dollars dans l'hypothèse la plus favorable. La
fourchette de gain pour Air Lib pour deux avions allait donc de
32,9 millions d'euros à 51 millions d'euros.
_ Dans ce dossier, l'Etat a fait sa part du travail. Deux
courriers adressés par M. Laurent Fabius à M. Jean-Charles
Corbet ont notifié un accord de principe pour l'acquisition
d'appareils dans le cadre de l'article 39CA du CGI.
Le premier, en date du 8 janvier 2002, précise que :
« Par une demande déposée le 28 novembre 2001 et complétée en
dernier lieu le 26 décembre 2001, vous avez sollicité l'agrément
prévu au 3° du premier alinéa de l'article 39 CA du code général
des impôts et l'application des dispositions du 7ème alinéa du
même article pour l'acquisition de deux avions Airbus A340 par
un groupement d'intérêt économique (GIE) non soumis à l'impôt
sur les sociétés.
Les avions, d'un prix de revient unitaire de 100 millions de
dollars, seraient acquis par un GIE créé pour l'occasion et
regroupant, directement ou indirectement, des personnes morales
soumises à l'impôt sur les sociétés qui le donnerait en location
à la société Air Lib.
Au regard des éléments économiques fournis à l'appui de la
demande, l'investissement envisagé a vocation à bénéficier des
avantages fiscaux prévus par les dispositions rappelées
ci-dessus.
Une décision d'agrément, précisant notamment les conditions
auxquelles est subordonné son octroi, ne pourra vous être
adressée que lorsque les modalités financières du montage seront
définies avec précision et que les éléments juridiques et
financiers requis me seront parvenus. »
Le second courrier, daté du 3 mai 2002, confirme la décision de
principe, les modalités techniques relatives à l'opération
devant faire « l'objet d'une décision au vu du dossier
d'ensemble de l'opération qui devra être présenté à la direction
générale des impôts chargée de l'instruction de ce type de
dossier. Celle-ci n'a cependant pas encore été saisie depuis la
décision du 8 janvier. »
On notera que cette position a été maintenue par le nouveau
gouvernement. Une lettre de M. Francis Mer adressée à
Jean-Charles Corbet, datée du 31 juillet 2002, précise ainsi que
« par lettre de mon prédécesseur des 8 janvier et 3 mai 2002, il
vous a été confirmé que l'opération d'acquisition de deux Airbus
A 340-300 par votre compagnie pouvait bénéficier de l'article 39
CA du code général des impôts.
Je vous confirme à nouveau cette décision de principe, en vous
précisant que l'agrément définitif sera délivré dès qu'un
syndicat d'investisseurs aura souscrit les droits dans le GIE. »
L'accord de principe du ministre étant acquis et les appareils à
acquérir étant disponibles, seuls restaient à trouver les
investisseurs nécessaires.
2.- L'absence persistante d'investisseurs
La mise en place du GIE fiscal s'est heurtée à deux problèmes
liés au manque de crédibilité financière d'Air Lib : le
caractère indispensable d'une garantie de reprise des avions par
une autre compagnie en cas de défaillance d'Air Lib et le peu
d'appétence à investir dans un secteur en grande difficulté.
_ La note précitée de la banque Arjil et associés évoque très
explicitement la nécessité de bénéficier d'une garantie de
continuité de l'exploitation des avions acquis dans le cadre du
GIE. Air France a donc été sollicitée en raison de sa qualité de
compagnie aérienne française de premier rang. Un courrier du
11 octobre 2002, adressé à Jean-Charles Corbet par
M. Jean-François Court, associé gérant d'Arjil et associés
banque, précise qu'« un premier axe a été d'obtenir d'Air France
une garantie de prise en location opérationnelle des deux avions
à première demande en cas de défaillance d'Air Lib, condition
indispensable pour lever le financement auprès d'institutions
financières. La Compagnie a fini par donner un accord de
principe le 30 avril 2002. » Comme l'a relevé M. Claude Brandès,
directeur financier d'Airbus, « c'est une garantie qui
permettait en particulier d'assurer aux apporteurs de capitaux
que les bénéfices fiscaux qu'ils retiraient de la structure mise
en place ne seraient pas remis en cause par l'administration
fiscale. C'était un point d'ancrage fondamental. »
Pour autant, Air France n'a pas accepté de jouer un rôle
d'ultime garantie à n'importe quel prix.
M. Claude Brandès a ainsi également pu préciser que « du côté
d'Air France, il y a eu trois obstacles essentiels. Le premier,
c'est que, dès le départ, Air France a indiqué clairement qu'à
l'expiration initiale du financement, ils n'achèteraient pas les
avions (...) cela signifiait que les prêteurs récupéraient
l'avion et devaient le vendre sur le marché. Dans une période
post-11 septembre, c'est une situation que les prêteurs
n'aimaient pas trop.
Le deuxième obstacle était le montant du loyer. Air France ne
souhaitait pas payer davantage que 500 000 dollars par mois,
hors les réserves de maintenance pour faire en sorte que l'avion
soit correctement entretenu. Au regard d'un tel chiffre,
lorsqu'on essaie d'amortir la dette, on s'aperçoit que, et ce
compte tenu de l'attitude des prêteurs, l'on ne parviendrait pas
à boucler la partie dette de l'opération. D'où une autre
difficulté : qui allait prendre en charge cette partie dette qui
n'était pas apportée ou que les prêteurs ne souhaitaient pas
apporter ?
Le troisième obstacle était les conditions de reprise de l'avion
par Air France. Les questions suivantes se posaient : dans
quelles conditions la compagnie Air France accepterait-elle de
reprendre les avions ? Comment les avions devraient-ils être
entretenus par Air Lib ? Air France aurait-elle un droit de
regard sur les conditions de l'entretien ? Dans l'hypothèse où
l'avion ne serait pas transféré à Air France dans des conditions
satisfaisantes, qui paierait les frais et au bout de combien de
temps Air France serait amenée à récupérer ces avions ? Si la
période entre Air Lib et Air France est d'un mois, tout le monde
peut le supporter, mais au-delà, Air France continuant à payer
des loyers, elle n'y retrouverait pas son compte.»
_ Outre ces questions portant sur les garanties apportées aux
investisseurs dans le cadre d'un GIE dérogatoire, le principal
problème a été l'absence presque unanimement reconnue de
ceux-ci.
M. Jean-Baptiste Massignon, secrétaire général du CRI a ainsi
indiqué avoir « toujours été persuadé qu'il n'y aurait jamais
d'investisseurs ».
M. Serge Monnin, secrétaire du comité d'entreprise et délégué
syndical de la CFDT, a indiqué pour sa part que le GIE fiscal
« ne s'est pas fait parce que des informations ont paru dans la
presse : notamment l'intervention éventuelle de la Caisse des
dépôts qui avait été évoquée au comité d'entreprise.
Malheureusement, le lendemain, cette information a été publiée
dans la presse ; la Caisse des dépôts - en tout cas d'après M. Corbet
- se serait retirée à cause de cela et le montage est tombé à
l'eau ».
La recherche d'investisseurs s'est révélée totalement
infructueuse. M. Jean-Claude Jouffroy, directeur de cabinet du
secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a ainsi pu
déclarer : « le Président d'Air Lib a eu beaucoup de difficultés
à trouver des investisseurs. Nous l'avons interrogé mille et une
fois entre le mois de juin et le mois de juillet. Moi-même j'ai
fait des réunions pour savoir exactement où on en était.
M. Corbet était conseillé par la banque Arjil. A une de ces
réunions, au mois de juillet me semble-t-il, j'avais demandé à
la banque de venir parce que je préférais m'adresser directement
à la banque pour savoir exactement les choses.
La banque Arjil m'a confirmé à l'époque - courant juillet - que
les investisseurs n'étaient pas tous trouvés mais qu'il y avait
grosso modo 25 % du financement assuré par Crédit Agricole
Indosuez. Je n'ai pas de papier sur ce point, mais c'est ce que
l'on m'a dit. Cela ne représentait qu'une partie du financement.
Mais je n'ai aucune preuve et je n'en sais pas plus.
En tout cas, il n'a pas pu se faire parce qu'il n'y a pas eu les
investisseurs nécessaires. »
Le risque présenté par Air Lib dans un contexte de crise du
transport aérien a découragé toute velléité d'investissement.
Comme a pu l'indiquer M. Claude Brandès lors de son audition :
« quel que soit le financement et quels que soient les avantages
qui peuvent être consentis par un client, que ce soit sur le
prix de l'avion ou sur le bénéfice fiscal, c'est le client qui
est fondamental dans l'appréciation du risque. Or Air Lib, même
pendant la première moitié de l'année 2002, n'a jamais suscité
une confiance telle que soit les investisseurs, soit les
prêteurs étaient prêts à monter dans l'opération. »
La lettre précitée du 11 octobre 2002 adressée à M. Jean-Charles
Corbet par la banque Arjil confirme ces difficultés en rappelant
qu'Air France n'avait pas souhaité jouer le rôle de garant de
l'opération et que le nouveau gouvernement avait signifié qu'il
n'était pas favorable à un investissement par des entreprises
publiques. Ce dernier avait toutefois réaffirmé son accord de
principe sur l'opération. Ainsi, la note précisait :
« Les délais intervenus dans les discussions précédentes, du
fait notamment des rapports avec Air France, ont fait que le
placement n'a pu commencer qu'après les élections. Les nouvelles
autorités ont indiqué qu'elles ne souhaitaient pas que la
capacité fiscale soit souscrite par la sphère publique (tout en
confirmant l'accord de principe sur l'agrément fiscal). Les
démarches envers des preneurs privés (entreprises et
institutions financières) menées par CAI et nous-mêmes ont
montré que le schéma en cause ne pourrait être placé dans le
privé, compte tenu de ses spécificités et de la présence
d'Air Lib comme crédit-preneur (juin 2002).
Compte tenu de cette situation, nous avons travaillé durant le
mois de juillet, à la suggestion de CAI, sur un schéma dans
lequel le crédit-preneur des avions serait un véhicule ad
hocdétenu par le constructeur, qui donnerait les avions en
location opérationnelle à Air Lib avec Air France comme
locataire de substitution.
Un tel schéma présente des avantages significatifs : la présence
d'Airbus comme « garant » du schéma fiscal le crédibilise et le
rend plaçable : le véhicule ad hoc étant une société de
location, cela renvoie à son niveau le problème du basculement
Air Lib/Air France et supprime un ensemble de dérogations
délicates au niveau de l'agrément. De ce fait, l'essentiel des
risques liés au schéma avec Air Lib comme crédit-preneur
disparaît. En revanche, si le texte permet de donner l'agrément
à une telle société de location, la doctrine de la DGI est de ne
pas le faire pour des avions. Le ministère des Finances a
cependant indiqué que la mesure lui paraissait possible, pour
autant que le véhicule ad hoc soit bien spécifique à cette
opération et ne serve pas à d'autres.
Ce schéma a été présenté fin juillet 2002 à Airbus qui
continuait à manifester son souhait d'avancer rapidement avec
Air Lib, ayant souligné dès la fin juin que les appareils
pourraient être remarketés faute d'une issue rapide. »
3.- Airbus a finalement choisi un autre acquéreur pour les deux
avions
Pour finir, l'opération ne se réalisant pas, les deux avions qui
en étaient l'objet premier ont fini par être cédés à Air Tahiti
Nui. M. Noël Forgeard a indiqué sur ce point qu' « au mois de
juin 2002, j'ai commencé, en tant que patron d'Airbus, à
m'énerver parce que j'avais toujours ces avions en stock et que
je voyais bien que les discussions ne menaient nulle part. Je
crois que c'est à cette époque que nous avons signifié à Air Lib
qu'il pouvait toujours acheter les avions, mais que nous ne les
réservions plus. Air Lib pouvait les prendre sous réserve que
personne d'autre ne les ait pris entre-temps. Puis l'affaire
avec Air Tahiti s'est nouée et les avions ont été, à notre
grande satisfaction, vendus à cette compagnie en août. »
Les avions ont été cédés à un prix tenant compte du fait que les
acomptes versés par Swissair, soit 27 millions de dollars par
appareil, étaient définitivement acquis par Airbus. Comme l'a
souligné M. Noël Forgeard : « le contrat qui liait le
groupe Airbus à Swissair est tout à fait explicite en cas de
défaillance de l'acheteur. Les acomptes sont acquis au
fabricant. Je peux vous expliquer le pourquoi de cette pratique
très générale dans les contrats d'avion. Quand un acheteur fait
défaut, le fabricant doit supporter l'avion en stock pendant
plusieurs mois, voire plusieurs années, et surtout le
reconfigurer. On n'imagine pas à quel point un avion comporte
des éléments spécifiques à un client. Les avions sont de plus en
plus faits sur mesure. La cabine, voire certains des systèmes,
sont totalement spécifiques. Puis il y a des frais de
remarketing. C'est la raison pour laquelle les acomptes sont
acquis au fabricant si l'acheteur fait défaut. »
Arjil a par la suite continué à travailler sur le montage d'un
GIE fiscal dans le cadre de l'acquisition de cinq A320
d'occasion utilisés auparavant par Ansett, à travers un schéma
ne nécessitant pas l'intervention d'Air France. Un courrier d'Arjil
et associés à Jean-Charles Corbet daté également du 11 octobre
soulignait toutefois les multiples difficultés de ce dossier et
la nécessité d'un nouvel agrément :
« (...) l'agrément pour ce dispositif serait différent de celui
qui a été acté dans son principe par trois lettres des ministres
des finances, le dossier devant être de nouveau déposé à la DGI.
Le nouveau schéma introduit trois nouveaux éléments non
négligeables :
- le véhicule interposé par le constructeur sera une pure
société de location, ce qui, bien que non contraire aux textes,
n'est pas la pratique de l'administration ;
- aucun agrément 39 CA n'a été délivré pour des avions
d'occasion à ce jour, bien que, là encore, rien ne s'y oppose
dans les textes ;
- le lien n'existe plus entre les avions en cause et les dépôts
reçus de Flightlease par le constructeur : il faudra donc
discuter avec la DGI du prix d'acquisition et justifier que
celui-ci correspond bien au prix « économique » des avions (ce
qui est une exigence légale).
Les contacts pris avec le cabinet du ministre et avec les
services laissent penser que cet agrément devrait pouvoir être
obtenu. Toutefois, nos interlocuteurs ont souligné que, si
l'accord de principe politique existant aujourd'hui restait
valide, sa confirmation, le moment venu, s'articulerait avec les
décisions plus générales que les pouvoirs publics doivent
prendre sur le plan de restructuration de la Compagnie. »
Le dossier n'a semble-t-il guère plus avancé par la suite. Un
courrier d'Arjil du 21 octobre 2002 indique ainsi que : « si les
services et le cabinet de Bercy ont été tenus régulièrement
informés de l'évolution des choses, aucun dossier modifié n'a
encore été officiellement remis à la DGI. En effet, pour la
saisir officiellement, il est indispensable que le périmètre et
les conditions de l'opération soient définitivement
arrêtés. » On rappellera que la banque Arjil a reçu
300 000 euros d'honoraires pour son rôle dans l'élaboration des
schémas de GIE fiscal.
B.- UN PRÊT DU FDES DE 30,5 MILLIONS D'EUROS ACCORDÉ DANS DES
CONDITIONS SURPRENANTES
La constitution effective du GIE fiscal se révélant pour le
moins délicate, c'est le prêt du FDES, décidé officiellement par
le Premier ministre lors de la réunion des ministres du
3 janvier 2001 et confirmé à la suite de la réunion
interministérielle du 7 janvier, qui a constitué l'aide
immédiate dont Air Lib avait besoin pour « passer l'hiver ».
Soucieux de tout faire pour tenter de sauver l'emploi et de ne
pas perturber les départs en vacance, particulièrement en ce qui
concerne les liaisons avec les DOM, le nouveau gouvernement sera
par la suite conduit à en accorder la prolongation, et ce malgré
les nombreuses inquiétudes que cette dernière a pu faire naître.
1.- Un prêt sur instruction et sans instruction
_ Comme l'a indiqué M. Bruno Bézard, conseiller pour les
affaires économiques et financières au cabinet de
M. Lionel Jospin, la décision de principe d'accorder un prêt du
FDES à Air Lib a été prise lors d'une réunion des ministres
concernés (finances, transports et outre-mer) et du Premier
ministre, le 3 janvier 2002 : « J'ai ensuite assisté, le
3 janvier, à 18 heures, à une réunion de ministres, sous la
présidence du Premier ministre, qui a abouti à la décision de
principe de ce soutien public à l'entreprise. (...)Typiquement,
comme c'est assez fréquemment le cas dans de telles
circonstances, deux ministères s'opposaient : le ministère
sectoriel, en l'occurrence le ministère des transports, qui
plaidait pour un soutien de l'Etat jugé indispensable pour des
raisons sociales et politiques, et se montrant relativement
optimiste sur la viabilité ultérieure de l'entreprise, et le
ministère des finances qui faisait un diagnostic plus pessimiste
et qui refusait le principe d'une telle aide. Dans ce cas
particulier, un autre ministère, le ministère des DOM-TOM, était
concerné et plaidait également pour une intervention de
l'Etat. »
M. Jean-Claude Gayssot, ancien ministre de l'équipement, du
logement et des transports, a pour sa part indiqué : « Un
arbitrage est intervenu. Entre le ministre des finances, quel
que soit le bord politique, et un ministère, par vocation,
dépensier comme l'est le ministère de l'équipement, du logement
et des transports, des oppositions souvent surgissent. Le
ministère des finances en effet est, par vocation, plus
pointilleux et soucieux des équilibres budgétaires. J'ai plaidé
en faveur du prêt, mais limité à six mois et assorti de
conditions, parce que la dette de 400 millions de francs n'était
pas encore payée par Swissair-Wendel. Il existait également la
possibilité sur le plan financier de créer un GIE fiscal. Bref
le prêt était gagé sur la restructuration de l'entreprise ; j'en
ai totalement approuvé les conditions. »
M. Laurent Fabius, ancien ministre de l'économie des finances et
de l'industrie a déclaré : « Le ministère des transports
insistait en particulier sur la nécessité de donner plus de
temps à l'entreprise pour passer le cap conjoncturel. Il
s'appuyait, à mon souvenir, sur des éléments liés au secteur des
transports, c'est-à-dire la perception d'un climat social qui
était délicat pour faire aboutir une négociation avec les
pilotes, la reprise dans le transport aérien, les problèmes de
concurrence sur les lignes intérieures liés à la politique
d'attribution des créneaux horaires, car si Air Lib
disparaissait, des créneaux horaires se libéraient. Du côté du
ministère des DOM-TOM, il y avait la nécessité de mobiliser les
élus sur ce dossier et l'insistance sur la desserte
territoriale. Le Premier ministre, compte tenu des arguments que
j'ai développés et de ceux qu'ont développés mes collègues, a
choisi de donner un délai supplémentaire au processus.
Toutefois, ce délai a été très encadré pour permettre à l'Etat
d'obtenir d'Air Lib des engagements écrits sur ses intentions. A
cet égard, le ministère de l'économie et des finances, comme
c'est sa fonction, a joué un rôle particulier car, jusqu'alors,
il n'y avait pas eu d'engagement écrit. Ceci a abouti à trois
novations : d'une part, le prêt FDES était limité à six mois,
soit jusqu'au 9 juillet 2002. Ceci offrait un délai suffisant à
l'entreprise tout en créant une clause de rendez-vous ferme avec
l'Etat, pour limiter, au-delà de cette date, les engagements
pris par l'Etat vis-à-vis de la compagnie. »
_ L'audition de M. Jean-Baptiste Massignon, secrétaire général
du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI),
a permis de saisir le caractère très particulier des travaux
ayant abouti à la signature d'un contrat de prêt avec Air Lib.
« M. Jean-Baptiste Massignon : La manière dont nous avons été
saisis du dossier Air Lib est habituelle à certains égards, à
d'autres un peu moins. Elle est habituelle s'agissant de
l'activité du secrétariat général du CIRI. Nous sommes
fréquemment sollicités par le réseau des services extérieurs du
ministère de l'économie et des finances, par les préfectures ou
par différents cabinets ministériels, au premier rang desquels
le cabinet du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, sur la situation de telle ou telle entreprise. Au
cas particulier, le cabinet du ministre, sollicité par le
ministre des transports, a appelé notre attention sur la
situation de cette entreprise.(...) C'était aux alentours de
Noël, juste après (...) Il nous indique que le dossier a été
soumis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
et qu'il va être ou a été, les choses ne sont pas tout à fait
claires, l'objet d'une réunion de ministres sous la présidence
du Premier ministre. L'intention du gouvernement, c'est là où je
voulais en venir tout à l'heure sur le caractère un peu
inhabituel de cette saisine, était qu'une intervention
financière soit mise en place.»
De fait, le CIRI a été amené à intervenir alors même qu'il
disposait de peu de renseignements sur l'état réel d'Air Lib. En
témoigne cet échange avec M. Philippe Leroy, secrétaire général
adjoint du CIRI :
« M. le Rapporteur : Vous vous êtes donc simplement appuyés sur
des articles de presse.
M. Philippe Leroy : Pas tout à fait ! Jusqu'au 5 janvier, nous
n'avions eu connaissance du dossier Air Lib que par voie de
presse. À partir du 5 janvier, date de notre rencontre avec M. Corbet,
nous avons eu de sa part un exposé de la situation qui est
relaté dans la note en date du 8 janvier.
M. le Président : A-t-il appuyé son exposé de documents
probants ?
M. Philippe Leroy : Il n'y a pas eu de remise de document le
samedi 5 janvier, selon mon souvenir.
M. Jean-Baptiste Massignon : L'argumentation du dirigeant de la
société, assisté de ses conseils, pour solliciter le concours
financier de l'État ne s'appuyait pas tant sur un cas
d'investissement relatif à Air Lib que sur l'affirmation du
défaut de paiement de Swissair. »
M. Jean-Baptiste Massignon a également précisé qu' « il a pu y
avoir un hiatus entre la direction de l'entreprise et le mode de
fonctionnement habituel du CIRI. Généralement, lorsqu'une
entreprise désire nous rencontrer pour traiter de sa situation
financière, nous ne prenons pas systématiquement la précaution
de lui demander d'apporter des comptes, des prévisions de
trésorerie, des éléments financiers, tellement cette démarche
nous paraît évidente. Je parle sous le contrôle de Philippe
Leroy, car je n'étais pas présent lors de l'entretien du
5 janvier, les dirigeants de l'entreprise sont venus sans
document de cette nature. »
Malgré cela, lors des réunions interministérielles, les services
du ministère de l'économie et des finances ont informé
constamment leur ministre des dangers d'un tel prêt et se sont
opposés à son octroi à de nombreuses reprises. Une fois le choix
effectué, ils n'ont cessé de multiplier les mises en garde et
avertissements.
Ainsi, une note du directeur du trésor au ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie du 5 janvier 2002
(0010CD), attirait l'attention de ce dernier sur « les risques
extrêmement élevés qu'entraînerait l'octroi d'un tel prêt à la
société Air Lib », pour les raisons suivantes :
« - le risque très élevé d'échec de l'entreprise et donc de
défaut de paiement sur cet emprunt qui n'a fait l'objet d'aucune
instruction préalable de la part du secrétariat général du CIRI
compte tenu du traitement direct de ce dossier par le
département ministériel en charge des transports aériens. Les
informations publiques dont nous disposons via la presse
soulignent la très grande fragilité de la société dans un
secteur qui, sur le plan mondial, a été le plus affecté par les
événements du 11 septembre,
- la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat pour soutien
abusif, au motif que le prêt comblerait des pertes sans
perspective tangible de retour à l'équilibre. Une telle attitude
est susceptibled'incrimination pénale si la déconfiture de la
société advenait dans des délais proches de la mise en place du
prêt,
- les responsabilités personnelles des ordonnateurs en termes de
droit budgétaire et comptable,
- la non-conformité d'une telle aide vis-à-vis de la
réglementation européenne, et les risques de demande de
reversement qu'elle entraînera (...) »
Le directeur du Trésor avait, pour sa part, ajouté l'annotation
manuscrite suivante :
« J'attire l'attention du ministre sur plusieurs points :
1- Les ressources du CST sont insuffisantes pour répondre aux
demandes d'Air Lib en termes de prêt (30,5 millions d'euros).
2- Nous sommes face à une entreprise qui n'a ni actionnaire
(sauf M. Corbet à titre personnel) ni banquier (même pour
l'exploitation courante) ni ressources (si ce n'est une créance
sur Swissair qui ne sera liquidée qu'après un contentieux long).
3- Les pertes d'exploitation s'élèvent à plus ou moins
100 millions d'euros depuis août 2001. Ces pertes sont égales
aux pertes en trésorerie.
4- Il n'y a aucune perspective de remboursement de concours du
seul créancier qui est l'Etat avant au mieux fin 2003. »
Lors de la réunion interministérielle précitée du 7 janvier
2002, M. Daudin, conseiller technique au cabinet du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs fait
part de ses réserves. Le compte rendu de la réunion indique
qu'« il estime en revanche que la viabilité à terme de la
compagnie est extrêmement problématique en raison de la
situation générale du transport aérien et d'un ensemble de
difficultés spécifiques à la compagnie. Il estime que le besoin
d'apports financiers nécessaires à son rétablissement est très
sensiblement supérieur au montant de la créance auprès de
Swissair. Il considère que le montant correspondant à cette
créance ne permettrait en tout état de cause qu'une poursuite
provisoire de l'activité de cette compagnie. »
La question d'un éventuel soutien abusif de la part de l'Etat a
été explicitement abordée à ce moment.
Interrogé sur ce point lors de son audition, M. Jean-Claude
Gayssot a estimé : « Mon soutien n'a rien à voir avec un soutien
abusif. Je considérais et je considère - ma position de ce point
de vue n'a pas changé - qu'il existe une place pour une
compagnie dans cette activité du transport aérien. Je sais
qu'une dette de Swissair-de Wendel n'est pas honorée. Je sais
également que l'on envisage le montage d'un GIE fiscal, élément
qui permet de gager le prêt. A partir de là, ma position n'a
rien à voir avec une étude technique et financière spécifique.
Mon ministère n'en a pas les capacités. Si qui que ce soit
m'avait dit qu'il s'agissait d'un prêt à fonds perdus, je ne
l'aurais pas soutenu. Des réserves avaient été formulées qui
toutefois n'allaient pas jusqu'à prétendre que l'argent serait
gaspillé ou gâché. Tout au plus, les réserves suscitaient le
doute. Le ministre de l'outre-mer, le ministre des transports et
finalement le Premier ministre ont accepté les conditions. Vous
poserez la question à mon successeur : quand nous quittons le
gouvernement après les élections, le prêt qui était fondé sur
six mois, a été reconduit. »
Pourtant, le compte rendu de la réunion interministérielle
précitée indique que le ministère de l'économie, des finances et
de l'industrie « rappelle que la Caisse des dépôts et
consignations ainsi que l'Agence française de développement se
sont montrées hostiles à tout octroi de prêt en faisant valoir
qu'une telle intervention n'était pas compatible avec leur objet
social et qu'elle serait susceptible de constituer un soutien
abusif. Une autre solution qui présente toutefois le même risque
de soutien abusif pourrait être de faire intervenir le FDES. Si
le Premier ministre devait arbitrer en faveur d'une aide à cette
compagnie, au-delà de ce qui a déjà fait l'objet d'un accord, il
propose, tout en confirmant ses réserves de principe, de
recourir à cette solution. »
Comme il a déjà été indiqué, le Premier ministre, à la suite de
cette réunion, confirmera la décision d'accorder un prêt du FDES
en deux tranches.
La décision est signifiée aux services par le ministre de
l'économie et des finances par une annotation manuscrite portée
par M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie, en haut de la note du 5 janvier précitée : « Sur
instruction du Premier ministre, et malgré mes réserves
expresses, prêt FDES de 16,5 millions d'euros. »
Une note du directeur du Trésor du 8 janvier 2002 (0013CD)
portant sur la mise en place du prêt rappelait de nouveau les
incertitudes qui pouvaient peser sur la viabilité d'Air Lib.
Elle précisait notamment que « la société Air Lib n'a de
banquier ni de haut de bilan ni d'exploitation, ses comptes sont
tenus par la BRED et NATEXIS. L'entreprise ne peut accéder à des
prestations habituelles pour une compagnie aérienne comme le
nantissement de son BSP. Air Lib n'a donc à ce jour aucun
partenaire bancaire ou financier. »
Par ailleurs, « depuis la reprise, Air Lib perd en moyenne
12 millions d'euros par mois qu'elle a financés grâce aux
versements de Swissair. Ayant épuisé ses fonds, elle serait à
cours de trésorerie le 9 janvier 2002 (...) Avec l'apport
envisagé de 61 millions d'euros en capitaux permanents issus
d'un prêt FDES et des GIE fiscaux, en prolongeant les courbes de
trésorerie fournies par les dirigeants qui intègrent des coûts
de restructurations, le risque d'une crise de trésorerie est
théoriquement repoussé à début mai 2002 (...). Les dirigeants de
la société Air Lib affirment cependant qu'avec un apport de
61 millions d'euros en capitaux permanents, ils sont en mesure
de redresser la société avec un retour à l'équilibre prévu dans
18 mois et que la situation de la société Air Lib ne sera pas
irrémédiablement compromise, ce qu'ils auraient besoin de
prouver au président du tribunal de commerce en début de semaine
et ce qui leur permettrait de lancer le plan social. »
De plus, les problèmes liés à la compatibilité du prêt avec la
réglementation communautaire étaient soulignés :
« 1. Ces « aides au sauvetage » sous la forme de prêt
apparaissent donc comme faisant courir explicitement un risque
de soutien abusif. Ce prêt serait en effet notamment accordé
sans perspectives réelles de viabilité de l'entreprise, sa
démonstration restant par définition à apporter, et sans
raisonnable certitude de remboursement. En cas de dépôt de
bilan, il existe donc des risques de poursuite pénale pour
complicité de banqueroute, que seraient appelés à mener M. Corbet,
des clients d'Air Lib ou tout créancier de cette société en cas
de dépôt de bilan.
2. Les « aides au sauvetage » doivent d'autre part respecter les
règles posées par « les lignes directrices communautaires pour
les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration
d'entreprises en difficulté ». Or, le point 7 de ce document
précise qu'une entreprise issue de la reprise des actifs d'une
entreprise - comme Air Lib - est considérée comme nouvelle et
n'est pas éligible. Au titre de la réglementation européenne,
Air Lib ne peut bénéficier d'une aide au sauvetage. »
La note précisait également les conditions du prêt, d'une durée
de six mois (renouvelable une fois), avec un taux de 5,06 %, une
clause de remboursement anticipé au fur et à mesure du paiement
des créances dues par Swissair et, en garantie, le nantissement
du fonds de commerce.
Ces conditions sont reprises dans le contrat de prêt conclu
entre Air Lib et Natexis Banques Populaires (agissant pour le
compte de l'Etat), approuvé par Laurent Fabius dans un courrier
du 9 janvier 2002 adressé au directeur des activités
institutionnelles de Natexis. Le nantissement du fonds de
commerce au profit de l'Etat en premier rang et sans concurrence
est prévu par l'article 11 du contrat. Comme l'a indiqué
M. Philippe Leroy lors de son audition, compte tenu du
calendrier très serré, « la recherche de garanties
substantielles n'a donc pu être faite au-delà des prises de
garanties classiques, à savoir le nantissement du fonds de
commerce.»
_ L'attente de la disponibilité des fonds pour assurer le
versement de la deuxième tranche du prêt du FDES a permis
d'approfondir les recherches sur la situation réelle d'Air Lib.
La note du directeur du Trésor au ministre datée du 29 janvier
2002 (0157CD) demande ainsi le lancement par le secrétaire
général du CIRI d'une mission d'audit de la situation financière
d'Air Lib, « avec notamment l'objectif d'établir une situation
et des perspectives de trésorerie fiables ».
Confiée au cabinet Mazars et Guérard, cette étude a été remise à
l'Etat le 12 février 2002. Intitulée Validation des prévisions
de trésorerie 2002, cette étude, réalisée en deux semaines,
avait pour objectif, rappelé en introduction, de s'« assurer de
la cohérence et la vraisemblance des informations communiquées
par la société Air Lib. Il ne nous appartenait pas de nous
prononcer sur la probabilité de réalisation de l'activité
prévisionnelle, ni sur les conditions de sa réalisation (...)
Nous n'avons pas procédé à un audit des comptes de la société.
Nous n'avons en particulier réalisé aucune des diligences
normales de l'audit que sont la confirmation d'informations
auprès des tiers et la réalisation d'inventaires physiques (...)
Notre intervention a été limitée à la seule société Air Lib.
Nous n'avons procédé à aucune analyse détaillée de la situation
des sociétés sœurs (...) Nous n'avons pas eu accès à la
comptabilité de la société Holco. En conséquence nous ne sommes
pas en mesure de confirmer la réciprocité des opérations entre
les deux sociétés, ni les incidences de sa situation propre sur
celle d'Air Lib. »
Les limites de cet exercice ont été soulignées par
M. Jean-Baptiste Massignon lors de son audition : « Pour parler
très directement, en mandatant le cabinet Mazars début février,
nous voulions savoir si la trésorerie de l'entreprise affichait
moins 10, moins 20, moins 80 ou moins 200 millions d'euros.
L'auditeur nous confirme que leur situation est à peu près, sous
réserve d'éventuels retraitements, celle qui nous a été indiquée
(...) Nous ne nous situons pas sur le terrain de l'exactitude
comptable et, en aucun cas, je ne veux vous donner cette
impression. »
Comme l'a indiqué M. Luc Marty du cabinet Mazars et Guérard,
« nous avons démarré nos travaux le 5 février 2002 dans les
locaux de la société d'exploitation AOM-Air Liberté. Nous avons
rendu nos premières conclusions d'étape auprès du CIRI le
12 février, puis notre rapport définitif le 19 février 2002(...)
Notre intervention a été réalisée par une équipe de six
collaborateurs, tous très expérimentés, et a représenté un
volume global d'intervention de plus de trente-trois
« jours/homme » »
Les constatations du cabinet Mazars sont synthétisées dans une
note du directeur du Trésor sur la situation d'Air Lib, adressée
au ministre le 15 février 2002 (0306CD). Le niveau de besoins
estimé de financement cumulé en fin de mois atteignait
20 millions d'euros en février, 30,5 millions d'euros en mars,
43,3 millions d'euros en avril, 46 millions d'euros en mai et
84,9 millions d'euros en décembre. La note précise que :
« La situation de trésorerie est d'ores et déjà très tendue,
sachant que :
- le pic de mi-février peut éventuellement être financé si Holco
poursuit ses avances en compte courant à Air Lib (environ
5 millions d'euros sont encore disponibles (...)
- l'entreprise ne sera financée en mars qu'à la condition que le
solde du prêt FDES soit versé par l'Etat et que le GIE fiscal
soit mis en place pour un versement des fonds avant la mi-mars
pour un montant d'au moins 30 millions d'euros ;
- aucun moyen de financement n'est ensuite disponible, alors que
la compagnie envisage la mise en place de son plan de
restructuration à cette date. »
En ce qui concerne Holco, la note indique que la
holding « possède des ressources disponibles de 20 millions
d'euros dont 15 millions d'euros dans une filiale aux Pays-Bas.
Les financements apportés par Swissair ont permis de contribuer
à financer les pertes d'exploitation de l'entreprise en 2001
ainsi que de capitaliser les entreprises composant le groupe
Air Lib.
Ainsi la holding de tête Holco dispose-t-elle encore d'environ
5 millions d'euros immédiatement disponibles.
Par ailleurs, une société, filiale à 100 % d'Holco, n'ayant
apparemment pas de caractère opérationnel, a par ailleurs été
créée aux Pays-Bas. Celle-ci a été capitalisée à hauteur de
15 millions d'euros et la propriété de 6 avions lui a été
transférée.
M. Corbet dit vouloir conserver cette somme pour financer les
frais de poursuites visant à recouvrer le paiement des créances
sur le groupe Swissair détenues par Air Lib en cas de dépôt de
bilan de cette dernière. »
Les pièces comptables d'Holco SAS consultées par le Rapporteur
permettent de confirmer cette analyse dans ses grandes lignes.
Avant l'octroi du prêt du FDES, la trésorerie disponible dans le
groupe Holco se décomposait schématiquement de la manière
suivante :
- Holco Lux : 5 millions d'euros (un million d'euros en capital,
quatre millions d'euros en compte courant) ;
- Mermoz : 12,196 millions d'euros ;
- Holco SAS (fin décembre 2001) : 7,239 millions d'euros.
Soit un total de trésorerie de 24,43 millions d'euros,
représentant environ deux mois de pertes d'exploitation
d'Air Lib.
Les conclusions de la note précitée étaient donc pessimistes :
« Les dirigeants d'Air Lib ne sont actuellement pas en mesure de
donner une visibilité sur les perspectives de redressement de
leur entreprise et de présenter le plan d'affaires
correspondant. De plus, dans le cas où la seconde tranche du
prêt serait versée, aucun des financements complémentaires,
nécessaires pour poursuivre l'activité au-delà de début mars,
n'est acquis. Enfin, le groupe dispose de disponibilités de plus
de 15 millions d'euros que son dirigeant n'entend pas utiliser
pour financer l'exploitation d'Air Lib.
A ce stade, je ne peux donc que recommander au ministre de ne
pas procéder au versement de la deuxième tranche du prêt FDES,
et d'informer le Premier ministre de l'état de la société. »
L'annotation manuscrite du directeur du Trésor était tout aussi
explicite : « la situation de la société est dramatique, comme
c'était hélas prévisible. »
Dans un courrier portant la mention manuscrite « très signalé »
adressé le 15 février 2002 au Premier ministre, M. Laurent
Fabius rappelait les sombres perspectives de la compagnie et
concluait ainsi : « Dans de telles conditions, il semble que,
sauf mesure draconiennes prises par Air Lib, le versement d'une
deuxième tranche du prêt ne ferait que repousser
artificiellement la cessation de paiement de l'entreprise. »
_ Malgré ces avertissements, la décision de verser la seconde
tranche du prêt est prise. Une note du directeur du Trésor au
ministre en date du 28 février 2002 (0387CD) indique ainsi
que :« le cabinet du Premier ministre a fait connaître ce jour
ses instructions au sujet de la libération d'une deuxième
tranche de 14 millions d'euros au titre du prêt FDES au bénéfice
de AOM-Air Liberté. »
Toutefois, des conditions supplémentaires ont été apportées.
Comme l'a indiqué M. Jean-Baptiste Massignon : « Nous étions
informés que les sommes détenues par Holco SAS ou ses filiales
n'avaient pas été reversées à AOM-Air Liberté. Nos notes du mois
de février l'indiquent clairement. Par parenthèse, sauf erreur
de ma part, Holco Lux n'a été créée qu'au mois de mars ou, du
moins, est apparue plus tard dans le paysage. Mais cela n'est
sans doute pas l'essentiel.
En tout cas, c'est la raison pour laquelle les conditions
juridiques de l'avenant ont été durcies sur deux points par
rapport au contrat de janvier. D'une part, nous avons exigé,
préalablement à la libération de la deuxième tranche du prêt,
que la moitié de la trésorerie disponible d'Holco SAS soit
versée à AOM-Air Liberté. L'entreprise nous avait déclaré que la
trésorerie disponible s'élevait à 11 millions d'euros. Nous
avons eu une discussion assez peu élaborée dans sa rationalité
sur la moitié de cette somme, puis, finalement, cela a été
5 millions d'euros. D'autre part, l'engagement figure dans le
contrat de prêt, Holco SAS devait mettre l'ensemble de sa
trésorerie disponible au service de la continuité de
l'exploitation d'AOM-Air Liberté. »
Interrogé sur ce point lors de sa seconde audition,
M. Jean-Charles Corbet a déclaré : « l'Etat a débloqué un prêt
FDES qui n'était ni plus ni moins qu'un crédit relais. Holco,
l'actionnaire, a débloqué - car c'était un arbitrage -
5 millions d'euros, uniquement parce qu'Air Lib était considéré
comme n'étant pas dans une situation irrémédiablement
compromise. La réponse est la suivante : j'ai mobilisé
5 millions d'euros alors que l'Etat mobilisait 30 millions
d'euros parce que pour l'Etat comme pour moi, Air Lib n'était
pas dans une situation irrémédiablement compromise. Ces
5 millions d'euros représentaient 20 % du capital
« mobilisable » d'Holco. C'était beaucoup. »
Interrogé à de nombreuses reprises, lors de cette seconde
audition, sur la faible mobilisation des fonds détenus par les
filiales en faveur d'Air Lib, M. Corbet n'a pas donné
d'explications convaincantes.
