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1 | INTRODUCTION |
économique, science, science sociale qui a pour objet létude et la recherche de « lois » permettant dexpliquer les mécanismes qui gouvernent la production, la consommation et léchange de biens et services. Cest certainement léconomiste américain Samuelson qui en a donné la définition la plus complète en insistant sur la manière dont les individus décident daffecter, au meilleur coût possible, telle ressource au système productif en vue de satisfaire des besoins de consommation individuels et collectifs, présents et futurs.
Léconomie a recours à deux grands types dapproches. La première, qui sintéresse aux comportements de lindividu (le producteur ou le consommateur), ou microéconomie, explique la manière dont sétablit loffre et la demande ainsi que le processus selon lequel sétablit le niveau des prix sur les marchés en fonction du degré de concurrence qui y prévaut, en acceptant lhypothèse selon laquelle les individus agissent rationnellement ; ainsi, les consommateurs essaient de dépenser leur revenu dune façon qui leur donne le plus de plaisir possible (les économistes disent quils maximisent leur utilité), alors que, de leur côté, les entrepreneurs cherchent à tirer le maximum de profit des opérations quils réalisent.
La macroéconomie, second modèle dapproche, sintéresse à létude des interdépendances existant entre un ensemble significatif de variables globales qui synthétisent lévolution économique. La macroéconomie est née avec la Théorie générale de lemploi, de lintérêt et de la monnaie (1936), de léconomiste britannique John Maynard Keynes, qui analyse les fluctuations du niveau de lactivité économique. Même si on doit lexpression à léconomiste Ragnar Frish, qui le premier a introduit le terme dans le vocabulaire économique en 1933. Son explication de la prospérité et de la récession est fondée sur la notion de demande globale de biens et de services par les consommateurs, les investisseurs et les gouvernements, et non pas sur la variation des prix. Puisque, selon Keynes, linsuffisance de la demande accroît le chômage, il faut, pour y remédier, que les entreprises augmentent leur niveau dinvestissements et que les pouvoirs publics dépensent davantage, par le biais du déficit budgétaire : selon Keynes, la politique économique volontariste peut donc compenser les variations du niveau dactivité.
2 | HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE |
Aristote et Platon, dans la Grèce antique, rédigèrent des traités qui incluaient des considérations sur la richesse, la propriété et le commerce. On doit aux Grecs la première réflexion sur les choses économiques, de même que le mot lui-même qui, à lépoque, désigne une économie domestique au service de la cité. Au Moyen Âge, la théorie économique fut dominée par les prescriptions émanant de lÉglise catholique, qui, par le biais du droit canon, condamnait lusure (intérêt pris sur une somme dargent prêtée) et considérait que le commerce était une activité inférieure, dans une échelle de valeurs où lagriculture occupait le sommet. Cette conception de léconomie, dont le caractère restrictif peut surprendre aujourdhui, est en accord avec les conditions de son temps : la société féodale est alors dominée par lÉglise qui bénéficie du statut du plus important propriétaire foncier à une époque où lagriculture constitue la principale activité productive de lHomme. À cette influence matérielle sajoute une influence sur les esprits, lÉglise exerçant un pouvoir social fort.
Léconomie en tant que science moderne, distincte de la philosophie morale et de la politique, est née avec le traité intitulé Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), du philosophe et économiste écossais Adam Smith, dont la réflexion avait été annoncée par le mercantilisme et les idées des physiocrates.
1 | Le mercantilisme |
Le développement du nationalisme, déjà perceptible au cours du XVIe siècle, saccompagna de la mise en uvre dune forme de politique économique, le mercantilisme, qui visait à favoriser lautosuffisance nationale, et qui fut en vigueur, selon des degrés variables, dans tous les pays dEurope occidentale entre les XVIe et XVIIIe siècles.
Les mercantilistes considéraient lor et largent comme des indicateurs de la puissance dun pays. Dépourvu, à la différence de lEspagne, de lapport que représentaient les mines dargent et dor du Nouveau Monde, un pays ne pouvait accumuler ces métaux précieux quen vendant aux autres pays plus de marchandises quil ne leur en achetait, accumulant ainsi un excédent de sa balance commerciale, qui contraignait les autres pays à combler leurs déficits en se dessaisissant de lor et de largent en leur possession.
2 | Les physiocrates |
Lécole physiocratique exerça un véritable monopole théorique en France, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, en réaction contre les politiques restrictives héritées du mercantilisme. Le principal ouvrage de François Quesnay, fondateur de cette école de pensée, le Tableau économique (1758), tentait didentifier les flux du revenu dans léconomie et anticipait la comptabilité nationale du XXe siècle. Selon les physiocrates, toute la richesse provient de lagriculture ; les autres activités sont stériles et le commerce ne sert quà redistribuer la richesse produite par les agriculteurs.
Les physiocrates étaient partisans du libre-échange et du laisser-faire, et estimaient que la principale source de revenu de lÉtat pouvait être constituée par un impôt direct exclusivement assis sur la richesse foncière et la production agricole.
3 | Lécole classique |
Léconomie classique est née avec Smith, avant de se développer avec les économistes britanniques Malthus et David Ricardo, suivis par John Stuart Mill. Même si les divergences furent nombreuses entre les économistes classiques au cours des trois quarts de siècle qui séparent la Richesse des nations de Smith des Principes déconomie politique de Mill (1848), les représentants de ce courant saccordaient sur un certain nombre de principes, notamment le caractère opératoire de la propriété privée et de la concurrence comme cadre de lactivité économique et la nécessité de limiter le rôle de lÉtat, pour permettre le libre développement de linitiative individuelle. De Ricardo, les classiques tirèrent la notion de rendement décroissant, selon laquelle lorsque lon fournit davantage de travail et de capitaux pour cultiver la terre, le rendement à « moyen terme du développement de lagriculture diminue de façon régulière ».
