<< La page critiquée sur le libéralisme

LIBÉRALISME

 


 

Ce qui suit est la retranscription intégrale autorisée d'un échange de septembre 2006 avec un libéral concernant la page de ce site sur le libéralisme.
Les liens sont ceux des messages originaux.

 

 

Bonjour,

 

J'ai lu le début de votre petite leçon intitulée CAPITALISME, LIBÉRALISME, DROITE.

 

Je tenais à vous signaler que vous confondez libéralisme et neo-mercantilisme.

Le libéralisme consiste, contrairement à ce que vous pensez, en la défense des individus face au pouvoir arbitraire de l'état. Par conséquent, il ne peut être question de nier l'individu.

 

De plus, le libéralisme ne promeut pas une intervention de l'état, même si elle est favorable à certaines entreprises - dans la mesure où elle leur permet d'asseoir leur position dominante. Ce type de situation doit être compris dans le terme neo-mercantilisme.

 

Vous auriez du comprendre l'erreur en observant les illogismes de votre raisonnement. Ainsi, alors que vous parlez, à raison cette fois, de "moins d'état", vous embrayez, dans les exemples qui suivent, sur le thème de grandes organisations internationales... composées d'états!!!

 

Une fois de plus, celles-ci symbolisent le neo-mercantilisme et non le libéralisme.

Évidemment, vos erreurs sont essentiellement sémantiques, mais je trouvais dommage de voir sali, une fois de plus, le mouvement qui, historiquement parlant, a permis aux individus d'avoir leur mot à dire.

 

Et ce d'autant plus que vous êtes prof. Il ne faudrait pas que les générations futures reçoivent des enseignements incorrects.

 

J'espère que vous corrigerez les termes employés, tout en vous renseignant sur le libéralisme et le neo-mercantilisme, via wikipedia peut-être. Si vous souhaitez aller voir plus loin, je peux vous conseiller quelques auteurs.

 

Bien à vous,

 

 Wali

 


Bonjour et merci pour votre message,

 

je ne partage pas votre analyse sémantique, le but de cet article est avant tout d'expliquer ce que les médias traditionnels nomment le libéralisme, à savoir un capitalisme sauvage et sans entrave.

 

Concernant mes "illogismes de ... raisonnement", les organisations

internationales composées d'états oeuvrent bien pour moins d'état.

 

Pour votre proposition de sites ou d'auteurs, je serais curieux d'apprendre par vous-même ce qu'est le libéralisme.

 

Sitécon

 


Re-bonjour, et merci pour votre réponse,

 

Je vais vous répondre en trois temps:

 

- Concernant les médias traditionnels

 

Le problème des médias traditionnels est

 

a) qu'ils sont subsidiés par l'état et que, par conséquent, ils ne pourront jamais critiquer l'action globale de l'état. Au contraire, ils attaqueront le seul adversaire des étatistes, soit le libéralisme.


Pour ce faire, ils utiliseront des procédés contestables, par exemple assimiler le libéralisme au matérialisme ou au néo-mercantilisme. Ils seront, en cela, bien aidé par les "hommes de droite", assez pervers et sournois que pour se prévaloir du "libéralisme" quand ils adoptent une mesure à ses antipodes.

 

b) qu'ils sont conduits par des gens sans grande compétence. Si vous avez déjà suivi un sujet d'actualité dans le cadre de vos compétences, vous aurez remarqué que son traitement est plutôt mauvais, dans la mesure où le journaliste n'a pas toute la science propre au milieu en question.

 

A cet égard, je pense que le journalisme d'avenir est individuel et non subsidié (on le retrouve déjà sous la forme de blogs). L'individu, s'il veut être crédible, retracera l'actualité dans son champ de compétences particulier.

- Concernant le soi-disant "moins d'état" des organisations internationales

 

Je persiste à dire que créer de nouvelles institutions publiques, fussent-elles internationales, procède du schéma étatique: celles-ci seront financées par les états, et donc par l'argent d'individus qui auraient certainement préféré l'investir dans d'autres projets (matériels, solidaires, écologiques, passionnels, etc.).

 

Mais pour répondre à votre objection affirmant que lesdites institutions lutteraient pour moins d'état, je me dois de citer Pascal Salin, économiste libéral français.

 

"Rares sont ceux qui estiment encore qu'on peut obtenir des succès économiques par le recours à la planification centralisée et à la propriété publique des moyens de production.

Dans le monde entier, les privatisations sont donc devenues des pratiques courantes au cours des années ou des décennies récentes. Mas il n'en reste pas moins que le trajet à parcourir pour vivre dans des sociétés authentiquement libérales est encore considérable. (...)