« M. le Président : Au moment où le prêt vous a été accordé,
d'après nos informations -vous me direz si c'est exact ou non-,
la "maison mère" disposait d'environ 10 millions d'euros de
trésorerie et 17 millions étaient dans les filiales Mermoz UA et
Holco Lux.
Pendant cette période, le montant cumulé des salaires et des
primes versées aux dirigeants et les honoraires versés au
cabinet d'études immédiatement après que vous ayez repris la
société, s'élèvent à plus de 20 millions d'euros. Si l'on ajoute
les honoraires du Cabinet Plegler et Blach - nous n'avons
d'ailleurs pas toutes les informations sur ce que ce cabinet a
pu faire pour votre société - en particulier si sa facture
d'environ 9 millions d'euros a été payée, cela représente grosso
modo 28 millions d'euros.
Beaucoup d'argent a été soit dépensé, soit bloqué dans des
filiales et, en tout état de cause, n'a pas été utilisé dans le
but de faire fonctionner l'entreprise Air Lib. Car il ne s'agit
bien que de cela !
Si nous ne traitons que la trésorerie : 10 millions d'euros de
trésorerie et 17 millions entre Mermoz et Holco, cela fait un
total de 27 millions d'euros. Pourquoi ne tirez-vous que
5 millions d'euros sur, je crois, Holco SAS ? Vous avez dit
vous-même : « 20 % de vos capacités ».
Pourquoi, au moment où le Trésor écrit qu'il y a peu de chance
de rentrer dans les fonds de l'Etat et où M. Fabius s'oppose à
ce prêt pour ces raisons, ne mettez-vous que 20 % de votre
capacité pour sauver votre société ?
M. Jean-Charles CORBET : A ce moment-là, c'est une décision de
gestion, nous ne mettons que 20 %. Sachant que la suite devra
permettre de... Cela a été arbitré avec le CIRI. Je ne comprends
pas le discours de M. Massignon. Le CIRI nous a donné son accord
pour une première tranche de 17 millions à la condition qu'Holco
participe pour 5 millions.
Cela a été arbitré. Nous l'avons fait ainsi.
M. le Président : J'ai toujours la même question et excusez-moi
de la répéter.
Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi au bout de
plusieurs mois de ces difficultés, vous n'avez toujours pas
mobilisé plus de 20 % de vos capacités personnelles et que vous
avez laissé en Hollande et au Luxembourg, y compris à Paris chez
Holco SAS, des sommes conséquentes de près de 20 millions
d'euros alors que vous faites appel d'une part à un moratoire
d'Etat qui vous permet de ne pas payer ce que vous lui devez et
d'autre part à un prêt de l'Etat qui va vous permettre d'avoir
de la trésorerie.
La question est toujours la même. Vous n'avez toujours pas, au
jour d'aujourd'hui, mobilisé ce que vous auriez pu mobiliser en
Hollande ou au Luxembourg pour venir au secours de la société
d'exploitation Air Lib en France.
M. Jean-Charles CORBET : La réponse est la même.
M. le Président : C'est une décision de gestion.
M. Jean-Charles CORBET : Non, c'est le problème, dans notre
droit des sociétés, du soutien abusif.
M. le Président : Chacun appréciera votre réponse. Je tiens à
vous rappeler, monsieur le président, que les crédits dus par
Swissair étaient dus à Air Lib. Ces crédits ont été versés à
Holco qui était en cours de formation au moment de la reprise et
ils ont été pour une partie redistribués en Hollande et au
Luxembourg. Ce sont bien des crédits qui étaient issus d'un lien
juridique entre Swissair et la société d'exploitation Air
Liberté. Ils sont toujours au Luxembourg ou ailleurs en
Hollande, et ils n'ont pas servi au maintien de la société.
M. Jean-Charles CORBET : Monsieur le président, je ne peux pas
vous laisser dire cela.
Y a-t-il affectation des fonds ? Juridiquement, la réponse est
non. Les fonds ont été affectés au repreneur. Par jugement du
tribunal du 1er août, il est précisé : "faculté au repreneur de
substituer les filiales nécessaires à l'exploitation des actifs
repris". A partir de là, il n'y a pas affectation. C'est à dire
que l'ensemble des fonds n'était pas destiné à Air Lib. Ces
fonds étaient destinés à la reprise et à l'organisation
effective des actifs repris. Il n'y avait pas que Air Lib. Il y
avait un certain nombre de filiales telles que ALT, HRS. Il n'y
avait donc pas affectation.
M. le Président : Juridiquement, vous avez raison, mais je
confirme mes propos. Les 2 700 employés d'Air Lib ont également
le droit de comprendre comment les choses se sont passées.
Juridiquement, vous avez raison. Le fait est que vous n'avez
mobilisé que 20 % de vos capacités alors que vous vous êtes
tourné vers l'Etat pour demander des fonds publics.
Notre commission d'enquête est uniquement constituée pour savoir
si ceci était fondé. Nous écoutons avec attention vos réponses
aux questions posées. »
L'avenant du 28 février au contrat de prêt prévoit ainsi :
- le respect par la société d'exploitation AOM-Air Liberté de
ses engagements de nantissement du fonds de commerce au plus
tard le 15 mars 2002 ;
- la transmission au secrétariat général du CIRI par le
mandataire ad hoc et dans le cadre de sa mission du plan
d'affaires de la société AOM-Air Liberté et de ses prévisions de
trésorerie reflétant le plan de restructuration actuellement mis
en place ;
- le nantissement par Holco au bénéfice de l'Etat des sommes
reçues ou à recevoir des personnes morales composant « le groupe
Swissair » à due concurrence du montant total du prêt FDES (deux
tranches d'un montant total de 30,5 millions d'euros) ;
- la confirmation par lettre d'Arjil et associés Banque de la
possibilité que le montage du GIE fiscal permette de dégager un
minimum de 30,5 millions d'euros de trésorerie au profit
d'Air Lib avant la fin du mois de mars ;
- l'engagement d'Holco de mobiliser, en tant que de besoin, ses
disponibilités au bénéfice de AOM-Air Liberté dans les limites
de celles-ci et dans le cadre de son devoir d'actionnaire ;
- préalablement à l'octroi de la deuxième tranche du prêt FDES,
Holco procèdera au versement de 5 millions d'euros sous forme
d'apport en compte courant bloqué au bénéfice de la société
d'exploitation AOM-Air Liberté.
Les crédits nécessaires pour le compte de prêt n° 903-05 « Prêts
du fonds de développement économique et social » ont été dégagés
par un décret d'avance du 7 février 2002 (n° 2002-143), ouvrant
13,8 millions d'euros. Ce montant a été gagé par un décret
d'annulation du même jour (n° 2002-144) à hauteur de :
- 7,6 millions d'euros de crédits de paiement au chapitre 65-48
« Construction et amélioration de l'habitat » du budget de
l'urbanisme et du logement ;
- 4,7 millions d'euros de crédits de paiement au chapitre 53-47
« Développement des infrastructures, organisation des
transports, sécurité, expérimentations et études générales » du
budget des transports et de la sécurité routière ;
- 1,5 million d'euros de crédits de paiement au chapitre 66-03
« Développement territorial du tourisme » du budget du tourisme.
Le versement de la deuxième tranche du prêt a effectivement été
enregistré dans les écritures comptables d'Holco SAS le
27 février.
2.- Une prolongation du prêt malgré les incertitudes sur le
devenir d'Air Lib
A la suite des élections présidentielles et législatives du
printemps 2002, le nouveau gouvernement a pris en main le
dossier Air Lib. Selon M. Jean-Claude Jouffroy, directeur de
cabinet du secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, « le
gouvernement a été animé par deux préoccupations et pas
davantage. Notre première préoccupation était de tout tenter
pour assurer la survie d'Air Lib parce que, grosso modo, 3 000
emplois étaient en cause. Telle a été notre préoccupation
constante depuis que nous sommes saisis du dossier. Notre
deuxième préoccupation était celle d'une bonne gestion des
deniers publics. Ces deux préoccupations parallèles étaient un
peu divergentes et c'est ce qui a guidé précisément toutes les
décisions que nous avons prises. Le gouvernement, dans toutes
ses composantes, outre le secrétariat d'Etat aux transports bien
sûr, a poursuivi uniquement et strictement ces deux objectifs. »
Dès le 5 juin, compte tenu des difficultés rencontrées par
Air Lib et des échéances approchant pour le prêt du FDES, une
première entrevue a été organisée entre M. Jean-Charles Corbet
et Dominique Bussereau.
L'Etat n'était à ce moment pas totalement ignorant de la
situation financière d'Air Lib. Le cabinet Mazars et Guérard
avait en effet été chargé d'effectuer un suivi mensuel de
trésorerie, qui avait donné lieu à la remise au ministère de
l'économie et des finances d'un rapport au début de chaque mois
de février à juillet. Ces rapports avaient pour but de s'assurer
des conditions dans lesquelles l'exploitation se poursuivait et
mettre en évidence l'éventuelle amélioration des conditions
d'exploitation de la société.
Une réunion interministérielle portant sur la situation d'Air
Lib, en présence du conseiller budgétaire et du conseiller pour
l'équipement et les transports du cabinet du Premier ministre,
s'est tenue le 11 juin 2002. A cette occasion, le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie a pu indiquer que le
passif de la compagnie était évalué à hauteur de 40 millions
d'euros au titre des charges sociales et fiscales, que le GIE
n'avait pu être créé faute d'investisseurs et que le
positionnement de la compagnie sur le créneau des low cost lui
faisait perdre de l'argent compte tenu de sa structure de coûts.
Le directeur de cabinet du secrétaire d'Etat aux transports a
pour sa part attiré l'attention du cabinet du Premier ministre
« sur le risque que peut présenter l'octroi d'un nouveau soutien
qui, compte tenu de la situation financière de cette compagnie,
pourrait être assimilée par la Commission à une aide d'Etat. »
Une note du directeur du Trésor au ministre du 18 juin 2002
(0938CD) fait également le point sur la situation d'Air Lib.
Elle souligne que « la non mise en place des GIE fiscaux amènera
l'entreprise à connaître une insuffisance de trésorerie en date
de valeur de 12 millions d'euros à fin juin. L'entreprise a su
faire face par le passé à des insuffisances de cet ordre de
grandeur, notamment grâce aux décalages des dates d'opération et
de valeur. Cependant, selon les auditeurs, cette souplesse ne
permet pas d'aller au-delà du passif de fin juin et l'entreprise
devra faire face à de nouveaux décaissements début juillet sans
les encaissements correspondants. Ainsi selon les auditeurs, les
risques de cessation de paiement pendant la première quinzaine
de juillet sont bien réels. Un éventuel dépôt de bilan
n'emporterait pas nécessairement liquidation de la société qui
est actuellement en plan de cession et serait soumise à
l'appréciation du tribunal de commerce. »
En ce qui concerne le prêt du FDES arrivant à échéance le
9 juillet 2002, il était précisé que « si l'Etat décidait
d'exiger le remboursement du prêt, compte tenu de la trésorerie
très tendue d'Air Lib, l'entreprise serait conduite à devoir
déposer son bilan. ».
La mise en jeu des garanties « se heurterait à la faible valeur
du fonds de commerce d'Air Lib et à l'absence de liquidité de la
créance détenue sur le groupe Swissair. Les perspectives de
recouvrement du prêt seraient ainsi très limitées. Si l'Etat
décidait de reconduire le prêt, aux termes des dispositions des
lignes directrices communautaires pour les aides d'Etat au
sauvetage et à la restructuration des entreprises en
difficultés, un accord préalable de la Commission européenne
serait nécessaire. Cet accord serait d'autant plus à rechercher
que, la première tranche du prêt ayant été versée avant
notification, la Commission n'a pas formellement donné son
accord à l'octroi du prêt, son mutisme et l'absence d'ouverture
d'une procédure pouvant jusqu'ici traduire une certaine
bienveillance. »
La conclusion de la note doit être particulièrement soulignée :
« Les dirigeants d'Air Lib se sont engagés dans une fuite en
avant accumulant passifs et montages financiers, dont les
pouvoirs publics sont toujours directement ou indirectement les
contributeurs. L'engagement des pouvoirs publics doit d'autant
plus cesser que l'entreprise doit maintenant démontrer la
réalité de ses perspectives de redressement et des financements
sur lesquels elle compte. »
Afin de disposer d'informations plus détaillées sur les
perspectives d'Air Lib et sur sa situation financière, l'Etat a
alors décidé de demander deux rapports, l'un au cabinet KPMG,
commandé par la direction générale de l'aviation civile, l'autre
au cabinet Mazars et Guérard, commandé par le biais de la
direction du Trésor.
S'agissant de ce dernier, il ne s'agit pas à proprement parler
d'un audit. Comme l'a noté M. Luc Marty « nous n'avons pas
réalisé un audit de la société Mermoz, ni de la société Holco
Lux, ni même de la société Holco. Nous avons analysé les données
qui nous étaient fournies par la société, volontairement, mais
sans avoir ni le temps ni les moyens de faire ce qui serait un
audit, c'est-à-dire qui inclut une confirmation d'informations
auprès des tiers par circularisation. Nos travaux ont été
réalisés sur la base des données qui nous ont été fournies.»
Ce rapport remis le 15 juillet 2002 intitulé Approche de la
situation financière du groupe Holco fournissait un certain
nombre d'éléments sur l'organigramme des sociétés, des analyses
sur la situation financière et juridique d'Holco SAS,
d'Holco Lux et de Mermoz, ainsi qu'une approche d'une
« consolidation » des sociétés holdings et étrangères du groupe
Holco.
Ses conclusions méritent d'être citées.
« - Les projections, en dépit du succès commercial
d'Air Lib Express et du programme de réduction des coûts,
montrent que la trésorerie d'exploitation reste négative et sans
tendance favorable. Air Lib Express permet d'assurer un bon
remplissage des avions à un tarif encore inférieur en juin 2002
de plus de 15 % par rapport à l'objectif.
- Cependant, si le cours euro/dollar se maintient à la parité
(ou continue de s'améliorer), l'impact favorable se situera
entre 15 et 20 millions d'euros d'ici à fin mars 2003.
- L'encaissement du produit du GIE fiscal et de la contribution
DOM ramènerait la situation de trésorerie à l'équilibre à fin
mars 2003 mais laisse peu de marge de manœuvre ; or Air Lib
devra assumer au cours des années 2003 et 2004 le paiement des
reports de dépenses, notamment fiscales et sociales, pour
environ 19,6 millions d'euros (avec l'encaissement du GIE) ou
49 millions d'euros (sans l'encaissement du GIE).
Le financement de l'exploitation reste assuré, au cours de
l'année 2002, par des ressources exceptionnelles hors
exploitation. Air Lib doit encore démontrer que le financement à
moyen terme pourra être assuré par le fait que :
- la stratégie commerciale et en particulier un relèvement du
prix moyen coupon de l'activité Air Lib Express dégage un
excédent brut d'exploitation positif,
-le retour de la confiance permette de rétablir un besoin en
fonds de roulement négatif (octroi de crédit par les
fournisseurs). »
Le rapport original du cabinet Mazars et Guérard contenait par
ailleurs des éléments détaillés et nominatifs sur les
bénéficiaires des honoraires versés par Holco ainsi que sur les
salaires et primes versés aux dirigeants de la société. Cette
page a ensuite été modifiée, les montants étant globalisés et
les aspects nominatifs effacés. Lors de son audition,
M. Jean-Baptiste Massignon a indiqué que le rapport avait été
expurgé « à la demande du CIRI et, plus particulièrement, à la
mienne. (...) Le président de l'entreprise m'a indiqué et il l'a
fait savoir à d'autres, que le comité d'entreprise souhaitait
entendre l'auteur de ce rapport. Cela posait une question de
principe. J'ai pensé que pour ce dossier, qui, s'il n'était pas
délicat, ne nous réunirait pas aujourd'hui, il était souhaitable
d'éviter les remous et de troubler le bon fonctionnement de
l'entreprise. Il ne fallait donc pas opposer une fin de
non-recevoir à la demande des instances représentatives du
personnel.(...) On peut penser ce que l'on veut de ces données.
Lorsque nous les avons le 15 juillet 2002, qu'est-ce que cela
change ? Le fait de savoir que Jean-Charles Corbet a reçu
1 million d'euros de rémunération pour six mois de travail
en 2001 ne me permet pas d'aller les rechercher et de les
remettre dans l'entreprise. En revanche, le 15 juillet 2002, je
sais que si son comité d'entreprise, qui, pour des raisons qui
peuvent se comprendre, est assez tendu, reçoit ces chiffres
exposés, on peut se trouver dans une situation de tension accrue
qui n'est probablement pas favorable au bon fonctionnement de
l'entreprise. Je suis un fonctionnaire de niveau modeste. S'il y
a une responsabilité personnelle que j'ai prise dans ce dossier,
c'est celle de demander au cabinet Mazars que la présentation
faite au comité d'entreprise soit agrégée.
M. le Président : Avez-vous agi de votre propre initiative ?
M. Jean-Baptiste MASSIGNON : J'ai agi de ma propre initiative.
M. le Président : Sans en référer à personne ?
M. Jean-Baptiste MASSIGNON : Je l'ai exposé oralement et cela
n'a pas soulevé d'objections.
M. le Rapporteur : Lorsque vous obtenez ces informations le
15 juillet, avez-vous averti le directeur du Trésor, le cabinet
et les ministres de vos découvertes ?
M. Jean-Baptiste MASSIGNON : Bien entendu ! »
Lors de son audition, M. Pierre Sardet, du cabinet Mazars et
Guérard, a noté que « le ministère était parfaitement informé de
ces données nominatives. »
Les conclusions de l'Audit des conditions d'exploitation des
différents réseaux de la compagnie aérienne Air Lib réalisé par
KPMG indiquaient pour leur part que « (...) les savoir-faire des
professionnels de cette entreprise, le potentiel certain du
nombre de créneaux sur Orly et les opportunités du marché,
notamment Air Lib Express et l'Algérie, devraient constituer les
fondements d'une exploitation rentable. Pour cela, de nombreux
gains de rentabilité restent à réaliser par rapport à
l'exploitation actuelle au travers d'une adaptation rapide des
moyens, par un pilotage rigoureux de la gestion et de
l'organisation (...). Le succès d'Air Lib passera par sa
capacité à réduire les coûts commerciaux et techniques. Air Lib
est en équilibre instable. Des premiers succès commerciaux à
transformer en termes de rentabilité sur l'Express et une
capacité d'actions commerciales peuvent faire rentrer la
compagnie dans un cercle vertueux. En tout état de cause des
besoins lourds en capitaux semblent inévitables. »
La conclusion du rapport est plus optimiste sur les perspectives
d'Air Lib que ne le laisse penser la lecture du rapport
lui-même, dont on retire l'impression que la compagnie était
peut-être viable, mais à condition de tout changer ou presque.
Quelle a été l'appréciation de ces conclusions par les
responsables en charge du dossier ?
M. Jean-Claude Jouffroy, directeur de cabinet du secrétaire
d'Etat aux transports et à la mer, a déclaré qu'à sa « grande
surprise, du moins dans une certaine mesure, la conclusion de
l'audit KPMG était qu'Air Lib, à condition de faire un certain
nombre de réformes de structures, avait un potentiel de
développement ! » Il a également noté qu'alors qu'il était
initialement« interrogatif sur la nature de l'activité de
l'entreprise et sur son réseau », les conclusions de KPMG
l'avait « un peu ébranlé ».
Les notes réalisées par les services de la direction du Trésor
ou par la DGAC à propos des conséquences à tirer des audits sont
également instructives.
Ainsi, une note sur la situation d'Air Lib du 22 juillet 2002,
adressée par Mme Danièle Bénadon, directrice du transport
aérien, à M. Pierre Graff, directeur de cabinet du ministre de
l'équipement, du logement, du tourisme et de la mer, tirait les
conclusions suivantes des études. Tout d'abord, « la situation
financière de l'entreprise est extrêmement dégradée » et « les
perspectives de redressement à court terme sont faibles ». La
note indique également que « la perspective d'un dépôt de bilan
semble inéluctable. Si le GIE fiscal ne se concrétise pas et si
M. Corbet met à exécution la menace contenue dans sa lettre au
ministre du 12 juillet dernier, ce dépôt de bilan devrait
intervenir d'ici la fin de ce mois. Toutefois, si l'acceptation
de nouveaux moratoires par les créanciers publics et la
prorogation du prêt du FDES devaient faire changer d'avis le
président de la compagnie, un dépôt de bilan pourrait
n'intervenir qu'à l'automne, ce qui permettrait d'écouler le
trafic de retour des vacances d'été des DOM dans de meilleures
conditions. »
L'analyse effectuée par le directeur du Trésor pour le ministre
des finances dans une note du 19 juillet 2002 (1155CD) était
tout aussi pessimiste sur la situation d'Air Lib et
particulièrement explicite sur la conduite à tenir pour l'Etat.
Outre l'absence de perspectives de redressement, la note relève
que « dans un courrier daté du 12 juillet 2002 adressé au
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, et en copie, au secrétariat général du
CIRI, le président de la société d'exploitation AOM-Air Liberté
évoque le « caractère irrémédiablement compromis de la situation
d'Air Lib »2 que seule pourrait lever « la mise en place
effective du GIE fiscal. » La finalisation de cette opération
dépendant de la volonté de souscripteurs qu'il s'agisse
d'entreprises privées ou publiques, l'Etat ne peut que prendre
acte de la déclaration du caractère irrémédiablement compromis
de la situation d'Air Lib. Cette situation interdit désormais
toute mesure de soutien à l'entreprise sauf à s'exposer à des
poursuites civiles (...). De plus, le caractère exigible mais
non exigé du prêt et des créances publiques et parapubliques ne
saurait perdurer sans engager la responsabilité des pouvoirs
publics. »
En conclusion, la note recommandait au ministre un scénario de
sortie définitive s'articulant autour des points suivants :
« - constat de l'incapacité de l'entreprise et de ses conseils à
assurer le placement de la capacité fiscale du GIE,
- constat de la caducité des demandes de moratoires sociaux et
fiscaux et de la reconduction du prêt FDES emportant mise en
recouvrement des dettes correspondantes,
- étude des modalités et du coût d'un subventionnement éventuel
du trafic DOM afin d'assurer le retour en métropole des DOMiens.
Ce subventionnement devrait être mis à la charge du ministère de
l'Outre-Mer. »
L'annotation manuscrite portée par M. Jean-Pierre Jouyet,
directeur du Trésor, était la suivante : « M. Corbet nous
indique que la situation de son entreprise est à ses yeux
irrémédiablement compromise. Il s'agit d'un
élément nouveau et déterminant. Nous ne pouvons qu'en tirer les
conséquences. »
Lors de la réunion interministérielle du 24 juillet 2002, le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le
ministère de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer ont pu constater leur accord s'agissant du
diagnostic sur l'état d'Air Lib.
Le procès-verbal de la réunion indique ainsi que « le directeur
du cabinet du secrétaire d'Etat aux transports et à la
mer considère que quelles que soient les mesures qui pourraient
être prises, la situation de l'entreprise est telle qu'un dépôt
de bilan au plus tard à la fin 2002 est inéluctable. Le seul
facteur d'incertitude est de savoir jusqu'à quand l'entreprise
pourra « tenir » avant de déposer le bilan. Par ailleurs, les
perspectives de redressement sont nulles et la compagnie est mal
gérée.
Le cabinet du Premier ministre demande si ce constat est
partagé.
Le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie indique qu'il souscrit à cette appréciation, aussi
bien du point de vue économique que financier.
Le directeur du cabinet du secrétaire d'Etat aux transports et à
la mer présente les deux scenarii possibles. Soit le dépôt de
bilan intervient à l'initiative du président d'Air Lib, qui
menace de le faire dès le 31 juillet. Des contacts informels ont
été pris avec la section financière du parquet de Créteil, qui a
indiqué que, dans l'hypothèse d'un dépôt de bilan, il faut
s'attendre à ce que le président du tribunal de commerce rejette
l'hypothèse d'une prolongation d'activité et prononce la
liquidation. Soit les choses restent en l'état, si les
créanciers publics ne réclament pas le remboursement des dettes.
Dans ce cas, Air Lib sera capable de tenir jusqu'en décembre au
mieux, date à laquelle se présente une échéance trimestrielle
importante que la société sera dans l'impossibilité d'honorer. »
Les problèmes relatifs à la desserte des DOM ont également été
évoqués par le ministère de l'outre-mer, tandis que le ministère
des transports a fait part de son inquiétude quant aux
conséquences d'une cessation d'activité de la compagnie en
pleine période de vacances estivales pour les passagers ayant
acheté directement leur billet à Air Lib.
Pour finir, « le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie indique que la solution qui serait la plus solide du
point de vue économique et juridique serait d'exiger le
remboursement du prêt FDES, qui venait à échéance le 9 juillet.
En s'en abstenant, l'Etat s'expose en effet au risque d'un
soutien abusif. Toutefois, le remboursement du prêt conduirait
au dépôt de bilan immédiat, dont le ministère ne conteste pas
l'inopportunité (...) C'est pourquoi le ministère s'est rallié à
une proposition intermédiaire qui permet de passer l'été,
consistant :
- à reconduire le prêt FDES pour trois mois non renouvelables,
en obligeant Air Lib à préparer pendant ce délai un plan de
restructuration, qui devra être notifié à la Commission
européenne et qui sera présenté comme une transformation de
l'aide au sauvetage en aide à la restructuration ;
- à prolonger le « moratoire » des autres dettes publiques
exigibles à fin juillet ;
- en contraignant en revanche l'entreprise à reprendre les
autres paiements à compter du 1er août.
On permet ainsi à l'entreprise de tenir jusqu'en octobre. »
Le procès-verbal indique pour finir que « postérieurement à la
réunion, le cabinet du Premier ministre décide de reconduire le
prêt FDES pour quatre mois et de prolonger le moratoire des
autres dettes publiques jusqu'au 1er août. Ce délai de quatre
mois devra être utilisé par l'entreprise pour élaborer un plan
de restructuration, notifié à la Commission européenne. »
En conséquence, un avenant n° 2 au contrat de prêt, prévoyant sa
prorogation jusqu'au 9 novembre, sera signé le 22 août par
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et par le secrétaire général de Natexis Banques
Populaires. Puis, le 25 septembre 2002, un avenant n° 2 ayant le
même objet sera signé par Natexis Banques Populaires et par
Jean-Charles Corbet, en tant que président du conseil
d'administration de la société AOM-Air Liberté et en tant que
président d'Holco, en raison du nantissement de créance.
Cette prorogation du prêt constituait un des volets de l'aide
accordée par l'Etat à Air Lib durant l'été 2002. Comme il a déjà
été indiqué, la deuxième partie du soutien prenait la forme d'un
moratoire sur les dettes publiques, très demandé par les
dirigeants d'Air Lib.
C.- UNE ACCUMULATION DE PRÈS DE 100 MILLIONS D'EUROS DE CHARGES
PUBLIQUES IMPAYÉES
1.─ Des difficultés précoces
_ Au cours d'une première période, allant de la reprise de la
compagnie par Jean-Charles Corbet aux lendemains du 11 septembre
2001, Air Lib a payé régulièrement ses charges publiques.
Toutefois, deux événements la concernant ont révélé une
bienveillance certaine des pouvoirs publics.
Le premier est la volonté d'Aéroports de Paris (ADP) d'exercer
son droit de rétention sur les avions d'Air Lib en raison des
124 millions de francs de dettes accumulées précédemment par
AOM-Air Liberté.
Comme l'a indiqué M. Pierre Chassigneux, président d'ADP, « le
directeur général d'Aéroports de Paris, (...) M. Duret (...)
écrit au directeur général de l'aviation civile pour lui faire
part de son intention d'exercer le droit de rétention des
aéronefs, compte tenu de la dette qui court déjà et qui est
simultanée au démarrage d'Holco, du nouvel Air Lib. » A la suite
de cette lettre du 17 septembre 2001, le ministre de
l'équipement, des transports et du logement, M. Jean-Claude
Gayssot, écrit au directeur d'ADP le 5 octobre en lui indiquant
qu'« il n'est pas douteux que l'exercice immédiat du droit de
rétention constituerait pour le repreneur Air Lib une charge
d'exploitation supplémentaire et imprévue de nature à
compromettre les perspectives de réalisation des objectifs du
plan de redressement arrêté par le tribunal de commerce de
Créteil. Aussi, dans l'attente d'une confirmation de votre
analyse juridique, je vous demande de surseoir provisoirement à
l'exercice du droit de rétention sur les aéronefs nécessaires à
l'activité de la société Air Lib et de rechercher avec cette
société, les propriétaires des avions concernés et
l'administrateur judiciaire les moyens d'un recouvrement de vos
créances compatibles avec la mise en œuvre du plan de
redressement. »
Le jour même, le directeur général d'ADP levait
« temporairement » la rétention au sol prévue initialement par
sa décision DG n° 2001/3057 du 20 septembre 2001, pour les
appareils inclus dans le périmètre de la reprise.
Par ailleurs, à partir de la fin du mois d'octobre, Air Lib a
payé ce qu'elle devait à ADP hors taxes, en s'appuyant sur les
dispositions du 4° du II de l'article 262 du code général des
impôts, qui dispose que sont exonérées de la TVA « les
opérations de livraison, de transformation, de réparation,
d'entretien, d'affrètement et de location portant sur les
aéronefs utilisés par des compagnies de navigation aérienne dont
les services à destination ou en provenance de l'étranger ou des
territoires et départements d'outre-mer, à l'exclusion de la
France métropolitaine, représentent au moins 80 % des services
qu'elles exploitent. »
Une lettre du 8 novembre 2002 de Mme Florence Parly, secrétaire
d'Etat au budget, confirme en effet à Air Lib « qu'il apparaît
possible de considérer que la règle des 80 % exposée à l'article
262-II-4° du CGI est effectivement satisfaite par la compagnie
Air Lib à compter de la date de sa constitution (1er août 2001).
Par suite, cette société pourra acquérir en exonération de TVA
tout bien ou toute prestation de services portant sur des
aéronefs. Les différentes sociétés du groupe Air Lib pourront
également bénéficier des exonérations prévues par l'article
262-II-4°, 5°, 6° et 7° du CGI dans les mêmes conditions. »
En réponse à une question du Rapporteur sur le point de savoir
si le critère des 80 % était effectivement vérifié, M. François
Bachelet, président du directoire et directeur général d'Air
Lib, a declaré : « tout dépend si l'on parle en
passagers-kilomètres. En passagers-kilomètres, ce doit être
vrai. En nombre de passagers, c'est certainement faux. »
L'instruction fiscale du 6 août 1993 (3A-7-93, n° 97) indique
que le pourcentage visé par l'article précité du CGI résulte du
rapport entre, d'une part, la distance parcourue entre la France
métropolitaine et l'étranger ainsi que les DOM et, d'autre part,
l'ensemble des distances parcourues.
_ A la suite des attentats du 11 septembre 2001, un dispositif
d'aide aux transports aériens a été autorisé par la Commission
européenne. Il comprenait trois mesures principales :
- une garantie accordée par l'Etat à la Caisse centrale de
réassurance en vue de permettre la couverture des compagnies
aériennes pour la responsabilité civile envers les tiers au-delà
du seuil de 50 millions de dollars ;
- une compensation des pertes d'exploitation subies par les
compagnies aériennes au cours de la période du 11 au
14 septembre 2001, à la suite de la fermeture de certaines
parties de l'espace aérien ;
- une compensation des dépenses supplémentaires de sûreté des
compagnies aériennes.
Ce dispositif était destiné à l'ensemble des compagnies
françaises. Il ne comportait aucune mesure générale ou
particulière de moratoire sur les dettes publiques des
compagnies.
Pourtant, dès novembre 2001, Air Lib a cessé unilatéralement
d'acquitter la part patronale des charges sociales. Le montant
cumulé de ses dettes vis-à-vis des URSSAF s'élevait ainsi à
3,768 millions d'euros hors pénalités (4,26 millions d'euros y
compris les pénalités) au 31 décembre 2001.
Comme l'a indiqué M. François Bachelet, président du directoire
et directeur général d'Air Lib, « pour de la trésorerie, on a
négocié avec les ASSEDIC. (...) c'est un problème banal auquel
ont recours nombre d'entreprises ou du moins essayent-elles. Il
s'agit de négocier avec l'administration un report de paiement
de charges. On est allé négocier à Nantes en leur disant : on
est en difficulté de trésorerie aujourd'hui. (...) On a essayé
de faire feu de tout bois et de trouver auprès de
l'administration une oreille compatissante qui accepte de
reporter de six mois le paiement d'un certain nombre de charges
sociales. »
2.-- L'ampleur rapidement prise par les impayés
_ A partir du premier trimestre 2002, les difficultés
financières d'Air Lib deviennent telles que les défauts de
paiement s'étendent à l'ensemble des créanciers publics.
Les impayés concernant les charges patronales persistent et
représentent en cumulé, au 31 mai 2002, 11,121 millions d'euros
hors pénalités.
S'agissant de la direction générale de l'aviation civile (DGAC),
Air Lib a cessé d'acquitter la redevance pour services terminaux
de la circulation aérienne (RSTCA) ainsi que la taxe de
l'aviation civile à partir de la fin mars 2002. A la fin du mois
de mai 2002, le total des impayés vis-à-vis de la DGAC
représentait 9,098 millions d'euros hors pénalités.
Enfin, ADP a également dû faire face à des défauts de paiement
de la part d'Air Lib. Comme l'a indiqué M. Hubert du Mesnil,
directeur général d'ADP : « Nous sommes au printemps 2002. C'est
là que pour nous commencent les vraies difficultés. Elles se
manifestent de la manière suivante. Nous rencontrons les
dirigeants d'Air Lib qui nous demandent des reports de paiement.
Ils nous confirment cette demande par lettre et, au même moment,
ils arrêtent de nous payer. On est en avril 2002. Nous leur
répondons que nous sommes disposés à examiner leur demande de
report de paiement, mais que nous ne le ferons que lorsqu'ils
auront repris les paiements. Autrement dit, nous refusons
d'entrer dans la discussion sur le report, dès lors qu'ils ont
décidé de manière unilatérale de suspendre leurs paiements. Dans
les deux mois suivants, avril, mai, jusqu'à mi-juin, nous avons
eu des échanges de lettres sur ce point. Nous leur demandons de
nouvelles propositions de reports de paiement, moins importants,
que nous sommes prêts à examiner à condition qu'ils reprennent
les paiements. A l'occasion de cet échange de lettres, ils nous
informent qu'ils sont en train de discuter avec le CIRI de leur
situation. »
Une lettre du 2 mai 2002 du directeur d'ADP à Jean-Charles
Corbet précisait : « A la suite de la réunion que nous avons eue
le 9 avril, vous avez adressé à l'agent comptable d'Aéroports de
Paris une demande de délai pour une somme correspondant à
1 646 150,79 euros, en six échéances. Votre demande est à
l'instruction mais d'après mes services comptables, votre
Compagnie aurait interrompu, dès le 10 avril, le paiement des
échéances de règlement :
- le 10 avril : 741 617,25 euros
- le 19 avril : 493 639,42 euros
- le 29 avril : 733 539,67 euros
Cette interruption crée une situation nouvelle qui me paraît
particulièrement regrettable, anticipant sans préavis la
décision demandée à ADP. La reprise de l'instruction de votre
demande ne pourra s'effectuer que dès lors que ces échéances
auront été réglées. »
De fait, Air Lib a lié son défaut de paiement de ses dettes à la
non mise en place du GIE fiscal. Face à cette tentative de
justification, le directeur général d'ADP a réagi dans un
courrier du 24 mai 2002 en soulignant que « les problèmes
d'organisation interne à votre groupe ne sont pas opposables à
Aéroports de Paris et ne sauraient vous autoriser à suspendre
unilatéralement le paiement des sommes dont votre société est
débitrice envers notre établissement depuis le 10 avril
dernier.(...) En attente de la mise en place des leasing dont
vous faites état pour 2 Airbus A340-300, je puis admettre
partiellement votre demande aux deux conditions suivantes :
- une reprise des paiements par votre compagnie dès la première
échéance de juin 2002,
- une nouvelle proposition d'étalement de votre dette avec des
délais beaucoup plus courts.
A défaut, Aéroports de Paris ne pourra vous accorder un
échéancier et se trouverait contraint de mettre en œuvre toutes
voies de droit pour recouvrer l'ensemble des sommes exigibles
dont votre société est débitrice à notre égard. »
Les paiements n'ayant pas repris le 21 juin 2002, le directeur
général d'ADP a envoyé à Air Lib une mise en demeure de payer la
totalité de la dette exigible, s'élevant alors à 4,849 millions
d'euros. A défaut, il se réservait la possibilité de poursuivre
le recouvrement par toutes les voies de droit et d'exercer à
nouveau le droit de rétention des appareils au titre des
redevances aériennes impayées.
Pour Air Lib, la question des dettes publiques et sociales
prenait un tour plus aigu.
_ La direction d'Air Lib a donc rapidement essayé d'obtenir un
moratoire officiel sur les dettes publiques. Comme l'a indiqué
M. Jean-Claude Jouffroy, directeur de cabinet du secrétaire
d'Etat aux transports et à la mer, lors de la première entrevue
entre Dominique Bussereau et Jean-Charles Corbet le 5 juin 2002,
ce dernier « demandait, sans le demander tout en le demandant...
Il n'était pas nécessairement évident de comprendre ce qu'il
voulait ! En tout cas, un élément paraissait clair : le GIE
fiscal et un moratoire, sans employer le mot, du moins une
prolongation du moratoire sur les dettes publiques. »
Air Lib fait d'ailleurs état de ses demandes aux pouvoirs
publics pour tenter d'apaiser son créancier le plus pressant,
ADP. Une lettre du 18 juin à ADP, signée par le directeur
financier d'Air Lib indique ainsi que « notre société a écrit à
deux reprises (les 9 avril et 21 mai 2002) à monsieur l'agent
comptable d'Aéroports de Paris afin de solliciter un décalage
d'échéances auprès de votre établissement. Nous vous informons
également, par la présente, que des discussions sont
actuellement en cours entre notre direction générale et nos
autorités de tutelle au sujet de cette requête. »
Une seconde lettre, datée du 16 juillet 2002 et signée par
Pascal Personne, directeur général exécutif d'Air Lib, et par
Thierry Dervieux, directeur général adjoint des affaires
financières, précise également qu'« une requête concernant
notamment le report de paiement des sommes dues à votre
établissement a été adressée par notre société à l'attention de
Monsieur le Secrétaire du Centre interministériel de
restructuration industrielle (CIRI) en date du 13 mai 2002. »
Comme il a déjà été indiqué, c'est à la suite de la réunion
interministérielle du 24 juillet 2002 que le cabinet du Premier
ministre a décidé de reconduire pour quatre mois le prêt du FDES
et « de prolonger le moratoire des autres dettes publiques
jusqu'au 1er août ».
Une lettre du 22 août 2002 de M. Francis Mer, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, adressée à M. Pierre
Chassigneux, président d'ADP, officialise la décision et précise
les conditions posées par l'Etat. Il est ainsi indiqué
que « l'ensemble des créances dues par Air Lib à Aéroports de
Paris font l'objet d'un moratoire, décidé dans les conditions
suivantes :
- le moratoire concerne les créances exigibles au 31 juillet
2002. Le recouvrement du passif échu à cette date est ainsi
suspendu ;
- le paiement par Air Lib de ses échéances courantes reprend à
compter du 1er août 2002, ce qui constitue une condition
résolutoire. »
Afin de centraliser et d'ordonner le traitement du dossier, le
secrétaire général du CIRI a été mandaté pour coordonner
l'établissement des moratoires relatifs aux différentes créances
publiques selon le principe de l'égalité de traitement entre les
différents créanciers.
Au 31 juillet 2002, les dettes publiques d'Air Lib
représentaient au total 39,187 millions d'euros (41,457 millions
d'euros y compris les pénalités), dont 12,634 millions d'euros
pour la DGAC, 11,707 millions d'euros pour ADP et
12,745 millions d'euros pour les URSSAF.