Pour sa part, Malthus, auteur du très important Essai sur le principe de population (1798), postulait que la prospérité économique était impossible, en raison de la croissance continue de la population et de la relative avarice de la terre. La quantité de nourriture disponible augmentant de façon arithmétique, il sensuivrait un décalage avec les effectifs de la population, qui tendrait à doubler à chaque génération, sauf si ce doublement était freiné par les lois de la nature ou la prudence des êtres humains. Selon Malthus, le frein de la nature était « positif » : « Le pouvoir multiplicateur de la population est tellement plus grand que le pouvoir de la terre de produire la subsistance de lhomme, que la mort prématurée doit sous une forme ou sous une autre punir la race humaine. » La mort pouvait sabattre sous la forme de guerres, dépidémies, de catastrophes naturelles et de famines, qui se combinaient pour faire tomber le niveau de la population mondiale au-dessous de loffre de ressources alimentaires. Dans le cadre de cette logique, Malthus saffirmait partisan de la limitation des naissances.
Louvrage de John Stuart Mill, Principes déconomie politique, publié en 1848, poursuit la réflexion de lécole classique en faisant uvre de synthèse entre pessimistes (Malthus) et optimistes, entre rigueur libérale et les aspirations sociales de son temps. Reprenant à son compte les « lois » économiques élaborées par ses devanciers, il tente de concilier les règles de fonctionnement du marché (lindividualisme concurrentiel) avec les propositions issues du socialisme quil emprunte afin de formuler son programme de réformes concernant le statut du salariat, celui de la rente ou ses propositions en matière de taxation des successions. Dans lhistoire de la théorie économique, Mill apparaît donc à mi-chemin entre le laisser-faire de léconomie classique et les doctrines favorables au rôle redistributeur de lÉtat. On parlerait aujourdhui à son propos de social-démocrate.
Les économistes classiques acceptaient également la loi des débouchés, doctrine développée par Jean-Baptiste Say. La loi de Say considère que le danger de chômage général dans une économie concurrentielle est négligeable car loffre tend à créer sa propre demande dans la limite du travail humain et des ressources naturelles disponibles pour la production. Chaque accroissement de la production augmente les salaires et les autres revenus qui constituent les fonds nécessaires à lachat de la production supplémentaire.
4 | Le marxisme |
Lopposition à lécole classique émana dabord des premiers écrivains socialistes comme Claude de Saint-Simon et Robert Owen. Ce fut Karl Marx, cependant, qui formula les principes dune critique radicale de lécole classique. Le marxisme en tant que théorie économique rejetait en bloc la vision classique du capitalisme.
La théorie marxiste est inséparable du principe dopposition selon lesquels les objets ne sont définis que les uns par rapport aux autres. Sur ce point, Marx empruntait à la pensée dHegel, qui interprétait le mouvement de la pensée et de lhistoire humaines comme une progression dialectique, selon le schéma : thèse, antithèse et synthèse. Pour Marx, la thèse devient une série de dispositions économiques telles que le système féodal ou le capitalisme. Son contraire, ou antithèse, est le socialisme, opposé au capitalisme. Lopposition entre thèse et antithèse produit létape suprême de la synthèse, le communisme, qui concilie la technologie capitaliste avec la possession publique et sociale de lappareil de production.
Dans le cadre de lanalyse marxiste, la théorie de la valeur est fondatrice. Elle reprend en fait la théorie de Ricardo, selon laquelle le prix des biens est fonction du travail qui a été nécessaire à leur production. Pour Marx, la théorie du travail était une indication du fonctionnement interne du capitalisme. Le point commun entre tous les biens est donc le travail. De ce constat découlent trois conclusions fondamentales : le travail a une valeur mais est aussi créateur de valeur appelée plus-value ; la plus-value est un profit sur lequel les travailleurs nont aucun droit ; le salaire nest ainsi que la rémunération du travail en tant que marchandise ou force de travail, et non léquivalent de ce quapporte le travailleur dans le processus de production. Lexploitation, thème essentiel de la doctrine marxiste, est mesurée par la capacité des capitalistes à ne verser à leurs employés que des salaires de stricte subsistance et à conserver pour eux comme bénéfices (ou plus-value) la différence entre les salaires et le prix de vente des produits.
À long terme, Marx pensait que le capitalisme seffondrerait, dans la mesure où sa tendance à concentrer les revenus et les richesses entre les mains dun groupe restreint engendrerait de plus en plus de crises de surproduction et des phénomènes de chômage massif. Pour Marx, la contradiction fatale du capitalisme résidait dans lécart entre laccroissement de lefficacité technologique et linsuffisance de pouvoir dachat pour acquérir ce qui était produit en quantités toujours croissantes, ce qui constituait à terme un facteur dexplosion sociale.
Selon Marx, les prémices de leffondrement du capitalisme se manifesteraient par des chutes de bénéfices, une augmentation de lhostilité entre travailleurs et employeurs, et des crises économiques de plus en plus fréquentes. Le résultat de la guerre des classes serait forcément la révolution et lévolution vers le socialisme, puis le communisme. Au cours de la première étape, un État fort serait toujours nécessaire pour éliminer les dernières oppositions capitalistes. Le travail de chaque personne serait rémunéré en fonction de la valeur de sa contribution. Quand le communisme serait atteint, lÉtat, dont le but central était la domination de classe, seffacerait, et chaque individu serait indemnisé selon les besoins.