 

Il existe en fait une pensée dominante, faite de concessions superficielles au libéralisme, mais en réalité inspirées par des principes opposés. Il n'y a en effet que deux visions possibles de la société et de son organisation, une vision libérale et une vision constructiviste.

Ces deux visions sont absolument incompatibles et c'est pourquoi l'acceptation de quelques mesures de libéralisation - par exemple le recours aux privatisations pour améliorer la gestion de certaines entreprises - ne représente pas une conversion majeure au libéralisme."


(P. Salin, Libéralisme, Odile Jacob, Paris, 2000, p. 21.)

 

Ce long extrait pour bien vous situer de quelle dualité émergent les libéraux. D'un côté, il y a le libéralisme, de l'autre, ce qu'ils appellent le constructivisme.

 

Qu'entendre par cette dernière notion? Je citerai encore Salin, se référant à Friedrich Hayek:

 

"L'attitude constructiviste consiste à penser que l'on peut "construire" une société selon ses propres vœux, qu'on peut la conduire comme on le ferait d'une quelconque machine.
Or, parmi les constructivistes, on peut distinguer des conservateurs qui souhaitent maintenir la société telle qu'elle est et des réformistes qui souhaitent au contraire la modifier.

Il serait par ailleurs erroné de placer nécessairement le conservatisme à droite et de voir des réformistes dans tout socialiste.


En effet, dans un système aussi largement collectiviste que le système français, ce sont bien souvent les socialistes qui sont conservateur, par exemple lorsqu'ils se déclarent en faveur du maintien des avantages acquis, lorsqu'ils luttent pour la défense de la Sécurité sociale ou défendent les "services publics à la française".

 

Par opposition, le libéral est, selon les propres termes de Friedrich Hayek, celui qui "laisse faire le changement, même si on ne peut pas prévoir où il conduira".
Il implique, par conséquent, une confiance dans les capacités des personnes à s'adapter continuellement à des conditions changeantes et toujours imprévisibles.

 

Or, il n'est pas excessif de dire qu'en France, tout au moins dans l'univers politique, pratiquement tout le monde est constructiviste. Selon ses humeurs, ses préjugés, son niveau d'information ou le sens de ses propres intérêts, chacun s'efforcera soit de maintenir ce qui existe, soit au contraire de le modifier d'une manière plus conforme à ses propres souhaits.

 

(...) Il en résulte évidemment une extrême politisation de la vie que traduit fortement le fameux thème du "tout est politique". Or, rien n'est politique par nature, mais tout le devient dès lors que l'approche constructiviste est dominante." (P. Salin, Libéralisme, Odile Jacob, Paris, 2000, p. 25.)

 

Bref, les organisations internationales relèvent du constructivisme. On peut d'ailleurs relever que la plupart, si elles ouvrent le marché en privatisant et en internationalisant les échanges, le ferment aussi en posant des conditions d'entrée sur celui-ci. L'Union européenne est le meilleur exemple de tout ceci.

 

- Concernant ma définition du libéralisme

Celle-ci vous paraîtra peut-être tautologique: le libéralisme est l'ensemble philosophique formé par les pensées des auteurs libéraux.

 

Toutefois, cette définition exclut déjà pas mal de choses:

 

- les écrits du MEDEF;

- les bouquins de Sarkozy (qui traitent essentiellement de sarkozysme);

- la guerre en Irak - toute guerre d'ailleurs;

- la société actuelle, dans la mesure où l'état en règle le moindre domaine;

- etc.

 

Comment savoir si un auteur est libéral? Généralement, il se référera aux principes suivants:

 

- droit à la vie

- liberté individuelle

- égalité de droit

- propriété

- responsabilité

 

Parmi les positions libérales, il faudra noter la suivante, souvent ignorée par le commun des mortels: la plupart des libéraux sont pour la liberté d'immigration.

Voilà.


J'espère que la longueur du mail ne vous aura pas embêté. Idem pour les citations de Pascal Salin.

 

J'ose espérer, même, que celui-ci vous aura un tout petit peu intéressé.

Au cas où cela vous a intéressé au point de vouloir en apprendre un peu plus sur le vrai libéralisme (soit l'opposé de celui qu'on critique bêtement à la télé, sans savoir ni avoir lu le moindre auteur libéral), je peux toujours vous communiquer quelques sites voire quelques auteurs intéressants.

 

Bien à vous,

Ravi d'avoir vu un prof s'intéresser de plus près au libéralisme,

 

Wali

 


Merci encore pour votre réponse,

Même si celle-ci comporte des éléments intéressants, j'attends toujours une vraie définition, votre énoncé des principes libéraux reste très vague !