Une note datée du 9 septembre 2002, adressée par
M. Jean-François Grassineau, adjoint au directeur général de
l'aviation civile, au directeur de cabinet du secrétaire d'Etat
aux transports et à la mer, fait notamment le point sur la mise
en œuvre des décisions du gouvernement concernant Air Lib. Elle
précise que « la société a effectivement repris le paiement de
ses factures à compter du 1er août auprès de la DGAC (redevances
de navigation aérienne, taxe d'aviation civile et taxe
d'aéroport) et d'Aéroports de Paris, conformément à la demande
du gouvernement. Concernant l'URSSAF et les ASSEDIC, la société
n'a pas payé la part patronale de juillet, (dette échue au
15 août d'un montant de 2,8 millions d'euros). Le mandataire ad
hoc (Me Lafont) négocierait actuellement avec les organismes
concernés et le CIRI l'intégration de cette échéance dans le
moratoire. Air Lib devrait reprendre les paiements de ces
organismes le 15 septembre. Il y a lieu d'observer que la
compagnie n'adopte pas la même attitude vis-à-vis de ces
organismes que des autres créanciers publics, alors même que ses
obligations sont comparables. »
_ Le respect des conditions posées par le moratoire, à savoir la
reprise des paiements courants, sera de courte durée. Comme l'a
indiqué M. Hubert du Mesnil, directeur général d'ADP, « Air Lib
devait reprendre ses paiements immédiatement, c'est-à-dire à
compter du 1er août. Nous avons constaté que ce moratoire a été
correctement respecté pendant à peu près un mois (...). C'est à
partir du mois de septembre que nous avons constaté que, à
nouveau, Air Lib suspendait ses paiements et ne respectait plus
le moratoire. (...) Comme toujours, on peut se dire qu'il peut y
avoir une ou deux semaines de retard, donc, un certain temps est
neutralisé. Nous nous retrouvons finalement à la fin du mois de
septembre dans le constat que le moratoire n'est plus
respecté. »
Le constat de la défaillance est mis en évidence dans une note
du directeur du Trésor au ministre de l'économie et des finances
(1605CD du 7 octobre 2002) : « mettant en avant la
non-réalisation du GIE fiscal, l'entreprise a interrompu le
paiement des redevances dues à la Direction générale de
l'aviation civile (DGAC) ainsi qu'à Aéroports de Paris (ADP)
pour septembre. Elle entend ne pas assurer les échéances URSSAF
échues en octobre. Ainsi l'entreprise utilise les ressources
publiques autant que de besoin pour faire face à ses échéances
de trésorerie successives. Par ailleurs, Air Lib conteste depuis
août le paiement des cotisations patronales afférentes aux
salaires de juillet et exigibles au 15 août, sur la base d'un
argumentaire juridique réfuté par le ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité. Au total le passif
fiscal et social serait ainsi accru d'au moins 7 millions
d'euros d'ici le 15 octobre 2002, le portant ainsi à plus de
49 millions d'euros, et davantage au-delà. »
Une note de la direction du transport aérien du 15 octobre 2002
indique également que « dans l'incapacité de réaliser
l'opération de GIE fiscal (qui devait lui apporter de l'ordre de
30 millions d'euros) [Air Lib] s'est retrouvée dès mi-septembre
2002 dans une situation de trésorerie critique et a décidé
unilatéralement de ne plus payer ces charges publiques et
parapubliques à compter du 20 septembre 2002, ce qui constitue
une clause résolutoire du moratoire accordé à la compagnie par
le gouvernement. (...) Les agents comptables des créanciers
publics concernés (DGAC, ADP, URSSAF) réunis au CIRI le
10/10/02, sont aujourd'hui dans l'attente d'une décision du
gouvernement, le moratoire étant automatiquement caduc du fait
de l'arrêt des paiements depuis le 20 septembre 2002. Ils sont
disposés à lancer immédiatement des poursuites afin de recouvrer
les sommes dues, ce qui se traduirait par une assignation en
cessation des paiements de la compagnie devant le tribunal de
commerce compétent. »
Une fois encore, Air Lib a pris pour prétexte l'absence de
réalisation du GIE fiscal, imputée à l'Etat, afin de tenter de
justifier le non respect des conditions du moratoire. En
témoigne une lettre de Me Léonzi, adressée à MM. Gilles de
Robien et Dominique Bussereau le 11 novembre 2002, estimant, à
la suite de la vente de deux Airbus A340-300 à Air Tahiti Nui,
que « la perte des supports physiques du montage GIE a entraîné
immédiatement une réaction d'Air Lib qui a indiqué à l'Etat que
la condition de la reprise des paiements n'ayant pas été
réalisée pour des raisons inconnues par elle et dans des
conditions qui lui sont totalement étrangères, elle ne pouvait,
de ce fait exécuter la décision conditionnée qui lui avait été
imposée. »
Malgré ce comportement de la compagnie, les dettes publiques
d'Air Lib ont fait l'objet d'un ultime moratoire, lié à
l'apparition de l'investisseur potentiel IMCA. Ainsi, lors de la
réunion interministérielle du 13 novembre 2002, le cabinet du
Premier ministre a déclaré qu'« afin de laisser à la compagnie
les moyens de continuer son exploitation dans l'attente de la
décision du groupe IMCA, il convient de proroger jusqu'au
9 janvier 2003 l'exigibilité du prêt FDES et du moratoire des
dettes fiscales et sociales dues par Air Lib. En outre, [le
cabinet] demande que, durant cet ultime délai, l'exigibilité des
paiements des cotisations sociales et des taxes dus au titre des
mois de novembre et décembre soit provisoirement suspendue. »
Le moratoire sera prolongé par une note de M. Francis Mer,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, datée du
15 novembre 2002 et destinée au directeur du Trésor et au
directeur général de la comptabilité publique.
« En application des décisions du Premier Ministre relative à la
compagnie aérienne Air Lib, je vous donne pour instruction :
1) de prolonger de deux mois supplémentaires, jusqu'au 9 janvier
2003, par un avenant à la convention de prêt, le concours de
30,5 millions d'euros du FDES mis en place le 9 janvier 2002 en
faveur de la Société d'exploitation AOM-Air Liberté et d'en
informer la Commission européenne en liaison avec le SGCI ;
2) de prolonger également jusqu'au 9 janvier 2003 le moratoire
couvrant les charges sociales et fiscales et autres créances
publiques échues au 31 juillet 2002 et de placer sous moratoire
les charges sociales et fiscales et autres créances publiques
courant du 1er août 2002 au 9 janvier 2003 ;
3) et en conséquence, de donner les instructions nécessaires aux
comptables publics concernés. »
De fait, Air Lib n'effectuera donc plus aucun versement, ni au
tire de ses dettes accumulées, ni au titre de ses échéances
courantes. Le bilan financier de ces mesures est résumé dans le
tableau ci-après, qui récapitule l'évolution des différentes
dettes publiques d'Air Lib tout au long de sa courte existence.
Au total, ce sont près de 100 millions d'euros qui n'ont pas été
acquittés par la compagnie.
AIR LIB
CREANCES PUBLIQUES RECENSEES
(à la date de la liquidation)
(en euros)
|
|
|
|
|
ASSEDIC/ |
TOTAL |
TOTAL |
- - 31 décembre 2001 |
- |
- |
- |
3 768 497 |
- |
3 768 497 |
4 260 323 |
31 mai 2002 |
9 098 599 |
6 700 000 |
- |
11 121 452 |
- |
26 920 051 |
28 921 036 |
31 juillet 2002 |
12 634 455 |
11 706 987 |
- |
12 745 261 |
2 100 000 |
39 186 703 |
41 456 990 |
31 janvier 2003 |
29 429 316 |
26 729 964 |
6 222 000 |
24 010 230 |
3 854 143 |
90 245 653 |
96 445 281 |
17 février 2003 |
29 429 316 |
28 104 488 |
6 222 000 |
25 668 230 |
4 254 143 |
93 678 177 |
99 877 804 |
Source : CIRI.
D.- LE NOUVEL ESPOIR D'UN REPRENEUR RETARDE
DE TROIS MOIS LE DÉPÔT DE BILAN
1.- Un plan de restructuration incompatible avec les règles
communautaires
_ A l'issue de la réunion interministérielle du 24 juillet 2002,
il était explicitement prévu que la reconduction de quatre mois
du prêt du FDES et le moratoire sur les dettes publiques
devaient être utilisés par Air Lib pour élaborer un plan de
restructuration, notifié à la Commission européenne.
En effet, dès le 9 juillet 2002, la Commission européenne
s'était interrogée sur les aides consenties à Air Lib. Dans un
courrier adressé au représentant permanent de la France auprès
de l'Union européenne M. François Lamoureux, directeur général
de l'énergie et des transports, rappelait que « l'aide au
sauvetage (...) a été mise en œuvre dès le 9 janvier 2002, par
le versement d'une première tranche de 16,5 millions d'euros, et
ce illégalement, c'est-à-dire avant son approbation par la
Commission. En tout état de cause, l'article 23.d des Lignes
directrices communautaire pour les aides d'Etat au sauvetage et
à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 288 du
9 octobre 1999) prévoit que l'Etat membre notifie à la
Commission, dans les six mois suivant l'autorisation d'une aide
au sauvetage, le plan de restructuration ou de liquidation de
l'entreprise considérée ou la preuve, au cas présent, que le
crédit a été remboursé. Un tel engagement avait été pris par vos
autorités dans leur notification le 23 janvier 2002. Dans le cas
en objet, la mise en œuvre de l'aide, matérialisée par un
premier versement de l'aide, ayant été opérée avant
l'autorisation éventuelle de la Commission, ce délai a commencé
à courir lors de ce versement. Il est donc échu le 9 juillet
2002.
A ce jour, la Commission n'a reçu de vos autorités aucune des
matérialisations de l'issue de l'aide au sauvetage évoquées
ci-dessus.
Au surplus, selon les informations en notre possession, la
société Air Lib a d'ores et déjà débuté un processus de
restructuration, lequel s'est traduit, entre autres, par la mise
en place d'un nouveau produit dénommé « Air Lib Express », ainsi
que par une forte adaptation de son offre commerciale
La Commission n'exclut pas, à ce stade de l'analyse, que tout ou
partie de l'aide au sauvetage ait été utilisée aux fins de
restructuration. Elle n'exclut pas non plus, selon ses
informations, que d'autres mesures financières, par exemple le
refinancement d'avions grâce à un outil bénéficiant d'un
traitement fiscal préférentiel, aient été accordées par vos
autorités dans l'intervalle et pour la même finalité.
De ce fait, la Commission a décidé de poursuivre l'examen de ce
dossier au titre d'une aide non notifiée à la restructuration.
J'invite vos autorités à formaliser la notification de cette
aide à la restructuration dans les plus brefs délais et au plus
tard dans les 20 jours ouvrables suivant la réception de cette
lettre (...). »
Les exigences communautaires en matière d'aides au sauvetage et
à la restructuration sont précisées dans deux documents : les
lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat
dans le secteur de l'aviation, publiées au JOCE du 10 décembre
1994, et les nouvelles lignes directrices communautaires pour
les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration
d'entreprises en difficulté, adoptées le 8 juillet 1999.
En ce qui concerne la limitation de la présence de la compagnie
sur son marché, les principales exigences communautaires en
matière d'évolution du périmètre d'une entreprise sous un régime
d'aide à la restructuration sont les suivantes :
- l'aide ne doit servir qu'au rétablissement de la viabilité de
l'entreprise et ne doit pas permettre à son bénéficiaire, durant
la mise en œuvre du plan de restructuration, de développer sa
capacité de production, sauf si cela est nécessaire pour
rétablir la viabilité de l'entreprise sans pour autant fausser
la concurrence ;
- des mesures doivent être prises pour atténuer autant que
possible les conséquences défavorables de l'aide pour les
concurrents, à défaut, l'aide devrait être considérée comme
« contraire à l'intérêt commun », et donc incompatible avec le
marché commun ;
- il doit être interdit à la compagnie aérienne recourant à un
financement public de développer sa capacité au-delà de ce
qu'exige l'évolution du marché. Au contraire, une réduction de
capacité doit être envisagée.
Les exigences communautaires portent également sur la stratégie
tarifaire. La Commission peut imposer les conditions et
obligations qu'elle juge nécessaires pour que la concurrence ne
soit pas faussée dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Elle peut notamment imposer au bénéficiaire de ne pas agir en
tant que chef de file tarifaire sur certains marchés.
Par ailleurs, les éventuelles distorsions de concurrence doivent
être compensées par les avantages issus du maintien en vie de
l'entreprise (conséquences des licenciements à l'échelon local,
régional ou national, ou si la disparition de l'entreprise
conduit à une situation de monopole/oligopole étroit) et, le cas
échéant, par des contreparties suffisantes en faveur des
concurrents.
Enfin, le plan de restructuration doit permettre de rétablir
dans un délai raisonnable la viabilité à long terme de
l'entreprise. Le montant et l'intensité de l'aide doivent être
limités au strict minimum nécessaire pour permettre la
restructuration. Les bénéficiaires de l'aide doivent contribuer
de manière importante au plan de restructuration sur leurs
propres ressources, y compris par la vente d'actifs, lorsque
ceux-ci ne sont pas indispensables à la survie de l'entreprise,
ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché.
_ C'est au regard de ce cadre strict qu'ont été examinées par
l'Etat les versions successives du plan de restructuration
élaboré par Air Lib.
Ce plan a été présenté pour la première fois à la DGAC et au
CIRI, le 11 octobre 2002. Il a ensuite été corrigé et présenté
de nouveau aux mêmes services le 16 octobre, et modifié une fois
encore le 18 octobre.
Les orientations stratégiques du plan de restructuration proposé
par Air Lib étaient les suivantes :
- poursuite de la transformation des liaisons court courrier
d'Air Lib en liaisons « Air Lib Express » (avec notamment la
mise en place de nouvelles dessertes vers l'Italie) ;
- redéploiement d'une partie des lignes DOM vers des
destinations de « niche » (Afrique et Maghreb).
Deux scénarii de réduction de capacité étaient également
envisagés. Le premier prévoyait la suppression de 136 postes et
d'un avion, tandis que le second indiquait une suppression de
201 postes et de trois avions. Un troisième scénario était
également présenté, avec de fortes réductions de capacité (moins
354 postes et moins 5 avions), mais il n'était pas retenu par la
compagnie, en raison de son coût et de l'insuffisance des
recettes dégagées.
Une note de la direction des transports aériens, datée du
28 octobre 2002, relève qu'« en dépit des remaniements
successifs du document déjà intervenus, un certain nombre de
points restent difficilement, voire pas du tout, compatibles
avec les exigences communautaires relatives aux aides au
sauvetage et à la restructuration. (...) En particulier,
l'examen de ce plan fait apparaître l'incapacité de la compagnie
à mettre en œuvre les mesures de restructuration indispensables
à sa survie en dehors d'un soutien financier public
complémentaire massif, à l'exclusion de toute autre source de
financement. »
Quel que soit le scénario envisagé, Air Lib prévoyait une forte
augmentation de son chiffre d'affaires pendant les années 2003 à
2006, allant de 69,4 % à 37,2 % selon les scénarii. La note
indique que « la Commission ne pourra que regarder d'un œil très
critique les très nombreuses ouvertures de lignes envisagées
(Italie, Afrique), et pourrait exiger des contreparties pour
atténuer les conséquences des aides d'Etat octroyées à Air Lib
sur les autres compagnies communautaires présentes sur ces
liaisons. »
S'agissant de la stratégie tarifaire liée au développement
d'Air Lib Express, elle « paraît absolument incompatible avec
les lignes directrices communautaires, la compagnie ne baissant
pas ses coûts dans la même mesure que ses tarifs. Il existe donc
un grand risque que la Commission impose à Air Lib de renoncer à
cette stratégie, pourtant au cœur de la restructuration et de la
réorientation de son réseau moyen courrier en Europe. »
En ce qui concerne la crédibilité du retour à l'équilibre, « à
l'appui de ces prévisions, Air Lib ne présente pas de comptes
d'exploitation détaillés, qui préciseraient notamment les
hypothèses de trafic et de recette unitaire sur chaque ligne. Il
est donc impossible d'apprécier le réalisme des prévisions de
résultat avancées par la compagnie. En tout état de cause,
l'hypothèse d'un retour à l'équilibre dès le prochain exercice
paraît très optimiste, compte tenu des résultats passés de la
compagnie : 212 millions d'euros de pertes d'exploitation pour
l'exercice 2001-2002, et entre 70 et 85 millions d'euros de
pertes d'exploitation prévues pour l'exercice 2002-2003. »
Enfin et surtout, pour le financement de son plan de
restructuration « Air Lib affiche un besoin de financement à
court terme de 140 à 160 millions d'euros (scénario 1 ou 2), et
prévoit que ce besoin sera entièrement couvert par l'Etat :
d'une part, la compagnie sollicite la transformation du prêt du
FDES de 30,5 millions d'euros et des moratoires et impayés sur
les charges publiques (54,3 millions d'euros à fin octobre 2002)
en prêts remboursables à moyen ou long terme, d'autre part, elle
sollicite un financement public complémentaire à hauteur de 55 à
76 millions d'euros selon le scénario. (...) Ce point paraît
absolument rédhibitoire, car il est clair que ce schéma de
financement n'est pas acceptable en l'état par la Commission,
quand bien même les pouvoirs publics français seraient prêts à
soutenir la compagnie pour de tels montants. »
Une note de la direction du Trésor du 25 octobre aboutissait au
même constat : « Aucune des ressources externes initialement
envisagées par la compagnie - GIE fiscal et remboursement de la
créance Swissair, notamment - n'étant inscrite dans le plan de
financement, Air Lib a explicitement fait état, lors des
réunions techniques, d'une demande de financement sur fonds
publics. Ce besoin s'ajouterait à la reconduction du prêt du
FDES (30,5 millions d'euros) ainsi qu'à la consolidation des
dettes publiques impayées au 31 octobre (estimée par Air Lib à
54,3 millions d'euros). C'est donc un effort total de l'ordre de
152 millions d'euros qui est demandé aux pouvoirs publics sur
toute la période pour le scénario 1, dont 140 millions d'euros
pour la période du 1er novembre 2002 au 31 mars 2003 (30,5 +
54,3 + 55,1 millions d'euros de financement complémentaire sur
cette période). Cette demande est en totale opposition avec les
décisions du cabinet du Premier ministre de juillet dernier,
mais aussi avec les annonces faites à la Commission
européenne. »
Cette note concluait en relevant que le projet présenté ne
saurait être transmis en l'état à la Commission européenne et
qu'il mettait en évidence l'impasse financière à laquelle se
trouvait confrontée Air Lib.
Dès lors, la réunion le 29 octobre 2002 entre Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat
aux transports et à la mer, les représentants de Francis Mer,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de
Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, et Jean-Charles
Corbet a débouché sur un constat d'échec. Dans un communiqué du
même jour, Gilles de Robien et Dominique Bussereau ont
souligné « les insuffisances du projet de restructuration qui,
en l'état, ne saurait constituer un plan de retour à la
viabilité, transmissible à la Commission européenne. (...). En
conséquence, les ministres ont demandé au président d'Air Lib de
leur transmettre très rapidement, en tout état de cause avant le
8 novembre 2002, les éléments indispensables à une appréciation
complète des propositions de ce dernier. Ils ont notamment
souhaité que soient précisées les hypothèses que la compagnie a
retenues pour élaborer ce document, en particulier celles
relatives à la rentabilité des nouvelles lignes, aux nouveaux
produits envisagés et aux conditions de financement d'un
redressement durable de la compagnie. »
Par ailleurs les ministres ont rappelé au président d'Air Lib
l'importance toute particulière de la prochaine séance du
Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM) qui, le
8 novembre, devait donner son avis sur la situation de la
compagnie et sur le renouvellement de sa licence d'exploitation.
En réponse, dans une lettre du 31 octobre 2002, Jean-Charles
Corbet déclarait : « Le scénario qui semble être retenu par le
Gouvernement français pour défendre notre dossier a des
conséquences douloureuses pour l'entreprise que je préside et je
n'ai pas la certitude que nous saurons gérer la crise sociale
qui pourrait en résulter. » Une fois encore, la menace pesant
sur l'emploi était attribuée à l'Etat.
Les échéances se rapprochaient dangereusement : la licence
d'exploitation de l'entreprise expirait le 15 novembre,
l'échéance du prêt du FDES était prévue pour le 9 novembre et, à
cette même date, le délai de notification aux instances
communautaires d'un plan de restructuration accompagnant la
transformation des aides de sauvetage de l'Etat en aides à la
restructuration expirait.
2.- IMCA : un bien étrange investisseur
_ L'annonce de l'intérêt porté à Air Lib par un investisseur
néerlandais, IMCA, intervient au moment précis où une
conjonction d'échéances mettait en péril la pérennité de
l'activité d'Air Lib. Comme l'a indiqué M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat aux transports et à la mer « (...) lorsque
j'ai conseillé au Premier ministre et à Gilles de Robien de
tirer le rideau, c'est avant l'arrivée de M. de Vlieger, car
j'avais alors véritablement le sentiment que plus rien n'était
possible, que rien de sérieux nous était présenté. C'est à ce
moment-là que j'ai proposé d'entamer le processus, ce qui fut
fait. Des réunions préparatoires ont eu lieu pour réfléchir à
l'acheminement des passagers et aux différents problèmes
techniques posés par une fin de l'activité d'Air Lib. »
Dans une lettre d'intention relative à l'éventuelle prise de
participation au capital d'Air Lib par le groupe IMCA, datée du
7 novembre 2002, il est précisé que sous certaines conditions,
dont la transformation du prêt du FDES en « un concours adapté
et acceptable pour Air Lib dans le cadre des règles de l'Union
européenne », « IMCA Group est prêt à apporter les millions
d'euros nécessaires. Nous avons en outre conscience que la
flotte actuelle d'Air Lib est absolument inadaptée. Dès lors,
nous sommes prêt à faire en sorte qu'Air Lib soit financièrement
en mesure de renouveler sa flotte d'avions (...). Nous agirons
en actionnaire actif et fidèle à l'appui de notre savoir-faire
dans le transport aérien et de l'assise capitalistique de notre
groupe. »
Cette annonce n'est pas sans conséquences sur les conclusions du
CSAM se tenant le 8 novembre. Ce dernier constate en
effet « que, en l'état, la situation financière de la compagnie
Air Lib, en dépit d'un prêt du FDES de 30,5 millions d'euros et
d'un moratoire sur les dettes publiques, atteignant près de
60 millions d'euros, ne lui permet pas de se prononcer en faveur
du maintien de la licence d'exploitation. Le Conseil attire
toutefois l'attention du ministre sur le fait que l'entreprise
fait état de contacts avec des investisseurs potentiels, dont
l'arrivée pourrait, selon elle, lui permettre à terme de
retrouver son équilibre financier. Sous la condition de la
présentation d'un plan de redressement crédible avant la date
d'expiration de sa licence actuelle, le Conseil estime que
celle-ci pourrait être prolongée d'une durée d'un mois. »
Pour les pouvoirs publics, l'arrivée d'un investisseur change la
donne. Dès le 12 novembre, Jean-Charles Corbet et
Erik de Vlieger, président d'IMCA, sont reçus par MM. Gilles de
Robien et Dominique Bussereau, en présence de représentants de
Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et de Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
Le 13 novembre a lieu une réunion interministérielle sous la
présidence de M. Gauthey, conseiller pour l'équipement et les
transports du Premier ministre. A cette occasion, le directeur
de cabinet du secrétaire d'Etat aux transports et à la mer
indique que : « M. Erik de Vlieger, président du groupe IMCA,
s'il a évoqué un remboursement des dettes fiscales dues à l'Etat
et un investissement d'environ 50 millions d'euros, n'a
toutefois pas donné des précisions sur les conditions dans
lesquelles s'effectuerait cette prise de participation. Il
ajoute que le groupe IMCA semble, pour l'essentiel, intéressé
par les créneaux horaires dont la compagnie Air Lib est
détentrice à Orly. »
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
estime pour sa part que « l'arrivée d'un nouvel investisseur
semble répondre au souhait de l'Etat et il convient d'expertiser
le sérieux de l'engagement du groupe IMCA, non seulement dans
les montants financiers qu'il envisage d'engager dans
l'opération, mais aussi sur les conditions de remboursement des
dettes dues par la compagnie. »
En conclusion, « le cabinet du Premier ministre considère que,
dans l'immédiat, l'entrée d'un nouvel investisseur dans le
capital d'Air Lib répond à l'exigence principale formulée par
les pouvoirs publics pour envisager la poursuite de
l'exploitation de la compagnie. Dès lors, il faudrait laisser un
délai raisonnable au groupe IMCA pour présenter à l'Etat un plan
de reprise crédible, que les services seront à même d'expertiser
dans le cadre des travaux menés par le conciliateur qui pourrait
être nommé par le président du tribunal de commerce de Créteil.
Il estime que, malgré les difficultés chroniques de trésorerie
que connaît Air Lib, le gouvernement ne peut se désengager d'une
situation qui perdure depuis un an et propose de prolonger au
31 janvier 2003 la licence d'exploitation d'Air Lib afin que le
président du groupe IMCA soit en mesure de faire des
propositions de reprise. De même, afin de laisser à la compagnie
les moyens de continuer son exploitation dans l'attente de la
décision du groupe IMCA, il convient de proroger jusqu'au 9
janvier 2003 l'exigibilité du prêt FDES et du moratoire des
dettes fiscales et sociales dues par Air Lib. En outre, il
demande que, durant cet ultime délai, l'exigibilité des
paiements des cotisations sociales et des taxes dus au titre des
mois de novembre et décembre soit provisoirement suspendue. »
Dans un communiqué du 13 novembre 2002, le ministère des
transports annonce donc le report des échéances, avec le
prolongement de la licence d'exploitation jusqu'au 31 janvier
2003 et le report au 9 janvier 2003 du remboursement des dettes
publiques d'Air Lib faisant l'objet d'un moratoire ainsi que du
prêt du FDES.
HISTORIQUE DE LA LICENCE D'EXPLOITATION
ACCORDEE A AIR LIB
_ A la suite du dépôt de bilan d'AOM et d'Air Liberté en juin
2001, plusieurs dossiers de reprise ont été présentés et
examinés par le CSAM lors des séances des 18 et 25 juillet 2001.
Concernant en particulier le projet Holco, le CSAM a émis « un
avis favorable à la délivrance d'une licence d'exploitation de
transporteur aérien et de l'autorisation d'exploiter (...) à la
société d'exploitation AOM-Air Liberté SA, filiale de la société
Holco, dans le cas où celle-ci serait retenue comme cessionnaire
des actifs des sociétés Air Liberté AOM, Air Liberté et TAT
European Airlines sous réserve que (...) ses fonds propres et/ou
quasi fonds propres soit portés le plus rapidement possible à un
montant de 2,375 milliards de francs, dont au moins 1,5 milliard
de francs libérés en numéraire préalablement au début de
l'exploitation. » Afin de permettre la continuité de
l'exploitation, dans l'attente de la signature des actes de
cession, le tribunal a autorisé Holco à prendre en
location-gérance ces compagnies.
A la suite de l'avis du CSAM et de la décision du tribunal de
commerce, le ministre a décidé du principe de l'octroi d'une
licence d'exploitation à la filiale d'Holco dès lors que les
conditions juridiques seraient réunies (signature du contrat de
location gérance notamment). Dans l'attente de la signature de
ce contrat de location-gérance, la compagnie a poursuivi son
exploitation dans le cadre des seules autorisations des
compagnies Air Liberté AOM, Air Liberté et TAT EA.
Lors de sa séance du 31 octobre 2001, l'avis du CSAM a été
sollicité sur la question du renouvellement de la licence
d'exploitation temporaire de transporteur aérien des compagnies
Air Liberté AOM (ex-AOM Minerve SA), Air Liberté et TAT EA
jusqu'au 31 janvier 2002 (date limite fixée par le tribunal de
commerce pour la signature des actes de cession). Le CSAM a émis
un avis favorable, suivi par le ministre, à la prolongation de
la licence temporaire d'exploitation jusqu'au 31 janvier 2002.
Le contrat de location gérance entre Air Lib et Air Liberté AOM,
Air Liberté et TAT EA a été signé le 24 octobre 2001, ce qui a
rendu possible l'octroi d'une licence d'exploitation à Air Lib.
Cependant, le contexte était modifié par rapport à juillet 2001,
date initiale d'examen du dossier de reprise, compte tenu de
l'impact des événements du 11 septembre sur Air Lib. En dépit de
cette situation très incertaine, le ministre des transports a
décidé de délivrer à Air Lib, par arrêté du 11 décembre 2001,
une licence d'exploitation temporaire de transporteur aérien,
valable jusqu'au 15 mars 2002. Cette licence d'exploitation a
ainsi été dès le départ, et de manière assez exceptionnelle,
temporaire compte tenu de la situation financière dégradée de
l'entreprise ; elle a été prolongée une première fois jusqu'au
15 avril 2002, dans l'attente de son réexamen par le CSAM.
_ La situation et les garanties financières d'Air Lib ont été
examinées par le CSAM lors de sa séance du 27 mars 2002. Il a
émis un avis favorable au renouvellement de cette licence
d'exploitation temporaire jusqu'au 31 décembre 2002 afin de
permettre à la compagnie de mettre effectivement en œuvre un
plan de restructuration financière et de l'exploitation. Le
ministre des transports n'a toutefois renouvelé cette licence
que jusqu'au 31 octobre 2002, ainsi que l'y invitaient ses
services, compte tenu de la situation financière de
l'entreprise. La licence a ensuite été prorogée jusqu'au
15 novembre 2002 dans l'attente de son réexamen par le CSAM.
Lors de sa séance du 8 novembre 2002, compte tenu de l'annonce
de contact avec des investisseurs potentiels, le CSAM a estimé
que la licence pouvait être prolongée d'un mois. Le gouvernement
a alors décidé de proroger la validité de la licence temporaire
d'exploitation de transporteur aérien de la compagnie jusqu'au
31 janvier 2003.
Le 31 janvier 2003, compte tenu de l'avancement de la procédure
de conciliation et afin de permettre la consultation du CSAM en
vue du réexamen de la licence d'exploitation de la compagnie, le
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer a décidé de proroger la validité de cette
licence jusqu'au 5 février 2003, tout en précisant que cette
licence pouvait être suspendue le 4 février à minuit si le
protocole de conciliation n'était pas signé à cette date, comme
s'y était engagé la société IMCA par courrier du 31 janvier
2003.
Les discussions entre Air Lib et Airbus se sont poursuivies
pendant la nuit du 5 au 6 février. Face au refus d'IMCA de
signer le protocole de conciliation, le ministre a tiré les
conséquences de l'avis du CSAM du 5 février 2003 La licence
d'exploitation de la compagnie n'a pas été renouvelée et Air Lib
n'a donc plus été autorisée, à compter du 5 février à minuit, à
réaliser une activité de transport aérien public, sous réserve
du déroulement des deux vols encore en cours à cette heure.
Quelles étaient alors les informations dont disposait le
gouvernement sur IMCA à cette date ? Comme l'a indiqué M. Michel
Wachenheim, directeur général de l'aviation civile, « les
informations dont nous disposions au sujet de M. de Vlieger et
de son sérieux provenaient du ministère. Le cabinet a fait
enquêter sur cette société par l'ambassade de France aux
Pays-Bas. Les réponses étaient rassurantes. Pour notre part,
nous n'avons pas mené d'enquête particulière. »
Il apparaissait ainsi que, tirant son origine et sa fortune
d'une société de machines à coudre localisée à Haarlem, le
groupe IMCA s'était progressivement diversifié dans des secteurs
d'activités très différents : le textile, l'immobilier, le
nautisme, les médias et récemment le transport aérien. La
diversification dans ce domaine s'est faite dans le secteur de
compagnies à bas coût opérant sur des aéroports régionaux. Ces
compagnies sont Air Exel (en liaison avec l'opérateur KLM),
FlyMetropolis et Tulip Air. Le groupe, dirigé par Erik de
Vlieger, a gardé de ses origines une structure familiale. Dans
la phase de démarrage des négociations, il s'est présenté comme
un groupe réalisant un chiffre d'affaires de 400 millions
d'euros (dont 70 millions d'euros dans le transport aérien) pour
une taille de 1 000 employés. Pour autant, les informations
rendues publiques par IMCA étaient lacunaires, les éléments
financiers étant difficiles à recouper, en particulier du fait
de leur imprécision.
M. Jean-Claude Jouffroy, directeur de cabinet du secrétaire
d'Etat aux transports et à la mer, a noté qu'à l'époque,
IMCA « semble un peu crédible parce qu'il a une petite activité
en matière de transport aérien ».
_ Jusqu'à la fin de l'année 2002 et même au début de l'année
2003, IMCA apparaît comme un investisseur assez peu motivé.
Dans une lettre du 4 décembre 2002 adressée à Me Hubert Lafont,
Erik de Vlieger détaille ses intentions : « Le groupe IMCA est
prêt, avec toute son équipe, à prendre la responsabilité totale
du projet (...) et de faire d'Air Lib un succès grandissant dans
et en dehors de l'Europe. La réalisation du redressement, la
séparation opérationnelle entre long et moyen courrier
accompagné de toute l'organisation, le marketing seront les
terrains d'attentions principaux. Notre redressement concerne la
recherche de chiffre d'affaires additionnel et non la diminution
de l'effectif du personnel. Ceci ne veut pas dire que le nombre
des employés actuel complet peut être maintenu, même si cela est
pour nous un objectif. Pour réaliser un chiffre d'affaires plus
important, nous voulons renouveler la flotte actuelle d'Air Lib
Express, consistante en dix-sept MD82 vieillissants. En doublant
en 2003 le réseau de destinations, nous parlons d'un nombre
significatif d'appareils supplémentaires. Les conditions
d'intégration de cette nouvelle flotte au sein d'Air Lib et ses
conséquences devront faire l'objet d'études précises, complètes.
Nous souhaitons notamment étudier les possibilités d'intégrer
tout ou partie de ce renouvellement de flotte dans le cadre du
GIE fiscal dont Air Lib et ses conseils nous ont parlé. Malgré
les risques courus par le groupe IMCA, nous ne prévoyons pas de
garanties nécessaires de l'état pour le leasing et le
financement. Dès ce moment-là, Air Lib sera un acteur européen
et pourra affronter et vaincre la concurrence féroce des
anglo-saxons dans l'aviation européenne pour les régions
décrites. »
Toutefois, en ce qui concerne les négociations avec l'Etat, tout
semble continuer de la même manière qu'avant l'arrivée d'IMCA,
Jean-Charles Corbet jouant le premier rôle dans les réunions,
tandis qu'IMCA apparaissait en retrait. M. Jean-Claude Jouffroy
a ainsi noté : « Avec Pierre Graff, nous avons revu
Erik de Vlieger sans que nous ayons pour autant des contacts
aussi fréquents qu'avec Corbet. » Et de souligner, plus
loin : « J'ajoute qu'IMCA n'apparaît toujours pas dans les
affaires. A l'occasion de toutes ces relations, c'était toujours
Air Lib, c'est-à-dire Jean-Charles Corbet ou ses collaborateurs.
Sur les documents, sur les différentes propositions sur le
financement, IMCA n'apparaissait jamais ! J'insiste bien sur ce
point, malgré toutes les lettres de bonnes intentions qu'IMCA
nous envoyait. »
De plus, « lors d'une des réunions qui vont suivre ces dates-là,
j'ai eu fortement l'impression que le représentant du groupe
IMCA - M. de Vlieger ou peut-être son avocat, je ne me souviens
plus très bien - n'était pas très au courant du plan de
restructuration qui avait été monté par M. Corbet. »
De fait, il est curieux de constater qu'IMCA n'apparaît pas dans
les nouvelles versions du plan de restructuration présenté par
Air Lib. Comme l'indique M. Jean-Claude Jouffroy, « Nous étions
donc le 13 novembre. Air Lib et IMCA repartent après les
réunions que j'ai citées pour faire un plan de restructuration,
plan appelé par Jean-Charles Corbet « Plan Mermoz », lequel nous
est remis le 20 décembre très exactement de l'année dernière. Ce
plan nous a paru à nouveau très bizarre. Contrairement à ce que
l'on commençait à penser d'abord, c'était une réplique du
premier plan de restructuration sur lequel nous n'étions pas
d'accord. Quand vous verrez les documents, vous comprendrez tout
de suite ce que je veux dire ! Deuxièmement, IMCA qui,
soi-disant - et maintenant je peux dire « soi-disant » - était
le nouvel investisseur n'était strictement pas cité. C'était
quand même bizarre ! Troisièmement, c'était l'Etat qui était
proposé pour financer le plan de restructuration avec deux
conditions. »
Dans une lettre du 27 décembre 2002 adressée à Jean-Charles
Corbet, MM. Gilles de Robien et Dominique Bussereau, relèvent en
effet que « pour financer vos besoins de restructuration, votre
proposition financière consiste exclusivement à demander à
l'Etat une aide de 282 millions d'euros (...) se décomposant
en :
- un abandon de créance de la part de l'Etat de 110,5 millions
d'euros (les 30,5 millions du prêt FDES augmentés du moratoire
sur les dettes publiques)
- un « subside non remboursable » que vous chiffrez à
172 millions d'euros, avec versement d'une première tranche de
52 millions d'euros.
Ainsi, au lieu de proposer une restructuration de votre
entreprise par un financement faisant appel à un ou des
investisseurs privés pour être en conformité avec les règles
communautaires, vous faites supporter la quasi-totalité de la
charge financière à l'Etat. En conséquence, en l'état,
c'est-à-dire à défaut d'un engagement, ferme et irréversible,
d'un investisseur en mesure de valider votre plan et de
s'engager sur la totalité des nouveaux financements nécessaires
ainsi que sur la prise en charge du passif dû aux collectivités
publiques, le gouvernement français ne pourra transmettre ce
document à la Commission européenne. »
L'absence de coordination entre Air Lib et IMCA apparaît encore
présente dans le plan transmis par Air Lib le 8 janvier 2003.
Comme le relève une note du directeur du Trésor au ministre en
date du 13 janvier 2003 (0052CD), le nouveau plan ne comprend
pas de plan de financement cohérent et repose sur la version la
plus offensive des projets de développement présentés
antérieurement. « Le besoin de financement y est estimé pour la
période avril 2003-été 2003 à 198 millions d'euros. Les
financements annoncés sont de 296 millions d'euros mais restent
hypothétiques : un emprunt de 172 millions d'euros d'origine non
spécifiée, un flux produit par des GIE fiscaux de 30 millions
d'euros (le chiffre cité oralement était toutefois de
100 millions d'euros pour une assiette de 400 millions d'euros),
la cession d'actifs (filiales d'Holco - fournisseurs d'Air Lib)
pour 30 millions d'euros et la liquidité de la créance Swissair
pour 61 millions d'euros. Le plan présenté le 9 janvier et les
lettres du 10 janvier confirment la faible préparation du
dossier par l'investisseur pressenti. La société IMCA déclare ne
pas avoir une connaissance précise du passif de Air Lib
vis-à-vis de l'Etat et manifeste clairement qu'elle constitue un
intervenant distinct de la société Air Lib. Au demeurant ces
documents sont contradictoires puisque le président d'Air Lib
envisage un échéancier ferme de remboursement des dettes
vis-à-vis de l'Etat tandis que IMCA ne prévoit un remboursement
qu'à compter du retour à une exploitation positive de Air Lib. »
Face à ces difficultés persistantes, l'Etat fait valoir plus
fermement ses exigences. Un fax adressé à Me Lafont le 9 janvier
par MM. Jean-Claude Jouffroy et Pierre Graff, respectivement
directeur de cabinet de MM. Dominique Bussereau et Gilles
de Robien, demande des réponses sur les points suivants :
- confirmation par IMCA de l'apport de 150 millions d'euros,
pour financer la modernisation de la flotte ;
- confirmation par IMCA de l'apport de 50 à 70 millions d'euros
pour compléter le financement du plan de restructuration, tel
qu'il est proposé ;
- confirmation par Air Lib de la reprise des paiements courants
à l'Etat et aux collectivités publiques à la date du 11 janvier
et garantie d'IMCA sur ce point ;
- confirmation par Air Lib du remboursement des dettes
publiques, assorti d'un échéancier rapproché.
_ A la fin du mois de janvier 2003, la situation semble se
débloquer. Par une lettre en date du 25 janvier, le
vice-président d'IMCA accepte notamment la reprise des paiements
courants à compter du 9 janvier, sous réserve d'un accord
d'étalement du remboursement des dettes publiques antérieures au
9 janvier sur une période pouvant aller jusqu'à sept ans.
Un protocole de conciliation entre l'Etat, Air Lib et IMCA est
élaboré le 30 janvier 2003. Il précise notamment qu'Holco
accepterait de céder une participation à IMCA de 50 % du capital
qu'elle détient sur Air Lib, IMCA apporterait, dans l'immédiat,
70 millions d'euros pour aider au plan de restructuration. De
plus, la holding Holco apporterait à Air Lib la créance qu'elle
détient sur Swissair, d'un montant nominal de 60 millions
d'euros. Ces engagements permettraient de procéder à une
reconstitution des fonds propres, à une reprise des paiements
courants et à un apurement des dettes dues à l'Etat à compter de
juillet 2003, selon un échéancier étalé sur 8 ans.
