SUJET BTS " LALIQUE "
Première partie: exploitation d'une documentation (annexe 1)
À partir du document fourni en annexe 1, commentez la stratégie de l'entreprise Lalique.
Deuxième partie : développement structuré
(annexes 2, 3, 4 et 5)
" Chercher c'est bien, trouver c'est mieux, se protéger c'est indispensable (Institut National de la Propriété industrielle).
L'innovation recouvre les domaines les plus divers : dans un monde où la concurrence est vive, la nécessité d'innover apparaît souvent comme une condition importante de la croissance (voire de la survie) des entreprises.
- Dans une composition structurée et argumentée, en vous appuyant sur les annexes et sur vos connaissances, vous analyserez le rôle de l'innovation dans la croissance économique, les raisons et les formes de l'innovation dans l'entreprise, les modalités juridiques de sa protection.
Annexe 1
De petites entreprises innovent
en créant des matériaux
L'année 1991 aurait pu figurer comme une année noire dans l'histoire du cristallier Lalique. Un article paru dans la revue médicale américaine The Lancet, avait, en effet, jeté le trouble chez les amateurs de carafes en cristal. Deux chercheurs de l'université de Columbia, dans l'État de New York, Joseph Graziano et Conrad Blum', y indiquaient que des traces de plomb pouvaient être trouvées dans des liquides alcooliques conservés dans des objets en cristal.
En Californie, la menace fut prise au sérieux. En vertu de code de la santé de cet État qui considère le plomb comme un produit toxique, il fut demandé à tous les cristalliers de faire figurer un - avertissement " sur leur production. La formulation en était des plus explicites : - consommer des aliments o des boissons conservés o servis dans ce récipient vous expose a plomb, une substance chimique considérée en Californie comme " pouvant provoquer des lésions chez les nouveaux nés ". De quoi dissuader plus d'un acheteur.
En outre, un " chasseur de primes ", Alan Caplan, attaqua les cristalliers pour n'avoir pas mis en garde auparavant les consommateurs. Des dizaines d'industriels durent payer des indemnités. Pour les seuls producteurs français, la somme s'éleva à 68 400 dollars (400 000 francs environ) pour les carafes vendues entre 1987 et 1991 soit environ 9 dollars par carafe. Or il ne pouvait être question de supprimer le plomb de la pâte de verre. Le cristal lui doit ses propriétés de diffraction de la lumière, sa brillance, sa transparence, si caractéristique. L'appellation - cristal @, est d'ailleurs réservée aux verres renfermant au minimum 24 % de plomb. il fallait donc trouver un procédé empêchant le plomb de migrer vers l'intérieur de la carafe. Les cristalliers réunis au sein de l'International Cristal Fédération (ICF), décidèrent de se réunir tous les six mois pour se communiquer mutuellement les résultats de leur recherche.
FLAIR ET ENTRAIDE
L'année suivante, la société Lalique décida de se doter d'un directeur adjoint chargé de l'organisation industrielle, mais aussi de la recherche et du développement. Une des premières préoccupations de Paul Cordié, ex-responsable du développement de procédés dans une usine allemande de Saint-Gobain, fut de s'attaquer à ce problème de migration du plomb. De son passé de chercheur, ce docteur en physique des solides, ancien membre du service central de recherche du premier groupe verrier français, avait gardé le goût de
l'expérimentation. De son passé d'ingénieur et de gestionnaire, ce centralien savait aussi qu'il serait beaucoup trop onéreux de monter un laboratoire dans cette petite entreprise artisanale.
il conclut un accord d'échange technique avec les services de son ancien employeur, Saint-Gobain Recherche. Le groupe verrier avait été confronté à un problème similaire, dans le domaine du stockage du sang dans des récipients en verre. il fallait alors empêcher les ions sodium contenus dans le verre de migrer dans le sang. Ce qui fut résolu en introduisant du sulfate d'ammonium dans les récipients. A haute température, il se formait à l'intérieur du flacon du sulfate de sodium, facilement éliminable.
Il en était de même avec le plomb. Mais l'opération n'enlevait que le plomb situé en surface. Il fallait trouver un moyen de bloquer la migration du plomb situé plus à l'intérieur du cristal. Après 184 essais, sous-traités au Centre régional d'innovation et de transfert de technologie (CRITT) de Strasbourg, situé à une vingtaine de kilomètres de l'usine Lalique de Wingen-sur-Moder, la poudre miracle fut trouvée. Il s'agissait d'un mélange de sulfate d'aluminium et de sulfate d'ammonium. L'explication théorique suivit. " Le sulfate d'aluminium élève la température de la première réaction, et en provoque simultanément une seconde qui permet de combler les trous formés par la libération du plomb; une barrière étanche et invisible se forme à l'intérieur de la pâte , explique Paul Cordié. En l'expliquant en 1993 au congrès semestriel de I'ICF, à Pittsburgh, Paul Cordié fit sensation. Son coût de mise en uvre est de 12 francs (pour une carafe dont le prix moyen avoisine les 3 000 francs). Les essais ont été financés grâce à la subvention accordée par le ministère de l'industrie dans le cadre du programme PUMA (Promouvoir l'utilisation des nouvelles technologies liées aux matériaux).
La licence de ce procédé a été vendue à d'autres cristalliers. Et les portes du marché américain sont à nouveau pleinement ouvertes au célèbre fabricant de vases, verres et carafes.
Annie Kahn Le Monde, 3 mai 1995.