Ce qui me gêne le plus chez les libéraux c'est la critique systématique de tout ce qui provient de l'État. Pour reprendre votre citation de Salin sur la gestion des entreprises publiques, l'État est tout aussi capable que des personnes privées de gérer une entreprise, la France est à ce titre un très bon exemple. Si ! Si !

Ensuite le grand principe libéral que vous ne faites qu'effleurer, tout comme Salin, un peu comme si vous en aviez honte, est le suivant :

- "Il existe un ordre naturel des choses, il faut donc laisser faire, laisser passer."

Je suis bien entendu intimement persuadé que l'ordre naturel n'est pas toujours le meilleur, bien au contraire, et que l'intervention humaine pour modifier l'état naturel est aussi vieille que sa présence sur terre, heureusement !

Les libéraux mettent au-dessus de tout, l'individu, la recherche de son intérêt personnel, la propriété privée et l'échange libre sur le marché. Quel que soit l'emballage, c'est cela la philosophie libérale !

Quand Salin dit que rien n'est politique par nature, il a raison, mais c'est justement l'homme qui par son intelligence à tout rendu politique, c'est ce qui le distingue de l'animal !

Que le monde actuel ne soit pas parfaitement libéral, je le concède bien volontiers, mais ce sont bien des principes libéraux qui le guide.

Pour revenir sur les organisations internationales, lorsque le GATT ou l'OMC ont pour résultats, la baisse des droits de douanes, la disparition des quotas, la diminution du protectionnisme, les privatisations etc., il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître qu'il y a bel et bien moins d'État.

Dire que l'U.E. est le meilleur exemple relève là aussi de la forfaiture, à l'intérieur du marché unique les barrières ont bien disparues et l'union ferme moins son marché aujourd'hui qu'hier !

La tendance mondiale est bien à la création d'un marché mondial sans entrave, le libre-échange.

Peut-être Kant avait-il raison lorsqu'il pronostiquait la création d'un super-État supranational dans sa philosophie de l'histoire.

Non décidément, pour l'instant vous ne m'avez toujours pas fait changer d'avis.

Sitécon

 


Bonjour,

 

Cette fois-ci, je répondrai par rapport à quelques éléments de votre texte.

 

- "j'attends toujours une vraie définition, votre énoncé des principes libéraux reste très vague"

 

Le libéralisme est tellement tiraillé de l'intérieur, par de multiples courants, qu'il est difficile de vous offrir plus que ce qu'il n'y avait dans mon dernier courrier. Les combats font rage entre libéraux sur beaucoup de points sociétaux.

 

Existent effectivement plusieurs types de libéraux (ou libertariens):

 

anarcho-capitalistes, minarchistes, libéraux classiques, libéraux conservateurs et même libéraux "écolos".

 

Par conséquent, ce sont surtout les grands principes cités la dernière fois qui les relient les uns aux autres. Vouloir aller plus loin revient à exclure certaines catégories de libéraux.

 

- "Pour reprendre votre citation de Salin sur la gestion des entreprises publiques, l'État est tout aussi capable que des personnes privées de gérer une entreprise, la France est à ce titre un très bon exemple. Si ! Si !"

 

Je ne suis pas Français mais je regarde d'un oeil attentif vers la faillite du système "faisant la fierté" de votre pays. Encore tout à l'heure, je lisais que la SNCF avait presque 50 millions de dette. Une entreprise privée aurait certainement déjà été déclarée en faillite. 

 

Mais les entreprises publiques, malgré la mauvaise gestion, pourront toujours s'appuyer sur le couillon de service à qui on ne demande pas son avis, càd le contribuable. C'est tout ce qui les distingue des entreprises privées.

 

- "Ensuite le grand principe libéral que vous ne faites qu'effleurer, tout comme Salin, un peu comme si vous en aviez honte, est le suivant :

 

- "Il existe un ordre naturel des choses, il faut donc laisser faire, laisser passer.""

Je ne sais hélas pas ce que vous entendez par ordre naturel. (Peut-être est-ce d'ailleurs un indice d'idée fausse à propos du libéralisme.)

Certes, les libéraux s'appuient sur la nature pour extraire les "règles sociétales". Toutefois, je ne pense pas (je ne me suis pas encore renseigné sur la conception du "bien" des auteurs libéraux) qu'ils affirment que chaque action, pourvu qu'elle soit libre, soit le bien.

 

Au contraire. Mais selon eux, à part dans les domaines de la vie et de la propriété, la morale de certains ne pourraient primer sur la morale d'autres, fut-elle douteuse. En effet, la liberté individuelle constitue une valeur suprême.

 

- "que l'intervention humaine pour modifier l'état naturel est aussi vieille que sa présence sur terre, heureusement !"