L'Etat, pour sa part, a accepté de lever le nantissement qu'il
avait pris au titre du prêt du FDES sur la créance que détient
Air Lib sur Swissair. Il a également promis l'octroi par le
ministère des transports de droits de trafic vers neuf pays
africains.
La date limite prévue pour l'homologation du protocole était le
10 février.
Comme l'a noté Me Lafont, ce protocole était plutôt favorable à
IMCA : « En annexe du protocole de conciliation accepté par
M. de Vlieger se trouvait un état de ce passif arrêté d'un
commun accord et coïncidant entre les décomptes du ministère des
finances concernant les droits et taxes et la comptabilité
d'Air Lib. Cette somme s'élevait à 30,5 millions d'euros plus
1,442 million et 90 millions pour cette période. Auxquels
s'ajoutaient 18,5 millions pour la période allant du 9 janvier
au 14 mars. Ce sont les chiffres sur lesquels il y avait
concordance. Aucune somme n'était due à des fournisseurs de
quelque nature, en dehors peut-être d'un stylo à bille.(...)
M. de Vlieger reprenait le passif sur huit ans : sept ans plus
une année de franchise, plus les intérêts a posteriori, in fine.
Cela ne faisait pas grand chose chaque année. Deuxièmement,
M. de Vlieger refinançait la caisse en apportant les
24,5 millions d'euros nécessaires pour permettre un
fonctionnement normal et se trouvait en face d'un trend
d'exploitation tel que l'on en arrivait à fin juin 2003 à un
équilibre au niveau de l'exploitation, mais pas des frais de
structure. Normalement donc, en ne payant plus le passif et en
ayant des années de moratoire, en ayant une exploitation et un
remplissage qui permettaient à M. de Vlieger de fonctionner en
couvrant les frais directs d'exploitation, il devait pouvoir
rentabiliser l'entreprise. »
Pourtant, à partir de ce moment, l'investisseur putatif allait
multiplier les exigences.
3.- Les ultimes manœuvres dilatoires d'IMCA
_ Début février, IMCA subordonne sa signature du protocole de
conciliation à un accord sur deux « conditions mineures »,
portant, d'une part, sur un accord avec les syndicats d'Air Lib,
tout particulièrement la CGT, et, d'autre part, sur un « marché
raisonnable avec Airbus concernant l'achat de 10 à 20 appareils
A320, incluant une injection financière pour Air Lib.»3
Dans une lettre adressée le 3 février à Erik de Vlieger, Me
Hubert Lafont s'émeut du tour que prend l'affaire : « je suis
surpris de constater que des demandes nouvelles sont formulées
pratiquement chaque jour, alors que le texte du protocole est
entre vos mains depuis plusieurs jours (...) Dois-je en conclure
que toutes vos interventions, que toutes les recherches que vous
avez effectuées, les démarches que vous avez fait entreprendre
ne sont qu'un leurre, et que votre volonté bruyamment affichée
de reprendre Air Lib n'aura été qu'une vaste « comédie ». »
Les ultimes exigences d'IMCA sont précisées dans un courrier
adressé par fax à Me Hubert Lafont le 5 février 2003, signé par
le vice-président d'IMCA, Harm Prins. Il y est tout d'abord
demandé que « l'Etat, de son côté, [confirme] son accord pour la
mise en œuvre de GIE dérogatoires (sur les sept premiers avions)
identiques dans leur principe et leurs effets aux deux GIE déjà
obtenus par Air Lib pour l'achat de deux Airbus A380
(...). Ainsi, l'Etat prend acte et s'engage à tout faire pour
permettre à l'entreprise, tel que prévu initialement, de
bénéficier de 18 % du prix de vente des avions aux GIE, soit :
18 % de (7 x 55 = 385), soit un avantage final pour l'entreprise
de 69,3 millions. »
Sur cette question, la réponse de M. Pierre Graff, directeur de
cabinet de M. Gilles de Robien, figure dans un courrier du
5 février adressé à Me Lafont : « Lors de la négociation du
protocole de conciliation, l'Etat a clairement fait savoir que
les GIE dérogatoires qui avaient été accordés par le passé
n'étaient pas remis en cause. Au-delà, les GIE ne peuvent pas
être dérogatoires et sont régis par les conditions de droit
commun. »
La deuxième et principale demande d'IMCA concernait Airbus, en
exigeant un « engagement irrévocable d'Airbus de faire
bénéficier IMCA ALN d'avantages commerciaux complémentaires
correspondant au montant des deposit Flightlease. De façon plus
précise, Airbus doit s'engager à faire bénéficier immédiatement
(en trois tranches : 1/3 décembre 2003, 1/3 juillet 2004 et 1/3
décembre 2004) IMCA ALN des fonds correspondant aux deposit
Flightlease/Airbus/AOM/Air Lib (54 USD). »
Les négociations ultimes sur ce point entre Airbus et IMCA
auront lieu au ministère des transports. Comme l'a relaté
M. Jean-Claude Jouffroy, « sans intervenir et sans que nous
soyons présents - j'insiste bien sur ce point parce que sur le
plan juridique nous faisions extrêmement attention - le mercredi
nous avons fait venir à l'Hôtel de Roquelaure les représentants
d'IMCA. D'ailleurs, ce n'est pas le président qui s'est déplacé
lui-même, c'est son avocat. Je donne quelques détails car ils
ont leur importance. Nous les avons fait venir dans une pièce de
l'Hôtel de Roquelaure et nous les avons mis en relation
téléphonique avec Airbus. L'entretien a dû commencer dans la
soirée - ils étaient en retard - et ils ont discuté toute la
nuit. Gilles de Robien et Dominique Bussereau étaient à côté. A
quatre heures du matin, quel était le résultat ? Pas d'entente,
pas de signature du protocole. »
Lors de son audition, M. Noël Forgeard, directeur exécutif
d'Airbus, a souligné que quelles qu'aient pu être les conditions
tarifaires consenties par Airbus à IMCA, « de toute façon, nous
aurions buté sur un élément incontournable qui était la volonté
claire de M. de Vlieger de ne pas sortir d'argent, mais d'en
recevoir de notre part. Il était, de toute façon, hors de
question pour lui de payer le moindre acompte, et toute réunion
comportait invariablement la référence aux 50 millions de
dollars. Les avions n'étaient qu'un prétexte, il n'avait aucun
souci de comprendre ce qu'était un avion, quels seraient
l'aménagement de la cabine, la densité, l'écartement des
sièges... Cela prouve qu'il n'avait aucune intention
probablement d'exploiter à court terme des avions. (...) Lors de
nos discussions, il ne considérait pas ces 50 millions de
dollars comme un acompte, il espérait bel et bien les récupérer
en cash et sur-le-champ. »
Cette intention d'IMCA apparaît de façon limpide dans un
courrier adressé le 11 février 2003 au Président de la
République par Erik de Vlieger : « Alors que le protocole de
conciliation devait être signé grâce aux efforts des
organisations syndicales et de l'Etat, nous avons dû seuls faire
face à l'intransigeance d'Airbus. Notre dernière contrainte est
de ne pas supporter économiquement la charge équivalente à une
enveloppe de 54 millions d'euros aujourd'hui disparue. Cette
somme correspond aux acomptes versés à Airbus par les anciens
actionnaires d'AOM pour l'achat de deux Airbus A340. A la
demande de M. Gaston Flosse, ces deux avions ont été vendus en
août 2002 à Air Tahiti Nui. Nous en avons pris acte, mais à
aucun moment le principe qu'Air Lib puisse profiter de l'avance
n'a été remis en cause. Cette enveloppe de 54 millions d'euros
reste à ce jour le seul obstacle à la conclusion d'un accord
global. »
Comment analyser un tel comportement ? Sur cette question,
l'analyse de Me Hubert Lafont mérite d'être citée : « Je ne sais
pas si vous vous souvenez de ce que disait Spinoza en parlant
des Hollandais ; je vais le citer en latin : « Ultimi
barbarorum ». M. de Vlieger s'est comporté comme un barbare. À
partir du moment où il a pressenti qu'il mettrait la main sur
cette affaire, il a multiplié les exigences. Il a multiplié les
indélicatesses à l'égard du politique : ses lettres ont été
publiées dans les journaux, elles ne sont pas couvertes par le
secret. Il écrivait en direct aux ministres ou au Président de
la République ; ses lettres commençaient par « Mon cher
monsieur » et exprimaient ses desiderata. (...) Lorsque les
chiffres sont ensuite apparus et que M. de Vlieger a compris
qu'il devait apporter en financement direct des sommes
importantes, puisque les sommes arrêtées étaient respectivement
18,5 millions d'euros, 30 millions de financement et 70 millions
de lettres de confort, il semble que, dans sa famille, son père,
l'animateur du groupe, et ses frères et sœurs, aient eu une
réticence à s'engager sur des sommes de cette importance. Ce qui
expliquerait qu'il ait essayé de s'en sortir en multipliant des
exigences nouvelles à chaque fois qu'il obtenait satisfaction
sur une précédente, et qu'il ait en définitive fait échouer
volontairement la reprise. »
_ Pour l'Etat, l'échec des négociations était désormais patent.
Lors de sa réunion du 5 février 2003, le CSAM avait
décidé : « Compte tenu de l'engagement de l'investisseur
potentiel IMCA de signer un protocole de consignation avant le
4 février 2003, délai de rigueur, le conseil supérieur de
l'aviation marchande s'est réuni le 5 février 2003, et a
constaté l'absence d'une telle signature. Dans l'intérêt du
transport aérien, le CSAM a émis un avis favorable à la
transformation de la licence d'exploitation temporaire de la
société d'exploitation AOM-Air Liberté (Air Lib) en licence
permanente, à condition que le protocole de conciliation soit
signé, et que soient produites en particulier les garanties
financières afférentes, d'ici le mercredi 5 février 2003 à
minuit. »
Par une lettre du même jour, adressée au PDG d'Air Lib, le
directeur général de l'aviation civile indiquait que le ministre
de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer avait décidé de suivre cet avis.
Compte tenu de l'absence de signature du protocole de
conciliation, la compagnie ne pouvait plus être autorisée, à
compter du 5 à minuit, à réaliser une activité de transport
aérien public, sous réserve du déroulement des deux vols en
provenance des DOM dont l'arrivée à Paris était prévue pour le
6 février.
Le 13 février, la société d'exploitation AOM-Air Liberté se
déclarait en cessation de paiement et le 17 février le tribunal
de commerce de Créteil ouvrait une procédure de liquidation
judiciaire. Cette procédure a été étendue par la suite aux
sociétés suivantes :
- la SAS Minerve Antilles Guyane a été placée en liquidation
judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de
Pointe-à-Pitre du 14 mars 2003 ;
- la SAS Air Lib Technics, ayant pour objet la maintenance des
appareils, a été placée en redressement judiciaire le 27 février
2003 par le tribunal de commerce de Créteil. La liquidation
judiciaire a été prononcée le 20 mars 2003 ;
- La SAS Hotavia Restauration Services SN a été placée en
redressement judiciaire le 6 mars 2003, puis en liquidation
judiciaire le 3 avril 2003.
Aucune des autres filiales dont le siège est situé en France
(Service Assistance Piste, Service Assistance Avion, Alyzair et
Logitair) n'est placée en redressement ou en liquidation
judiciaire à la date du 2 mai 2003.
On peut noter qu'Holco n'est pas comprise dans le périmètre de
la liquidation. Sur ce point, lors de son audition M. Christian
Rousselin, président du tribunal de commerce de Créteil a jugé
que l'extension à l'ensemble des filiales du groupe Holco de la
liquidation judiciaire était « impossible » :
« Premièrement, parce que le tribunal ne peut statuer que sur ce
qu'on lui demande. Je vous rappelle que, quel que soit le
tribunal - sauf dans les cas où il peut se saisir d'office ou
quand il est saisi par le ministère public - il ne peut pas
statuer sur autre chose que ce qui lui est demandé. A défaut, ce
serait statuer ultra petita. En l'espèce, apprenant que la
conciliation était un échec, j'ai informé la société Air Lib
qu'elle devait déposer son bilan et j'ai prévenu les dirigeants
qu'ils engageraient leur responsabilité personnelle s'ils ne le
faisaient pas. La société Air Lib a donc effectué sa déclaration
de cessation de paiement. Les autres entreprises n'ont pas
effectué de déclaration de cessation de paiement.(...)
M. le Rapporteur : Qui peut demander l'extension ?
M. Christian ROUSSELIN : C'est le même problème que celui des
avions, évoqué tout à l'heure. La remise en question des actes
litigieux qui auraient été passés de manière irrégulière pendant
toute la période de fonctionnement, ce sont les organes de la
procédure collective qui ont pour mission de rechercher les
actifs existants et qui vont également rechercher s'il n'y a pas
lieu à extension.
Cela étant, nous sommes dans un pays où la séparation des
patrimoines est de droit. Aujourd'hui - il suffit de lire les
journaux pour constater qu'un autre tribunal a rendu une
décision de même nature - en matière d'extension, seuls deux
critères peuvent être retenus. (...)
Le principe est celui de la séparation des patrimoines,
c'est-à-dire que toute société bénéficiant de la personnalité
morale a un patrimoine qui lui est propre et fonctionne seule.
Deux critères sont à retenir en matière d'extension. Soit la
fictivité des entreprises, c'est-à-dire que des entreprises ont
été créées pour les besoins de la cause, n'ont aucune réalité
économique et aucun patrimoine. C'est comme si on filialisait un
département dans une entreprise. Soit l'interpénétration des
patrimoines, c'est-à-dire que les mouvements de capitaux entre
les entreprises sont tels qu'il n'est pas possible de déterminer
quel est l'actif ou le passif réel des entreprises concernées.
Si des opérations et des mouvements de capitaux anormaux ont été
effectués entre les différentes entreprises, la loi prévoit que
toutes ces opérations sont annulables. Par conséquent, il
appartient aux mandataires liquidateurs, en charge de l'intérêt
de la collectivité des créanciers, d'en demander l'annulation au
tribunal. »
Quelles ont été les démarches entreprises pour récupérer les
charges publiques impayées ?
S'agissant de l'Etat, le prêt du FDES figure au passif d'Air Lib
et la créance a été déclarée au liquidateur. Le suivi de la
procédure a été confié à la trésorerie générale des créances
spéciales du trésor.
En ce qui concerne les autres créances publiques, c'est aux
organes sociaux de chaque créancier qu'il appartient de déclarer
ses propres créances au liquidateur, dans un délai de deux mois
à compter de la publication du jugement de liquidation.
Cet épilogue provisoire est donc peu satisfaisant car l'Etat
n'est pas assuré de recouvrer ses créances alors que
l'actionnaire principal d'Holco échappe, pour le moment, aux
conséquences de la disparition d'une compagnie qu'il a acquise
sans débourser un euro.
La commission n'a pu établir quel était le montant des capitaux
détenus aujourd'hui par la SAS Holco. La question a été posée à
M. Corbet
« M. le Président : Aujourd'hui, 27 mai, vous êtes toujours
président de Holco SAS, toujours responsable de Holco Lux. Je ne
sais pas si vous êtes toujours responsable de Mermoz UA, car
vous étiez propriétaire à cent pour cent. En l'occurrence, des
questions vous seront posées tout à l'heure.
Aujourd'hui, à combien estimez-vous les avoirs en trésorerie des
sociétés dont vous êtes toujours responsable ? J'entends l'actif
globalisé, le capital. Utilisez toutes les appellations que l'on
peut donner à des avoirs en termes financiers ou capitaux ou
éventuellement meubles et immeubles. A combien estimez-vous ces
avoirs globalisés ?
M. Jean-Charles CORBET : Il est impossible de répondre à une
telle question. Je vous ferai un compte rendu. C'est quelque
chose que nous sommes en train de réaliser dans le cadre d'une
enquête judiciaire. Je vous le transmettrai.
M. le Président : Vous ne savez pas aujourd'hui combien il y a
dans les caisses de Holco Lux ?
M. Jean-Charles CORBET : Non, dans les caisses de Holco Lux, il
doit rester aujourd'hui 600 000 euros...
M. le Président : Sur les cinq millions ? (Acquiescement de
M. Corbet.) Comment avez-vous utilisé la différence entre
600 000 et cinq millions ?
M. Jean-Charles CORBET : On a continué à payer des conseils, à
payer le combat contre les Suisses.
M. le Président : Avec Holco Lux ?
M. Jean-Charles CORBET : Avec Holco Lux et ....
M. le Président : Je vous parle de Holco Lux.
M. Jean-Charles CORBET : Oui, Holco a un compte courant chez
Holco Lux.
M. le Président : On passe d'une question à une autre. Si vous
avez payé le combat contre les Suisses avec Holco Lux, comment
expliquez-vous la facture de 9 millions d'euros pour le combat
contre les Suisses sur Mermoz UA ? Je crois que le Rapporteur
vous interrogera là-dessus.
M. Jean-Charles CORBET : Je vais répondre tout de suite.
M. le Président : Le Rapporteur vous interrogera après, monsieur
Corbet. Je vous demande simplement de combien disposez-vous
aujourd'hui, monsieur Corbet, président des différentes sociétés
Holco, en avoir, en capital, en trésorerie et autres. Vous me
dites : "Je ne sais pas ».
M. Jean-Charles CORBET : Je dirai que c'est inférieur à un
million d'euros.
M. le Président : Capital compris ? Tout compris ? (signe
d'acquiescement de M. Corbet)
M. Jean-Charles CORBET : Disponible ! On parle bien de sommes
disponibles. »
En réalité, il est possible que le capital d'Holco soit un jour
très supérieur à la somme avancée par son président. En effet,
Holco est potentiellement détentrice d'un capital immobilier et
peut encore prétendre récupérer la dette de Swissair que les
avocats d'Holco estiment à 62,94 millions d'euros4.
Evoquant la séparation des patrimoines, M. Jean-Charles Corbet a
déclaré : « Aux six organisations syndicales qui disent en fait
qu'il y a aujourd'hui une confusion de patrimoine entre Holco et
Air Lib, je réponds que les conditions juridiques de la
confusion de patrimoine ne sont pas réunies. L'autonomie des
personnes morales a été respectée. Aujourd'hui, j'entends
utiliser l'autonomie de ces personnes morales pour aller au bout
d'une démarche qui me permettra à terme d'apporter aux salariés
un certain nombre de réponses quant à leur reclassement.
Aujourd'hui, Holco est la seule qui a qualité et intérêt à agir
pour poursuivre les Suisses « jusqu'au bout du monde » comme je
l'avais indiqué au CIRI. Nous avons obtenu un jugement important
le 21 mai dernier puisque la Cour d'appel de Paris nous a donné
raison car, face au contredit suisse, ce sont les tribunaux
français qui jugeront. Cela augmente les chances pour Holco de
récupérer la dette que les Suisses ont tant au regard de Holco
que d'Air Lib. »
Quel sera l'usage que fera le groupe de ces sommes dans
l'hypothèse où Holco obtiendrait gain de cause au terme d'une
longue procédure ? Peut-on croire que son président les
consacrera au reclassement des salariés ?
4.- Les avions seraient devenus la propriété de M. de Vlieger
Il semble que M. de Vlieger soit aujourd'hui le propriétaire de
Mermoz alors qu'il n'a effectué aucun investissement dans Air
Lib. Rappelons que Mermoz Aviation Ireland, filiale à 100 % de
Mermoz, est la structure à laquelle sont rattachés les avions,
principal actif matériel d'Air Lib.
Les avions cédés à M. de Vlieger l'auraient été dans les
conditions suivantes d'après Me Léonzi : dans le cadre des
négociations entre l'Etat et IMCA, repreneur potentiel d'Air
Lib, « l'Etat avait souhaité la reprise directe, immédiate, des
paiements courants. L'Etat, dans le protocole d'accord, avait
accepté qu'une caution garantie à première demande soit donnée
par IMCA sur le montant des dettes étatiques, courues ou à
courir, entre le 9 janvier, date où l'Etat décide de
l'exigibilité, et le 14 mars (...) le montant du fonds de
roulement à financer à risque par IMCA entre le 20 janvier et le
14 mars avait été arrêté à 24,5 millions d'euros. »
Les actions de Mermoz devaient permettre à IMCA d'avancer cette
somme de 24 millions d'euros : « les actions de Mermoz étaient
cédées à IMCA sous condition résolutoire de la réalisation de
l'entrée effective d'IMCA dans l'opération. C'est maintenant un
débat judiciaire. Pourquoi cette cession a-t-elle été convenue
sous condition résolutoire et non sous condition suspensive ? La
réponse est donnée par la chronologie. L'argent devait descendre
le lendemain ; chacun subodorait qu'IMCA allait financer les
24,5 millions grâce aux actifs qu'elle pouvait récupérer par ce
biais même si cela n'a pas été formulé. Ce qui s'est passé par
la suite, et qui est du pénal, c'est que les conditions
résolutoires [qui auraient dû résoudre l'ensemble des accords
passés]ont été acquises quasi immédiatement par l'effet de la
suspension de la licence, l'échec de la conciliation et la
liquidation d'Air Lib, mais que nonobstant l'acquisition de ces
clauses résolutoires, IMCA a effectué les formalités » et est
devenu détenteur des parts de Mermoz et de ses actifs. M. Corbet
a confirmé ces propos.
Les formalités en question n'apparaissent pas claires : la
société BNP Paribas Trust aurait physiquement détenu les titres
et, à la demande de M. de Vlieger, aurait procédé au changement
de propriétaire, sans même en référer à M. Corbet, a déclaré ce
dernier à la commission d'enquête. La BNP Paribas du Bénélux a
déclaré, dans les limites imposées par le secret bancaire, que
la banque se contente dans ces situations de tenir le livre
suivant les instructions des cabinets d'avocats (de toutes les
parties) en charge du dossier. Il est donc difficile d'imaginer
que M. Corbet ait pu ne pas en être averti.
M. Corbet et ses conseillers juridiques auraient pu céder les
parts de Mermoz sous une condition suspensive (les effets de
l'acte signé sont alors suspendus jusqu'à la réalisation de la
condition, ici, l'investissement d'IMCA dans Air Lib). Pourtant,
seule une condition résolutoire (la non réalisation de cet
investissement) était prévue pour permettre la résolution du
contrat. Me Léonzi, avocat de M. Corbet, aurait appris par la
presse que M. de Vlieger était devenu dirigeant de Mermoz le
23 janvier 2003 à la place de M. Corbet. Cela semble peu
vraisemblable.
Les deux dirigeants avaient signé un protocole formalisant leur
accord le 7 janvier 2003 ainsi que deux annexes datées des 7 et
18 janvier 2003. Leur objectif est le suivant : « les
parties [MM. De Vlieger et Corbet] seront actionnaires à parts
égales, directement ou par l'intermédiaire des sociétés qu'elles
auront choisi de se substituer, de la société d'exploitation
AOM-Air Liberté, de la société Mermoz UA et de toute société qui
sera jugée nécessaire à leur projet commun. » Par la signature
de ce protocole, M. Corbet a cédé 20 % de la participation
d'Holco dans Air Lib à IMCA.
En contrepartie des cessions et engagements de cession,
M. de Vlieger s'engage à apporter des financements pour le
« projet commun », cet engagement étant subordonné à la
condition suspensive de la réussite de la conciliation.
Le protocole prévoit que les cessions de parts prévues le sont
« exclusivement en contrepartie de la parfaite exécution de
l'engagement essentiel et déterminant de financement souscrit
par M. de Vlieger » et, qu'en conséquence, les cessions seront
résolues de plein droit en cas de défaillance de M. de Vlieger
dans l'exécution de son obligation de financement. L'accord sera
également résolu si les parties ne s'accordent pas sur un projet
commun avant le 31 janvier 2003.
L'annexe n°2 au protocole, datée du 18 janvier 2003, n'a pas
trait à la cession des avions mais à la cession des
participations de M. Corbet : « les parties s'engagent à passer
les accords de transfert de participations nécessaires à la mise
en œuvre du présent accord et dès à présent, la société Holco
cède 100%, sous les conditions ci-dessus stipulées, de sa
participation dans la société Cooperatie Mermoz UA à la société
Air Lib Nederland, société de droit hollandais » Plus
problématique est le paragraphe suivant d'après lequel : « Il
est entendu que M. Corbet s'engage à faire tout le nécessaire
pour que, sous les conditions prévues au présent accord, la
société Air Lib Nederland ait la libre disposition des avions
appartenant à la société Mermoz Aviation Ireland. »
En effet, il convient de rappeler que le tribunal de commerce de
Créteil avait explicitement prononcé l'inaliénabilité des fonds
de commerce des sociétés Air Liberté AOM, Air Liberté Indutrie,
Minerve Antilles Guyane, Hotavia Restauration Services et de
l'ensemble des avions appartenant à ces sociétés pendant deux
ans, sauf autorisation du tribunal. Cette mesure visait à
protéger l'activité de la compagnie et à éviter un démembrement
de ses actifs rendant impossible l'exploitation. Aucune
autorisation de vendre les avions n'a été donnée par le tribunal
de commerce de Créteil, comme l'a indiqué M. Rousselin,
président du tribunal de commerce de Créteil:
« M. le Rapporteur : D'après les déclarations que nous avons
recueillies, M. Corbet, en tant que président de la coopérative
Mermoz, société de droit hollandais, aurait souscrit à une
clause spécifiant, si j'ai bien compris, qu'il cédait des avions
dans l'hypothèse où la reprise par M. de Vlieger s'effectuerait.
Est-ce que ceci vous paraît conforme au jugement ?
M. Christian ROUSSELIN : Pas du tout. C'est tout à fait illicite
et si les faits sont confirmés, cette vente est nulle car les
avions ne pouvaient pas être cédés.
M. le Rapporteur : Et qui doit demander l'annulation de la
vente ?
M. Christian ROUSSELIN : Les organes de la procédure collective,
à commencer par ceux qui sont en train de travailler en ce
moment. Toutes les opérations qui auront été faites pendant
cette période vont être analysées en détail par les organes de
la procédure collective et les mandataires qui ont été désignés,
ainsi que par le juge-commissaire. »
Les avions ne pouvaient pas être cédés. Cependant, les parts de
la société Mermoz pouvaient vraisemblablement l'être, à la
condition que le nouveau propriétaire reprenne l'engagement de
ne pas céder les avions jusqu'au 27 juillet 2003. Ce n'est pas
ce que prévoit l'annexe n°2 au protocole signée par MM. Corbet
et de Vlieger, d'après lequel M. Corbet fera en sorte que
M. de Vlieger puisse disposer librement des avions.
Des poursuites ont été engagées par M. Corbet contre
M. de Vlieger.
Cependant, une question centrale demeure : M. Corbet a-t-il été
vraiment la victime de cette affaire ?
Quoi qu'il en soit, les autorités de tutelle n'ont été
aucunement averties des transferts d'actifs, et ce depuis la
reprise d'AOM-Air Liberté par Jean-Charles Corbet en
juillet 2001. Elles ne sont donc pas au courant des événements
les plus récents. La direction générale de l'aviation civile a
indiqué qu'entre le 1er juillet 2001 et le 1er février 2003,
seules deux mutations de propriété avaient été enregistrées au
bureau des immatriculations concernant Air Lib. Il s'agit :
- d'un DC-10, anciennement propriété d'AOM finance, qui aurait
été cédé à Mermoz. Cette opération a été enregistrée le 2 mai
2003 ;
- d'une mutation de propriété d'un DC-10 de Recherche Aviation
Group au profit de la société d'exploitation AOM-Air Liberté.
Cette opération a été enregistrée le 22 novembre 2002.
Mermoz ne serait donc propriétaire que d'un avion. On constate
en tout état de cause que l'information de la DGAC n'est
intervenue que très tardivement et que l'information transmise
est, pour le moins, parcellaire.
La DGAC a eu connaissance de la flotte réelle de Mermoz par les
audits Mazars et Guérard et KPMG en juillet 2002.
D'après la réglementation en vigueur, a indiqué la DGAC, « en
cas de transfert de propriété, l'ancien propriétaire doit
renvoyer le certificat d'immatriculation à la DGAC et le nouveau
propriétaire doit, dans les trois mois, déposer une requête aux
fins de transfert de propriété (article D. 121-20 du code de
l'aviation civile). Il arrive cependant que le nouvel acquéreur
n'exécute pas cette obligation. Aucune sanction n'est prévue
dans ce cas. Le propriétaire inscrit au registre du commerce
demeure alors responsable vis-à-vis des tiers en cas
d'accident.»
CONCLUSION
Compte tenu des handicaps accumulés par AOM-Air Liberté, le
succès d'un repreneur après le dépôt de bilan de la société
supposait une équipe compétente dans le domaine très particulier
de la gestion d'une compagnie aérienne, disposant de capitaux
importants et capable d'imposer des réformes sociales et de
structures considérables.
Or, force est de constater que l'équipe rassemblée par
Jean-Charles Corbet ne disposait d'aucun de ces atouts. La
capacité managériale apparaissait dès le départ plutôt limitée,
la caution apportée par d'anciens cadres d'Air France, parfois
retraités, ne faisant guère illusion. Les capitaux apportés par
les anciens actionnaires ne suffisaient pas à couvrir l'ensemble
des besoins pour assurer la survie et le développement de la
compagnie aérienne. Enfin, l'équipe dirigeante d'Air Lib a eu la
malchance de reprendre la société au moment même où l'ensemble
du transport aérien devait faire face aux conséquences des
attentats du 11 septembre 2001.
Quoi qu'il en soit, l'offre de reprise de Jean-Charles Corbet a
été choisie par le tribunal de commerce de Créteil, même si ce
dernier avait déjà relevé nombre de faiblesses dans le projet
présenté. Il est permis de penser que le tribunal a fait preuve
d'une certaine légèreté dans le choix de Jean-Charles Corbet et
de regretter que le suivi de l'exécution du plan de reprise
n'ait pas pu être effectué avec rigueur. A l'évidence, cette
décision soulageait bien des acteurs du dossier, qu'il s'agisse
du gouvernement, et plus particulièrement du ministère des
transports, voyant s'éloigner pour un temps au moins la menace
d'un dépôt de bilan douloureux, ou d'Air France, dont le rôle
dans l'élaboration du projet de reprise apparaît plus qu'ambigu.
Quelles qu'aient pu être les inquiétudes manifestées sur la
viabilité du projet de reprise, il faut souligner que les
premiers actes de gestion d'Holco, dans les semaines suivant la
décision du tribunal de commerce de Créteil, ont consisté dans
l'octroi de rémunérations à l'équipe de reprise, sous la forme
de rémunérations ou d'honoraires substantiels pour les nouveaux
dirigeants et les divers prestataires de services. Les montants
en cause et la rapidité de leur versement jettent un doute sur
les motivations de tous ceux qui avaient été membres de l'équipe
de reprise.
Face à la crise du transport aérien et à la défaillance de
Swissair, les insuffisances de la gestion de l'entreprise n'ont
été que plus évidentes. Dès l'automne 2001, l'avenir de la
compagnie apparaissait irrémédiablement compromis. Toutefois,
Jean-Charles Corbet a refusé de déposer le bilan, entraînant par
là même le départ des éléments les plus expérimentés de la
direction d'Air Lib.
Dès lors, c'est l'Etat qui a été en permanence appelé au secours
de l'entreprise, sans que la gestion de l'entreprise témoigne
d'une véritable volonté de s'attaquer aux problèmes de
structures et alors que sa politique commerciale agressive
aboutissait à une dégradation de ses comptes.
L'aide de l'Etat a tout d'abord pris deux formes. D'une part,
Air Lib a cessé dès novembre 2001 de payer la part patronale des
charges sociales, puis a étendu ses défauts de paiement à
l'ensemble des créanciers publics à partir du premier trimestre
2002. D'autre part, en janvier 2002, un prêt du FDES de
30,5 millions d'euros a été accordé à la compagnie dans des
conditions manquant de sérieux. Le gouvernement de l'époque a
pris le risque de s'engager dans un soutien abusif en acceptant
que l'Etat devienne le banquier d'une entreprise dont la
situation apparaissait irrémédiablement compromise, engagement
dont il était difficile de se libérer par la suite.
De fait, le rôle de banquier ainsi imparti à l'Etat n'allait pas
être remis en cause immédiatement, le nouveau gouvernement
décidant en juillet 2002 de prolonger le prêt du FDES et
d'organiser un moratoire, officiel cette fois, sur les charges
publiques.
Le délai de quatre mois ainsi consenti devait être mis à profit
par Air Lib pour élaborer un plan de restructuration. Or, la
compagnie n'a pas respecté ses engagements de reprise des
paiements et a fourni des plans de restructuration irréalistes,
incompatibles avec le droit communautaire et demandant à l'Etat
d'apporter encore davantage de deniers publics.
Alors que le sort de la compagnie apparaissait scellé, l'arrivée
d'un repreneur sinon potentiel du moins affiché, le groupe
néerlandais IMCA, a conduit à différer encore une fois le dépôt
de bilan. L'Etat est allé au bout de la logique de sauvegarde de
l'emploi, mais l'absence de sérieux d'IMCA a mis un terme à un
feuilleton se concluant par le licenciement de 3 400 salariés et
des dettes publiques à hauteur de 130 millions d'euros, selon
toute probabilité définitivement perdus.
Ainsi, alors qu'ils ont accumulé un passif financier de
130 millions d'euros, auquel devraient s'ajouter environ 100
millions d'euros au titre des indemnités de licenciement et des
mesures de reclassement des salariés, M. Jean-Charles Corbet et
l'équipe dont il s'est entouré se sont fortement enrichis dans
des conditions auxquelles la justice pourrait s'intéresser.
Peut-on en rester à ce constat et se limiter à une simple
condamnation morale ? Quelles pourraient être les suites
judiciaires des travaux de la commission d'enquête ?
La commission d'enquête n'a pu obtenir de réponses à un certain
nombre de questions, notamment parce que M. Jean-Charles Corbet
lui a opposé le secret des affaires. Elle ne dispose pas de
moyens similaires à ceux d'un juge d'instruction, ni,
naturellement, du pouvoir de donner des instructions au Parquet.
Néanmoins, il importe que la commission d'enquête aille jusqu'à
l'extrême limite de ses pouvoirs.
Aussi, le Président et le Rapporteur de la commission d'enquête
se proposent-ils de faire usage de l'article 40 du code de
procédure pénale qui dispose en son second alinéa: « Toute
autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui,
dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un
crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au
procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous
les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont
relatifs. »
Parmi les faits dont la commission d'enquête a eu connaissance,
le versement de certaines primes, notamment la prime d'arrivée
de M. Jean-Charles Corbet, pourrait être constitutif d'abus de
bien social et relever de cet article.
Par ailleurs, sur le plan civil, il appartient au procureur de
la République d'examiner certains éléments du dossier. Plusieurs
pistes peuvent être envisagées : M. Jean-Charles Corbet pourrait
être appelé en comblement de passif, le tribunal de commerce
pourrait décider d'étendre la liquidation judiciaire d'Air Lib à
d'autres filiales d'Holco encore en activité au vu des travaux
des organes de la procédure collective et, enfin, le tribunal
pourrait ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à
l'encontre de tout dirigeant contre lequel peut être relevé
notamment le fait suivant : « avoir poursuivi abusivement, dans
un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne
morale » en application de l'article L. 624-5 du code de
commerce relatif à la mise personnelle en redressement et
liquidation judiciaires.
Afin de contribuer à cette analyse, le Président de la
commission d'enquête transmettra le rapport de la commission au
procureur de la République.
*
* *
La Commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance
du 11 juin 2003 et l'a adopté.
Elle a ensuite décidé qu'il serait remis à M. le Président de
l'Assemblée nationale afin d'être imprimé et distribué,
conformément aux dispositions de l'article 143 du Règlement de
l'Assemblée nationale.
*
* *
EXPLICATIONS DE VOTE
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT
AU GROUPE UMP(*)
Le Groupe des Commissaires UMP se félicite du travail approfondi
mené par son Président et son Rapporteur pour faire toute la
lumière sur la gestion de cette entreprise par ses responsables,
et en particulier par Monsieur Jean-Charles Corbet, sur leurs
rémunérations et celles des conseillers dont ils se sont
entourés, et enfin sur l'attitude des Pouvoirs Publics depuis la
décision du Tribunal de Commerce de juillet 2001 jusqu'à sa
liquidation en février 2003.
Ces investigations très complètes ont permis de constater :
1 - que la décision du Tribunal de Commerce le 27 juillet 2001 a
clairement privilégié, dans son choix du repreneur, les
perspectives de maintien de l'emploi à court terme, au détriment
de la solidité des moyens financiers et de management
nécessaires pour redresser sérieusement l'entreprise.
2 - que l'équipe dirigeante choisie par le Tribunal a fait
preuve d'une très grande faiblesse de management, en particulier
en ne mettant en œuvre que de façon très partielle le plan
accepté par le Tribunal, en s'octroyant avant même cette mise
en œuvre des rémunérations élevées, en affectant les fonds
prévus en provenance de SWISSAIR de façon peu transparente et
après avoir créé des structures elles-mêmes trop complexes pour
faciliter quelque audit sérieux que ce soit. De plus, la prise
en compte des évènements du 11 septembre et de leurs
conséquences sur le marché aérien n'a pas entraîné un nouveau
plan de redressement suffisamment drastique.
3 - que le Gouvernement de l'époque a fait preuve lui aussi
d'une très grande légèreté dans cette affaire en acceptant une
augmentation régulière des créances publiques sur l'entreprise
sans exiger de contre partie, et en accordant début 2002 à
l'entreprise, contre l'avis du Ministre des Finances et de ses
services, le bénéfice de fonds d'Etat sans s'assurer de
l'existence d'un véritable plan de redressement, et sans exiger
une contribution suffisante des sociétés de la nébuleuse Holco
qui disposait pourtant de moyens de trésorerie disponibles.
Cette attitude semble s'expliquer par des préoccupations
électorales à court terme visant à reporter à plus tard,
c'est-à-dire après le mois de Juin 2002, des décisions certes
difficiles à prendre, mais que les responsables savaient
pourtant inéluctables, d'arrêt de tout ou partie de
l'entreprise.
4 - que les auditions des membres de l'actuel Gouvernement et de
leurs collaborateurs ont en revanche montré que la situation de
l'entreprise telle qu'ils l'ont trouvée à leur arrivée aux
affaires était bien quasiment désespérée. Après avoir examiné en
dernier recours, comme c'était leur devoir, la proposition d'un
investisseur nouveau, pourtant aussi inespéré qu'incertain, et à
la suite de péripéties qui laissent planer une grande
incertitude encore sur les motivations du dirigeant de
l'entreprise et de l'acquéreur éventuel, ils ont malheureusement
du prendre acte de l'insuffisance financière des propositions
faites pour une reprise de l'entreprise, et de la liquidation
devenue ainsi inéluctable.
La perte définitive de 130 millions d'euros de fonds publics
dans cette affaire n'est donc malheureusement que la suite
logique d'une mauvaise gestion et d'une confiance mal placée
dans cette entreprise par le Gouvernement de l'époque. C'est la
raison pour laquelle les Commissaires UMP de la Commission
s'associent pleinement aux conclusions du rapporteur et
approuvent ce rapport dans sa totalité.
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT
AU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS (*)
A l'issue des travaux de la commission d'enquête sur « les
causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib »,
il apparaît que le refus d'élargir son périmètre et la volonté
politique de « boucler » l'enquête le plus rapidement possible
n'ont pas permis de disposer d'une vision complète du dossier,
qui seule aurait pu éclairer la Représentation nationale.
Initialement prévue pour enquêter sur « les conditions de la
gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par
cette compagnie aérienne », la commission d'enquête a vu son
intitulé évoluer, pour se consacrer finalement aux « causes
économiques et financières de la disparition d'Air Lib ».
Une telle modification pouvait laisser entendre que serait pris
en compte le passé de la compagnie, ainsi que l'avaient souhaité
plusieurs parlementaires.
En effet, il convenait certainement de remonter avant le
27 juillet 2001, date de la décision du tribunal de commerce de
Créteil d'autoriser la reprise d'AOM Air Liberté par
M. Jean-Charles Corbet. En particulier, la commission d'enquête
aurait été certainement bien inspirée de conduire ses
investigations sur le rachat d'Air Liberté-AOM par Swissair, le
rôle de Marine Wendel dans ce montage visiblement peu compatible
avec le droit communautaire et les causes du désengagement
brutal de cette holding financière de la compagnie Air liberté,
qui est à l'origine de son dépôt de bilan.