5 | Les néoclassiques |
Léconomie classique est fondée sur lhypothèse de la rareté, que préfiguraient la loi des rendements décroissants et la théorie de la population de Malthus. À partir des années 1870, les économistes fondateurs de lécole néoclassique, dont émergent les noms de William Stanley Jevons en Grande-Bretagne, de Léon Walras en France, et de Carl Menger en Autriche, sattachèrent à étudier non plus les limitations de loffre mais les interprétations psychologiques des choix des consommateurs. Concentrant leur analyse sur lutilité, ou satisfaction de lachat ultime ou marginal, les néoclassiques expliquaient les prix du marché non plus par référence aux différentes quantités de travail humain nécessaires pour produire des articles, comme le faisaient Ricardo et Marx, mais plutôt en fonction de lintensité de la préférence du consommateur pour tel article de tel lot.
Léconomiste britannique Alfred Marshall, auteur des Principes déconomie politique (1890), expliquait la demande grâce au principe de lutilité marginale, et loffre par la règle de la productivité marginale (le coût de la production du dernier objet dune série donnée). Son analyse postule que, sur des marchés concurrentiels, les préférences des consommateurs pour les marchandises à bas prix et les préférences des vendeurs pour les prix élevés sajustent à un niveau susceptible de convenir aux deux parties. Pour tout prix réel, les acheteurs sont alors désireux dacquérir la quantité de marchandises que les vendeurs sont prêts à offrir.
Le même équilibre obtenu par ladéquation entre offre et demande sopère sur le marché de la monnaie et sur celui du travail. Sur les marchés monétaires, le taux dintérêt met en relation les emprunteurs et les prêteurs. Les emprunteurs souhaitent utiliser leurs emprunts pour bénéficier de bénéfices supérieurs aux intérêts quils ont à payer. Les épargnants, quant à eux, veulent être dédommagés pour la jouissance différée de leur argent. Un arrangement semblable doit être trouvé pour les salaires versés en rémunération du travail effectué. Sur un marché du travail concurrentiel, le niveau de salaire sétablit de manière à égaler productivité marginale du travail et taux marginal de substitution entre consommation et loisir, cest-à-dire ce quil faut offrir au salarié pour quil renonce à une partie de son temps libre.
Implicitement, plus quouvertement, la doctrine néoclassique est dinspiration conservatrice. Ses partisans préféraient nettement la concurrence sur les marchés à lintervention de lÉtat et, au moins jusquà la crise de 1929, affirmaient que les meilleures politiques publiques étaient celles qui reprenaient les idées dAdam Smith : fiscalité réduite, dépenses publiques limitées et budgets annuels équilibrés. Les néoclassiques expliquaient les inégalités de revenus et de richesses comme découlant essentiellement de différences de talent, dintelligence, dénergie et dambition entre les êtres humains, sans remettre en cause la structure sociale.
6 | Léconomie keynésienne |
John Maynard Keynes, élève dAlfred Marshall, professa des opinions néoclassiques jusque dans les années 1930, mais léclatement de la crise économique détermina chez lui une évolution théorique majeure. Alors que les économistes continuaient de soutenir, malgré laccumulation de preuves contraires, que le temps et la nature restaureraient la prospérité si les pouvoirs publics sabstenaient dintervenir dans léconomie, la plupart des pays senfonçaient dans la récession et voyaient leur productivité chuter, tandis que les taux de chômage ne cessaient de croître.
Avec Keynes, la science économique connaît un renouveau théorique particulièrement important qui a inspiré directement les politiques économiques menées, après-guerre, par lensemble des pays industrialisés. La « révolution keynésienne » se situe à plusieurs niveaux : elle consiste tout dabord en une réfutation des mécanismes classiques de léquilibre économique, analyse en vertu de laquelle il expose une nouvelle théorie qui doit conduire à la conduite de politiques économiques (notamment budgétaire et monétaire) nouvelles. Les classiques ont mis en évidence un mécanisme déquilibre économique reposant sur les prix, qui constituent le facteur susceptible de réguler un marché en déséquilibre et ceci quelle que soit la nature du marché concerné. Ainsi, par exemple, en cas de chômage créant un déséquilibre sur le marché du travail, une baisse des rémunérations suffit à permettre le retour à léquilibre : le travail devenant moins cher, les employeurs sont incités à embaucher davantage ce qui résorbe le chômage.
À cette explication « physique » du fonctionnement des marchés, Keynes oppose une argumentation qui ne repose non sur les prix mais sur les quantités reposant sur les anticipations des entrepreneurs. Ce nest donc plus loffre qui crée la demande, mais la demande future qui suscite la production. La problématique keynésienne consiste alors à déterminer les conditions dans lesquelles léquilibre entre cette demande qui est anticipée et la demande réelle sont susceptibles de séquilibrer. Cest à ce stade de lanalyse keynésienne que la régulation par les quantités se substitue à lanalyse par les prix. Le comportement des consommateurs est dicté par « loi psychologique fondamentale » qui détermine leurs décisions en fonction de la fraction de leurs revenus quils entendent dépenser, ce que Keynes appelle la propension à consommer. Selon lévolution du niveau des revenus, cette part, qui constitue la demande effective adressée aux entrepreneurs, peut être plus ou moins importante selon lintérêt quil y a à consommer ou à épargner, lépargne constituant la seconde destination du revenu.
Dès lors en cas de déséquilibre, cest sur le montant de ce revenu quil faut agir, doù largumentation quil développe en faveur de lintervention des pouvoirs publics dans le circuit économique afin dinjecter un supplément de revenus, qui lui même engendre un supplément de consommation qui augmente les débouchés des entreprises, ce qui nourrit une politique dinvestissements futurs plus importante. On mesure ainsi lapport fondateur de Keynes au développement de la science économique : au-delà dun simple changement de méthode dans la manière dappréhender les faits économiques, ses théories sont à la base dun revirement radical dans la conduite des politiques économiques et sociales.