 

Heureusement? Heureusement que certains hommes ont privé d'autres de leur liberté? Je ne suis pas d'accord avec vous. Ces hommes-là ont été la source du non-pacifisme constant depuis toujours.

 

- "Quand Salin dit que rien n'est politique par nature, il a raison, mais c'est justement l'homme qui par son intelligence à tout rendu politique, c'est ce qui le distingue de l'animal !"

 

Bof bof... Il ne faut pas confondre politique et règles. Si la politique n'existait pas, les problèmes humains seraient tout simplement réglés par les individus, en dehors d'un cadre étatique.

 

La politique n'est qu'un mode d'exploitation de certains humains par d'autres.

 

- "Que le monde actuel ne soit pas parfaitement libéral, je le concède bien volontiers, mais ce sont bien des principes libéraux qui le guide."

 

Non. L'état intervient dans TOUS les domaines possibles et imaginables. Ce n'était pas le cas avant.

 

De plus, regardez l'inflation législative que nous connaissons depuis une trentaine d'années. Il faut être particulièrement inattentif que pour oser affirmer que nous vivons dans un monde libéral - ou même guidé par des principes libéraux.

 

- "Pour revenir sur les organisations internationales, lorsque le GATT ou l'OMC ont pour résultats, la baisse des droits de douanes, la disparition des quotas, la diminution du protectionnisme, les privatisations etc., il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître qu'il y a bel et bien moins d'État."

 

Voir un peu d'état sortir par la porte (droits de douanes, "privatisations", etc.) pour rentrer par la fenêtre (frais des grandes organisations étatiques internationales) ne me semble pas relever de la mauvaise foi.

 

De plus, j'attire une nouvelle fois votre attention sur un des deux paragraphes de Salin qui distingue très clairement le libéralisme du mouvement de "privatisations" actuel.

 

- "Dire que l'U.E. est le meilleur exemple relève là aussi de la forfaiture, à l'intérieur du marché unique les barrières ont bien disparues et l'union ferme moins son marché aujourd'hui qu'hier !"

 

Non, cela ne relève pas de la forfaiture. L'Union européenne a peut-être supprimé quelques services publics, au plus grand bonheur de ceux qui les finançaient.


Toutefois, elle n'a pas réellement "privatisé". En effet, de nombreuses régulations ont germé dans l'esprit de nos eurocrates avant d' "ouvrir" le marché. Par conséquent, il n'est pas du tout ouvert comme il le serait dans un monde libéral: puisque des conditions sont à remplir avant de lancer la moindre entreprise, l'on peut même qualifier le marché de verrouillé.

 

Cela fausse, bien évidemment, la concurrence, et l'on se retrouve avec des sortes de corporations géantes, tentant de garder leurs parts de marché en empêchant (via la voie étatique) d'autres entreprises de naître.

 

De plus, l'Union européenne s'amuse à fabriquer des règlements plus stupides les uns que les autres... ce avec notre argent. Prenez le cas de la réglementation des concombres.

 

- "La tendance mondiale est bien à la création d'un marché mondial sans entrave, le libre-échange."

 

Comme je l'ai dit un paragraphe plus haut, il restera toujours des entraves, qui fausseront tout. Les entraves à l'entrée, soit celles qu'une entreprise devra surmonter afin de naître. Les entraves à la vie quotidienne de l'entreprise, aussi, quand l'état l'obligera à respecter scrupuleusement des obligations ridicules - ce qui augmentera inutilement les coûts et entravera sa liberté de produire ce qu'elle veut.

 

- "Non décidément, pour l'instant vous ne m'avez toujours pas fait changer d'avis."

 

En tout cas, j'ai pu remarquer que, contrairement à ce qui est indiqué dans votre billet, vous avez reconnu dans le présent mail que le libéralisme oeuvrait pour l'individu.

 

J'espère vous avoir également convaincu qu'une majorité de libéraux était pour la liberté de circulation, même des plus pauvres, via mon précédent mail - ce qui ferait disparaître la conclusion de votre article.

 

Enfin, j'espère que le présent courriel permettra de vous faire douter de l'utilisation du mot "maximum", quand vous parlez de "maximum de libertés" en parlant des organisations internationales.

 

Quoi qu'il en soit, mon but n'était point de vous convaincre. Je souhaitais juste vous apporter quelques éléments de réflexion, du point de vue des libéraux - lesquels ont du mal à se sentir visés lorsqu'ils entendent les critiques actuelles contre l' "ultralibéralisme".

 

Bien à vous,

 

Wali

 

Le blog de Wali :
à partir du 2 octobre 2006
http://porteentrouverte.canalblog.com/