De la même manière, en refusant d'auditionner certaines
personnes, la commission s'est privée de la possibilité
d'examiner de façon exhaustive les conditions de l'achat, par la
compagnie aérienne Air Tahiti Nui, des deux Airbus A340 prévus
initialement dans les engagements de l'Etat permettant la
création d'un GIE. Elle n'a pas non plus eu les moyens de faire
toute la lumière sur la volonté politique de déstabiliser la
compagnie Air Lib, au profit d'un autre projet destiné à la
desserte de l'Outre-Mer, ou encore sur les conditions de vente
d'Airbus obtenues par la compagnie EasyJet, l'un des
bénéficiaires importants de la redistribution
des slots d'Air Lib à Orly...
Le refus de répondre aux demandes officielles et répétées
d'auditions formulées par les commissaires socialistes n'est pas
justifié, d'autant que la commission, créée en mars 2003, avait
les moyens et le temps, selon l'article 143 du Règlement de
l'Assemblée nationale, de programmer ces auditions et de mener
toutes les investigations nécessaires afin de fournir des
éclairages pertinents et impartiaux. Les commissaires
appartenant au groupe socialiste et apparentés regrettent donc
que le programme des auditions n'ait pas été équilibré et que
certaines auditions se soient même déroulées dans un climat
d'agressivité et de suspicion peu compatible avec la sérénité
que réclame le travail parlementaire.
Ce travail inachevé aura néanmoins permis de faire la lumière
sur certaines interrogations. L'une des motivations de la
constitution de cette commission d'enquête, qui apparaissait
nettement dans des déclarations publiques, consistait à faire la
lumière sur une éventuelle volonté politique de sauver Air Lib
en période électorale, afin d'éviter sa liquidation au printemps
2002. Plusieurs auditions, et en particulier celles de
MM. Gayssot et Fabius, ont montré que l'aide de l'Etat avait
fait l'objet de conditions extrêmement précises adressées par le
gouvernement de l'époque à la compagnie aérienne. Il est à noter
que, le 31 juillet 2002, le nouveau gouvernement, qui était
libéré de tout calendrier électoral, a prolongé le prêt d'Etat.
En signifiant que « l'Etat est allé au bout de sa logique pour
sauver l'emploi », le Rapporteur souligne d'ailleurs l'absence
de toute collusion et met un terme à des polémiques déplacées
face à l'enjeu social de ce dossier.
De la même façon, l'idée de privilégier la reprise de la
compagnie par M. Jean-Charles Corbet, en juillet 2001, a été
écartée fermement et solennellement par le président du Tribunal
de commerce de Créteil.
La plupart des personnalités auditionnées ont rappelé que ce
projet était à la fois viable mais risqué, mais qu'il était sans
doute l'un des seuls à pouvoir obtenir « l'appui de l'ensemble
des salariés », ainsi que le souligne le président du Tribunal
de commerce.
La fragilité initiale de cette reprise a été confrontée à des
événements qui ne pouvaient être prévus. Le premier est la
défaillance de certains créanciers, et en tout premier lieu de
Swissair. D'autre part, le lancement d'Air Lib a eu lieu le
20 septembre 2001, soit 9 jours après les attentats terroristes
de New-York qui sont à l'origine d'une crise mondiale sans
précédent dans le transport aérien.
Dans ce contexte, l'aide de l'Etat était légitime et
vraisemblablement incontournable. Et il convient de la comparer
avec les aides apportées à d'autres compagnies, comme
Air Littoral.
D'autres causes, moins directes et certainement moins décisives,
sont intervenues, comme la dégradation du climat social au sein
de la compagnie, une campagne contre les Antilles françaises qui
a pénalisé l'ensemble des acteurs économiques travaillant avec
l'outre-mer, et enfin des déclarations politiques qui,
accompagnées de certaines décisions, ont donné le sentiment de
vouloir « en finir avec Air Lib ».
En conclusion, les commissaires appartenant au groupe socialiste
et apparentés réclament que les auditions de tous les acteurs
qui ont été associés à la création du second pôle aérien
français, au développement de son activité et à ses difficultés,
et en particulier celles de MM. Ernest-Antoine Seillières,
Alexandre Couvelaire, Gaston Flosse, Bernard Balkou et de
Mme Brigitte Girardin soient programmées dans les délais prévus
par le Règlement de l'Assemblée nationale. Ne pouvant se
prononcer face à une réflexion qu'ils estiment partielle et donc
partiale, ils refusent de participer au vote du rapport.
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT
AU GROUPE UDF (*)
Le groupe UDF partage l'analyse faite par le rapport de la
Commission sur les causes économiques et financières de la
disparition d'Air Lib, et sur l'utilisation des 130 millions
d'euros de fonds publics dont a bénéficié la Compagnie.
Certaines interrogations subsistent cependant au sujet de cette
affaire :
- la première concerne la manière dont la confiance du Tribunal
de commerce de Créteil a pu être abusée à l'occasion de la
décision qu'il a rendue en juillet 2001 et qui semble avoir été
quelque peu légère compte tenu de l'absence de sérieux que
présentait l'offre de M. Corbet, aussi bien en termes de moyens
financiers qu'en capacité de gestion ;
- la seconde concerne le rôle de l'Etat. Le gouvernement de
M. Jospin a en effet décidé de soutenir avec des fonds publics
la Compagnie Air Lib sans avoir réalisé la moindre étude
préalable de la situation du Groupe. En voulant apparemment
sauver l'emploi jusqu'aux élections présidentielles, cette
décision a ainsi contribué à la totale disparition de la
Compagnie et à la perte de 3 200 emplois ;
- la troisième concerne la manière dont le système juridique et
financier dit « Holco » semble avoir permis l'enrichissement de
M. Corbet, et probablement d'un certain nombre d'autres
personnes. Il conviendrait que la justice examine la régularité
de ce système au regard des lois.
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT
AU GROUPE DES DÉPUTÉS COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS (*)
Au nom du groupe communiste, je voterai contre le rapport établi
sous la houlette de notre collègue Monsieur Charles de Courson
sur les « causes économiques et financières de la disparition
d'Air Lib ».
Ce rapport, en effet, est partiel. Il est partial. Il est
aveugle. Il n'offre finalement aucune piste positive d'avenir
pour les salariés de cette entreprise et pour l'entreprise
elle-même qui constituait le second pôle aéronautique français.
J'ajoute que des « informations » orientées ont été distillées
vers la presse par des membres de la commission (je n'ai pour ma
part eu accès à aucun document ni la moindre relation avec la
presse) tandis que, sans aucune sorte d'espèce de droit, le
rapporteur s'est livré à des enquêtes pouvant toucher de manière
personnelle l'honneur de tel ou tel. Ce n'est pas acceptable et
rien que cela m'autoriserait à voter contre. Mais il y a plus.
Ce rapport est partiel. En focalisant principalement, et par le
menu, sur la gestion de Monsieur Jean-Charles Corbet qui n'est
pas, loin s'en faut, hors de critiques et d'interrogations très
sérieuses au point que la commission a décidé de transmettre les
pièces à qui de droit, le fait majeur dans lequel s'est
retrouvé Air Lib se trouve du même coup relégué. On rappellera
que suite à la décision du Tribunal de Créteil, prise par lui
seul et « de manière totalement indépendante » sur la base des
éléments dont il disposait alors qu'ils n'étaient pas évidents,
sa décision était cependant étroitement liée au fait que Air
Lib jouait principalement son avenir sur le paiement par Marine
Wendel d'un versement de 1,3 milliard de francs (au lieu des 2
milliards initialement envisagés).
Ce versement ne sera pas intégralement réalisé. Marine
Wendel - dirigée par Monsieur Antoine Ernest Seillière - est
actionnaire majoritaire de Swissair. Sa responsabilité est
entière au regard de la réglementation européenne qui,
curieusement, sera modifiée en... juin 2002. Sa responsabilité
est néanmoins directement engagée car la nouvelle réglementation
européenne n'a pas de valeur rétroactive. Cependant, et malgré
les demandes exprimées en Commission, Monsieur de Seillières ne
sera jamais entendu par celle-ci ! Or la dette restante de
Monsieur de Seillière non versée à Air Lib est de 295 millions
de francs. Quant au GIE fiscal qui devait permettre à Air
Lib d'acquérir deux Airbus, il ne produira aucun effet pour
cette compagnie aérienne. Par contreAir Tahiti Nui peut acheter
ces deux mêmes avions Airbus en bénéficiant - c'est un comble -
du versement déposé par Swissair de 27 millions de dollars par
avion, sensés aller à Air Lib ! Si cette « opération » n'est pas
illégale, au terme du contrat, elle laisse plus que perplexe
- et à plus d'un titre - car cette somme de 54 millions de
dollars (350 millions de francs environ) s'ajoutede facto au
passif de Air Lib.
Ce rapport est partial. Les conditions de décision de prêt FDES
à Air Lib sont présentées par le rapporteur comme étant
« suspectes » (le rapport évoque un « prêt accordé dans des
conditions surprenantes » ou bien encore « d'un prêt sur
instruction sans instruction »). Ces affirmations font titre.
Elles sont destinées à attirer l'attention. Pourtant le texte ne
peut, et pour cause, établir le moindre commencement de preuve
confirmant cette présentation accusatoire.
En vérité, tout est clair ainsi qu'on peut le lire dans le
rapport malgré les contorsions et équivoques volontaires du
rapporteur. Ce que Marine Wendel ne paie pas met en cause
directement Air Lib. L'état cherchant à sauver cette entreprise
lui accorde alors un prêt d'ampleur similaire - un prêt
remboursable dans les 6 mois et soumis à obligations.
Ce prêt est accordé selon les règles en vigueur sous tout
gouvernement, après arbitrage du Premier ministre de l'époque.
Rien, absolument rien, dans les auditions réalisées par la
Commission d'enquête ne vient - et pour cause - infirmer ces
faits transparents. Ils sont en effet incontestables.
Ce qui paraît à l'inverse très surprenant c'est le fait que le
gouvernement Raffarin - en parfaite connaissance de cause du
dossier, cette fois - est alerté par le Ministre de l'économie,
Monsieur Mer, qui précise que si un nouveau prêt devait être
accordé, cela procéderait du « soutien abusif ». Il en conclut
néanmoins qu'il faut accorder ce prêt à Monsieur Jean-Charles
Corbet.
Il en résulte que, au prêt « Jospin » accordé à Air Lib du fait
de la défaillance de Marine Wendel - un prêt soumis à conditions
explicites -, s'ajoutent les prêts accordés à Air Lib par les
gouvernements mis en place après les dernières élections. Tout
cela aboutit à des fonds publics non remboursés par Air Lib à
hauteur de 100 millions d'euros. Selon le rapporteur, les
conditions du premier prêt étaient « douteuses ». Que dire
alors, selon ce raisonnement, de l'actuel gouvernement sinon
qu'il a été plus que léger. Le rapporteur prend pourtant sa
défense.
Ce rapport est aveugle. Il n'évoque en effet en aucune façon
l'offre de rachat de Air Liberté-AOM par Air France au début du
processus des difficultés avérées de Swissair. Cette solution
aurait évité à cette entreprise de connaître les difficultés
enregistrées et engendrées par la gestion de Monsieur Jean-
Charles Corbet. Et Air Lib vivrait toujours !
Pourquoi donc ce silence ? Pourquoi depuis, plutôt que de
liquider l'entreprise Air Lib, la solution du rachat par Air
France n'a-t-elle pas été reprise et réactualisée tandis qu'on
demande aux entreprises publiques de supporter la charge des
licenciements ? Ainsi des entreprises privées étrangères à bas
coût prendront les créneaux laissés vacants par Air Lib tandis
que la création d'une grande entreprise française de transport
aérien - dont les événements du 11 septembre ont souligné toute
la pertinence - est abandonnée par le gouvernement et les
salariés sont sur le « carreau ».
Ce rapport illustre à sa manière ce que le système capitaliste
permet, autorise et secrète qui écoeure. Ce n'était certes pas
son objet initial. Il souligne du même coup la lourde
responsabilité prise par le gouvernement actuel de supprimer la
loi permettant de contrôler l'utilisation des fonds publics.
Jean-Claude Lefort
Député communiste
Secrétaire de la Commission d'enquête
Le 11 juin 2003
LISTE DES ANNEXES
· Annexes n° 1 à 3 :
1. Extrait du rapport Mazars sur les salaires et honoraires
versés par la SAS Holco
2. Note de Me Léonzi sur les relations entre Holco et la CIBC
3. Facture de la CIBC
· Annexe n° 4 : Contrat entre la CIBC et Jean-Charles Corbet
daté du 11 juillet 2001
Annexes n° 5 à 8 :
5. Note d'honoraires du cabinet Léonzi
6. Lettre du président d'Aurel Leven au président de la
commission d'enquête en date du 27 mai 2003
7. Récapitulatif des emplois de la contribution Swissair
8. Note du directeur du Trésor au ministre de l'économie et de
finances en date du 5 janvier 2002
· Annexes n° 9 à 11 :
9. Lettre du ministre de l'économie et des finances au Premier
ministre en date du 15 février 2002
10. Lettre du ministre de l'économie et des finances à
M. Jean-Charles Corbet en date du 3 mai 2002
11. Lettre du ministre de l'économie et des finances à
M. Jean-Charles Corbet
· Annexes n° 12 à 14:
12. Lettre du ministre de l'économie et des finances à
M. Jean-Charles Corbet en date du 31 juillet 2002
13. Lettre du ministre de l'économie et des finances au
directeur général d'Aéroports de Paris en date du 22 août 2002
14. Note du ministre de l'économie et des finances au directeur
du Trésor en date du 15 novembre 2002
AUDITIONS : voir tome II
1 Crédit Agricole Indosuez.
2 « Le « caractère irrémédiablement compromis » d'une
entreprise est un critère juridique précis qui permet notamment
de qualifier tout soutien comme étant abusif et d'entraîner à
cet égard la responsabilité pécuniaire de son auteur vis-à-vis
des tiers. »
3 Lettre à Me Lafont datée du 4 février. Traduction de
courtoisie.
4 Soit 38,112 millions d'euros au titre de la contribution
proprement dite et 24,83 millions d'euros au titre des billets
émis non utilisés.
(*) MM. Alfred Almont, Joël Beaugendre, Marcel Bonnot,
Jean-Jacques Descamps, Jean Diébold, Christian Estrosi,
Jean-Pierre Gorges, Mmes Arlette Grosskost, Gabrielle
Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Jean Marsaudon, Philippe Armand
Martin (51), Patrick Ollier, Christian Philip, Jacques Remiller,
Jean-Marc Roubaud, Xavier de Roux, Frédéric Soulier, Mme
Catherine Vautrin.
(*) MM. Charles de Courson et Gilbert Gantier.
(*) M. Jean-Claude Lefort
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.juritravail.com/jurisprudence/JURITEXT000022426682.html
Cour de cassation Chambre criminelle Audience publique 30 juin
2010 N° de pourvoi: 09-82062 Inédit
Le point de vue des avocats :
Président : M. Louvel (président); Avocat(s) : Me Bouthors, SCP
Baraduc et Duhamel, SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié, SCP
Waquet, Farge et Hazan;
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt
suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Charles,
- Y... Yves,
- Z... Christian,
- LA FÉDÉRATION GÉNÉRALE CFTC DES TRANSPORTS,
- LE SYNDICAT GÉNÉRAL DES COMPAGNIES AÉRIENNES CFTC,
- LE SYNDICAT CGT AIRLIB,
- LE SYNDICAT ALTER AIR-LIB, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Z..., 9e chambre, en date
du 27 février 2009, qui a condamné Jean-Charles X..., pour abus
de confiance, abus de biens sociaux, à quatre ans
d'emprisonnement, dont trente mois avec sursis, 300 000 euros
d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, Yves Y..., pour
complicité d'abus de confiance, complicité d'abus de biens
sociaux et recel, à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit
mois avec sursis, 300 000 euros d'amende, deux ans
d'interdiction professionnelle, Christian Z..., pour recel, à
huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende,
et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 juin
2010 où étaient présents : M. Louvel président, M. Rognon
conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Nunez, Mmes
Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch
conseillers de la chambre, Mme Slove, Mmes Divialle, Labrousse,
M. Roth conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Robert ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de
la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la
société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me
BOUTHORS et de la société civile professionnelle BOUTET, et de
la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocats en
la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT, les
avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs, additionnels en demande et les
mémoires en défense produits ;
Sur le onzième moyen de cassation, proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, par mémoire additionnel,
pour Yves Y..., pris de la violation des articles 6, 16 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 28 août 1789,
66 de la Constitution, L. 16 B dans sa rédaction antérieure à la
loi n° 2008-776 du 4 août 2008, 121-7, 314-1, 321-1 du code
pénal, L. 242-6 3° et L. 244-1 du code de commerce, 591 et 593
du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux commis
par Jean-Charles X..., et de recel d'abus de biens sociaux, en
répression, l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans
et a statué sur les intérêts civils ;
" 1°) alors que les dispositions de l'article L. 16 B du livre
des procédures fiscales dans leur version antérieure à la loi du
4 août 2008 s'avèrent contraire au principe du respect des
droits de la défense, du domicile et à la liberté individuelle
en tant qu'elles permettaient de réaliser des visites
domiciliaires sans l'assistance d'un avocat, sans que la
personne soupçonnée de fraude ou faisant l'objet de la visite ne
soit informée de son droit de saisir pendant les opérations le
juge qui les avait autorisées, ni que la personne soupçonnée de
fraude ne soit nécessairement informée de la visite domiciliaire
; qu'à la suite de leur déclaration d'inconstitutionnalité par
le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de
constitutionnalité l'arrêt attaqué sera privé de fondement légal
;
" 2°) alors que les dispositions de l'article L. 16 B du livre
des procedures fiscales dans leur version antérieure à la loi du
4 août 2008 s'avèrent contraires au principe du respect des
droits de la défense, du domicile et de la liberté individuelle
en tant que les dispositions litigieuses permettaient des
visites domiciliaires dans un cabinet d'avocat quand bien même
celui-ci n'était pas soupçonné d'avoir commis une fraude ou
d'avoir participé à celle que son client était soupçonné d'avoir
commise, dans le seul but d'obtenir des documents relatifs à la
fraude que son client était soupçonné d'avoir commise ; qu'à la
suite de leur déclaration d'inconstitutionnalité par le Conseil
constitutionnel saisi d'une question prioritaire de
constitutionnalité en ce sens, l'arrêt attaqué sera privé de
fondement légal ;
" 3°) alors que les dispositions de l'article L. 16 B du livre
des procédures fiscales dans leur version antérieure à la loi du
4 août 2008 s'avèrent contraires au principe du respect des
droits de la défense, du domicile et de la liberté individuelle
en tant que les dispositions litigieuses permettaient que des
visites domiciliaires dans un cabinet d'avocat soient effectuées
en dehors de la présence d'un magistrat et que les pièces soient
saisies par les agents de l'administration des impôts et les
officiers de police judiciaire et non par un magistrat ; qu'à la
suite de leur déclaration d'inconstitutionnalité par le Conseil
constitutionnel saisi d'une question prioritaire de
constitutionnalité en ce sens, l'arrêt attaqué sera privé de
fondement légal ;
" 4°) alors que les dispositions de l'article L. 16 B du livre
des procédures fiscales dans leur version antérieure à la loi du
4 août 2008 s'avèrent contraires au principe d'égalité devant la
loi en tant que les dispositions litigieuses ne prévoyaient pas
les mêmes garanties que lorsqu'un avocat faisait l'objet d'une
perquisition sur le fondement de l'article 56-1 du code de
procédure pénale ; qu'à la suite de leur déclaration
d'inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel saisi
d'une question prioritaire de constitutionnalité, l'arrêt
attaqué sera privé de fondement légal ;
Attendu que la Cour de cassation ayant dit, par arrêt de ce
jour, n'y avoir lieu à réouverture du délai d'instruction du
pourvoi, le moyen est irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles X...,
pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité et
d'irrecevabilité de l'action publique ;
" aux motifs que la régularité intrinsèque des pièces de la
procédure pénale, d'une part, et de l'enquête parlementaire,
d'autre part, n'est ni contestable, ni contestée ; que seul est
critiqué le versement et l'utilisation de la seconde dans le
cadre de la première ; que l'action publique a été mise en
mouvement par le procureur de la République de Z... à la suite
d'une enquête de police judiciaire confiée à la brigade
financière dès le 26 février 2003 avant même l'ouverture de
l'enquête parlementaire ; que le réquisitoire introductif du 24
juillet 2003 vise la procédure 2003 / 00082 diligentée par la
brigade financière ainsi que les révélations de Tracfin en date
des 27 juin, 3 et 8 juillet 2003 et non seulement le rapport
fait au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale
sur les causes économiques et financières de la disparition
d'Air Lib du 11 juin 2003 qui n'est donc pas le support exclusif
des poursuites ; que, surtout, la transmission dudit rapport au
parquet est le fait du président de la commission d'enquête
parlementaire agissant dans le cadre légal des dispositions de
l'article 40 du code de procédure pénale qui précise que toute
autorité constituée qui, dans l'exercice de ses fonctions,
acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en
donner avis sans délai au procureur de la République ou de
transmettre à ce magistrat tous les renseignements,
procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ; que, tout au long
de la procédure et même devant la cour les prévenus n'ont pas
remis en cause la teneur des déclarations faites par eux tant
dans le cadre pénal que dans celui de l'enquête parlementaire,
ayant toujours contesté avoir commis le moindre détournement et
qu'ainsi ils ne peuvent arguer d'une quelconque atteinte à leurs
droits ; qu'au demeurant, il appartiendra à la cour d'apprécier
la force probante de telle ou telle déclaration au regard des
circonstances dans lesquelles celle-ci est intervenue ; qu'il
résulte de ce qui précède que l'exception d'irrecevabilité des
poursuites et de la nullité de la citation doit être rejetée ;
" 1°) alors que les droits de se taire et de ne pas contribuer à
sa propre incrimination, éléments essentiels de la notion de
procès équitable, impliquent que ne soient pas utilisées par
l'accusation dans un procès pénal, les déclarations faites par
l'accusé au cours d'une enquête de quelque nature que ce soit,
alors que ce dernier était tenu de témoigner sous peine de
poursuites et de sanctions pénales ; qu'il importe peu que les
déclarations en question ne soient pas directement auto
incriminantes, il suffit qu'elles soient utilisées au cours de
la procédure pénale d'une manière qui tend à incriminer son
auteur ; que l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 prévoit que toute personne convoquée dans le cadre
d'une enquête parlementaire, est tenue de comparaître, de
déposer, de prêter serment de dire la vérité, de communiquer les
pièces qu'on lui demande sous peine de poursuites pénales,
d'amende et d'emprisonnement ; que, le 18 mars 2003, l'Assemblée
nationale a voté la création d'une commission d'enquête
parlementaire sur les causes économiques et financières de la
disparition d'Air Liberté ; que Jean-Charles X... a été
convoqué, interrogé et entendu hors la présence de tout conseil
; que ses déclarations ont été consignées dans un rapport qui a
été transmis au procureur de la République et annexé au
réquisitoire introductif ; que ses déclarations ont été
utilisées par le procureur de la République dans son
réquisitoire définitif puis par le juge d'instruction dans son
ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu'il
s'ensuit que de telles déclarations obtenues en méconnaissance
du droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre
incrimination ont été utilisées par l'accusation pour la
conduite de l'action publique, le renvoi de Jean-Charles X...
devant la juridiction correctionnelle, et son jugement ; qu'en
décidant néanmoins qu'un tel renvoi était régulier, la cour
d'appel a méconnu les textes précités ;
" 2°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué
que les déclarations de Jean-Charles X... effectuées devant la
commission d'enquête parlementaire obtenues en méconnaissance du
droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre
incrimination, ont été utilisées par le ministère public au
cours du procès pénal de Jean-Charles X..., la cour d'appel se
réservant le droit d'en apprécier la force probante ; qu'en
décidant néanmoins que Jean-Charles X... avait bénéficié d'un
procès pénal équitable, la cour d'appel a derechef méconnu les
textes susvisés " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des
citations à comparaître devant le tribunal correctionnel et la
cour d'appel délivrées à Yves Y... ainsi que l'exception de
nullité de la procédure suivie devant le tribunal correctionnel
et la cour d'appel de Z... ;
" aux motifs que la régularité intrinsèque des pièces de la
procédure pénale, d'une part, et de l'enquête parlementaire,
d'autre part, n'est ni contestable, ni contestée ; que seul est
critiqué le versement et l'utilisation de la seconde dans le
cadre de la première ; que l'action publique a été mise en
mouvement par le procureur de la République de Z... à la suite
d'une enquête de police judiciaire confiée à la brigade
financière, dès le 26 février 2003, avant même l'ouverture de
l'enquête parlementaire ; que le réquisitoire introductif du 24
juillet 2003 vise la procédure 2003 / 00082 diligentée par la
brigade financière ainsi que les révélations de Tracfin en date
des 27 juin, 3 et 8 juillet 2003 et non seulement le rapport
fait au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale
sur les causes économiques et financières de la disparition
d'Air Lib du 11 juin 2003 qui n'est donc pas le support exclusif
des poursuites ; que, surtout, la transmission dudit rapport au
Parquet est le fait du président de la commission d'enquête
parlementaire agissant dans le cadre légal des dispositions de
l'article 40 du code de procédure pénale qui précise que toute
autorité constituée qui, dans l'exercice de ses fonctions,
acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en
donner avis sans délai au procureur de la République ou de
transmettre à ce magistrat tous les renseignements,
procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ; que tout au long
de la procédure et même devant la cour les prévenus n'ont pas
remis en cause la teneur des déclarations faites par eux tant
dans le cadre pénal que dans celui de l'enquête parlementaire,
ayant toujours contesté avoir commis le moindre détournement et
qu'ainsi ils ne peuvent arguer d'une quelconque atteinte à leurs
droits ; qu'au demeurant, il appartiendra à la cour d'apprécier
la force probante de telle ou telle déclaration au regard des
circonstances dans lesquelles celle-ci est intervenue ; qu'il
résulte de ce qui précède que l'exception d'irrecevabilité des
poursuites et de la nullité de la citation doit être rejetée ;
" 1°) alors que les droits de se taire et de ne pas contribuer à
sa propre incrimination, éléments essentiels de la notion de
procès équitable, impliquent que ne soient pas utilisées par
l'accusation dans un procès pénal, les déclarations faites par
l'accusé au cours d'une enquête de quelque nature que ce soit,
alors que ce dernier était tenu de témoigner sous peine de
poursuites et de sanctions pénales ; qu'il importe peu que les
déclarations en question ne soient pas directement auto
incriminantes, il suffit qu'elles soient utilisées au cours de
la procédure pénale d'une manière qui tend à incriminer son
auteur ; que l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 prévoit que toute personne convoquée dans le cadre
d'une enquête parlementaire, est tenue de comparaître, de
déposer, de prêter serment de dire la vérité, de communiquer les
pièces qu'on lui demande sous peine de poursuites pénales,
d'amende et d'emprisonnement ; que le 18 mars 2003, l'Assemblée
nationale a voté la création d'une commission d'enquête
parlementaire sur les causes économiques et financières de la
disparition d'Air Liberté ; qu'Yves Y..., en sa qualité d'avocat
de la société Holco, a été convoqué, interrogé et entendu le 30
avril 2003 par le président de cette commission et son
rapporteur, hors la présence de tout conseil ; que ses
déclarations ont été consignées dans un rapport qui a été
transmis au procureur de la République et annexé au réquisitoire
introductif ; que ses déclarations ont été utilisées par le
procureur de la République dans son réquisitoire définitif puis
par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi devant
le tribunal correctionnel ; qu'il s'ensuit que de telles
déclarations obtenues en méconnaissance du droit de se taire et
de ne pas contribuer à sa propre incrimination ont été utilisées
par l'accusation pour la conduite de l'action publique, le
renvoi d'Yves Y... devant la juridiction correctionnelle, et son
jugement ; qu'en décidant néanmoins qu'un tel renvoi était
régulier, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;
2°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que
les déclarations d'Yves Y... effectuées devant la commission
d'enquête parlementaire obtenues en méconnaissance du droit de
se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ont
été utilisées par le ministère public au cours du procès pénal
d'Yves Y..., la cour d'appel se réservant le droit d'en
apprécier la force probante ; qu'en décidant néanmoins qu'Yves
Y... avait bénéficié d'un procès pénal équitable, la cour
d'appel a derechef méconnu les textes susvisés ;
" 3°) alors qu'enfin Yves Y... a fait valoir, dans ses
conclusions régulièrement déposées, que la présomption
d'innocence, principe auquel sont tenues toutes les autorités de
l'Etat, avait été méconnue par la commission parlementaire
d'enquête ouverte sur les causes de la disparition d'Air
Liberté, dès lors qu'elle s'est montrée de la plus grande
partialité à son égard, le désignant comme étant coupable de
détournements avant tout procès et que son rapport a été publié,
communiqué au ministère public et examiné par la juridiction
répressive ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel
a méconnu les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, selon l'article 385, alinéa 1er, du code de
procédure pénale, les juridictions correctionnelles n'ont pas
qualité pour constater les nullités de procédure lorsqu'elles
sont saisies par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ;
que, si la cour d'appel a cru devoir répondre aux exceptions de
nullité et d'irrecevabilité tirées de la jonction, au dossier de
la procédure d'information, du rapport d'une commission
d'enquête parlementaire, les moyens qui reprennent ces
exceptions devant la Cour de cassation sont irrecevables par
application du texte précité ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société
professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles X...,
pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne
des droits de l'homme, L 16 B du livre des procédures fiscales
dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008,
164 VI 3 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, 121-7, 314-1,
321- du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de
base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de surseoir à statuer et de
renvoyer l'examen de l'affaire dans l'attente d'une décision
définitive sur l'intégralité des appels formés par Jean-Charles
X... et la Société Holco à l'encontre des ordonnances du juge
des libertés et de la détention du tribunal de grande instance
de Z... ayant autorisé le 23 mai 2003, les visites et saisies
domiciliaires sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des
procédures fiscales et a statué au fond sur l'action publique et
l'action civile ;
" aux motifs que les pièces incriminées obtenues par
l'administration fiscale suite aux visites domiciliaires
critiquées (…) ont été reçues, saisies et placées sous scellés
le 19 septembre 2003, que ces pièces ont été versées à la
procédure postérieurement à l'ouverture le 24 juillet 2003 de
l'information et n'en sont pas le support ; que non seulement
les pièces litigieuses ne sont pas le fondement des poursuites
mais encore qu'elles ne sont pas indispensables à celles-ci
s'agissant de documents ayant fait l'objet d'une procédure autre
que celle critiquée ou encore retraçant des éléments constants ;
" 1°) alors que l'annulation d'une décision entraîne par voie de
conséquence l'annulation de tout ce qui a été la suite
nécessaire ou l'exécution des dispositions censurées ; que dès
lors que l'arrêt constate qu'ont été versées au dossier de la
procédure pénale des pièces obtenues dans le cadre d'une visite
domiciliaire effectuée sur autorisation du juge des libertés et
de la détention, l'annulation de l'ordonnance du juge des
libertés et de la détention entraînera nécessairement par voie
de conséquence la nullité de la communication des pièces ainsi
obtenues ; que l'arrêt attaqué ne pouvait donc refuser de
surseoir à statuer avant l'issue de la procédure relative à la
régularité des ordonnances du juge des libertés et de la
détention en sorte que la condamnation prononcée n'a pas de
fondement légal " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris
de la violation des articles 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, L. 16 B du livre des procédures fiscales dans
sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, 164 VI
3 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, 121-7, 314-1, 321-1 du
code pénal, L. 242-6 3° et L. 244-1 du code de commerce, 591 et
593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de
base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de surseoir à statuer et de
renvoyer l'examen de l'affaire dans l'attente d'une décision
définitive sur l'intégralité des appels formés par Yves Y..., la
société Longchamp, la société Holco à l'encontre des ordonnances
du juges des libertés et de la détention du tribunal de grande
instance de Z... ayant autorisé le 23 mai 2003, les visites et
saisies domiciliaires sur le fondement de l'article L. 16 B du
livre des procédures fiscales, puis déclaré Yves Y... coupable
de complicité de l'abus de confiance et d'abus de biens sociaux
commis par Jean-Charles X..., et de recel d'abus de bien
sociaux, en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" 1°) alors que l'annulation d'une décision entraîne par voie de
conséquence l'annulation de tout ce qui a été la suite
nécessaire ou l'exécution des dispositions censurées ; qu'il
résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par ordonnance
du 23 mai 2003, le juge des libertés et de la détention du
tribunal de grande instance de Z... a autorisé l'administration
fiscale à procéder à une visite domiciliaire du cabinet d'Yves
Y..., visite au cours de laquelle un grand nombre de pièces ont
été saisies les 3 et 4 juin 2003 puis versées dans la procédure
pénale le 19 septembre 2003 ; que, conformément aux dispositions
transitoires de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, Yves Y..., la
Selarl Longchamp et la société Holco ont interjeté appel de
l'ordonnance du 23 mai 2003, tant en ce qu'elle a autorisé la
visite domiciliaire, que sur la régularité des opérations de
visites et saisies opérées les 3 juin 2003 au cabinet de Me
Y..., ainsi que sur l'ouverture des scellés et de l'inventaire
opérés le 4 juin 2003 dans le cabinet du juge des libertés et de
la détention ; que l'annulation d'une décision entraîne par voie
de conséquence l'annulation de tout ce qui a été la suite
nécessaire ou l'exécution des dispositions censurées ;
" 2°) alors que, par ordonnances en date du 7 mai 2009, le
premier président de la cour d'appel de Z... a déclaré régulière
l'ordonnance du 23 mai 2003 en ce qu'elle a autorisé la visite
domiciliaire et la saisie des documents au cabinet d'Yves Y...
et dit que les opérations de visite et saisies dans ce cabinet
s'étaient déroulées conformément à la loi ; que Me Y... a formé
contre ces deux ordonnances un pourvoi en cassation qui est
actuellement pendant ; que la cassation à intervenir sur ses
pourvois formés entraînera par voie de conséquence celle de
l'arrêt attaqué qui, sur la base des pièces saisies
irrégulièrement, est entré en voie de condamnation " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens, qui contestent le rejet d'une demande de
sursis à statuer, mesure d'administration judiciaire dont les
juges apprécient l'opportunité, sont inopérants ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme, 437, 438 et 439, 591 et 593 du code de procédure
pénale, 121-7, 314-1, 321-1 du code pénal, L. 214-6 3° et L.
244-1 du code de commerce, défaut de motifs, manque de base
légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de
la procédure suivie devant le tribunal correctionnel et la cour
d'appel de Z... ;
" aux motifs que Charles A..., entendu dans le cadre d'une
commission rogatoire internationale, cité à la requête d'Yves
Y... en qualité de témoin en première instance et devant la
cour, a refusé de comparaître en faisant valoir qu'il était
l'objet de poursuites engagées à son encontre par les autorités
luxembourgeoises sur les faits objet de la saisine parisienne ;
que les déclarations de Charles A... ne contredisent pas celles
de Jean-Charles X... et Yves Y... notamment en ce qui concerne
les structures créées et les mouvements de fond intervenus au
profit des sociétés off shore ; qu'il y aura lieu de les
apprécier au regard du refus de l'intéressé de comparaître ;
qu'au demeurant, il résulte de courriers de Charles A... des 16
novembre 2008 et 5 décembre 2008, en réponse à des courriers des
12 novembre et 1er décembre 2008 que la défense d'Yves Y... et
celle de Christian Z... ont eu des contacts avec Charles A...