7 | La nouvelle économie classique |
La nouvelle économie classique sest développée dans les années 1970 avec Lucas, Wallace et Sargent. Selon cette école, toute intervention publique est vouée à léchec car les agents économiques sont capables danticiper les conséquences des politiques économiques et leur réaction annule leffet de celles-ci.
8 | Léconomie mathématique |
La théorie néoclassique des prix comme celle du revenu de Keynes a été démontrée à laide des techniques du calcul, de lalgèbre linéaire et dautres techniques sophistiquées, parmi lesquelles léconométrie. Celle-ci a pour but, en utilisant les lois statistiques, destimer certaines variables et de simuler les conséquences des variations de certaines dentre elles sur les autres. Comme outils de prévision, les modèles économétriques sont généralement utilisés à la fois par les entreprises et les services publics, même si leur fiabilité ne peut pas être garantie absolument.
La recherche opérationnelle et la comptabilité nationale sont deux autres disciplines qui recourent à lanalyse économique et à la modélisation mathématique. La recherche opérationnelle propose une analyse fonctionnelle de problèmes économiques concrets, comme ceux qui ont trait à la coordination des fonctions dune société à usines multiples, à la fabrication des différents produits ou à lutilisation des installations, de façon à minimiser les coûts et à maximiser le rendement.
Essentielle pour pouvoir mener une analyse sur les différents secteurs dactivité de léconomie, le tableau entrées-sorties, inventé par léconomiste américain dorigine russe Wassily Leontief, « décrit le flux de biens et de services entre tous les secteurs dune économie nationale sur une période donnée ». Ce tableau est notamment utilisé dans le cadre de la comptabilité nationale française.
3 | SYSTÈMES ÉCONOMIQUES |
Toutes les communautés organisées combinent, dans des proportions différentes, des activités qui sont le fait du marché et des interventions de lÉtat. Il existe cependant différents modèles déconomie de marché, qui peuvent aller de situations monopolistiques déguisées à des situations de concurrence totale, sans aucune intervention régulatrice des pouvoirs publics. En dehors des cas où lÉtat possède et gère complètement certains secteurs, comme dans les pays socialistes, ou assure la gestion de certaines entreprises publiques, dans le cadre de léconomie mixte, les pouvoirs publics exercent malgré tout une influence considérable sur lactivité économique.
Même les sociétés fonctionnant sur le principe de la centralisation ont eu recours à lentreprise privée. En Union soviétique, par exemple, lÉtat autorisait les fermiers, bien quils soient organisés en entreprises collectives, à vendre des produits cultivés sur leurs propres lopins. Pendant la période communiste en Pologne, la plupart des exploitations agricoles appartenaient à des propriétaires particuliers.
Une même diversité sobserve au sein des économies capitalistes. Dans la plupart de ces dernières, lÉtat possède et exploite des secteurs considérés comme sensibles ou non productifs mais essentiels au confort des individus ou à la préservation de lindépendance nationale. Ainsi, aux États-Unis, champions du système de la libre entreprise, lÉtat est venu en aide aux sociétés en difficulté telles que Lockheed et Chrysler.
1 | La libre entreprise |
Les principales différences entre les économies communistes et les économies capitalistes tiennent au régime de la propriété des moyens de production, au mode de fixation des prix et aux circuits de répartition des revenus. Dans la plupart des économies capitalistes, la majorité du produit national brut (PNB) est directement produite par des entreprises commerciales à but lucratif, par le secteur agricole et par celui des services.
Au cours des années 1980, qui furent caractérisées par la montée en puissance de lidéologie libérale, de nombreux pays, comme la Grande-Bretagne et la France, procédèrent à des privatisations dentreprises auparavant détenues par lÉtat, en introduisant un degré de concurrence plus ou moins important dans des services dutilité publique tels que la santé et léducation. Cette vague de privatisations a réduit dans des proportions importantes la capacité dintervention de lÉtat dans la gestion du secteur productif et linfluence quil pouvait exercer sur la fixation des prix. Cependant, les pouvoirs publics restent chargés de la gestion du prix de largent, cest-à-dire du taux dintérêt, et conservent de ce fait une influence déterminante sur la sphère réelle de léconomie.
Même sil existe, au sein des pays à économie de marché, une réticence certaine vis-à-vis de lintervention de lÉtat dans la vie économique, celle-ci est pourtant apparue nécessaire à partir de la crise économique de 1929, qui détermina une mutation du rôle de la puissance publique. Autrefois considérée comme simple régulateur, chargée dassurer le cadre de lactivité économique, en produisant une législation et des infrastructures appropriées, celle-ci fut amenée à prendre directement en charge certaines activités de production et à mettre en uvre une certaine planification des activités économiques, tandis que le développement des services publics sopérait dans le cadre dune idéologie de la solidarité.
Depuis les années 1970, cependant, les pays déconomie de marché ont remis en question lintervention de lÉtat, considérée comme une source de mauvaise allocation des ressources, et ont réhabilité linitiative individuelle, privilégiant le thème de la dérégulation et celui du désengagement de la puissance publique.
2 | La planification centralisée |
La planification centralisée de léconomie, appliquée en Chine et dans certains autres pays communistes, sest toujours combinée avec lexistence dun secteur privé, notamment dans le domaine agricole et dans le secteur du commerce de détail. Aujourdhui, ces économies tendent à intégrer au sein de leurs économies une part de plus en plus importante déconomie de marché.
