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................................................... Par Kim LE QUOC, LE FIGARO Entreprises, mai 2002 ................................................... PRODUCTION : LE RÉSEAU DE MAGASINS DE MODE MISE SUR LA FRAÎCHEUR DE SES COLLECTIONS : IL A FAIT DE SA CHAÎNE D'APPROVISIONNEMENT UN MODÈLE. LE PROBLEME : Coller étroitement à une demande très fluctuante pour se différencier sur un marché, l'habillement, devenu extrêmement concurrentiel.
LA SOLUTION : Réduire au minimum les cycles de production pour les produits les plus " mode " grâce à une chaîne logistique tendue vers la réactivité. LE RESULTAT : Zara conçoit et livre une nouvelle collection en 15 jours. Alors que le grand concurrent Gap est en crise, le chiffre d'affaires de Zara augmente fortement. ....................................................... SEULEMENT QUINZE JOURS pour dessiner de nouveaux modèles de robes ou de pantalons, les fabriquer et les livrer dans n'importe quel magasin en Europe ou en Amérique latine. Un exploit ! Au jour d'aujourd'hui, une seule chaîne de magasins de vêtements en semble capable : Zara. Les concurrents tels que l'américain Gap, aujourd'hui en grave crise, ou le suédois Hennes & Mauritz (H & M) mettent entre trois et quatre mois pour lancer une nouvelle collection sur le marché. C'est à ce prix que le groupe familial espagnol Inditex donne à ses clientes la certitude de trouver chez Zara les derniers articles à la mode... adaptés aux soubresauts climatiques ! Un avantage concurrentiel considérable sur un secteur très fortement marqué par les aléas saisonniers. Pour parvenir à tenir de tels délais, le señor Armancio Ortega, fondateur et dirigeant du groupe basé près de La Corogne (Le Figaro Entreprises du 15 octobre 2001), a un secret. Les professionnels du secteur sont admiratifs devant la réactivité, qui tient à une chaîne logistique parfaitement optimisée. " Le cas Zara est l'exemple parfait d'une entreprise qui a su se différencier durablement de ses concurrents grâce à la puissance de sa supply chain ", estime David Bovet, vice-président du cabinet Mercer Management Consulting. Le modèle est unique en son genre. Alors que toute l'industrie textile ne jure plus que par la délocalisation, Zara apparaît comme un trublion avec ses 19 usines en propre implantées en Espagne, où la main-d'oeuvre est pourtant de deux à trois fois plus chère qu'au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ou en Europe de l'Est ! La marque fabrique elle-même un peu plus de la moitié de ses articles, les plus modes, ceux qui ne souffrent pas de délais. Le reste, les " basiques ", est sous-traité, mais à plus de 70 % en Europe. Non contente de contrôler l'essentiel de sa production, l'enseigne gère également en direct 476 de ses 507 magasins implantés en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou au Japon. A La Corogne, on n'aime pas faire dans la franchise. Un choix qui s'avère extrêmement gourmand en capital, mais qui explique pourtant en grande partie le succès du fabricant espagnol. Une saison qui ne dure qu'un mois !
Contrôler à la fois la production et la distribution procure à Zara de nombreux avantages, à commencer par une parfaite optimisation des flux d'informations circulant d'un bout à l'autre de la chaîne. Un paramètre essentiel pour l'entreprise, qui remonte chaque soir depuis ses magasins vers le siège à Arteixo quantités de données stratégiques, aussi bien quantitatives que qualitatives. Des statistiques de vente aux styles vestimentaires, remarques et souhaits des visiteurs, afin de réadapter au fur et à mesure ce qui sort de ses usines en fonction de ce que les consommateurs réclament en boutiques. La variable temps joue un rôle essentiel. Zara a donc recours à un puissant système d'informations, qui pour être parfaitement efficace se doit d'être harmonisé entre le réseau de distribution, le siège et les unités de fabrication. Pas un instant à perdre avec des intermédiaires, sous-traitants ou franchisés, qui pourraient opposer des forces de résistance à la fluidité du système. Mais l'intelligence n'est rien sans la réactivité. " Etam aussi remonte les informations de ses magasins tous les soirs, mais ils sous-traitent la production en Asie et au Moyen-Orient, remarque Delphine Delattre-Gellé, consultant manager au cabinet CSC. Le temps que la production soit réajustée là-bas, ils ne sont pas livrés avant deux ou trois mois. " Chez Zara, le problème ne se pose pas, 15 des 19 unités de fabrication se situant à proximité immédiate des bâtiments de la direction ! On peut difficilement faire plus rapide. A condition de posséder ses propres usines à l'autre bout de la chaîne. " Dans les schémas de délocalisation, les prestataires lointains travaillent souvent pour une multitude de structures différentes, rappelle Serge Puisais, associé chez CSC. Ils ont donc des planifications concurrentes, qui ne peuvent être chamboulées du jour au lendemain. " Un incompressible inenvisageable à La Corogne. L'intégration verticale n'explique pas tout. Zara sait également limiter les risques, les stocks, et les délais, grâce à une politique de séries limitées. L'enseigne a beau produire elle-même 50 millions d'articles par an, chacune de ses collections, adaptées en fonction des marchés locaux, ne comporterait que quelques dizaines de milliers de pièces. " Une fois qu'une série est écoulée, nous ne la renouvelons pas ", confie Maria Jesus Garcia, porte-parole du groupe Inditex. Une " saison " ne dure ainsi guère plus d'un mois chez Zara. C'est le marketing de la rareté. En résumé, l'espagnol ne cherche pas à maximiser le panier d'achat par visite mais à optimiser la fréquence des allers-retours dans ses magasins. Une machinerie ultra-moderne
Ce choix suppose un appareil logistique à la hauteur. Afin de pouvoir assurer une rotation suffisamment élevée en boutique, de l'ordre de 70 % à 80 % des articles toutes les trois semaines, l'enseigne se doit d'enchaîner les mini-collections à un rythme effréné tout au long de l'année. " Le problème, lorsqu'on possède son propre outil de production, c'est qu'il faut le rentabiliser, explique Norbert Cohen, directeur général adjoint du groupe Euriware. Si vous avez par exemple une machine qui fait des jupes plissées, il faut que vous produisiez suffisamment de jupes plissées pour pouvoir l'amortir. " Un frein que Zara a levé en investissant dans des appareils de coupe dernier cri. Entièrement automatisés, ces engins peuvent tailler n'importe quel dessin à partir des patrons qui leur sont transmis numériquement depuis les plateaux des 200 stylistes localisés quelques mètres plus loin, au siège. Chaque machine est programmée afin de produire l'ensemble des pièces nécessaires à l'assemblage d'un vêtement, dans toutes les tailles disponibles. Une trentaine de tables de découpe tournent ainsi en permanence à Arteixo, afin de produire les quelque 200 000 unités qui sortent chaque jour des usines en propre du fabricant. Côté couture, plutôt que d'investir directement dans de lourdes machines, l'industriel fait appel à un réseau d'ateliers de confection, exclusifs, à qui elle procure le savoir-faire et l'outil technologique contre une flexibilité maximum. Au total, 11 000 personnes travaillent cinq jours sur sept en Galice, dans le Sud de l'Espagne ou au Nord du Portugal, afin d'assembler les séries Zara. La souplesse est privilégiée sur la production : chaque employé n'assemble en moyenne qu'une dizaine d'articles par jour. |