préalablement à l'audience de la cour ; que, dans ces courriers,
Charles A... fait uniquement état que ses propos ont été
détournés pour servir à une dénonciation à son encontre ; que,
dans le courrier du 5 décembre 2008, il refuse de témoigner à
nouveau devant la justice française et s'en rapporte à ses
déclarations faites sous la foi du serment devant le juge Van
Ruymbecke ; qu'il s'ensuit que l'impossibilité de procéder à
l'audition de Charles A... et à sa confrontation avec les
prévenus, qui résulte du refus du témoin de déposer, n'est pas
de nature à priver Yves Y... ou tout autre prévenu du droit à un
procès équitable ;
" 1°) alors que, sauf impossibilité dont il leur appartient de
préciser les causes, les juges du fond sont tenus, quand ils
sont légalement requis, d'ordonner l'audition contradictoire des
témoins ; qu'en se bornant à relever que Charles A... cité à la
requête d'Yves Y... en qualité de témoin, en première instance
et en appel, a refusé de comparaître en faisant valoir qu'il
faisait l'objet de poursuites engagées par les autorités
luxembourgeoises sur les faits, objet de la saisine parisienne,
de sorte qu'il s'ensuivait l'impossibilité de procéder à
l'audition de Charles A..., la cour d'appel n'a pas légalement
justifié sa décision ;
" 2°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué
que, pour déclarer Yves Y... coupable du chef de complicité de
l'abus de confiance et d'abus de biens sociaux, la cour d'appel
a retenu sa participation avec son confrère luxembourgeois
Charles A... à la constitution des sociétés de droit
luxembourgeois Holco Lux et Pegler & Blatch ainsi que la
réalisation de prestations juridiques par Yves Y... pour le
compte de la société Pegler & Blatch ; que Charles A... a
reconnu avoir été l'auteur des actes constitutifs de ces deux
sociétés ; qu'il s'ensuivait que Charles A... avait participé
aux faits de complicité reprochés à Yves Y... ; qu'en décidant
que l'impossibilité de procéder à l'audition de Charles A... et
à sa confrontation avec Yves Y... n'était pas de nature à priver
ce dernier d'un procès équitable, la cour d'appel a méconnu les
textes susvisés " ;
Attendu que la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni
contradiction, constaté l'impossibilité de procéder à l'audition
de Charles A... et à sa confrontation avec les prévenus, a
justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales
et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles
X..., pris de la violation des articles 314-1 du code pénal,
1134 du code civil, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de
la Convention européenne des droits de l'homme, violation des
droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale,
contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... du chef
d'abus de confiance au préjudice des sociétés Sairlines et
Sairgroup et de la société d'exploitation AOM Air Liberté, par
versement de la SAS Holco de 5 000 000 euros à Holco Lux et de 9
140 000 euros à Pegler & Blatch, et l'a condamné à verser à Me
K... et Me L..., ès-qualités de mandataires liquidateurs de la
société d'exploitation AOM Air Liberté, la somme de 14 140 000
euros ;
" aux motifs qu'il est reproché à Jean-Charles X..., président
de la SAS Holco, d'avoir détourné une partie des fonds versés
par le groupe Swissair employée à des fins étrangères à celles
expressément définies par le protocole transactionnel qui liait
ladite société aux sociétés du groupe Swissair au préjudice
d'Air Lib et du groupe Swissair … » ; « que la société Holco a
reçu de la société suisse, en trois versements intervenus les 20
août, 31 août et 3 septembre 2001, une somme totale d'un
milliard de francs soit 152 449 000 euros en exécution du
protocole transactionnel ; qu'il ressort de la procédure qu'une
partie de ces fonds », 5. 000. 000 € « a profité à la société
Holco Lux, Soparfi de droit luxembourgeois, filiale à 100 %
d'Holco, constituée le 28 décembre 2001 par l'entremise de Me
A..., avocat à Luxembourg, pour prendre des participations dans
des domaines connexes au transport aérien … » ; « que la société
Pegler & Blatch, Soparfi de droit luxembourgeois, dont
Jean-Charles X... est l'ayant droit économique effectif, a perçu
de Holco, par l'intermédiaire de Mermoz, une somme de 9 140 000
euros en exécution d'une convention conclue le 1er février 2002
avec Holco, reprise dans le rapport B... de même que l'avenant
du 22 novembre 2002, aux termes de laquelle était prévue une
rémunération forfaitaire, non remboursable même en cas de
recouvrement dans un délai rapproché ou de défaillance du
débiteur » ; que, compte tenu « de la défaillance de Swissair à
compter de septembre 2001 et de la situation très obérée de Air
Lib qui a amené le CIRI à lui accorder le 9 janvier 2002 un prêt
FDES de 30, 50 millions d'euros, en deux tranches, à échéance du
9 juillet 2002, laquelle a fait l'objet de reports successifs,
en dernier lieu jusqu'au 9 janvier 2003, les engagements
susvisés dont le caractère exorbitant en raison de l'importance
des sommes en cause et de l'indisponibilité résultant de ces
engagements doit être relevé, ne peuvent être analysés que comme
des moyens utilisés intentionnellement par Jean-Charles X... de
se constituer des avoirs à l'étranger ; que les fonds perçus par
Holco de la société suisse l'ont été en sa qualité de repreneur
en exécution du protocole transactionnel des 31 juillet et 1er
août 2001 tel que prescrit par le jugement du tribunal de
commerce de Créteil du 27 juillet 2001 comme une condition
essentielle de l'arrêté du plan de cession et homologué par le
même tribunal le 1er août 2001 ; que les obligations de chacune
des parties au protocole présentaient un caractère contraignant
; qu'aux termes mêmes du préambule dudit protocole sur lequel
les parties se sont accordées nonobstant les projets antérieurs,
Swissair s'est déclaré " prêt à apporter son aide à la mise en
place d'une solution de redressement... réitérant à cette
occasion sa volonté de tout mettre en oeuvre, dans la limite de
ses propres facultés, pour contribuer au redressement des
entreprises et au maintien d'un nombre important d'emplois » ;
qu'il était précisé " le plan de cession proposé par le
repreneur est soumis à la condition intrinsèque que les
actionnaires actuels d'AOM participations, et singulièrement
Swissair, accordent, sous diverses formes, un soutien financier
très important au projet de reprise, à défaut duquel le
redressement des entreprises ne pourrait être réalisé " ; qu'aux
termes du protocole, les sociétés Sairgroup et Sairlaines,
agissant tant pour elles-mêmes que pour le compte des personnes
morales appartenant au groupe Swissair, prenaient l'engagement "
de contribuer spontanément au financement du plan de
redressement par voie de cession proposé par le repreneur et
arrêté par le tribunal de commerce de Créteil " ; que, selon
l'article 1er de la convention, cet engagement prenait notamment
la forme d'une " contribution financière " d'un montant global
et forfaitaire de 1 250 000 000 francs dont les conditions et
modalités principales figurent en annexe 1 du présent protocole
; que les parties s'étaient attachées à déclarer que les
contributions consenties par Swissair constituaient des
concessions bénéficiant directement à la procédure collective
(article 4) ; que l'annexe 1 du protocole fait état du terme de
subvention ou tout autre mécanisme à définir d'un commun accord
de sorte que, dans la mesure du possible, la société
bénéficiaire ne supporte pas d'impôt au titre de cette
contribution » … ; que, de même, Swissair a versé dès le
jugement d'homologation « une contribution supplémentaire "
destinée selon le protocole à " participer aux coûts engendrés
par la mise en place du plan de redressement " à hauteur de 50
millions de francs entre les mains des commissaires à
l'exécution du plan que ceux-ci devaient " affecter
exclusivement aux charges d'exploitation de la période comprise
entre le 1er août 2001 et la date à laquelle la décision
d'homologation deviendra définitive " ; qu'ainsi la contribution
financière de Swissair résultant d'une transaction conclue dans
le cadre d'une procédure collective à laquelle elle était
essentielle avait pour bénéficiaire l'entreprise et non le
repreneur lequel s'engageait à mettre en oeuvre un plan de
sauvetage de celle-ci grâce à la cession des actifs et à cette
contribution financière irrévocable ; que s'il est exact que les
fonds devaient être versés à la société Holco, tant la décision
du tribunal de commerce du 27 juillet 2001 qui indique que la
contribution de Swissair est destinée à financer la
restructuration, l'activité et la reprise des actifs faisant
l'objet du plan de cession, que la commune intention des parties
exprimée par le protocole annoncé dans la décision du 27 juillet
2001 et homologué le 1er août 2001 étaient que la contribution
de Swissair soit affectée à un usage déterminé, ladite
affectation étant la cause déterminante et exclusive de ce
transfert ; qu'ainsi la remise des fonds à Holco était bien à
titre précaire ; que le non-respect de la destination des fonds
fixée judiciairement et contradictoirement s'analyse non
seulement en un manquement au plan de cession de nature à
entraîner sa résolution mais constitue également l'infraction
pénale d'abus de confiance ; qu'en utilisant les fonds versés
par Swissair à hauteur de 5 millions d'euros dans la
constitution et le financement d'une filiale Holco Lux éloignée
du champ du plan de cession au financement duquel ils étaient
destinés et en affectant une somme de plus de 9 millions d'euros
à titre d'honoraires au bénéfice d'une société sans lien
capitalistique avec Holco, Jean-Charles X... a sciemment utilisé
les fonds à des fins étrangères à celles qui avaient été
expressément stipulées dans les conventions et commis des
détournements constitutifs des abus de confiance reprochés ; que
ces abus de confiance tels que définis à l'article 314-1 du code
pénal ont été commis au préjudice, d'une part, de la société
Swissair qui était partie au protocole et, d'autre part, de la
société d'exploitation AOM Air Liberté dont Holco déclarait se
porter fort ainsi que de toute société qu'elle se substituerait
pour l'exécution de tout ou partie du plan de cession ;
1°) alors que l'abus de confiance ne peut porter sur une remise
ayant opéré un transfert de propriété ; qu'en constatant le
caractère « irrévocable » de la contribution financière du
groupe Swissair au profit de la SAS Holco résultant du protocole
transactionnel des 31 juillet 2001 et 1er août 2001, homologué
le 1er août 2001, de sorte que les fonds litigieux versés à la
SAS Holco, devenus la propriété de cette dernière, ne pouvaient
faire l'objet d'un détournement au sens de l'article 314-1 du
code pénal au préjudice d'un tiers à cette société, la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations et a violé l'article précité ;
2°) alors que, de surcroît, le jugement arrêtant un plan de
cession d'actifs opère transfert de propriété au profit du
repreneur à la date de passation des actes nécessaires à la
réalisation de la cession ; que le jugement du tribunal de
commerce du 1er août 2001 homologuant le protocole
transactionnel précisait que « la disposition relative au
financement de la société Holco était la seule qui puisse
permettre au repreneur de prendre possession des sociétés cédées
à la date du 1er août, en conformité avec la décision rendue le
" 27 juillet " ; qu'en considérant que la remise des fonds par
Swissair à Holco dans le cadre du plan de cession d'actifs d'AOM
Air Liberté avait un caractère précaire alors que la société
Holco était devenue, du fait de l'homologation du plan de
cession d'actifs du débiteur en redressement judiciaire et de la
réalisation des actes de cession d'actifs, propriétaire des
actifs et sommes versées par Swissair dans le cadre de ce plan,
de sorte que les fonds litigieux ne pouvaient faire l'objet d'un
détournement au sens de l'article 314-1 du code pénal, la cour
d'appel a encore violé l'article précité ;
" 3°) alors que le protocole des 31 juillet 2001 et 1er août
2001, homologué le 1er août 2001 ne prévoyait aucune obligation
spécifique d'affectation de la contribution de 1 250 000 000
francs qui devait être versée par Swissair au repreneur, la SAS
Holco ; que seule la contribution de 50 000 000 francs versée
par Swissair aux administrateurs judiciaires prévoyait une
affectation particulière, ces derniers « s'obligeant à l'égard
du repreneur à affecter exclusivement cette avance de trésorerie
au financement des charges d'exploitation de la période comprise
entre le 1er août 2001 et la date à laquelle la décision
d'homologation de la présente transaction deviendra définitive »
; qu'en considérant, pour retenir un abus de confiance, que la
contribution de Swissair versée à Holco avait pour bénéficiaire
l'entreprise et non le repreneur, la cour d'appel a dénaturé les
termes clairs et précis dudit protocole ;
" 4°) alors que le jugement du 27 juillet 2001 arrêtant le plan
de cession d'actifs au profit d'Holco, repreneur, indiquait que
la contribution de Swissair devant être versée à Holco avait
pour objet de financer la reprise des actifs (« la
restructuration, l'activité et la reprise des actifs faisant
l'objet du plan de cession »), à l'exclusion du passif ; que le
jugement du 1er août 2001 homologuant le protocole
transactionnel précisait que « la disposition relative au
financement de la société Holco (par la contribution de Swissair
à Holco) était la seule qui puisse permettre au repreneur de
prendre possession des sociétés cédées à la date du 1er août, en
conformité avec la décision rendue le 27 juillet » ; qu'en
estimant que la contribution de Swissair versée à la SAS Holco
avait pour bénéficiaire l'entreprise AOM Air Liberté et non le
repreneur Holco, la cour d'appel a dénaturé les décisions
précitées indiquant que la contribution de Swissair versée à
Holco avait pour objet de financer le plan de reprise des seuls
actifs, et non la compagnie aérienne en redressement judiciaire
;
" 5°) alors que, même à supposer l'existence d'une obligation
d'affectation des fonds versés à Holco, la seule clause
prévoyant une affectation des fonds à un usage déterminé ne peut
conférer un caractère précaire à la remise ; qu'en se bornant à
énoncer que le protocole des 31 juillet 2001 et 1er août 2001,
homologué le 1er août 2001, prévoyait que la contribution de
Swissair soit affectée à un usage déterminé, à savoir le
financement de la restructuration, l'activité et la reprise des
actifs faisant l'objet du plan de cession, pour en déduire que
la remise des fonds à Holco avait été faite à titre précaire, la
cour d'appel n'a pas caractérisé la précarité de la remise, qui
ne peut résulter de la simple méconnaissance d'une obligation
contractuelle, et a méconnu le sens et la portée de l'article
314-1 du code pénal ;
" 6°) alors que Jean-Charles X... exposait dans ses écritures :
1- que le protocole transactionnel des 31 juillet et 1er août
2001 ne prévoyait aucune obligation contractuelle d'affectation
des fonds, pas davantage que les jugements du tribunal de
commerce des 27 juillet 2001 et 1er août 2001 ; que ce protocole
indique que Swissair entend « contribuer spontanément au
financement, sous diverses formes, du plan de cession (d'actifs)
proposé par Holco » sans préciser d'affectation particulière
pour la contribution versée par Swissair à Holco, contrairement
à la contribution de Swissair aux administrateurs judiciaires ;
qu'en qualité de repreneur d'un plan de cession d'actifs, Holco
n'avait pas à reprendre l'intégralité d'une société, mais
certains actifs seulement, et à l'exclusion du passif, et était
autonome pour décider du mode opératoire de cette exploitation ;
que le principal objet de ce protocole était de permettre la
mise hors de cause des actionnaires d'AOM Air Liberté, et
notamment de la société Swissair, principalement du chef de
soutien abusif ou de faute de gestion ainsi que le précise
expressément le protocole qui prévoit une renonciation du
repreneur à toute action contre le groupe Swissair ;
2- que d'autres pièces démontraient que la société Holco était
propriétaire des fonds versés par Swissair, telles que le
traitement comptable des fonds reçus, la contribution de
Swissair ayant été qualifiée, dans les comptes d'Holco, de
résultat exceptionnel, à ce titre soumis à l'impôt sur les
sociétés, et le fait qu'une part substantielle de cette
contribution ait fait l'objet d'un abandon de créance entre
Holco et Air Lib ;
3- que, même à supposer qu'il ait existé une obligation
d'affectation des fonds versés à Holco, la seule clause
prévoyant une affectation des fonds à un usage déterminé ne peut
conférer un caractère précaire à la remise, citant, à l'appui,
une jurisprudence constante de la Cour de cassation ;
4- qu'enfin, toujours à supposer qu'il ait existé une obligation
d'affectation, celle-ci concernait le plan de reprise des
actifs, et certainement pas la société Air Lib, structure créée
et détenue par Holco postérieurement à la reprise et au
protocole transactionnel pour assurer l'exploitation d'une
partie du fonds de commerce de l'ancienne société AOM Air
Liberté en redressement judiciaire, de sorte que la décision
d'affecter les sommes à une entité plutôt qu'à une autre
relevait du seul pouvoir de direction d'Holco ; qu'en
s'abstenant de répondre à ces moyens péremptoires absolument
essentiels à la résolution du litige, la cour d'appel a violé
l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 7°) alors que la déclaration de culpabilité non justifiée pour
le délit d'abus de confiance a exercé une influence déterminante
sur le prononcé de la peine de d'emprisonnement ferme et a
gravement préjudicié à Jean-Charles X... ; qu'il s'ensuit que le
bien-fondé de la critique exposée, quand bien même la peine
prononcée n'excèderait pas le maximum légal de la peine encourue
pour l'autre délit retenu (du chef duquel la censure est par
ailleurs également encourue) doit entraîner la cassation de
l'arrêt en son entier, sauf à méconnaître la règle du procès
équitable et les principes de légalité, de proportionnalité et
d'individualisation des peines, notamment au regard de l'article
132-19-1 du code pénal issu de la loi du 10 août 2007 qui
prévoit désormais des « peines plancher » en cas de récidive
légale ; que l'illégalité d'une condamnation prononcée de façon
globale pour plusieurs infractions différentes, à raison de
l'absence de constatation régulière de l'une d'elles, doit
remettre en cause l'intégralité de la condamnation " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles
X..., pris de la violation des articles 132-2, 314-1 du code
pénal, 242-6 3° du code de commerce, 591 à 593 du code de
procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, violation des droits de la défense, défaut de motifs,
manque de base légale ; contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X...,
président de la SAS Holco, coupable d'abus de confiance, au
préjudice des sociétés Sairlines et Sairgroup et de la société
d'exploitation AOM Air Liberté, pour avoir versé la somme de 9
140 000 euros à Pegler & Blatch et, pour les mêmes faits, l'a
déclaré coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la
société SAS Holco ;
" aux motifs que Jean-Charles X..., président de la SAS Holco,
s'est rendu coupable d'abus de confiance au préjudice des
sociétés Sairlines et Sairgroup et de la société d'exploitation
AOM Air Liberté pour avoir détourné 9 140 000 euros,
correspondant à une partie des fonds versés par le groupe
Swissair à Holco, fonds transférés à Pegler & Blatch, employés à
des fins étrangères à celles expressément définies par un
protocole transactionnel ; que Jean-Charles X... s'est rendu
également coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la
société SAS Holco par versement de ces mêmes fonds à Pegler &
Blatch ; que « si le délit d'abus de confiance et celui d'abus
de biens sociaux … sont dans leurs éléments matériels issus du
même transfert de fonds de la société Holco à la société Pegler
& Blatch, ils ne portent pas pour autant atteinte à la règle "
non bis in idem " dès lors qu'ils supposent pour être constitués
une atteinte portée à des intérêts distincts ; que l'abus de
confiance déjà retenu a pour finalité de protéger la personne
ayant remis les fonds détournés c'est-à-dire Swissair et celle à
qui ils auraient dû profiter soit Air Lib ; que l'abus de biens
sociaux tel qu'examiné prend en compte les seuls intérêts de la
personne morale Holco lésés par un acte de gestion imputé à son
dirigeant Jean-Charles X... et l'intérêt personnel que celui-ci
a pu en retirer ; que les éléments constitutifs des délits et
d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux sont différents ;
qu'au demeurant il y aura lieu au prononcé d'une seule peine ;
" alors que le même fait, à savoir le versement par la SAS Holco
d'une somme de 9 100 000 euros à Pegler & Blatch, ne peut à la
fois constituer un abus de confiance au préjudice de Swissair et
AOM Air Liberté, qui suppose le caractère précaire de la remise
des fonds à Holco exclusive de tout transfert de propriété, et
un abus de biens sociaux au préjudice de Holco, qui suppose que
les fonds étaient devenus la propriété de Holco ; qu'en retenant
deux qualifications pénales incompatibles, la cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles
X..., pris de la violation des articles L. 242-6 3° du code de
commerce, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs,
manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable
d'abus de biens sociaux au préjudice de la société SAS Holco en
se faisant verser une prime d'arrivée de 785 112, 44 euros ;
" aux motifs qu'il est reproché à Jean-Charles X... de s'être
fait verser le 1er octobre 2001 en sa qualité de président de la
société SAS Holco une prime d'arrivée de 762 000 euros nets ;
que cette prime dont le montant total était de 1 524 000 euros
mais dont le paiement de la seconde partie avait été différé en
fonction du résultat futur de l'entreprise, était destinée,
selon Jean-Charles X..., à compenser le fait qu'il n'avait pas
bénéficié d'indemnité lors de son départ d'Air France ; que les
avis des commissaires aux comptes ne lient pas le juge pénal ;
que rien ne justifie que le dirigeant de la société repreneuse,
dont le capital n'avait pas été entièrement libéré, s'octroie un
tel avantage alors qu'à l'époque les chances de réussite de la
reprise étaient obérées par les conséquences des attentats du 11
septembre 2001 et la défaillance de la société Swissair et que
la situation de la compagnie aérienne était largement
déficitaire ; qu'au demeurant le business plan prévoyait une
situation déficitaire de celle-ci jusqu'au premier semestre 2003
; que Jean-Charles X... en a pris lui-même conscience puisqu'il
a fini par suspendre le paiement de la moitié de la prime
d'arrivée, le conditionnant de sa propre initiative a une
amélioration de la situation financière d'Air Lib ; que cette
décision d'attribution d'une prime d'arrivée est contraire à
l'intérêt social de la société Holco même si l'exercice clos le
31 mars 2003 de la holding était bénéficiaire ;
" 1°) alors que le délit d'abus de biens sociaux n'est
caractérisé que si le dirigeant fait des biens de celle-ci un
usage contraire à l'intérêt social ; qu'en se bornant à se
référer aux seuls difficultés de la société AIR LIB, société
distincte d'Holco, pour retenir que la prime d'arrivée versée
par la SAS Holco à son dirigeant Jean-Charles X... était
contraire à l'intérêt social de cette dernière, sans examiner,
comme elle y était d'ailleurs expressément invitée, la situation
de la SAS Holco ainsi que l'extrême complexité et l'ampleur tout
à fait exceptionnelle des taches qui revenaient à Jean-Charles
X... en vue de redresser la société AOM Air Liberté, dont la
situation était en effet désastreuse mais qui justifiait
précisément une prime d'arrivée compte tenu du travail
considérable de Jean-Charles X..., la cour d'appel n'a pas
justifié sa décision ;
" 2°) alors que Jean-Charles X... exposait dans ses écritures :
1- que l'expert financier, M. B..., mandataire ad hoc désigné
par ordonnance du 21 mars 2003, dont le rapport du 24 juin 2003
a été régulièrement versé à la procédure pénale et auquel la
cour se réfère, (relève à cet égard que « malgré la mise en
liquidation judiciaire de la SE AOM-Air Liberté, la SAS Holco
devrait réaliser sur son exercice clos le 31 mars 2003 un
résultat imposable au taux de droit commun de 1, 4 millions
d'euros ;
2- que cette prime a été, comme toutes les rémunérations
allouées aux dirigeants d'Holco, portée à la connaissance des
experts-comptables et commissaires aux comptes de la société, et
est apparue normale eu égard à l'expérience professionnelle et à
la complexité du transport aérien et du management d'un groupe
tel celui issu de la reprise des sociétés AOM et Air Liberté ;
3- qu'Arnaud C..., du cabinet Salustro Reydel, a confirmé que la
prime « recouvre le temps de travail passé au moment de la
reprise : ils ont travaillé 24H / 24, ajoutons à cela le fait
d'aller chercher de telles compétences à une période comme
celle-ci avec la situation connue de Air Lib ; que tous ces
facteurs se paient » ; qu'en se bornant à relever qu'elle
n'était pas liée par les avis des commissaires aux comptes pour
s'abstenir de répondre à ces arguments péremptoires, l'ampleur
et la complexité du travail de Jean-Charles X... étant de nature
à justifier la prime versée et à exclure le délit reproché, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles X...,
pris de la violation des articles L. 242-6 3° du code de
commerce, 121-1 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure
pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,
défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs
;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable
d'abus de biens sociaux au préjudice de la société SAS Holco
pour avoir cédé les titres de la société Cooperatie Mermoz UA à
IMCA ;
" aux motifs que l'Etat avait imposé à Jean-Charles X..., ainsi
qu'à la SAS Holco, l'abandon de la direction d'AIR LIB dans le
cadre de la conciliation à la faveur de l'arrivée du groupe
néerlandais IMCA au cours du deuxième semestre 2002 ; que
Jean-Charles X... a cédé à la société IMCA, sans contrepartie
réelle ni garantie à la date de son engagement, la totalité des
titres de la société Cooperatie Mermoz UA et par conséquent de
sa filiale à 100 % Mermoz Ireland propriétaire des aéronefs
inclus dans le périmètre de la reprise, en violation, au
surplus, de l'inaliénabilité de deux années ; que, si la
recherche d'un repreneur n'est pas critiquable, s'agissant … de
la dernière chance de survie d'Air Lib, le transfert de la
totalité des titres sans garantie à M. D... en quête d'un
financement nécessairement aléatoire est reprochable ; que cette
cession était contraire aux intérêts de la société Holco mais
était profitable à la société IMCA et à Jean-Charles X...,
lequel s'était assuré préalablement à cette cession, via la
société SLAT Services Ltd, de la rétrocession d'une partie du
chiffre d'affaires à venir de Mermoz Ireland Ltd ; qu'il a mis
en place antérieurement même à la signature de la convention de
prestations de services, le versement d'une somme de 1 159 185,
95 dollars, très supérieure aux sommes dues en exécution du
contrat, alors même que Air Lib n'était plus en mesure d'honorer
ses engagements, ce qui devait amener Mermoz Aviation Ireland a
produire entre les mains des liquidateurs au titre d'une créance
de 9 millions d'euros ; que la décision du tribunal de commerce
de Z..., saisi sur assignation du 10 juin 2003 délivrée à EW
D... et à Air Lib Nederland a constaté non pas la mauvaise foi
de M. D... mais l'accord des parties, l'acquisition de la clause
résolutoire et le retour des titres dans le patrimoine de la
société Holco mais a également retenu que la société IMCA
bénéficiait d'un droit de rétention sur les titres jusqu'au
paiement de la clause pénale prévue à l'article 4 de l'annexe 1
du protocole du 7 janvier 2003 et ordonné le séquestre des
titres ; que cette décision civile est, en outre, sans incidence
sur le délit d'abus de biens sociaux imputable à Jean-Charles
X... ;
" 1°) alors que nul n'est responsable que de son fait personnel
; qu'en considérant que l'acte de cession des titres de la
société Cooperatie Mermoz UA à IMCA, initié et soutenu par
l'Etat, était contraire à l'intérêt social de la SAS Holco du
fait du non-respect-par définition postérieur à l'acte de
cession-par le cocontractant d'Holco, M. D... représentant la
société IMCA, de ses obligations contractuelles, lequel n'est
pas imputable à Jean-Charles X... ni à la société Holco, la cour
d'appel a violé les articles 121-1 et L 242-6 3° du code de
commerce ;
" 2°) alors qu'en retenant, pour caractériser un acte contraire
à l'intérêt social, que le transfert par la SAS Holco des titres
de la société Cooperatie Mermoz UA à IMCA avait été effectué
sans garantie, tout en relevant que le contrat de cession
prévoyait au profit d'Holco une clause résolutoire et le retour
des titres dans le patrimoine de la société Holco destinée à
garantir le respect par Monsieur D... de l'engagement de
financement de la flotte en cas de défaillance de la société
IMCA, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs
contradictoires ;
" 3°) alors, enfin, que Jean-Charles X... exposait, dans ses
conclusions d'appel, que la convention Mermoz Ireland Ltd – Slat
était indépendante de la cession des titres de la société
Cooperatie Mermoz UA à IMCA et, de surcroît, bien antérieure à
celle-ci ; que cette convention prévoyait que la société Slat
Services Ltd était intéressée au chiffre d'affaires de la
société Cooperatie Mermoz UA, quel que soit le propriétaire des
actions de la société Cooperatie Mermoz UA, de sorte qu'il n'y a
aucune relation de cause à effet entre la conclusion du contrat
entre Mermoz et Slat Services Ltd et la cession des titres ;
qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens péremptoires de
nature à exclure tout lien entre la cession et la convention
litigieuse ainsi qu'un quelconque intérêt personnel de
Jean-Charles X... à la cession des titres de la société
Cooperatie Mermoz UA à IMCA, initiée et soutenu par les pouvoirs
publics, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Sur le septième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles X...,
pris de la violation des articles L. 242-6 3° du code de
commerce, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs,
manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable
d'abus de biens sociaux au préjudice de la société AOM Air
Liberté ;
" aux motifs qu'il est reproché à Jean-Charles X..., en sa
qualité de président-directeur général de la société
d'exploitation AOM Air Liberté, d'avoir conclu avec Holco, dont
il était le président, une convention de prestation de services
(management fees) le 31 décembre 2001 et un avenant le 29 mai
2002 prévoyant le paiement par Air Lib de prestations de gestion
à hauteur de 4, 7 millions d'euros au bénéfice de Holco SAS et
d'avoir fait verser, en exécution de cette convention, la somme
de 950 000 euros ; que si cette convention concernait également
trois autres sociétés du groupe, l'essentiel des rémunérations
prévues étaient à la charge de la société Air Lib ; qu'étaient
convenus des honoraires hors taxe d'un million d'euros pour la
période du 1er août au 31 décembre 2001 et un honoraire annuel
hors taxe de 2 400 000 euros ; que l'avenant précité prévoyait
une rémunération complémentaire de 2 % sur le montant des frais
exposés ; qu'en contrepartie, Holco s'engageait à l'égard de ses
filiales Air Lib, Air Lib technics, Minerve Antilles Guyane et
Hotavia Restauration Service SN en termes peu précis à «
consacrer la plus grande partie de son activité au profit de ses
filiales et en particulier une partie de son personnel pour
qu'il se consacre notamment à la recherche d'investisseurs ou de
financements afin d'assurer le développement économique des
parties, à la négociation d'accords collectifs avec les salariés
des sociétés, aux rapports avec les pouvoirs publics, aux
relations avec la presse, à la mise en place des structures
juridiques et organisationnelles etc » ; que le formalisme
relatif aux conventions mère-filles prévu par l'article L.
225-38 du code de commerce qui exige une autorisation préalable
du conseil d'administration n'a pas été respecté alors qu'il
sera relevé que la convention entrait en vigueur rétroactivement
au 1er août 2001 ; qu'à cet égard qu'une simple présentation au
conseil d'administration du 10 décembre 2002 est insuffisante …
; que le juge pénal n'est pas lié par l'avis des auditeurs
Mazars et Guérard … ; que les facturations d'Holco à Air Lib au
titre des management fees se sont élevées à 2 643 000 euros pour
la période du 1er août 2001 au 31 mars 2002 et à la somme de 2
064 000 euros pour la période d'avril 2002 à mars 2003 ; que si
ces facturations ont été réglées à hauteur de 950 000 euros au
cours de l'exercice 2002-2003, le solde a fait l'objet d'une
production entre les mains des liquidateurs pour 2 453 021, 35
euros … ; que, si le principe d'une telle convention n'est pas
critiquable en soi, sauf à satisfaire aux dispositions de
l'article L. 225-38 du code de commerce, c'est le caractère
manifestement excessif des honoraires mis à la charge de la
filiale au regard des charges finalement assurées par la société
mère qui caractérise la contrariété à l'intérêt social ;
" alors que Jean-Charles X... exposait dans ses écritures :
1- que seule la prise en compte de la totalité des coûts
salariaux de la holding de reprise permettait de procéder à une
comparaison adéquate entre les charges réellement assumées par
la holding et les moyens dont la filiale disposait et que M.
B..., expert, avait effectué ces calculs et précisé que les
coûts salariaux totaux de la SAS Holco, incluant les charges
sociales, se sont élevés à la somme de 3 741 000 euros pour la
période d'août 2001 à mars 2003, de sorte que la facturation de
3 060 000 euros à la charge d'AIR LIB est loin d'être «
manifestement excessive », ces honoraires apparaissant au
contraire inférieurs aux seuls besoins d'Holco en matière
salariale ;
2- que ces « management fees » ont été présentés aux auditeurs
de Mazars & Guérard lors de l'audit commandé par ministère de
l'économie et des finances, lesquels ne les ont pas jugés
excessifs ;
3- que les frais de gestion d'AIR LIB par Holco ne peuvent se
limiter à ces seuls coûts car le remboursement des salaires et
des charges sociales n'est pas le seul objet d'une convention de
management fees, laquelle rémunère un ensemble de services,
comme par exemple la renégociation avec Flight Lease de la
location de deux Airbus A340 et qui a permis à Air Lib une
économie de trésorerie de 6, 4 millions d'euros ;
4- que ce type de convention est très courant dans les schémas
de reprise par une holding, dès lors que seules ces commissions
de gestion pouvaient permettre à la holding Holco, dont le seul
objet est d'assurer la gestion de ses filiales, de financer son
activité économique courante ; qu'en déclarant Jean-Charles X...
coupable d'abus de confiance en s'abstenant de répondre à ces
moyens péremptoires, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris
de la violation des articles 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, préliminaire, 121-7, 314-1 du code pénal, 593
du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base
légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance commis par Jean-Charles X...,
en répression, l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" aux motifs qu'il est constant qu'une partie de ces fonds, via
les banques CIC, Delubac et de Groof, a profité à la société
Holco Lux, Soparfi de droit luxembourgeois, filiale à 100 %
d'Holco, constituée le 28 décembre 2001 par l'entremise de Me
A..., avocat à Luxembourg, pour prendre des participations dans
des domaines connexes au transport aérien ; que cette structure
a bénéficié, par chèque émis par Holco le 3 décembre 2001, de 5
millions d'euros correspondant à une dotation en capital de 1
million d'euros et à une avance en compte courant de 4 millions
d'euros ; que les fonds ont été investis dans un projet IP BUS
relatif à la conception de logiciels de formation à travers de
la société New Co propriétaire de la société Cursor bureau
d'étude informatique, qui a obtenu des avances de 184 972 euros
le 18 décembre 2002, de 440 000 euros le 11 juillet 2002 et de
440 000 euros le 18 décembre 2002 soit au total 1 064 972 euros
convertis en prêt le 18 décembre 2002 ; que finalement le
contrôle de la société New Co a été pris en juin 2003 par
conversion du prêt en titres ; qu'en juin 2002, Jean-Charles
X... assisté d'Yves Y... et de Charles A... a présenté au nom de
Holco Lux devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand une
offre de la société de motocycles Voxan pour 120 000 euros,
outre une garantie des engagements qui seraient mis à la charge
des repreneurs au titre des investissements futurs de 1 000 000
d'euros, qui n'a pas abouti … ; que le rapport E... visé dans
les conclusions de Jean-Charles X... ne constitue en réalité
qu'une note technique établie de façon non contradictoire par
son auteur l'expert E..., mandaté et rémunéré par Jean-Charles
X..., déposée seulement en novembre 2008 et ce, dans une
procédure ayant fait l'objet d'une instruction ouverte le 24
juillet 2003 et clôturée le 21 mars 2005 ; que ce document qui
se veut une reprise des dépenses de la société Holco Lux pour le
compte de la maison mère Holco à hauteur de 3 624 787, 47 euros
est dépourvu de toute force probante au regard de ses conditions
d'établissement et du fait qu'il part du postulat que toute
dépense de Holco Lux a nécessairement bénéficié à Holco ;
qu'outre le fait que le projet de rachat de Voxan était sans
lien avec l'activité de la compagnie aérienne, contrairement à
ce qui a été allégué par Jean-Charles X... sur la haute
technicité du personnel de Voxan qui serait utile à une
compagnie aérienne, ce dont il n'est rien justifié, ledit projet
tout comme celui relatif à IP BUS nécessitaient une surface
financière permettant de réaliser des investissements avec une
perspective de retour sur investissement à horizon de cinq
années comme il ressort de l'étude de Price Waterhouse Coopers ;
… qu'en utilisant les fonds versés par Swissair à hauteur de 5
millions d'euros dans la constitution et le financement d'une
filiale Holco Lux éloignée du champ du plan de cession au
financement duquel ils étaient destinés et en affectant une
somme de plus de 9 millions d'euros à titre d'honoraires au
bénéfice d'une société sans lien capitalistique avec Holco,
Jean-Charles X... a sciemment utilisé les fonds à des fins
étrangères à celles qui avaient été expressément stipulées dans
les conventions et commis des détournements constitutifs des
abus de confiance reprochés ;
" alors que toute personne dont la culpabilité est recherchée
doit pouvoir produire à tout moment de son procès pénal des
pièces qui sont de nature à établir son innocence ; qu'en
refusant d'examiner le rapport E... dont Yves Y... s'est prévalu
dans ses écritures page 7, aux seuls motifs qu'il avait été
établi après la clôture de l'instruction, la cour d'appel a
privé Yves Y... d'un procès équitable et méconnu les textes
susvisés " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société
civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris
de la violation des articles 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, 121-7, 314-1 du code pénal, 593 du code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance commis par Jean-Charles X...,
en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" aux motifs que la contribution financière de Swissair
résultant d'une transaction conclue dans le cadre d'une
procédure collective à laquelle elle était essentielle avait
pour bénéficiaire l'entreprise et non le repreneur, lequel
s'engageait à mettre en oeuvre un plan de sauvetage de celle-ci
grâce à la cession des actifs et à cette contribution financière
irrévocable ; que, s'il est exact que les fonds devaient être
versés à la société Holco, tant la décision du tribunal de
commerce du 27 juillet 2001 qui indique que la contribution de
Swissair est destinée à financer la restructuration, l'activité
et la reprise des actifs faisant l'objet du plan de cession, que
la commune intention des parties exprimée par le protocole
annoncé dans la décision du 27 juillet 2001 et homologué le 1er
août 2001 étaient que la contribution de Swissair soit affectée
à un usage déterminé, ladite affectation étant la cause
déterminante et exclusive de ce transfert ; qu'ainsi la remise
des fonds à Holco était bien à titre précaire ; que le
non-respect de la destination des fonds fixée judiciairement et
contradictoirement s'analyse non seulement en un manquement au
plan de cession de nature à entraîner sa résolution mais
constitue également l'infraction pénale d'abus de confiance ;
qu'en utilisant les fonds versés par Swissair à hauteur de 5
millions d'euros dans la constitution et le financement d'une
filiale Holco Lux éloignée du champ du plan de cession au
financement duquel ils étaient destinés et en affectant une
somme de plus de 9 millions d'euros à titre d'honoraires au
bénéfice d'une société sans lien capitalistique avec Holco,
Jean-Charles X... a sciemment utilisé les fonds à des fins
étrangères à celles qui avaient été expressément stipulées dans
les conventions et commis des détournements constitutifs des
abus de confiance reprochés ; que ces abus de confiance tels que
définis à l'article 314-1 du code pénal ont été commis au
préjudice, d'une part, de la société Swissair qui était partie
au protocole et, d'autre part, de la société d'exploitation AOM
Air Liberté dont Holco déclarait se porter fort ainsi que toute
société qu'elle se substituerait pour l'exécution de tout ou
partie du plan de cession ; que c'est AOM Air Liberté qui a
poursuivi l'exploitation des activités aériennes tenant aux
actifs objets du plan de cession et non les autres filiales
ayant assuré des activités annexes au service d'AOM Air Lib au
coeur de l'exploitation ;
" 1°) alors que le détournement supposant une remise à titre
précaire, il ne peut y avoir détournement en cas de transfert de
propriété ; qu'il résulte de l'article 1er du protocole du 31
juillet 2001 homologué par le jugement du tribunal de commerce
du 27 juillet 2001 devenu définitif que les sociétés Sairgroup
et Sairlines ont pris l'engagement de consentir à la société
Holco, en sa qualité de repreneur des actifs des groupes AOM et
Air Liberté une contribution financière d'un montant global et
forfaitaire de 1 250 000 000 francs, qualifiée de subvention,
sous la condition suspensive que le jugement du tribunal de
commerce de Créteil en date du 27 juillet 2001 ayant arrêté le
plan de cession de la société Holco devienne définitif et que ce
protocole soit homologué par le même tribunal ; que la cour
d'appel a constaté que cette contribution financière était
irrévocable ; qu'il s'ensuit que la société Holco est devenue
propriétaire des sommes versées par les sociétés Sairgroup et
Sairlines en application de ce protocole ; qu'en déclarant
Jean-Charles X..., dirigeant de la société Holco, coupable
d'abus de confiance et Yves Y... coupable de complicité en
retenant que le premier aurait détourné avec l'aide et
l'assistance du second une partie de ces fonds de leur
destination, cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
" 2°) alors que l'abus de confiance suppose que le détournement
préjudicie aux propriétaires, possesseurs ou détenteurs des
deniers détournés ; qu'il est constant que les sociétés
Sairgroup et Sairlines ont remis à la société Holco une somme
totale de 1 milliard de francs, qualifiée de subvention, en
application du protocole du 31 juillet 2001 homologué par le
jugement du tribunal de commerce de Créteil du août 2001 en vue
de financer la reprise et la restructuration des actifs des
groupes AOM et Air Liberté ; qu'il s'ensuit que les sociétés
Sairgroup et Sairlines ne détenaient plus aucun droit sur les
fonds dont la propriété avait été transférée à la société Holco
; que la nouvelle société Air Lib créée à la suite de la reprise
des actifs du groupe n'en était pas plus détentrice ou
possesseur ; qu'en se déterminant par le fait qu'un détournement
de fonds aurait été commis au préjudice d'une part des sociétés
Sairlines et Sairgroup, parties au protocole et, d'autre part,
de la société Air Lib qui a poursuivi les activités aériennes,
la cour d'appel a derechef méconnu les textes susvisés " ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme, 121-7, 314-1 du code pénal, 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance commis par Jean-Charles X...,
en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" aux motifs qu'il est constant qu'une partie de ces fonds, via
les banques CIC, Delubac et de Groof, a profité à la société
Holco Lux, Soparfi de droit luxembourgeois, filiale à 100 %
d'Holco, constituée le 28 décembre 2001 par l'entremise de Me
A..., avocat à Luxembourg, pour prendre des participations dans
des domaines connexes au transport aérien ; que cette structure
a bénéficié, par chèque émis par Holco le 3 décembre 2001, de 5
millions d'euros correspondant à une dotation en capital de 1
million d'euros et à une avance en compte courant de 4 millions
d'euros ; que les fonds ont été investis dans un projet IP BUS
relatif à la conception de logiciels de formation à travers de
la société New Co propriétaire de la société Cursor bureau
d'étude informatique, qui a obtenu des avances de 184 972 euros
le 18 décembre 2002, de 440 000 euros le 11 juillet 2002 et de
440 000 euros le 18 décembre 2002 soit au total 1 064 972 euros
convertis en prêt le 18 décembre 2002 ; que, finalement le
contrôle de la société New Co a été pris en juin 2003 par
conversion du prêt en titres ; qu'en juin 2002, Jean-Charles
X... assisté d'Yves Y... et de Charles A... a présenté au nom de
Holco Lux devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand une
offre de la société de motocycles Voxan pour 120 000 euros,
outre une garantie des engagements qui seraient mis à la charge
des repreneurs au titre des investissements futurs de 1 000 000
d'euros, qui n'a pas abouti ; que le rapport E... visé dans les
conclusions de Jean-Charles X... ne constitue en réalité qu'une
note technique établie de façon non contradictoire par son
auteur l'expert E..., mandaté et rémunéré par Jean-Charles X...,
déposée seulement en novembre 2008 et ce, dans une procédure
ayant fait l'objet d'une instruction ouverte le 24 juillet 2003
et clôturée le 21 mars 2005 ; que ce document qui se veut une
reprise des dépenses de la société Holco Lux pour le compte de
la maison mère Holco à hauteur de 3 624 787, 47 euros est
dépourvu de toute force probante au regard de ses conditions
d'établissement et du fait qu'il part du postulat que toute
dépense de Holco Lux a nécessairement bénéficié à Holco ;
qu'outre le fait que le projet de rachat de Voxan était sans
lien avec l'activité de la compagnie aérienne, contrairement à
ce qui a été allégué par Jean-Charles X... sur la haute
technicité du personnel de Voxan qui serait utile à une
compagnie aérienne, ce dont il n'est rien justifié, ledit projet
tout comme celui relatif à IP BUS nécessitaient une surface
financière permettant de réaliser des investissements avec une
perspective de retour sur investissement à horizon de cinq
années comme il ressort de l'étude de Price Waterhouse Coopers ;
qu'en utilisant les fonds versés par Swissair à hauteur de 5
millions d'euros dans la constitution et le financement d'une
filiale Holco Lux éloignée du champ du plan de cession au
financement duquel ils étaient destinés et en affectant une
somme de plus de 9 millions d'euros à titre d'honoraires au
bénéfice d'une société sans lien capitalistique avec Holco,
Jean-Charles X... a sciemment utilisé les fonds à des fins
étrangères à celles qui avaient été expressément stipulées dans
les conventions et commis des détournements constitutifs des
abus de confiance reprochés ;
" 1°) alors qu'à supposer même que la méconnaissance de la
destination des fonds fixée par le protocole transactionnel
homologué par le jugement du tribunal de commerce de Créteil du
1er août 2001 soit qualifiée de détournement, en dépit de la
circonstance selon laquelle la société Holco est devenue
propriétaire de ces fonds, il résulte de ce protocole que les
fonds ont été remis en vue de financer la reprise des actifs
objet du plan de cession et la restructuration des groupes AOM
et Air Liberté ; qu'en se bornant à relever que la société Holco
Lux qui avait pour objet la prise de participation dans des
domaines connexes au transport aérien et qui, de fait, a pris
une participation dans la société New Co, propriétaire de la
société Cursor bureau d'études informatiques était éloignée du
champ du plan de cession, sans préciser ce champ, les activités
des sociétés Cursor et New Co, ni en quoi cette prise de
participation ne répondait pas à l'objectif poursuivi par la
contribution financière des sociétés Sairlines et Sairgroup, la
cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
" 2°) alors que la cour d'appel ayant constaté l'existence d'un
compte courant entre les sociétés Holco et Holco Lux, il lui
appartenait de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions
d'Yves Y..., si ce compte n'avait pas permis à la société Holco
Lux de payer les dépenses de Holco, circonstance qui était de
nature à remettre en cause l'existence et le montant des sommes
détournées ; à défaut la cour d'appel n'a pas légalement
justifié sa décision " ;
Sur le septième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme, 121-7, 314-1, 321-1 du code pénal, L. 242-6 3° et L.