3 | Les économies sociales libérales |
À mi-chemin entre les économies planifiées et les économies capitalistes se trouvent celles qui se reconnaissent dans le modèle social-démocrate. Ainsi, la Suède, longtemps considérée comme un modèle du genre, a, tout en faisant du secteur privé le cadre de lactivité économique, réglementé lactivité économique en intervenant de manière active pour protéger lemploi et en redistribuant une part importante du revenu national par le biais des transferts sociaux. Ce système, longtemps performant, a cependant donné des signes dessoufflement dès les années 1980, et les pouvoirs publics ont dû diminuer le poids des dépenses sociales dans le budget national.
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Smith, Adam
Smith, Adam (1723-1790), économiste et philosophe écossais, dont le célèbre traité Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776), première étude tentant de décrire la nature du capital et le développement historique de l'industrie et des échanges entre les pays européens, lui valut d'être considéré comme le père de la science économique moderne. Né à Kirkcaldy, en Écosse, il étudia aux universités de Glasgow et Oxford. De 1748 à 1751, il enseigna la rhétorique et les belles-lettres à Édimbourg. Durant cette période, il se lia avec le philosophe David Hume, dont la pensée exerça une grande influence sur les conceptions de Smith en matière d'éthique et d'économie.
Smith fut nommé professeur de logique en 1751 puis professeur de philosophie morale en 1752 à l'université de Glasgow. Plus tard, il rassembla les cours d'éthique qu'il dispensait et les publia dans sa première uvre maîtresse intitulée Théorie des sentiments moraux (Theory of Moral Sentiments, 1759). En 1763, il démissionna de son poste de professeur pour accompagner le duc de Buccleuch dans un voyage de 18 mois en France et en Suisse, en qualité de précepteur. Smith rencontra alors les physiocrates, notamment Quesnay et Turgot. De 1766 à 1776, il vécut à Kirkcaldy où il travailla à son ouvrage fondamental, la Richesse des nations (The Wealth of Nations). Smith fut ensuite nommé commissaire des douanes à Édimbourg en 1778, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort. En 1787, il fut également nommé recteur de l'université de Glasgow.
La Richesse des nations constitue le premier essai traitant de l'histoire de la science économique qui considère l'économie politique comme une discipline autonome, distincte de la science politique, de l'éthique et de la jurisprudence. Smith y propose une analyse du processus de production et de répartition de la richesse, et démontre que les sources principales de tout revenu, c'est-à-dire les formes fondamentales dans lesquelles la richesse est distribuée, sont les rentes, les salaires et les profits.
La Richesse des Nations affirme contre les physiocrates le principe selon lequel le travail est la source de toute richesse, et présente le développement de l'industrie comme une source d'accroissement de la production. Pour Smith, théoricien du capitalisme libéral, le progrès économique et moral procède de la concurrence, la production et les échanges de biens ne pouvant être stimulés, et en conséquence le niveau de vie général amélioré, que lorsque les gouvernements régulent et contrôlent au minimum les activités industrielles et commerciales individuelles. Pour décrire cette situation, il parle d'un ordre naturel réglé par la « main invisible », qui fait naturellement converger la somme des intérêts individuels vers l'intérêt général. En conséquence, toute intervention de l'État dans ce contexte de libre concurrence ne pourrait être que néfaste.
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Ricardo, David
Ricardo, David (1772-1823), économiste britannique, né à Londres. Autodidacte, il devint courtier à la Bourse de Londres. Dans son premier article de théorie économique, The High Price of Bullion, a Proof of the Depreciation of Bank Notes (le Prix élevé de l'or, preuve de la dépréciation des billets de banque, 1809), il plaidait pour une monnaie solide fondée sur le métal précieux. Son ouvrage principal, Principes d'économie politique (1817), porte sur la répartition à long terme de la richesse. Ricardo présente la thèse selon laquelle l'augmentation de la population entraîne une pénurie des terres productives, expliquant la rente foncière différentielle perçue par les exploitations où les conditions de production sont les plus favorables. En ce qui concerne le commerce international, il prône la spécialisation des pays en fonction de leurs avantages en termes de ressources naturelles et le libre-échange. Selon sa théorie de la valeur travail, qui influença Karl Marx, les salaires sont déterminés par le prix de la nourriture, déterminé lui-même par son coût de production, dépendant lui-même de la quantité de travail requise pour produire cette nourriture, ce qui revient à dire que le travail constitue le facteur déterminant dans l'appréciation de la valeur.
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Say, Jean-Baptiste
Say, Jean-Baptiste, (1767-1832), économiste français, né à Lyon, fondateur, avec Adam Smith, Malthus et Ricardo, de l'économie politique classique.
Comme ces auteurs, il développa, dans son traité d'économie politique intitulé Simple exposé de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses, paru en 1803, l'idée selon laquelle la richesse se définit comme tout ce qui répond à un besoin, mettant ainsi en valeur la notion d'utilité. Adepte d'une conception libérale de l'économie, Say critique l'intervention de l'État qu'il juge excessive, mais il n'est guère plus précis que Smith au sujet des tâches spécifiques qui doivent être réservées à l'État. Son nom reste attaché à une loi économique, la loi de Say ou loi des débouchés, selon laquelle tout ce qui est produit peut être vendu à un prix convenable, la production ouvrant naturellement des débouchés aux produits. Cette loi ne signifie pas que l'existence d'excédents est impossible, mais qu'elle reste limitée à certains secteurs à certains moments donnés, une crise générale de surproduction apparaissant en revanche impossible. Ce résultat est une conséquence, en économie classique, de l'adoption d'une hypothèse sur la monnaie : celle-ci est considérée comme neutre, elle n'est qu'un intermédiaire entre les produits et non un bien que l'on désire conserver pour lui-même, il ne peut donc y avoir d'engorgement général des marchés car les biens s'échangent toujours contre des biens. Cette loi a été critiquée avec vigueur par Keynes qui lui a reproché son irréalisme.