244-1 du code de commerce, 2, 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance et d'abus de biens sociaux
commis par Jean-Charles X..., et de recel d'abus de bien
sociaux, en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" aux motifs que si le délit d'abus de confiance et celui d'abus
de biens sociaux tels que retenus dans l'ordonnance de renvoi
sont dans leurs éléments matériels issus du même transfert de
fonds de la société Holco à la société Pegler & Blatch, ils ne
portent pas pour autant atteinte à la règle « non bis in idem »
dès lors qu'ils supposent pour être constitués une atteinte
portée à des intérêts distincts ; que l'abus de confiance déjà
retenu a pour finalité de protéger la personne ayant remis les
fonds détournés c'est-à-dire Swissair et celle à qui ils
auraient dû profiter soit Air Lib ; que l'abus de biens sociaux
tels qu'examiné prend en compte les seuls intérêts de la
personne morale Holco lésés par un acte de gestion imputé à son
dirigeant Jean-Charles X... et l'intérêt personnel que celui-ci
a pu en retirer ; que les éléments constitutifs des délits et
d'abus de confiance de biens sociaux sont différents ; qu'au
demeurant il y aura lieu au prononcé d'une seule peine ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait sans mieux s'en expliquer
juger que l'usage prétendument abusif des fonds provenant de la
contribution des sociétés Sairlines et Sairgroup par le
versement par le dirigeant de la société Holco à la société
Pegler & Blatch de la somme de 9 146 941 euros constituait tout
à la fois un abus de confiance au préjudice de la société Air
Lib, ce qui suppose que les fonds détournés étaient la propriété
d'Air Lib, ou que celle-ci avait sur les fonds les droits d'un
possesseur ou d'un détenteur au moment du détournement, et un
abus de biens sociaux au préjudice de la société Holco, ce qui
suppose que les mêmes fonds étaient au moment du versement à la
société Pegler & Blatch la propriété de la société Holco ; qu'en
entrant en voie de condamnation, sans justifier en droit et en
fait ces qualités concurrentes et exclusives des sociétés Holco
et Air Lib, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Sur le huitième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la convention européenne des droits
de l'homme, 121-7, 314-1 du code pénal, L 242-6 3° et L. 244-1
du code de commerce, 2, et 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance et de l'abus de biens sociaux
commis par Jean-Charles X..., en répression l'a condamné à une
peine de trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec
sursis, au paiement d'une amende de 300 000 euros et à une peine
complémentaire d'exercer la profession d'avocat pendant deux
ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que l'ensemble de la procédure démontre qu'en
réalité Jean-Charles X... a poursuivi une entreprise personnelle
avec l'assistance d'un conseil, Yves Y..., qui a été
l'inspirateur et l'orchestrateur des montages juridiques et des
flux financiers et a participé directement à la définition de la
stratégie revendiquée par Jean-Charles X... ; que les
détournements reprochés à Jean-Charles X... n'ont été possibles
qu'avec l'aide et l'assistance d'Yves Y... ; que c'est celui-ci
qui a mis Jean-Charles X... en relation avec son confrère
luxembourgeois Charles A..., lequel a reconnu avoir été l'auteur
des actes constitutifs des sociétés Holco Lux et Pegler & Blatch
à la demande de Jean-Charles X... ; qu'Yves Y... a participé à
toutes les réunions avec son confrère et Jean-Charles X... au
sujet de ces montages ; qu'il était le conseil permanent de
Jean-Charles X... ; qu'il apparaît comme l'auteur de divers
courriers aux banques, et même comme signataire de certains
actes ; que son rôle n'était pas uniquement contentieux mais
tenait également à la reprise elle-même dès son projet et à la
mise en place des structures au sein desquelles il est
directement intervenu ; qu'Yves Y... était le seul à avoir une
appréciation d'ensemble de la situation en sa qualité de
centralisateur et de coordinateur des autres conseils ; que,
selon Jean-Charles X..., Yves Y... gérait l'ensemble des aspects
juridiques d'Holco et toutes ses filiales qu'elles aient été
opérationnelles ou pas ; qu'il indique même que c'était le
catéchisme juridique, qu'il supervisait l'ensemble de
l'organisationnel juridique quand il avait la compétence, qu'il
traitait en direct sinon, il confiait le dossier à un
spécialiste tout en supervisant et en assurant le suivi ; que le
rôle essentiel de Yves Y... ressort également de divers
témoignages dont celui de Hubert F..., analyste financier ayant
assisté les administrateurs et de Me G..., administrateur,
auxquels l'avocat est apparu comme le véritable animateur du
projet ; que Me H..., chargé d'une mission de conciliation,
indique que les décisions étaient prises par Jean-Charles X...
sur les conseils d'Yves Y..., ce qui confirme qu'il était au
centre du système mis en place ; que les premiers juges
retiennent à juste titre qu'Yves Y... a sciemment participé avec
son confrère Charles A... à la constitution des sociétés Holco
Lux et Pegler & Blatch en ayant connaissance des objectifs
poursuivis et de l'emploi des fonds du groupe Swissair, se
rendant ainsi complice de Jean-Charles X... dans la commission
des délits d'abus de confiance reprochés à celui-ci ;
" et aux motifs que Jean-Charles X... a sciemment privé la
société Holco dont il était le dirigeant d'une partie de sa
trésorerie, ce qui était nécessairement contraire à l'intérêt de
celle-ci, au profit de la société Pegler & Blatch avec
rétrocession d'une partie des fonds au profit de sociétés
off-shore dont il était lui-même ainsi que Yves Y... et
Christian Z..., ayant droit économique, ce qui caractérise
l'intérêt personnel ; que la déclaration de culpabilité du chef
d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Holco doit
être confirmé ; que l'avocat Yves Y... avait une parfaite
connaissance de la société Holco et de sa stratégie, qu'il a eu,
comme déjà expliqué, un rôle central en ce qui concerne les
structures, spécialement les structures à l'étranger, en
relation avec son confrère luxembourgeois Charles A... qu'il a
présenté à Jean-Charles X..., lequel s'en remettait au
catéchisme dispensé par Yves Y... ; que ce dernier coordonnait
tous les autres cabinets d'avocats intervenants qu'il
choisissait ; que c'est l'adresse professionnelle de l'avocat
qui figure à la convention précitée du 1er février 2002 ; que le
courrier susvisé adressé le 21 janvier 2002 par Jean-Charles
X... à la BNP d'Amsterdam désigne le cabinet Y... comme
interlocuteur en cas de difficultés ;
" 1°) alors qu'Yves Y... a été poursuivi pour s'être à Z...,
courant 2001 et 2002, rendu complice du délit d'abus de
confiance commis par Jean-Charles X... en l'aidant ou en
l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation en
organisant, avec son confrère luxembourgeois, Charles A..., la
constitution des sociétés de droit luxembourgeois Holco Lux et
Pegler & Blatch ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Charles
A... a reconnu avoir été l'auteur des actes constitutifs des
sociétés Holco Lux et Pegler & Blatch à la demande de
Jean-Charles X... ; qu'en se bornant à relever qu'Yves Y...
avait mis en contact Jean-Charles X... avec Charles A..., et
qu'il avait assisté à toutes les réunions avec son confrère
luxembourgeois, et que, d'une manière générale, qu'il était «
l'inspirateur et l'orchestrateur des montages juridiques », « le
catéchisme juridique » « le centre du système mis en place »,
sans relever des actes précis et positifs de sa participation à
la constitution des sociétés Holco Lux et Pegler & Blatch, seuls
faits qui lui sont reprochés, la cour d'appel n'a pas légalement
justifié sa décision ;
" 2°) alors qu'Yves Y... a été poursuivi pour s'être rendu
complice du délit d'abus de biens sociaux commis par
Jean-Charles X... en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans
sa préparation ou sa consommation, en assurant des prestations
juridiques pour le compte de la société Pegler & Blatch et en
prêtant son concours au montage occulte élaboré entre les
sociétés Pegler & Blatch et Norwich Holding Inc dont il était
l'ayant droit économique ; qu'en se bornant à relever qu'Yves
Y... avait joué un rôle central en ce qui concerne les
structures à l'étranger, qu'il était le coordinateur des autres
cabinets d'avocats, que son adresse professionnelle apparaissait
dans une convention ou son nom dans un courrier, la cour d'appel
n'a pas caractérisé les prestations juridiques qu'il aurait
effectuées pour le compte de la société Pegler & Blatch ni son
concours au montage occulte élaboré entre cette société et la
société Norwitch, constitutives d'une aide ou assistance en
faveur de Jean-Charles X... ; qu'en entrant en voie de
condamnation la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Sur le dixième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme, 121-7, 314-1, 321-1 du code pénal, L. 242-6 3° et L.
244-1 du code de commerce, 2, 593 du code de procédure pénale,
625 du code de procédure civile, défaut de motifs, manque de
base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance et de l'abus de biens sociaux
commis par Jean-Charles X..., et de recel d'abus de biens
sociaux, en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
" alors que l'acte poursuivi au titre de la complicité doit se
référer à une infraction principale elle-même punissable ; que
le recel n'est constitué que si les choses détenues proviennent
d'une action qualifiée crime ou délit par la loi ; que
Jean-Charles X... poursuivi en qualité d'auteur des délits
d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance dont Yves Y...
serait complice et receleur ayant formé un pourvoi en cassation
contre l'arrêt de la cour d'appel de Z... qui l'a déclaré
coupable de ces différentes infractions, la cassation à
intervenir sur son pourvoi entraînera par voie de conséquence
celle de l'arrêt attaqué en ce qu'il concerne Yves Y... " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que
les compagnies aériennes AOM, Air Liberté et TAT ont été
déclarées en redressement judiciaire le 19 juin 2001 ; que, par
jugement du 27 juillet 2001, le tribunal de commerce a arrêté le
plan de cession des actifs des entreprises, pour une somme
symbolique, au profit de Jean-Charles X..., qui s'est substitué
la société Holco, société par actions simplifiées qu'il venait
de constituer et dont il était l'unique associé ; que, sous le
couvert de cette société holding, ont été créées une dizaine de
filiales, détenues à 100 %, dont la société d'exploitation
AOM-Air liberté, devenue Air Lib le 20 septembre 2001,
substituée à la société Holco pour la reprise de l'activité de
compagnie aérienne, à l'exception des avions et des immeubles,
en application d'un jugement rectificatif du 13 septembre 2001
autorisant cette substitution, la société Holco-Lux, de droit
luxembourgeois, la société néerlandaise Cooperatie Mermoz UA,
détenant l'intégralité du capital de la société irlandaise
Mermoz Ireland, structure d'accueil des aéronefs ; que
Jean-Charles X... et la société Holco ont reçu des indemnités
versées, en exécution d'un protocole transactionnel des 31
juillet et 1er août 2001, par des sociétés suisses du groupe
Swissair, actionnaire de référence des sociétés cédées ; que la
société Air Lib a été déclarée en liquidation judiciaire le 17
février 2003 ;
Attendu qu'au terme de l'information judiciaire ouverte le 24
juillet 2003, Jean-Charles X... est poursuivi du chef d'abus de
confiance pour avoir, d'une part, en sa qualité de président de
la société Holco, détourné partie des fonds versés par les
sociétés du groupe Swissair, employés à des fins étrangères à
celles expressément définies par le protocole transactionnel, en
les affectant, au préjudice de la société d'exploitation AOM-Air
Liberté et des sociétés du groupe Swissair, à la capitalisation
et à la trésorerie de la société Holco Lux, d'autre part,
dissipé, au préjudice de la société Air Lib et du groupe
Swissair, une somme de somme de 9 140 000 euros en la
transférant, par l'intermédiaire d'un compte bancaire de la
société Cooperatie Mermoz UA, sur celui de la société fiduciaire
luxembourgeoise Pegler & Blatch, dont Jean-Charles X... était
l'ayant droit économique ;
Que Jean-Charles X... est également poursuivi pour abus de biens
sociaux ; qu'en qualité de président de la société
d'exploitation AOM-Air liberté, il lui est reproché d'avoir
conclu, les 31 décembre 2001 et 29 mai 2002, une convention
obligeant cette société à payer à la société Holco des
prestations de gestion dépourvues de contrepartie, pour une
somme supérieure à 4 millions d'euros, sur laquelle celle de 950
000 euros a été effectivement versée ; qu'au préjudice de la
société Holco, il lui est fait grief, d'une part, de s'être
attribué et fait verser une prime d'arrivée de 785 112 euros,
d'autre part, d'avoir signé et mis en oeuvre une convention
occulte permettant un transfert de fonds sur le compte de la
société luxembourgeoise Pegler & Blatch et leur rétrocession aux
sociétés off-shore Norwich holding inc, Cowansville ltd et
Redlake consultants ltd, dont lui-même et des proches, notamment
Yves Y... et Christian Z..., étaient les ayants droit
économiques, une partie de ces fonds ayant été utilisée à des
fins personnelles, notamment pour l'achat d'un bijou, enfin, en
cédant à la société Imca, sans réelle contrepartie, les titres
de la société Cooperatie Mermoz UA, cette cession étant liée à
une convention autorisant la société Slat service ltd, contrôlée
par Jean-Charles X..., à percevoir un intéressement sur le
chiffre d'affaires de la société Mermoz Ireland ;
Qu'Yves Y..., avocat de Jean-Charles X..., a été renvoyé devant
le tribunal correctionnel du chef de complicité pour avoir
sciemment aidé et assisté celui-ci dans les faits ayant préparé
et consommé les délits ci-dessus spécifiés, notamment en
organisant la constitution des sociétés luxembourgeoises Holco
lux et Pegler & Blatch, en assurant des prestations juridiques
pour le compte de cette dernière et en prêtant son concours à un
montage occulte interposant la société Norwich holding inc, dont
il était l'ayant droit économique ; qu'il lui est également
reproché le délit de recel d'une somme de 220 000 euros, versée
sur le compte de la société Norwich holding inc, qu'il savait
provenir d'abus de biens sociaux commis par Jean-Charles X... au
préjudice de la société Holco ;
Attendu que, pour déclarer Jean-Charles X... et Yves Y...
coupables de ces infractions, l'arrêt prononce par les motifs
propres et adoptés repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues
d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui a
répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était
saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels
qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus
coupables, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent, d'une part, à
reprendre l'argumentation que la cour d'appel a écartée à bon
droit, d'autre part, à remettre en question l'appréciation
souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de
la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement
débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Bouthors, pour
Christian Z..., pris de la violation des articles 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, 113-2 et 321-1 du
code pénal, L. 242-6 du code de commerce, 382, 689, 591 et 593
du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a retenu l'application de la loi
pénale française au recel d'abus de biens sociaux reproché à
Christian Z... ;
" aux motifs que les fonds litigieux ont été payés en exécution
d'une convention signée par Holco et n'ont fait que transiter
sur le compte du cabinet Allen & Overy puis comme précédemment
exposé, entre le 24 janvier et le 12 février 2002, sur les
comptes de la société Cooperatie Mermoz UA ; que ledit transfert
qui trouvait son origine dans la trésorerie de Holco, alimentée
par les versements de Swissair, a été comptabilisé dans les
écritures de Holco qui est par conséquent le payeur ; que les
sociétés Cooperatie Mermoz UA et Pegler & Blatch ont servi
d'écrans aux fins d'occulter les finalités de l'opération et de
préserver les destinataires ultimes des fonds ; que dès lors, il
ne peut être utilement tiré argument du fait que lesdites
sociétés ne soient pas des sociétés de droit français ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 113-2, alinéa 2, du code
pénal, l'infraction n'est réputée commise sur le territoire de
la République que si l'un de ses faits constitutifs a eu lieu
sur ce territoire ; que l'infraction de recel est un délit
autonome, distinct de l'infraction d'abus de biens sociaux qui
ne peut être considéré comme l'une de ses composantes
matérielles ; qu'en retenant que le transfert des fonds
litigieux trouvait son origine dans la trésorerie de la société
Holco, société de droit français, et que « les sociétés
Cooperatie Mermoz UA et Pegler & Blatch ont servi d'écrans aux
fins d'occulter les finalités de l'opération et de préserver les
destinataires ultimes des fonds et que dès lors il ne peut être
utilement tiré argument du fait que lesdites sociétés ne soient
pas des sociétés de droit français », la cour, qui a fait de
l'infraction principale d'abus de biens sociaux un élément
constitutif du recel, a violé le texte susvisé ;
" 2°) alors que l'indivisibilité entre les éléments d'une
prévention suppose qu'ils soient dans un rapport mutuel de
dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement intime
que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence
des autres ; qu'à ce titre, la répression en France du recel
commis à l'étranger d'une infraction principale réalisée en
France nécessite que ces deux infractions aient le même auteur ;
qu'en se bornant à relever que le transfert des fonds litigieux
trouvait son origine dans la trésorerie de la société Holco,
société de droit français, et que « les sociétés Cooperatie
Mermoz UA et Pegler & Blatch ont servi d'écrans aux fins
d'occulter les finalités de l'opération et de préserver les
destinataires ultimes des fonds et que dès lors il ne peut être
utilement tiré argument du fait que lesdites sociétés ne soient
pas des sociétés de droit français » sans caractériser
l'intensité du lien unissant au cas particulier les infractions
d'abus de biens sociaux et de recel de cette infraction alors
que celles-ci n'étaient pas reprochées au même auteur, et alors
qu'une simple connexité entre infractions ne saurait justifier
une prorogation de compétence dans l'ordre international, la
cour a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et a
violé l'article 382 du code de procédure pénale " ;
Attendu que, proposé pour la première fois devant la Cour de
cassation, le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau
et, comme tel, irrecevable ;
Sur le second moyen proposé par Me Bouthors, pour Christian
Z..., pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention
européenne des droits de l'homme, préliminaire, 121-3, 321-1,
321-3, 321-4, 321-9 et 321-10 du code pénal, L. 242-6 3°, L.
244-1 et L. 244-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de
procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Christian Z... coupable de recel
d'abus de biens sociaux et l'a
condamné à une peine
d'emprisonnement de huit mois avec
sursis ainsi qu'à une amende de 30
000 euros ;
" aux motifs que, référence étant faite au jugement déféré quant
à l'exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler
que les faits reprochés aux prévenus s'inscrivent
essentiellement dans le cadre de la reprise, par la voie d'un
plan de cession arrêté le 27juillet 2001 par le tribunal de
commerce de Créteil, des sociétés du groupe Air Liberté, AOM et
TAT ; que la société Air Liberté créée en juillet 1987 a été
placée en redressement judiciaire le 9 janvier 1997, un plan de
continuation étant alors arrêté ; que ledit plan a été modifié
le 17 octobre 2000, date à partir de laquelle les trois
compagnies aériennes Air Liberté, TAT et AOM Minerve se
retrouvaient entre les mêmes mains, à savoir Taitbout Antibes BV
et SAirlines, société du groupe aéronautique Swissair par le
biais d'AOM participations ; que, le 5 décembre 2000, il était
procédé à une augmentation de capital d'AOM participations, à
laquelle la filiale du groupe Marine Wendel souscrivait pour
plus d'un milliard de francs et la société suisse pour 987
millions ; que, découvrant une situation catastrophique, Marc
I... nommé le 15 février 2001 président du directoire des
sociétés AOM et Air Liberté procédait le 15 juin 2001 à une
déclaration de cessation des paiements ; que le tribunal de
commerce de Créteil ouvrait le 19 juin 2001 une procédure de
redressement judiciaire des sociétés Air Liberté AOM et Air
Liberté et de diverses sociétés des groupes, fixait
provisoirement le date de cessation des paiements au 15 juin
2001 et prononçait la confusion des patrimoines ; qu'il
désignait Me J... et Me G... en qualité d'administrateurs
judiciaires avec mission d'assistance et Me K... et L... en
qualité de représentants des créanciers ; que Me J...
es-qualités constatait l'existence de pertes d'exploitation de
10 millions de francs par jour ; que dans leur rapport
économique et social du 19 juillet 2001 aux termes duquel ils
préconisaient la conversion du redressement judiciaire en
liquidation judiciaire, les administrateurs expliquaient ces
pertes récurrentes comme étant la conséquence du handicap que
constituait la faible taille des entités concernées, par
ailleurs, confrontées à la forte concurrence d'Air France et de
la SNCF ; que les actionnaires, le groupe Marine Wendel et le
groupe Swissair ayant supprimé tout soutien, les administrateurs
judiciaires allaient s'attacher à rechercher des acquéreurs pour
présenter au tribunal de commerce des plans de redressement par
cession totale ou partielle ; que quinze propositions, dont cinq
globales, leur ont été adressées ; que parmi ces offres
globales, une émanait de Jean-Charles X..., pilote de ligne et
commandant de bord à Air France, assisté de Me Y... avocat,
laquelle s'articulait autour d'une société Holco, holding de
reprise qui devait disposer de 230 millions de fonds propres,
pouvant être complétés de 120 millions de francs ; que l'offre
était subordonnée au versement par les actionnaires de référence
aux repreneurs d'une contribution de 2 milliards de francs ; que
le groupe Swissair faisait connaître au tribunal de commerce
qu'il verserait au repreneur une somme d'un milliard de francs
et qu'il prendrait en charge les billets émis non utilisés à
concurrence de 200 millions de francs ; que lors, de l'audience
du 19 juillet 2001, était présentée une offre conditionnelle
d'apport de fonds de 80 millions de francs émanant de la société
financière Aurel Leven, pour le compte de Jean-Charles X... ;
que, par jugement du 27 juillet 2001, le tribunal de commerce de
Créteil arrêtait le plan de cession des sociétés du groupe Air
Liberté AOM au profit de la société Holco SAS pour la somme de 4
francs ; qu'il ressort du jugement que si l'offre retenue
souffrait de carences sur le plan financier, que l'assistance de
la banque canadienne CIBC World Markets semblait corriger, elle
se distinguait par l'accord quasi unanime du personnel qui
s'était expressément engagé à participer et à faire les efforts
nécessaires pour la réussite du plan ; que le tribunal indiquait
même qu'il s'agissait là d'un élément déterminant qui imposait
de retenir ce plan ; qu'il était souligné qu'au plan financier,
une somme de 400 millions de francs restait à réunir ; que le
jugement prononçait l'inaliénabilité de fonds de commerce des
sociétés cédées et de l'ensemble des avions appartenant à ces
sociétés pendant deux ans, sauf autorisation de tribunal et
fixait la durée du plan à trente-six mois ; que, par jugement
rectificatif du 13 septembre 2001, le tribunal de commerce de
Créteil a autorisé la société Holco à se substituer une ou
plusieurs filiales pour l'exécution de ses obligations ; que,
dans le cadre de cette reprise, un protocole transactionnel a
été conclu les 31 juillet et 1er août 2001 et homologué par
jugement du 1er août 2001 avec le groupe Swissair, précédent
actionnaire soucieux de se désengager et d'éviter l'extension de
la procédure collective dans sa direction, prévoyant le
versement d'une contribution volontaire de Swissair de 1, 25
milliards de francs soit 190 560 000 euros ; que la société
Swissair n'a pu tenir l'intégralité de ses engagements, que sa
contribution s'étant en fait élevée à la somme de 152 449 000
euros versée à la société Holco ; que la société Holco, société
par actions simplifiée de type unipersonnel au capital de euros
immatriculée le 23 juillet 2001, ayant pour unique actionnaire
son président Jean-Charles X..., ne rétrocédera sur cette somme
que 114 698 000 euros à la société d'exploitation ACM Air
Liberté, constituée le 22 août 2001 à l'effet d'assurer
l'exploitation des principaux éléments des fonds de commerce des
sociétés cédées, la différence soit 37 751 000 euros ayant
bénéficié à diverses personnes physiques et morales, parmi
lesquelles les sociétés Holco Luxembourg, Mermoz et Pegler &
Blatch ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté n'a eu
qu'une brève existence, sa liquidation judiciaire étant
prononcée le 17 février 2003 et qu'il est reproché à
Jean-Charles X... un abus de biens sociaux en signant et en
mettant en oeuvre un contrat occulte en date du 1er février
2002, avec la société Pegler & Blatch en exécution duquel ont
été transférés à cette dernière société par l'intermédiaire de
la filiale Cooperatie Mermoz UA des fonds d'un montant de 9 146
941 euros, lesquels ayant donné lieu à des rétrocessions de plus
de 3 millions d'euros au profit de sociétés off-shore Norwich
Holding Inc, Cowansville Ltd et Redlake Consultant Ltd dont Yves
Y..., Christian Z... et lui-même étaient les bénéficiaires
économiques et ont été utilisés à des fins personnelles dont
l'achat d'un bijou de 153 470 euros ; que Yves Y... est
poursuivi comme complice et receleur et Christian Z... comme
receleur du même délit ; que, si le délit d'abus de confiance et
celui d'abus de biens sociaux tels que retenus dans l'ordonnance
de renvoi sont dans leurs éléments matériels issus du même
transfert de fonds de la société Holco à la société Pegler &
Blatch, ils ne portent pas pour autant atteinte à la règle " non
bis in idem " dès lors qu'ils supposent pour être constitués une
atteinte portée à des intérêts distincts ; que l'abus de
confiance déjà retenu a pour finalité de protéger la personne
ayant remis les fonds détournés c'est-à-dire Swissair et celle à
qui ils auraient du profiter soit AirLib ; que l'abus de biens
sociaux tel qu'examiné prend en compte les seuls intérêts de la
personne morale Holco lésés par un acte de gestion imputé à son
dirigeant Jean-Charles X... et l'intérêt personnel que celui-ci
a pu en retirer ; que les éléments constitutifs des délits et
d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux sont différents ;
qu'au demeurant il y aura lieu au prononcé d'une seule peine ;
par ailleurs, que les fonds litigieux ont été payés en exécution
d'une convention signée par Holco et n'ont fait que transiter
sur le compte du cabinet Allen & Overy puis comme précédemment
exposé, entre le 24 janvier et le 12 février 2002, sur les
comptes de la société Cooperatie Mermoz UA ; que ledit transfert
qui trouvait son origine dans la trésorerie de Holco, alimentée
par les versements de Swissair a été comptabilisé dans les
écritures de Holco qui est par conséquent le payeur ; que les
sociétés Cooperatie Mermoz UA et Pegler & Blatch ont servi
d'écrans aux fins d'occulter les finalités de l'opération et de
préserver les destinataires ultimes des fonds ; que, dès lors,
il ne peut être utilement tiré argument du fait que lesdites
sociétés ne soient pas des sociétés de droit français ; qu'il
sera rappelé qu'en exécution d'une convention du 1er février
2002 signée par Jean-Charles X... pour le compte de la société
Holco ayant fait l'objet d'un avenant le 22 novembre 2002,
celle-ci a versé à la société Pegler & Blatch une somme de 9 140
000 euros en contrepartie d'une mission d'assistance et de
conseil exprimée dans des termes vagues et très généraux tels
l'aide et le conseil dans la définition d'une stratégie, la
recherche d'une documentation, la défense des intérêts d'Holco,
ses relations avec les sociétés du groupe Swissair et la
connaissance du milieu bancaire permettant le recouvrement de
ses créances ainsi que de toutes opportunités permettant à Holco
d'assurer sa pérennité et son développement, qu'elles soient
industrielles, commerciales ou financières et qu'elles aient ou
non un lien direct avec le recouvrement des créances ; qu'il
était expressément prévu que cette rémunération était
forfaitaire et ne devait pas être restituée même en cas de
recouvrement des créances dans des délais rapprochés ou de
défaillance d'Holco ; que, dans cette hypothèse, Pegler & Blatch
se voyait céder de plein droit par Holco tous les droits et
actions attachés aux créances sur toutes les sociétés ; qu'il
était également indiqué que 75 % des sommes obtenues auprès des
débiteurs seraient reversés aux ayants-droit de Holco, c'est à
dire à Jean-Charles X... ; que ces dispositions apparaissent
contraires à l'intérêt d ‘ Holco qui ne conservait pas la
maîtrise des fonds reçus par Pegler & Blatch, laquelle structure
étant sans lien capitalistique avec Holco ; que par courrier du
21 janvier 2002 à la BNP d'Amsterdam, Jean-Charles X... a
informé sa banque que le but poursuivi était de capitaliser les
filiales de Mermoz alors que ni Merrnoz, ni Holco ni aucune
société du groupe n'apparaissait au capital de Pegler & Blatch
créée le 14 janvier 2002 qui était en réalité détenu, comme le
relèvent les premiers juges, par des structures de Charles A...,
les sociétés Multiple Entreprises, Association International SA
et Athega Finance établies respectivement au Luxembourg et dans
les Iles Vierges Britanniques ; qu'il ressort de la procédure
que le compte Pegler & Blatch a été débité le 14 mai 2002, par
des virements d'un montant de 1, 07 millions d'euros au bénéfice
du compte de la société Athega Finance Ltd, lui-même à son tour
débité à destination des sociétés off-shore Redlake Consultant
Ltd dont Jean-Charles X... était bénéficiaire économique, pour
535 000 euros et Cowansville Managment Ltd, ayant Christian Z...
pour bénéficiaire économique, à hauteur de 505 000 euros ; que
le 5 novembre 2002, le compte Pegler & Blatch a été débité d'un
virement d'un million d'euros à destination de Redlake et de
deux virements de 220 000 euros au bénéfice de Cowansville et
d'une autre société off-shore, Norwich Holding hic, ayant Yves
Y... comme bénéficiaire économique ; que ce dernier mouvement a
été retourné le même jour et à nouveau, exécuté le 5 décembre
2002 ; que Jean-Charles X... a déclaré qu'il voulait avoir la
certitude que la créance Swissair serait recouvrée alors que fin
2001 se posait le problème de la survie d'Air Lib, et donc
d'Holco, qu'il voulait éviter que Swissair puisse échapper à ses
responsabilités en raison de la carence du liquidateur et que
les trois structures BVI (British Virgin Island) avaient été
créées dans un souci de plus grande discrétion et de maniabilité
des fonds, dans l'idée de ne pas être " doublés " et d'obtenir
le remboursement dans l'intérêt de Pegler & Blatch des sommes
dues par Swissair et de faire l'acquisition d'une partie du
capital de la compagnie aérienne polonaise Lot dans laquelle la
compagnie suisse avait une participation ; que si les comptes de
Pegler & Blatch faisant apparaître, comme déjà exposé, des
paiements d'honoraires importants, bénéficiant principalement à
Yves Y... et Charles A..., et dans une faible mesure à des
cabinets milanais, suisse, parisien et même polonais, ce dernier
pour 60 000 euros sur un total de 1 202 000 euros, il n'est
nullement établi que des procédures aient été initiées et aient
abouti à une prise de participation dans la compagnie Lot,
celle-ci ayant uniquement fait l'objet de saisies arrêt ; qu'au
demeurant la plupart des diligences alléguées auraient été
engagées seulement en 2003 ; que loin de permettre de rémunérer
des prestations futures telles qu'alléguées, les virements
ci-dessus visaient à dépouiller Holco en raison des risques
d'une mise en liquidation judiciaire et se constituer des avoirs
à l'étranger, et ce de façon non transparente, au moyen de
sociétés écrans ; qu'aucun élément pertinent du dossier ne
permet de rattacher le bénéfice du protocole du 14 juin 2004
relatif au versement d'une somme de 20 millions d'euros par
Swiss International Airlines précité au travaux des avocats tel
que prétendu ; qu'il ressort de la procédure que Jean-Charles
X... a prélevé sur le compte Redlake le 13 décembre 2002 une
somme de 50 000 euros et a signé le reçu de la banque ; que
l'intéressé a reconnu avoir profité d'un virement de euros
adressé le 24 décembre 2002 à sa demande à la société Van Cleef
& Arpels à Z... pour servir au paiement d'une bague offerte à
son épouse, opération qu'il a qualifiée à l'audience de " plus
belle connerie de sa vie " car " ayant pété les plombs à ce
moment là " ; que les fonds litigieux ont été remboursés
partiellement à Pegler & Blatch postérieurement à la déclaration
de cessation des paiement d'Air Lib, par les sociétés Redlake,
Cowansville et Norwich, le solde étant remboursé par Charles
A..., par l'intermédiaire d'Athega Fïnance, en raison de
l'ampleur prise par la procédure ; que ces fonds n'ont pas
réintégré la trésorerie d'Holco ; qu'ultérieurement, dans le
cadre de l'information, le magistrat instructeur a obtenu le
séquestre de la somme de 8 316 710 euros le 1er août 2003 ;
qu'ainsi Jean-Charles X... a sciemment privé la société Holco
dont il était le dirigeant d'une partie de sa trésorerie, ce qui
était nécessairement contraire à l'intérêt de celle-ci, au
profit de la société Pegler & Blatch avec rétrocession d'une
partie des fonds au profit de sociétés off-shore dont il était
lui même ainsi que Yves Y... et Christian Z... ayant droits
économique, ce qui caractérise l'intérêt personnel ; que la
déclaration de culpabilité du chef d'abus de biens sociaux au
préjudice de la société Holco doit être confirmée ; que
s'agissant de la société off-shore Cowanswille dont Christian
Z... était l'ayant droit économique, que celui-ci a indiqué
vouloir rendre service à son ami Jean-Charles X... qu'il savait,
a-t-il déclaré, en situation d'extrême détresse ; qu'il a admis
que Jean-Charles X... lui a dit que l'argent venait d'Holco et
avait ainsi connaissance de l'origine des fonds ; que le compte
de la société dont s'agit a été crédité de 505 000 euros le 23
mai 2002 et de euros le 8 novembre 2002 dans le cadre convenu de
prêts consentis par les entités Athega et Pegler & Blatch, outre
une remise de la somme de 30 000 euros que A... détenait en
espèces le 17 mars 2002, soit au total 755 000 euros ; que
Christian Z... a procédé à des retraits d'espèces, lors de cinq
voyages effectués pour ce faire au Luxembourg de juin à décembre
2002, les retraits étant volontairement de montants différents
et limités, de 20 000, 25 000 et 30 000 euros et ce pour éviter
de déclencher le système permanent de veille des banques comme
l'a reconnu l'intéressé ; que ces sommes auraient été, selon les
déclarations du prévenu, déposées dans le coffre d'un couple
d'amis dont il a refusé de donner le nom ; que tous ces éléments
ne sont pas compatibles avec la croyance qu'aurait eue
l'intéressé de participer à une opération régulière comme il lui
aurait été affirmé par " les hommes du droit ", notamment par
Charles Kauthold ; que, de plus, les fonds qui devaient servir à
payer des intermédiaires, à faire " des actions commandos "
contre Swissair qui détenait des participations dans la
compagnie aérienne de droit polonais Lot, dont aucune preuve de
commencement d'exécution n'a été rapportée, les seules actions
établies menées en France et en Suisse ayant donné lieu à des
paiements d'honoraires d'avocats, ont été utilisés pour partie
le 22 octobre 2002, à hauteur de 200 000 euros à des achats en
bourse par l'intermédiaire d'un brooker luxembourgeois Jntrnaxx,
pour payer, selon Christian Z..., les intérêts sur les somme
confiées ; qu'avant qu'il ne revienne sur ses déclarations,
Jean-Charles X... a cependant déclaré que des fonds avaient été
utilisés par Christian Z... pour l'achat d'oeuvres d'art
chinoises ; que l'emploi des fonds dans des actions à moyen ou
même long terme est contraire aux déclarations du prévenu selon
lesquelles il est intervenu dans le cadre d'une situation
d'extrême urgence ; que si les fonds ont été remboursés le 22
avril 2003 à Pegler & Blatch par Cowansville à hauteur de 225
667, 81 euros, c'est à l'initiative de Charles A..., le solde
par Athega Finances après que celle-ci ait reçu 149 627, 40
euros de Cowansville ; que le remboursement de la différence
aurait été effectué en espèces selon Christian Z... à Charles
A... de juin à octobre 2003 ; que les déclarations du prévenu ne
sont en contradiction avec celles de Charles A... qu'en ce qui
concerne les structures et les mouvements de fonds ; que la
responsabilité de Charles A... qui invoque des poursuites au
Luxembourg pour refuser de venir témoigner en France suite à la
citation délivrée à la requête du seul Yves Y... n'est, en toute
hypothèse pas exclusive de celle de Christian Z... et ne permet
pas de l'écarter ; que le courrier du juge d'instruction
luxembourgeois Lentz du 2 octobre (année illisible sur
l'exemplaire communiqué) adressé à Charles A... ne permet pas de
caractériser un quelconque accord ou une quelconque tractation
de nature à priver Christian Z... d'un procès équitable au sens
de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, ce qui ne résulte pas de la seule indication selon
laquelle pourrait être envisagée une main-levée de certains
comptes à condition qu'il y ait désistement quant au recours et
que le juge d'instruction français désirait obtenir un relevé
des comptes pour vérifier s'il n'y avait pas d'autres opérations
; que l'on ne peut retenir que Charles Khaufold ait été " placé
dans la situation de ces mafieux repentis " qui " dealent "
parfois avec la justice en Italie et aux Etats-Unis " comme
mentionné dans les cotes de plaidoiries du conseil de Christian
Z... ; que le prévenu n'indique pas comment il a obtenu le
document ci-dessus ; que la mention dans les cotes de plaidoirie
déposées en son nom " Christian Z... s'est procuré une copie de
la lettre ", tout comme les termes du courrier du 16 novembre
2008 de Charles A... au défenseur de Yves Y..., en réponse à un
courrier du 12 novembre 2008, de même que celui adressé le 5
décembre 2008 au défenseur de Christian Z..., en réponse à un
courrier directif de ce dernier du 1er décembre 2008, démontrent
que des tractations ont bien existé mais entre les prévenus,
dans le dessein de favoriser leur défense ; qu'en réalité,
Charles A... se plaint de ce que ses propos ont été utilisés,
détournés selon son expression, pour servir à une dénonciation
aux autorités luxembourgeoises et à des poursuites à son
encontre dans ce pays ; qu'il sera rappelé que, dans le courrier
du 5 décembre 2008, Charles A... s'en rapporte expressément à
ses déclarations faites sous la foi du serment devant le juge
Van Ruymbeke ; que la forte personnalité du prévenu, non
seulement pilote de ligne mais gestionnaire averti ayant eu des
responsabilités dans la gestion des fonds Concorde et se
targuant de posséder des biens personnels importants à hauteur
de 5 millions de francs, ressort du dossier ; qu'il avait su
s'opposer au paiement par le fonds Concorde dont il avait alors
la responsabilité des honoraires de l'avocat Y..., ce qui avait
amené leur prise en charge par Holco ; qu'il est vrai que dans
le cadre de la présente opération, se situant dans le cadre
d'une société off-shore, son intervention devait en principe
rester secrète ; qu'en se prêtant sciemment à une opération
opaque et en détenant des fonds dont la provenance lui était
connue, Christian Z... a délibérément et intentionnellement
recelé, pendant la période au cours de laquelle il a
matériellement détenu l'argent retiré en espèces, le produit des
abus de biens sociaux commis par Jean-Charles X... ;
" 1°) alors qu'est contraire au principe de loyauté et aux
exigences du procès équitable la déclaration de culpabilité
d'une personne pour l'essentiel déduite du « témoignage »
émanant d'une personne que le dossier désignait comme
l'instigateur et le receleur des infractions poursuivies ; que
la décision délibérée du juge d'instruction de ne pas mettre en
examen ledit « témoin », fruit d'un « accord » ayant pour
contrepartie le désistement par ce « témoin » de recours en
nullité contre les actes de l'information, ne saurait, en
pareille hypothèse, être opposable à la personne prévenue sur la
base essentiellement d'un témoin reprochable ayant pu ainsi
monnayer son impunité propre ;
" 2°) alors que la connaissance de l'origine frauduleuse des
fonds, objet d'un abus de bien social, s'apprécie du chef de son
destinataire au moment du recelé ; qu'à défaut de la moindre
indication établissant la connaissance par le requérant de
l'origine des fonds litigieux au moment de leur versement
initial, la cour a derechef privé sa décision de tout motif sur
l'élément intentionnel du recel litigieux et n'a pas non plus
répondu aux conclusions de la défense du requérant sur le
remboursement des fonds prêtés avec les intérêts contractuels,
circonstance pourtant de nature à établir de plus fort l'absence
de toute intention délictueuse de son chef " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Christian Z... est
poursuivi pour avoir recelé la somme de 755 000 euros qu'il
savait provenir d'abus de biens sociaux commis par Jean-Charles
X... au préjudice de la société Holco, fonds qu'il avait détenus
et dont il avait bénéficié sous le couvert de la société
Cowansville management ltd, dont il était le seul ayant droit
économique ;
Attendu que pour le déclarer coupable de recel, l'arrêt prononce
par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues
d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui a
répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était
saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels
qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu
coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question
l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve
contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le huitième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Charles X...,
pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne
des droits de l'homme, 1382 du Code civil, 314-1 du code pénal,
2, 427 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et
manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Charles X...,
solidairement avec Yves Y... à payer à Me K... et L...,
es-qualités de mandataires liquidateurs de la société AOM Air
Liberté, à titre de dommages-intérêts la somme de 14 140 000
euros ;
" aux motifs des premiers juges que la société d'exploitation
AOM Air Liberté a subi un préjudice matériel constitué par le
détournement de la somme de 14 140 000 euros qui aurait dû lui
revenir intégralement ;
" et aux motifs propres que les fonds détournés ont profité à
des personnes morales ou physiques en dehors du périmètre de la
reprise ; que c'est AOM Air Lib qui a poursuivi l'exploitation
des activités aériennes tenant aux actifs objet du plan de
cession et non les autres filiales constituées pour des motifs
de commodité ou d'ordre fiscal ayant assuré des activités
annexes, subordonnées aux services d'Air Lib, cette dernière
société étant au coeur de l'exploitation ; que, dès lors, le
seul versement d'un organigramme ne permet pas de retenir que
les fonds auraient dû revenir, dans des proportions non
précisées, à d'autres sociétés, ce qui équivaut, au demeurant, à
reconnaître que partie des fonds devait revenir à Air Lib ; que
pour les motifs déjà exposés, la note de M. E..., expert, ne
peut être retenue au regard de son caractère tardif, non
contradictoire, et de ses conditions d'établissement et
qu'ainsi, il n'y a pas lieu de déduire les sommes prétendument
engagées dans l'intérêt de la société Holco ; qu'ainsi, la
décision de première instance ayant alloué la somme de 14 140
000 euros au titre du préjudice matériel subi par la société
d'exploitation Air Lib dans le cadre de l'abus de confiance,
sauf à déduire le montant des sommes séquestrées et libérées au
profit de cette partie civile, doit être confirmée ;
" 1°) alors que le juge correctionnel doit fonder sa décision
sur les preuves qui lui sont apportées au cours des débats et
contradictoirement discutées devant lui ; que, dès lors, en
l'espèce, la note de M. E... ayant été produite devant la
juridiction de jugement et contradictoirement débattue, la cour
d'appel pouvait refuser d'en tenir compte au prétexte qu'elle
aurait un caractère tardif et non contradictoire ; que l'arrêt
attaqué a ainsi violé l'article 427 du code de procédure pénale
et les droits de la défense ;
" 2°) alors que le délit d'abus de confiance ne cause un
préjudice personnel et direct qu'au propriétaire, détenteur ou
possesseur des deniers détournés ; que la société Air Liberté ne
disposait d'aucun droit de propriété et n'était ni possesseur,
ni détentrice des fonds remis par la société Swiss Air à la
société Holco que Jean-Charles X... aurait prétendument
détournés ; qu'en déclarant néanmoins recevables les
constitutions de partie civile de MM. K... et L..., et en
condamnant solidairement Jean-Charles X... avec Yves Y... à leur
verser la somme de 14 140 000 euros à titre de réparation du
préjudice subi du fait de l'abus de confiance, la cour d'appel a
violé les textes visés au moyen " ;
Sur le neuvième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Piwnica et Molinié, pour Yves Y..., pris de la
violation des articles 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme, 384 du code civil, 121-7, 314-1, 321-1 du code
pénal, L. 242-6 3° et L. 244-1 du code de commerce, 2, 593 du
code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base
légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y... coupable de
complicité de l'abus de confiance, d'abus de biens sociaux
commis par Jean-Charles X..., de recel d'abus de biens sociaux,
en répression l'a condamné à une peine de trois ans
d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, au paiement
d'une amende de 300 000 euros et à une peine complémentaire
d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans et, statuant
sur les intérêts civils, l'a condamné solidairement avec
Jean-Charles X... à payer aux sociétés Sairgroup et Sairlines à
titre de dommages-intérêts la somme de 50 000 euros, et à MM.
K... et L... es-qualités, à titre de dommages-intérêts la somme
de 14 140 000 euros sauf à déduire le montant des sommes
séquestrées et libérées au profit de la partie civile ;
" aux motifs que les sociétés Sairlines et Sairgoupe s'étant
désistées non seulement de leur appel mais également de leur
action, l'appel de Jean-Charles X... à leur encontre est devenu
sans objet ; que parmi les parties civiles restant en cause
devant la cour, la société Air Lib a été la seule victime
directe du préjudice du délit d'abus de confiance commis par
Jean-Charles X... avec la complicité d'Yves Y... ; que dès lors
MM. K... et L... doivent être reçus en leur constitution de
partie civile au titre de ces délits ; que les fonds détournés
ont profité à des personnes morales ou physiques en dehors du
périmètre de la reprise ; que c'est AOM Air Lib qui a poursuivi
l'exploitation des activités aériennes tenant aux actifs objets
du plan de cession et non les autres filiales constituées pour
des motifs de commodité ou d'ordre fiscal ayant assuré des
activités annexes, subordonnées au service d'Air Liberté, cette
dernière étant au coeur de l'exploitation ; que dès lors le seul
versement d'un organigramme ne permet pas de retenir que les
fonds auraient dû revenir, dans des proportions non précisées, à
d'autres sociétés, ce qui équivaut, au demeurant, à reconnaître
que partie des fonds devait revenir à Air Lib ; qu'ainsi la
décision de première instance ayant alloué la somme de 14 140
000 euros au titre du préjudice matériel subi par la société
d'exploitation Air Lib dans le cadre de l'abus de confiance,
sauf à déduire le montant des sommes séquestrées et libérées au
profit de cette partie civile, doit être confirmée ;
" 1°) alors que les sociétés Sairlines et Sairgroup s'étant
désistées non seulement de leur appel mais aussi de leur action,
elles ne demandaient plus en appel l'allocation de
dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elles auraient
subi du fait des infractions commises ; que, par ailleurs, il
ressort de l'arrêt attaqué qu'Yves Y... a interjeté appel du
jugement du tribunal correctionnel de Z... sur ses dispositions
civiles et pénales ; qu'en condamnant néanmoins Yves Y...
solidairement avec Jean-Charles X... à verser aux sociétés
Sairlines et Sairgroup la somme de 50 000 euros à titre de
dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'abus
de confiance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations ;
" 2°) alors que le délit d'abus de confiance ne cause un
préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires, détenteurs
ou possesseurs des effets ou deniers détournés ; que la société
Swissair aux droits de laquelle viennent les sociétés Sairlines
et Sairgroup ne détenait plus aucun droit sur les fonds dont la
propriété avait été transférée à la société Holco, bénéficiaire
de sa contribution financière ; qu'en condamnant néanmoins Yves
Y... solidairement avec Jean-Charles X... à leur verser la somme
de 50 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait
de l'abus de confiance commis par le détournement de ces fonds,
la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors qu'enfin le délit d'abus de confiance ne cause un
préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires, détenteurs
ou possesseurs des effets ou deniers détournés ; que la société
Air Liberté ne disposait d'aucun droit de propriété et n'était
ni possesseur, ni détentrice des fonds remis par la société
Swissair à la société Holco que Jean-Charles X... aurait
détournés de son objet avec la complicité d'Yves Y... ; qu'en
déclarant recevables les constitutions de partie civile de MM.
K... et L... et en condamnant solidairement Yves Y... et
Jean-Charles X... à leur verser la somme de 14 140 000 euros à
titre de réparation du préjudice subi du fait de l'abus de
confiance, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le neuvième moyen de cassation proposé pour Yves Y..., pris
en ses deux premières branches :
Attendu qu'en constatant, dans ses motifs, que les sociétés
Sairlines et Sairgroup s'étaient désistées de leur appel et de
leur action à l'encontre de Jean-Charles X... et d'Yves Y...,
l'arrêt a implicitement mais nécessairement exclu toute
possibilité de condamnation à des dommages-intérêts au profit de
ces sociétés ; que l'erreur matérielle affectant le dispositif
dudit arrêt peut être réparée selon la procédure prévue par les
article 710 et 711 du code de procédure pénale ;
Sur le huitième moyen de cassation proposé pour Jean-Charles
X... et sur le dixième moyen de cassation proposé pour Yves
Y..., pris en sa dernière branche :
Attendu que, pour condamner solidairement Jean-Charles X... et
Yves Y..., déclarés coupables, le premier en qualité d'auteur
principal, le second de complice, du délit d'abus de confiance
commis au préjudice de la société d'exploitation AOM-Air liberté
à réparer le préjudice matériel en résultant pour cette
dernière, l'arrêt, après avoir relevé qu'une note technique
rédigée à la demande d'un prévenu et produite tardivement était
dépourvue de force probante, retient que les détournements ont
été commis au préjudice de cette société, substituée à
Jean-Charles X... et à la société Holco pour l'exécution du plan
de cession, au fonctionnement et à la trésorerie de laquelle les
fonds détournés auraient dû être affectés, notamment pour la
parfaite réalisation de ce plan ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, inopérants en ce qu'ils se fondent
sur une erreur matérielle susceptible de rectification et qui,
pour le surplus, se bornent à remettre en question
l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve
contradictoirement débattus, doivent être écartés ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile
professionnelle Boutet pour le syndicat Alter-Air lib, le
syndicat général des compagnies aériennes, la fédération
générale CFTC des transports, le syndicat CGT Air-lib, pris de
la violation des articles L. 2328-1, L. 2323-6, L. 2323-15, L.
2323-19 et L. 2323-27 du code du travail et de l'article L.
432-1 du code du travail applicable à l'époque des faits, des
articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de
l'homme, des articles 388, 591 et 593 du code de procédure
pénale ;
" en ce que l'arrêt a dit n'y avoir lieu à requalifier les faits
relatifs à la cession sans contrepartie des titres Mermoz,
poursuivis sous la qualification d'abus de biens sociaux au
préjudice de la société Holco, en banqueroute ou délit
d'entrave, a rejeté la demande en ce sens des syndicats Alter
Air Lib, CGT Air Lib et CFTC Air Lib et a déclaré irrecevables
leurs constitutions de parties civiles ;
" aux motifs que la cession des titres Mermoz à la société Imca
ne peut recevoir la qualification de banqueroute comme sollicité
par les syndicats s'étant constitués parties civiles, dès lors
que la victime des faits poursuivis est la société Holco
toujours in bonis et non la société Air Lib et qu'au surplus
aucun élément déterminant ne permet de retenir une date de
cessation des paiements en ce qui concerne cette dernière autre
que celle retenue par le tribunal de commerce de Créteil ; que
la date du 18 décembre 2001 ressort des déclarations de M. M...
et N... et non pas d'éléments objectifs de la procédure ; que
les procès-verbaux des réunions des comités d'entreprise des 18
et 28 décembre 2001 sont insuffisants alors qu'étaient prévus
des déficits durant les premiers mois d'exploitation et que dès
le début de l'opération se posait la question du financement
complémentaire à rechercher, qu'il n'apparaît pas de la
procédure, qu'aux dates des 18 et 28 décembre 2001, les
agissements des prévenus qui se sont poursuivis ultérieurement
avaient pour objet ou pour effet de retarder la constatation de
l'état de cessation des paiements ou encore d'affecter la
consistance de l'actif disponible dans des conditions de nature
à placer l'intéressé dans l'impossibilité de faire face au
passif exigible ; que, s'agissant du délit d'entrave proposé par
les parties civiles voulant que soient sanctionnées des
violations des règles de consultation des organes représentatifs
du personnel en matière de procédure collective et de plan de
reprise, force est de constater que cette qualification est tout
à fait étrangère à la saisine du tribunal et de la cour ; que
cette saisine ne saurait résulter du seul fait qu'il existe une
clause d'inaliénabilité essentielle rappelée par l'ordonnance de
renvoi, que les conventions des 7 et 18 janvier 2003 exigeaient
sa levée préalable et nécessitaient les consultations prévues à
l'alinéa 2 de l'article L. 621-69 ancien du code de commerce et
de l'article L. 432-1 ancien du code du travail devenu L. 2323-6
et suivants du code du travail ; que, si les juges du fond
doivent restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable
qualification, il leur faut se référer à la saisine du juge
d'instruction portant sur les seuls détournements et non pas sur
le défaut d'information et de consultation du comité
d'entreprise ou de tout autre organe représentatif ; qu'il
appartenait aux organes représentatifs du personnel d'exercer
toutes actions utiles aux fins de voir constater les violations
alléguées ; que s'agissant du délit d'abus de confiance invoqué
dans la mesure où une partie des sommes détournées avait pour
destination " la sauvegarde de l'emploi " soutenant que ce délit
peut être invoqué aussi bien par celui qui a remis les fonds
pour un usage déterminé que par les personnes devant en être
bénéficiaires, il ne fait l'objet d'aucun développement dans les
écritures déposées ; qu'il sera seulement observé que c'est la
société Air Lib qui devait être bénéficiaire des fonds et non
pas les salariés ;
" alors que la cour d'appel a le devoir de restituer à la
poursuite sa qualification véritable, dès lors qu'elle puise les
éléments de sa décision dans les faits mêmes dont elle est
saisie et sous réserve de soumettre préalablement sa décision à
la discussion contradictoire des parties ; que Jean-Charles X...
était poursuivi pour avoir cédé sans contrepartie les avions de
la société d'Exploitation d'AOM Air Lib à la société Imca,
dirigée par M. D..., ces faits constituant un abus de biens
sociaux ; que les syndicats demandeurs ont soutenu que ces faits
occultes constituaient également un délit d'entrave au
fonctionnement du comité d'entreprise qui aurait dû être
consulté sur ce projet déterminant pour l'avenir de l'entreprise
; qu'en écartant cette qualification notamment par les motifs
inopérants que le délit d'entrave était étranger à la saisine de
la juridiction de jugement et que les syndicats devaient exercer
toute voie utile pour faire constater le défaut de consultation,
la cour d'appel a violé les principes et textes précités " ;
Attendu qu'en déclarant irrecevables les constitutions de
parties civiles d'organisations syndicales par les motifs repris
au moyen, la cour d'appel, qui, à bon droit, a considéré que les
éléments constitutifs des délits de banqueroute ou d'entrave aux
fonctions de représentation du personnel excédaient sa saisine,
a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 500 euros la somme que Jean-Charles X... et Yves Y...
devront payer, chacun, à Gilles K..., liquidateur judiciaire de
la société AOM-Air liberté, au titre de l'article 618-1 du code
de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,
et prononcé par le président le trente juin deux mille dix ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le
rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 30 Juin 2010
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Pascal Perri « grande gueule » de RMC
Publié le vendredi 11 janvier 2008 - Vu 157 fois
PASCAL PERRI, qu'êtes-vous devenu depuis votre passage au CSSA ?
« A l'été 2001, après avoir quitté les Ardennes suite au rachat
de la Panichaude par un fond de placement, j'ai rejoint le
conseil de direction du groupe AOM Air liberté pour une mission
commando. Car la deuxième compagnie aérienne de France (3.200
salariés) était en mauvais état. Ses dirigeants étaient
intéressés par mes travaux de recherche sur le transport et ma
connaissance des médias.
Il s'agissait d'un dossier très politique puisque je gérais la
communication de l'entreprise et pilotais les relations
politiques et institutionnelles dans les ministères, les régions
mais aussi à Matignon et à l'Elysée. »
« J'ai payé d'avoir été trop exposé »
Mission qui s'est mal terminée…
« Le changement de gouvernement en 2002 a modifié la donne. La
nouvelle équipe en place préparait, en effet, la privatisation
d'Air France. Et AOM Air liberté était devenu un concurrent
dangereux.
Par ailleurs, le pouvoir politique voulait aussi protéger
l'ancien actionnaire, Ernest-Antoine Sellières, qui a tout fait
pour affaiblir l'entreprise.
Et, en dépit de succès commerciaux du concept Air lib express,
premier low cost à la française, nous avons perdu une bataille
qui s'est jouée en coulisse. »
Et maintenant, on vous retrouve dans l'émission « Les grandes
gueules » à RMC. Comment êtes-vous arrivé là ?
« Grâce à Jacques Maillot, le fondateur de Nouvelles frontières,
qui m'a apporté son aide à un moment où je payais d'avoir été
trop exposé. Alain Marshall et Olivier Truchot, les animateurs
du show, m'ont invité à présenter mon livre sur le modèle
économique low cost : « Toujours moins cher ».
Comme ils cherchaient à élargir le cercle des « Grandes gueules
», ils m'ont proposé d'intégrer l'émission. »
Rappelez-nous son principe.
« Elle rassemble 1,2 million d'auditeurs par jour. Le concept
est simple : ni élus, ni éditorialistes, ni politiques. Les «
Grandes gueules » sont des hommes et des femmes qui se lèvent
tous les matins pour aller gagner leur vie et qui expriment le
point de vue du pays réel sur les problèmes de notre temps. Le
ton est volontairement très direct et les auditeurs s'expriment.
Ils ne sont plus simplement derrière le poste mais ils font la
radio. »
Pour vous, ancien journaliste, il s'agit d'un retour aux
sources…
« Je n'interviens pas comme journaliste. J'enseigne,
aujourd'hui, les relations internationales dans une école de
journalisme et je dirige une maison d'édition. C'est à ce titre
que je m'exprime.
« Je défends la liberté d'entreprendre »
Chacun apporte ses convictions dans le cadre d'une
conflictualité ouverte, respectueuse et amicale. Je défends mes
valeurs : la liberté d'entreprendre, par exemple, ou la
nécessaire réforme de notre modèle.
On ne peut pas ignorer ce qui se passe autour de nous. Les
Grandes gueules représentent la vraie vie. La France des
citoyens. RMC a renouvelé la radio en France. Comme le dit son
slogan, « Maintenant, c'est là que ça se passe. »»
Recueilli par Pascal Remy
***
Ses souvenirs au CSSA
« J'ai rapidement fait la connaissance de Francis Roumy et
Pascal Urano. Je venais du monde de la télévision*. Ils m'ont
suggéré d'apporter au club mes compétences en communication tout
en m'occupant des relations avec la presse.
A ce moment-là, Michel Bérard assumait encore la présidence du
CSSA. Nous sommes devenus très amis et gardons d'étroites
relations.
Le souvenir que je garderai de cette période ? La montée de
National en D2 et bien sûr cette finale de Coupe de France 1999.
Nous avons transformé une simple feuille de route visant le
maintien en une saison extraordinaire. Non seulement l'équipe a
assuré sa montée en terminant seconde derrière Saint-Etienne
mais elle a forcé les portes du Stade de France pour y perdre
face à Nantes. Au-delà de l'aspect sportif, je retiens
l'aventure humaine.
Aujourd'hui, le résultat de Sedan est le premier que je
consulte. Je reste attaché à ce club. D'ailleurs, même en vivant
à Paris, je suis souvent revenu au stade. J'aimais beaucoup le
stade Emile-Albeau car il symbolisait bien l'esprit du club.
Mais Dugauguez est un très bel outil, bien adapté aux besoins du
football moderne qui est, aujourd'hui, un spectacle en même
temps qu'une activité économique.
Je regrette l'isolement des Ardennes qui a pourtant des atouts à
mettre en valeur. »
* Entre 1982 et 1997, Pascal Perri a été grand reporter,
dirigeant et fondateur de radios locales privées avant d'être
présentateur du journal télévisé de Radio France Outre-mer. Son
épouse, Valérie, est rédactrice en chef à RFO.
L'union l'Ardennais
Biographie | Divers | Sources | Haut
>
« Impact des compagnies aériennes
low cost sur les prix de l’immobilier : cas du Limousin de la
Dordogne, et de l’Aude »
Synthèse de l’étude menée par Pascal
PERRI, Université de Perpignan
pour la direction du Tourisme -
septembre 2005
<
>
Impact des compagnies aériennes "low
cost" sur les prix de l'immobilier :
cas du Limousin, de la Dordogne, et
de l'Aude (synthèse de l'étude)
Résumé :
Synthèse de l'étude menée par Pascal
Perri, Université de Perpignan, pour
la direction du Tourisme, septembre
2005.
Thématique :
Low cost, Impact du tourisme,
Transport, Prix / Price
RENSEIGNEMENTS
Type de document :
Recherche en tourisme
Auteurs :
Pascal Perri, Université de
Perpignan,
DATES
Date de création du document :
30 novembre 2005
<
http://archives.etatsgenerauxdeloutremer.fr/sites/default/files/Synthese-EGOM-Hexagone.pdf
>
* Membres fondateurs du Collectif
des rapporteur(e)s des États
généraux de l’outre-mer dans
l’Hexagone, ayant pu se rendre disponibles le
samedi 12 septembre 2009 lors de
l’assemblée constitutive de ce
collectif à Paris, quai des Célestins.
Les 32 rapporteur(e)s thématiques
des États généraux de l’outre mer
dans l’Hexagone
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://archives.etatsgenerauxdeloutremer.fr/les-ateliers.html
>
Etats Généraux de l’Outre-Mer
Madame Memona HINTERMANN et Monsieur
Thierry LE LAY*, rapporteur(e)s
coordonnateur(e)s des États généraux
de l’outre-mer dans l’Hexagone, ont
prodigué
temps, soutien et hauteur de vue aux
30 rapporteur(e)s des 14 commissions
thématiques
de ces États généraux, Mesdames &
Messieurs Patrick ARNOLIN, David
AUERBACH
CHIFFRIN*, Jean-Jacob BICEP,
André-Max BOULANGER, Jules CAPRO-PLACIDE,
Lydie CONDAPANAÏKEN-DURIEZ*, Daniel
DALIN*, Christian DE LAUZAINGHEIN,
François DURPAIRE, Nathalie FANFANT*,
Yann GENIES, Greg GERMAIN*, Gérard
GINAC, Daniel ILLEMAY, Sophie
JACQUEST, Robby JUDES*, Jean-Claude
JUDITH DE
SALINS, Freddy LOYSON*, Richard
MELIS, Christiane NOLLET, Guy NUMA,
Gilbert
PARIS, Pierre PASTEL*, Pascal PERRI,
Pierre PLUTON, Jean-Jacques
SEYMOUR*,
Claudy SIAR, René SILO, Patrick
THÉOPHILE et Bernard SOLITUDE* :
<
http://archives.etatsgenerauxdeloutremer.fr/les-ateliers.html
>
Les ateliers dans l’Hexagone :
THEME RAPPORTEURS MEMBRES PERMANENTS
DU COMITE DES ETATS GENERAUX MEMBRES
DU GROUPE DE TRAVAIL
La formation de prix, les circuits
de distribution et le pouvoir
d'achat
M. Guy NUMA, Enseignant, Chercheur
en économie à Dauphine ;
M. Pascal PERRI, Professeur
d’Economie en école de commerce
M. Roger BIGARD, Publicitaire ;
M. Marc CHAPMAN, Président TAHITI
BUSINESS CLUB
Confusion des 2 livres suivants
(même isbn et sur amazon ou google
book ce qui apparaît réellement
c’est le livre de Welzer !!!
Le Viol au Masculin, Paris, 1988,
l'Harmattan. Daniel Welzer-Lang
Isbn 2-7384-0225-9
Biographie | Divers | Sources | Haut
· Broché: 169 pages
· Editeur : L'Harmattan (3 mai 2000)
· Collection : Logiques sociales
· Langue : Français
· ISBN-10: 2738402259
Liban : le complot : [roman]
Type : Livre; Français
Éditeur : [Paris] : L'Harmattan,
1988.
Liban: Le complot
Par Pascal Perri,?Abd al-Ra?im ?ijazi
LIBAN
Le complot
Peri et Rahim Hijadi
Liban [Texte imprimé] : le complot /
Pascal Perri, Abdel Rahim Hijazi
fondapol.org
La Fondation pour l’innovation
politique est un think tank libéral,
progressiste et européen. Président :
Nicolas Bazire Vice-président :
Charles Beigbeder Directeur général :
Dominique Reyni
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/074000746/0000.pdf
>
LE «LOW COST» : Un levier pour le pouvoir d’achat
Remis le 12 décembre 2007 par
Charles BEIGBEDER
Président de Poweo
à
Luc CHATEL
Secrétaire d’Etat chargé de la Consommation et du
Tourisme
http://books.google.fr/books?id=XySrAxARpN0C&pg=PA6&lpg=PA6&dq=charles+beigbeder+pascal+perri&source=bl&ots=KLFCkqjQKa&sig=Kclotb9SSBOaIQUETqbMydbd77c&hl=fr&sa=X&ei=ZSGvUsT2NuaM4wTjzIGIDQ&ved=0CDEQ6AEwATgU#v=onepage&q=charles%20beigbeder%20pascal%20perri&f=false
Biographie | Divers | Sources | Haut
>
<
http://soundcloud.com/g-1-3/perri-pascal-conomiste-de-garde-lowcost
> by GÐ 1 <
Salut cher écouteur, Vendredi 28
Décembre 2012 vers 10H 40, j'ai
envoyé a RMC dans l'émission les
Grandes Gueules, un mail sur un
sujet, Je vous laisse écouter et je
développerai après ( …...)
Bien entendu le pisse froid a
contacté la station pour avoir un
droit de réponse, RMC m'a rappelé
disant que je passerais dans la
partie les GG et vous, … L'émission
est passée et mon droit de réponse
aussi, bien entendu ce n'était pas
sur le terme pisse froid, que
voulais lui répondre, je suis au
dessus des mauvais jeu de mots
d'ailleurs quelque temps plus tard
il a récidivé en parlant de fisc
fucking concernant les impôts de
2013 ( …....... )
Comme vous l'entendez, notre homme
ne manque pas d'humour !
Mais qui est vraiment PP ? ... Ben
oui Pascal Perri ! Je pourrais aussi
dire PaPé ! Mais ça fait un peu trop
mafia Corse ou Marseillaise! Donc PP
est présenté dans l'émission comme
prof d'éco, c'est vrai, il a un
Doctorat es Économie et Géographie
et un DEA de géopolitique, donc
c'est un bon petit prof d'éco qui
enseigne sa matière point barre !
Non, non, non, que nenni ! Monsieur
est ce que les gens de gauche, la
vraie, appellent un économiste de
garde c'est a dire qu'il garde la
niche des banksters et de leurs amis
les traders et les ultra libéraux,
comme d'autres par exemple Olivier
Pastré monsieur tout va mal mais
soyons optimiste qui cumule prof et
dirigeant de la banque d'affaire
Tunisienne IM bank mais il y en a
d'autres je vous en livre quelques
uns
· Jean Pierre Gaillard 73 ans aux
prunes et toujours heureux quand la
bourse monte !
· Jean Marc Sylvestre,
indéboulonable !
· Elie Cohen,Le rondouillard
sursauteur qui travaille a la BNP et
au ministère de la défense entre
autre
· Daniel Cohen le Strausskhanien qui
a aidé Papamdréou a relever la Grèce
! .. On voit le résultat !
· Jean Hervé Lorenzi, Lui est
partout ! BNP, AXA, Bouygues,
Orange, SFR banque Rotshild, Crédit
Foncier de France ! Et j'en passe !
Ce serai trop long ,
· Christian de Boissieu, C'est le
même cumul que le précédent mais en
pire il est aussi dans le collège de
l' AMF, l'autorité des marchés
financiers Ils sont tous impliqués
dans des banques, dans des
organismes qui « aident » l'état et
dans des think tank, ces réservoirs
a idée parait-il mais tous de droite
bien sur !
Mais pourquoi j'associe notre PP a
ceux que je viens de citer, c'est
que comme eux il diffuse ses idées
par RMC, Par la télé comme « C'est
dans l'air « , dans les journaux
comme le libéral HuffingtonPost ou
Atlantico qui ne se dit pas a droite
mais dont le président
Jean-Sébastien Ferjou dit que «
libéralisme et capitalisme ne sont
pas des gros mots « et qui est
copain depuis plus de dix ans avec
le gentil homme de gauche Patrick
Buisson et dans ce journal d'autres
des GG écrivent comme par exemple,
Sophie de Menthon remariée Crespelle
mais faut pas le dire ça ressemble
trop a Crécelle ! ou bien celui qui
adore Stéphane hessel Gilles William
Goldameïr ! .. heu...Golnadel, <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles-William_Goldnadel
>y'a rien a faire quand je l'écoute
je pense toujours a la dame de fer
qui a dirigé Israël et qui le 15
Juin 1969 a dit : « Il n'y a rien
qui puisse être appelé Palestinien,
ils n'ont jamais existés «
Je reviens a PP, notre soit disant
prof d'éco, je dis sois disant car
lors d'une audition au sénat <
http://www.voltairenet.org/article10045.html
>le 4 Juin 2003 il a déclaré : « Je suis beaucoup plus juriste et géographe qu' économiste « Il était entendu commedirecteur de cabinet de Jean-Charles Corbet <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Charles_Corbet
>, PDG de la société ,Holco <
>qui a racheté pour un euro
symbolique AOM-Air-Libertè
rebaptisée Air-Lib et qui a été
condamné en 2010à un an et demi de
prison ferme et 14 millions d'euros
de dommages-intérêts pour avoir
oublié de verser a Air-lib une
partie des 150 millions d'euros
versés par Suissair ..
Nous avons donc après la radio, la
télé les journaux, les livres, ( Aux
éditions Eyrolles.. Tien comme
Sophie ! ) et qui presque à chaque
fois tape sur l'état, le monopole ou
les fonctionnaires je vous donne
deux titres,
SNCF : Un Scandale Français
EDF : Les dessous du Scandale
Par contre question foot il es moins
virulent, le titre est : « Ne tirez
pas sur le foot «
Peut être par ce qu'il porte de
titre ronflant de consultant
économique pour RMC sport ? Et il y
a aussi : « le tourisme a la
Martinique, sous la plage .. Les
conflits « , co-écrit avec un
certain...Jacques Maillot ! Tien
tien ! Ça me dit quelque chose !
Mais alors ou enseigne t-il ? Aucune
trace de lui dans une quelconque
université publique ou les salaires
sont plus que minime, il anime un
cycle de formation pour Les Echos,
et surtout il est prof chez Négocia-Advancia,
je suis sur que comme moi vous ne
savez pas ce que c'est, hé bien je
vous lit la présentation de l'école,
alors accrochez vous ça claque !
Novancia forme et accompagne vers la
réussite une nouvelle génération de
managers experts en « business
development » possédant la double
compétence entrepreneuriale et
commerciale.Petit détail dans le
collège d' orientation de cette
école privée on y trouve … Notre
Chère Sophie !
Mais ce n'est pas suffisant il écrit
aussi pour fondapol <
http://lexique.fondapol.org/pascal-perri.html
>, fondation pour l'innovation politique Un, je site, Thinktanklibéral,progressisteetEuropéencomme ils se définissent, et qui a été fondé en 2004 avec le soutien de l'UMP, puis sur l'argent du premier ministre de l'époque et maintenant sur nos impôts et dont le vice président est Charles Beigbeder, multi entrepreneur, dont Powéo et Happy time ( Mais qui ont coulé ) et qui est surtout président de la commission entreprenariat du Medef et secrétaire national UMP de la pédagogie de la réforme . je dis ça parce que notre PP a été entendu par lui dans la commission Beigbeder <
http://www.minefe.gouv.fr/fonds_documentaire/archives/dossiersdepresse/lowcost071212/lowcost.pdf : lien mort
>
intitulée Le «low cost», un levier
pour le pouvoir d’achat Rapport
remis à Luc Chatel, Secrétaire
d’État chargé de la Consommation et
du Tourisme fin 2007 .
Pour finir il a créé en 2005 PNC, <
> dont l'intitulé est : « cabinet de conseil en stratégie low cost » quand je vous dit que chez lui le pas cher est une obsession, il veux par exemple bourrer les trains et les avions et les faire rouler ou voler plus longtemps avant les révisions ! Il a ou a eu comme clients Intermarché, le groupe ACCOR ou les hôtels formule 1 <
http://club-lowcost.com/les-adherents-du-club-lowcost/tous-les-adherents
>,
c'est certainement pour aider les
salariés a avoir un meilleur salaire
! Mais d’après ce qu'il dit ça ne
marche pas très fort ( …..... ) Mais
alors qui est-il ? Difficile a dire,
il a été pendant quelques temps
journaliste et rédacteur en chef a
RFO, jusque début 97, puis il a
quitté pour reprendre, restructurer
et vendre pendant quatre ans, une
société de boulangerie industrielle
(Pain et Force) dans l’est de la
France qui appartenait à quelqu'un
de sa famille malade , ..
Restructurer avant de vendre on voit
ce que ça veux dire... Combien de «
restructurés « a l'ANPE ex Pol
emploi ?
Il a ensuite été membre, entre 2001
à 2003, de l’équipe dirigeante d’Air
Lib, issue de la fusion d’Air
Liberté et d’AOM.
Une chose étonnante, est qu'il a
soutenu sa thèse de doctorat en
2006, c'est a dire à l'age de 47 ans
et à Perpignan, le titre ? Du
monopole pur et dur aux compagnies
low cost <
>!
Toujours son obsession des monopoles
et de faire toujours moins cher !
Comme vous l'entendez notre prof
Perri n'est pas vraiment un
économiste, je dirais plutôt un beau
parleur low cost qui cherche par
tous les moyens à se faire un petit
nom et un petit pécule grâce a sa
fidélité sans bornes aux personnages
dont la religion est l'ultra
libéralisme!
Biographie | Divers | Sources | Haut
< http://dirigeant.societe.com/cgi-bin/dirsearch?champ=pascal+perri
PERRI (née PERRICHON) Pascal
Né en mars 1959
Voir sa fiche <
http://dirigeant.societe.com/dirigeant/Pascal.PERRI.32669680.html
http://www.plantagenetcapital.com/news/news_painetforce.pdf
Plantagenet Capital Management LLC
456 Montgomery Street, Suite 200
San Francisco CA, 94104
Tel. 415-433-6536
Fax 415 433-6153
www.plantagenetcapital.com
PLANTAGENET
FOR IMMEDIATE RELEASE
Contact:
Suzanne Bronski
Miller DeMartine Group
212-420-0920
sbronski@mdgpr.com
Plantagenet Capital Invests in
French Bakery Chain
Pain et Force is first investment
for new European fund
San Francisco, February 28, 2000 –
Plantagenet Capital today announced
that Plantagenet Capital Europe, its
newly formed private equity fund,
has
acquired, together with existing
management, control of the French
bakery Pain et
Force. Plantagenet will work with
management to restructure the
chain’s
manufacturing and retailing
operations while developing new high
value added
products, including high-margin pre-baked
frozen bread.
Founded in 1966, Pain et Force,
based in Northeastern France, is the
oldest
industrial bakery in France and is a
major regional force in its segment.
The
company produces high quality frozen
bread and croissants for supermarket
chains
and institutional clients and also
operates its own chain of 19
sandwich shops
under the brand name Panichaude.
Sales are expected to reach 75
million FF this
year.
Ollivier Lemal, Managing Partner of
Plantagenet in Paris said, “This
first
investment by our new European fund
reflects Plantagenet’s investment
strategy of
acquiring control positions in
medium-sized companies that offer
the potential to
be turned around and exited at a
substantial gain. We anticipate
accelerating the
pace of our investments as European
business and industry continue to
consolidate.”Plantagenet Capital
Management LLC
Page 2
Plantagenet Capital
(www.plantagenetcapital.com),
headquartered in San
Francisco and Paris, is a multi-staged
private equity firm focused on
venture, later
stage and turnaround transactions.
# # #
For more information, please contact
Ollivier Lemal at [33] 1 56 89 39 39
or email at
lemal@plantagenetcapital.com or
John J. Zappettini at 415-433-6536
or email at zappettini@plantagenetcapital.com.
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.score3.fr/PNC-MARKETING-SERVICES-484550488.shtml
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complémentaires Bilans gratuits
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chiffres Plus d'infos
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Siren 484 550 488
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affaires et autres conseils de
gestion (7022Z)
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Capital 40 000 €
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afficher la liste 1
Effectifs -
Date d'immatriculation 09/2005
DIRIGEANTS
Gérant Perrichon Pascal
SIÈGE SOCIAL
SIRET 484 550 488 00015
Adresse 9 Boulevard De La Liberte
92320 Chatillon
Base de données SIRENE, droits
réservés
DONNÉES FINANCIÈRES
Date de l'exercice 31/12/2012
sur 12 mois
Chiffre d'affaires 142 K€
Résultat net 16 K€
RATIOS FINANCIERS GRATUITS
Excédent brut d'exploitation 20 K€
Rentabilité économique n.c.
Taux de croissance du CA 11,7 %
Indépendance financière n.c. %
L'AVIS DE L'EXPERT
Le chiffre d'affaires est en hausse,
de même, la structure financière de
l'entreprise est équilibrée en 2012.
Pour finir, sur la dernière année
connue, l'entreprise dispose d'une
situation saine ; une surveillance
vous permettrait de suivre son
évolution.
Signalétique Informations
complémentaires Bilans gratuits
Etablissements Evolution des
chiffres Plus d'infos
Exercice du 31/12/2011 sur 12 mois
(simplifié)
ACTIF
Actif immobilisé 13 K€
Actif circulant 103 K€
Total actif 116 K€
PASSIF
Capitaux propres 31 K€
Provisions pour risques et charges 0
K€
Dettes 85 K€
Total passif 116 K€
RESULTAT COMPTABLE
Chiffre d'affaires 128 K€
Total des produits d'exploitation
113 K€
Résultat d'exploitation 24 K€
Résultat net 20 K€
Toutes ces valeurs sont arrondies au
K€
http://dirigeant.societe.com/cgi-bin/dirsearch?champ=pascal+perri
PERRI (née PERRICHON) Pascal
Né en mars 1959
Biographie | Divers | Sources | Haut
http://www.acuite.fr/articles.asp?REF=8659
News du 17/06/2013
19:52
Exclusif - Peyrard versus Perri : Atol obtient le
retrait du livre " Rien que pour vos yeux "
Lors d'un débat sur Europe 1 lundi dernier (10 juin),
Philippe Peyrard, DG d'Atol Les Opticiens, annonçait en
direct son intention de mener une action en justice à
l'encontre de Pascal Perri, auteur du livre " Rien que
pour vos y€ux ", en librairie depuis une semaine
environ.
L'auteur, sûr de lui, est allé jusqu'à inviter le
représentant d'Atol à saisir " un tribunal si vous
souhaitez faire valoir vos droits ". Il a été entendu...
Atol vient d'obtenir satisfaction avec " ordre de
retrait et de cessation définitive de commercialisation
" nous a annoncé Philippe Peyrard.
A l'origine du mécontentement d'Atol, le titre de
l'ouvrage de Pasacal Perri qui use de la célèbre formule
" Rien que pour vos yeux ", marque déposée par la
coopérative depuis janvier 1997.
Très visible dans les campagnes publicitaires à
destination du grand public depuis cette date, ce slogan
est décliné sous forme d'un magazine éponyme distribué
chez tous les opticiens Atol, quatre fois par an.
Cécile Cardin, responsable communication et publicité du
groupe, enfonce le clou, rappelant que ce " mini
magazine a été encarté récemment encore à 6,6 millions
d'exemplaires dans plusieurs titres de presse, dont
Gala, Femmes Actuelles, Femina, L'Equipe magazine, Le
Nouvel Observateur et Le Point. "
Lire la news du 10/06/2013: Philippe Peyrard (Atol)
attaque Pascal Perri en justice, " Rien que pour vos y€ux
"
http://www.acuite.fr/articles.asp?REF=8633
Biographie | Divers | Sources | Haut
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