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Malthus, Thomas Robert
Malthus, Thomas Robert (1766-1834), économiste britannique, qui préconisa le contrôle des naissances afin d'enrayer la pauvreté.
Fils cadet d'un gentilhomme éclairé, il devint pasteur anglican après ses études à Cambridge. En 1798, il publia anonymement la première version de son célèbre Essai sur le principe de population, dont la version définitive, Aperçus sur les effets passés et présents relativement au bonheur de l'humanité, fut présentée au public en 1803. Deux ans plus tard, il créa la chaire d'économie politique au collège d'Haileybury. Ses positions audacieuses sur les questions de natalité et d'aide publique ont éclipsé l'importance de sa contribution dans la détermination de l'origine de la rente foncière et du rôle de la monnaie, ainsi que dans le domaine de la théorie de l'épargne et des investissements. Ces problèmes occupent cependant une place majeure dans ses principaux ouvrages : De la nature du progrès et du revenu (1815), Principes d'économie politique au point de vue de leur application pratique (1820), Définitions en économie politique et Mesure de la valeur (1823).
L'apport de Malthus réside dans l'explication qu'il donne de la misère persistante du peuple. Selon lui, la croissance des ressources alimentaires serait structurellement plus faible que celle de la population (la première connaissant une progression arithmétique, tandis que celle de la seconde serait géométrique). L'équilibre ne pourrait donc être retrouvé que par la réduction de la population. Malthus fut ainsi le premier à préconiser une politique de contrôle des naissances par l'éducation des familles pauvres à la continence, destinée à supplanter la régulation naturelle que constitueraient les guerres, les famines et les épidémies. Il conseillait, en outre, d'éviter toute mesure susceptible d'accroître la natalité, notamment la charité publique destinée aux hommes valides. L'aide sociale devait donc se limiter à l'éducation, seul moyen permettant aux masses de prendre conscience des fléaux engendrés par la surpopulation.
Les thèses de Malthus furent violemment critiquées par les catholiques, qui y voyaient une incitation à s'écarter du devoir sacré de procréation, et par les marxistes, pour qui les politiques antinatalistes adoucissaient les effets du capitalisme, tout en épargnant à la classe possédante un nécessaire partage des richesses. La postérité intellectuelle de Malthus s'est prolongée jusqu'à nos jours. Ses conceptions font encore l'objet de débats passionnés avec les partisans du « populationnisme », tels qu'Alfred Sauvy, en France. On remarque cependant, parmi ses ardents défenseurs, des penseurs aussi illustres que Francis Place ou John Stuart Mill.
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Mill, John Stuart
Mill, John Stuart (1806-1873), philosophe et économiste britannique, fils de James Mill. Il a exercé une influence marquante sur la pensée du xixe siècle en Grande-Bretagne, non seulement en philosophie et en économie, mais aussi dans les domaines de la science politique, de la logique et de léthique.
Né à Londres, Mill reçoit très tôt de son père calviniste une formation complète dans la tradition de lutilitarisme. Il apprend ainsi le grec, la philosophie, la chimie, la botanique, la psychologie et le droit.
La philosophie de Mill contient peu darguments originaux. Elle reprend et révise lutilitarisme de Bentham (lUtilitarisme, 1863), et reste dans la tradition de lempirisme anglais (Système de logique déductive et inductive, 1843). Cependant, elle a contribué à un changement idéologique et épistémologique dimportance : naissance de la sociologie, remplacement de la philosophie par les sciences ; et à la propagation des thèses libérales.
Dans ses essais de philosophie politique, Mill insiste sur limportance de la liberté individuelle et du développement dindividualités fortes. En économie politique, il défend tout dabord le libéralisme économique et la politique du « laissez-faire ». Selon lui, la politique la plus compatible avec la liberté humaine repose sur le libre arbitre, tandis que la tyrannie sociale constitue pour la liberté une menace aussi grande que la tyrannie politique. Cest avec son traité De la liberté (1859) quil atteint la notoriété, mais il reviendra ultérieurement sur les objections quil a adressées au socialisme, quil considère à la fin de sa vie comme une doctrine économique acceptable. Élu député au Parlement anglais en 1865, il prend des positions radicales en se montrant partisan de la propriété publique des ressources naturelles, de légalité des femmes, de léducation obligatoire ou du contrôle des naissances. Refusant de voir dans lutilitarisme la justification de légoïsme, Mill propose de le remplacer par laltruisme, tandis quil considère le bonheur comme le but ultime de nos actes.
Ses autres ouvrages majeurs sont Principes déconomie politique (1848), De lassujettissement des femmes (1869), son Autobiographie (1873) et Trois Essais sur la religion (1874).
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Marx, Karl
1 | INTRODUCTION |
Marx, Karl (1818-1883), philosophe politique, économiste et révolutionnaire allemand, cofondateur avec Friedrich Engels du socialisme scientifique et, à ce titre, initiateur du mouvement ouvrier international contemporain. Sa théorie fut à l'origine de l'établissement de régimes politiques communistes dans de très nombreux pays et il demeure l'un des penseurs qui a le plus fortement marqué le XXe siècle de son empreinte.
Issu d'une famille de la bourgeoisie d'origine juive convertie au protestantisme, Karl Marx naquit à Trèves le 5 mai 1818 et fit ses études de philosophie et de droit aux universités de Bonn, de Berlin et de Iéna. En 1842, peu après la parution de son premier article dans le journal de Cologne, Rheinische Zeitung (la Gazette rhénane), de tendance démocratique révolutionnaire, Marx devint rédacteur en chef de ce journal. Membre du cercle des hégéliens de gauche, ses opinions politiques étaient alors plutôt radicales, mais il n'était pas encore communiste. Ses critiques sur les conditions politiques et sociales de l'époque, publiées dans Rheinische Zeitung, lui valurent les foudres des autorités prussiennes, qui firent interdire le journal et poussèrent Marx à quitter le pays. Il partit alors pour Paris où, après avoir étudié de manière approfondie la philosophie, l'histoire et les sciences politiques, il adopta l'idéologie communiste. Profondément influencé par le saint-simonisme et par les premières formes d'idéologie politique du prolétariat qui virent le jour en France (blanquisme, socialisme et communisme utopique de Fourier, Proudhon, etc.), il fréquenta assidûment les cercles d'ouvriers socialistes français et allemands émigrés (la Ligue des justes). En 1844, lors d'une visite de Engels, les deux hommes se rendirent compte qu'ils étaient tous deux arrivés à la même conclusion sur la nature des problèmes révolutionnaires : le communisme, forme la plus radicale de l'idéologie révolutionnaire leur apparut alors non plus comme un idéal d'égalitarisme mais comme « la forme nécessaire et le principe énergétique du futur prochain ». Ils entreprirent alors de collaborer pour expliquer systématiquement les principes théoriques du communisme scientifique et organiser un mouvement international de la classe ouvrière tournée vers ces mêmes principes. Leur collaboration dura tout le temps que vécut Karl Marx.
2 | LE MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE |
En 1845, Karl Marx fut sommé de quitter Paris par Guizot à cause de ses activités révolutionnaires. Il se réfugia alors à Bruxelles où il organisa et dirigea un réseau de groupes révolutionnaires dispersés à travers l'Europe et connus sous le nom de Comités de correspondance communistes. Il joua un rôle décisif dans la consolidation de ces comités qui, en 1847, prirent le nom de Ligue communiste. Marx et Engels furent chargés de rédiger le programme de cette première organisation ouvrière internationale. Le texte qu'ils soumirent alors, connu sous le titre de Manifeste du Parti communiste, fut le premier écrit systématique de la doctrine socialiste moderne et fut rédigé par Karl Marx, en partie d'après des brouillons d'Engels. Ils y substituèrent à la première devise des communistes « Tous les hommes sont frères » le mot d'ordre et de ralliement « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Les propositions au centre de ce Manifeste expriment la théorie, expliquée plus tard dans son livre Contribution à la critique de l'économie politique (1859), appelée conception matérialiste de l'histoire, ou matérialisme historique. Cette théorie, qui constitue à la fois une rupture philosophique et politique, explique qu'à chaque époque (Antiquité, féodalisme, capitalisme bourgeois) le système économique dominant (fondé sur les rapports de production) donnant naissance à des besoins vitaux détermine la forme de l'organisation politique et juridique de la société (la « superstructure ») et conditionne le processus de la vie politique, sociale, culturelle et intellectuelle de cette même époque. Selon lui, l'humanité a vécu à l'origine dans une société primitive dans laquelle chacun exécutait le travail nécessaire à sa survie et était libre. En permettant l'accroissement des capacités de production, la division du travail a entraîné l'ascension et l'enrichissement de l'humanité. C'est ainsi que se sont mises en place des classes sociales et dès lors l'histoire de la société est devenue une histoire de luttes entre les dirigeants et les exécutants, dominants et dominés, exploitants et exploités, c'est-à-dire un rapport de force entre ceux qui louent leur force de travail (les classes sociales opprimées) et les propriétaires des moyens de production, détenteurs du capital (la classe dominante, la bourgeoisie). À partir de cette analyse dialectique de l'histoire, Karl Marx tira dans le Manifeste la conclusion que la classe capitaliste devrait être renversée et supprimée à travers une révolution réalisée par les classes ouvrières du monde entier (le prolétariat). En devenant la propriété collective de tous, le capital (ou les moyens de production) ne permettrait plus l'émergence d'un nouvel antagonisme de classe et disparaîtrait au profit d'une société sans classes dans laquelle tous les hommes seraient réellement égaux. À compter de la publication de ce Manifeste, toute la littérature communiste ainsi que la pensée révolutionnaire s'en trouva profondément modifiée et renouvelée. Bien que peu diffusé lors de sa parution, cet ouvrage a été ensuite traduit en plusieurs langues et tiré à plusieurs centaines de millions d'exemplaires.
3 | EXIL POLITIQUE |
Peu après la parution du Manifeste, des révolutions éclatèrent en France (révolution de février 1848, IIe République) et en Allemagne. Le gouvernement belge, craignant que cette vague de révolutions ne déferle sur la Belgique, chassa Karl Marx. Il gagna alors Paris puis la Rhénanie. Il s'installa enfin à Cologne où il fonda et édita un journal communiste, la Neue rheinische Zeitung (la Nouvelle Gazette rhénane) et où il dirigea la section locale de la Ligue des communistes et fonda une association de travailleurs comptant sept mille adhérents. En 1849, accusé d'organiser des activités révolutionnaires, il fut arrêté et jugé à Cologne pour incitation à l'insurrection armée. Il fut finalement acquitté, mais expulsé d'Allemagne. Après l'échec des révolutions en France et en Europe, il s'exila alors à Londres, où il passa le reste de sa vie.
En Angleterre, Karl Marx se consacra à l'étude et à l'écriture, poursuivant des travaux théoriques acharnés, notamment à la salle de lecture du British Museum. Il travailla également à la construction d'un mouvement communiste international. Il rédigea à cette période plusieurs ouvrages considérés comme des grands classiques de la théorie communiste (ou marxiste). Parmi ces ouvrages, citons le Capital (vol. I, 1867 ; vol. II et III, édités par Engels, publiés après sa mort en 1885 et en 1894). Dans cet ouvrage, dont il disait qu'il était « certainement le plus redoutable missile qui ait été lancé à la tête de la bourgeoisie », il fit l'analyse systématique et historique de l'économie du système capitaliste et développa la théorie de l'exploitation par les capitalistes de la classe ouvrière à travers l'appropriation par les premiers de la « plus-value » produite par le prolétariat. Voir Capital.
Dans la Guerre civile en France (1871), Karl Marx fit l'analyse de l'expérience du gouvernement révolutionnaire de courte durée, qui fut établi à Paris lors de la guerre franco-allemande, connu sous le nom de Commune de Paris. Dans cet ouvrage, il interpréta la formation et l'existence de la Commune comme la confirmation historique de sa théorie sur la nécessité pour les travailleurs de s'emparer du pouvoir politique à travers une insurrection armée puis de détruire l'État capitaliste. Polémiquant avec Proudhon et les socialistes utopiques, il acclama la Commune comme étant « enfin une institution politique à travers laquelle l'émancipation économique du travail pouvait avoir lieu ». Cette théorie fut explicitement présentée dans Critique du programme de Gotha (1875), ouvrage dans lequel il précisa le concept de dictature du prolétariat : « Entre le passage d'un système capitaliste à un système communiste s'écoule une période de transformation révolutionnaire d'un système dans l'autre qui correspond à une période de transition politique pendant laquelle l'État ne peut rien faire d'autre que de régner en dictateur révolutionnaire sur le prolétariat. » Une fois close cette période transitoire dont Marx ne précise pas la durée, le droit bourgeois peut être définitivement dépassé et la société peut mettre en pratique le mot d'ordre : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » (Critique du programme de Gotha). D'Angleterre, Karl Marx publia également plusieurs articles dans différents journaux d'Europe et des États-Unis sur les événements politiques et sociaux contemporains. Il fut ainsi correspondant du New York Daily Tribune de 1852 à 1861. En 1857 et en 1858, il collabora à des journaux chartistes et socialistes anglais.
4 | DERNIÈRES ANNÉES |
La Ligue communiste fut dissoute en 1852 mais Karl Marx continua à correspondre avec des centaines de révolutionnaires dans le but de former une autre organisation révolutionnaire, mieux organisée et plus efficace. Ses efforts, alliés à ceux de nombreux collaborateurs, permirent la création à Londres, en 1864, de l'Association internationale des travailleurs (AIT) connue sous le nom de Ire Internationale. Elle rassemblait des organisations ouvrières anglaises, françaises, allemandes, puis italiennes, espagnoles, américaines, etc., d'inspirations idéologiques diverses (proudhoniens, lassalliens, mazziniens, trade-unionistes, etc.) et leur réunion était, selon Marx, « le produit spontané du mouvement prolétaire, engendré lui-même par les tendances naturelles, irrépressibles, de la société moderne », c'est-à-dire par le développement des luttes politiques et économiques de masses. Karl Marx fit le discours d'inauguration (le plus important texte politique du marxisme après le Manifeste du Parti communiste), en rédigea les statuts et dirigea ensuite les travaux de son Conseil général, ou corps gouvernant. Il fit triompher, contre le projet d'un simple organisme consultatif et de solidarité, la conception d'un internationalisme de direction politique, chargé de mettre au point, à partir de l'expérience des situations de luttes locales, une tactique unique pour la lutte prolétarienne de la classe ouvrière dans les divers États industrialisés. Après y avoir imposé plusieurs années durant la ligne d'un « socialisme scientifique », la position de Marx fut d'abord affaiblie par le retrait des trade-unionistes anglais du Conseil général attachés à une transition pacifique vers le socialisme et l'influence croissante de Bakounine et des anarchistes.
Lorsque la Commune, à laquelle avaient adhéré des membres de la Ire Internationale, fut anéantie, l'Internationale déclina et Karl Marx décida de déplacer son quartier général aux États-Unis. L'AIT y sera dissoute en 1876.
Les huit dernières années de sa vie furent marquées par une lutte incessante contre des douleurs physiques qui l'empêchèrent de mener à bien ses travaux politiques. Au cours de cette période, Marx entretint des rapports très étroits avec les révolutionnaires russes de la tendance « Volonté du peuple » et évoqua la possibilité d'une transition originale au socialisme, sans passer par le stade industriel avancé.
Les manuscrits et les notes trouvés après sa mort à Londres le 14 mars 1883 révélèrent qu'il avait projeté d'écrire un quatrième volume du Capital sur l'histoire des doctrines économiques. Ces fragments de notes furent édités par le socialiste allemand Karl Johann Kautsky et publiés sous le titre les Théories de la plus-value (4 vol., 1905-1910). On trouva d'autres travaux, envisagés mais non réalisés par Karl Marx, sur les sciences naturelles, des études mathématiques, des études sur l'application des mathématiques aux problèmes économiques afin de réfuter le malthusianisme et d'autres encore sur les aspects historiques des différents développements technologiques.
5 | INFLUENCE |
L'influence de Karl Marx sur ses contemporains ne fut pas très grande de son vivant, mais elle s'accrut considérablement après sa mort avec l'importance que prit le mouvement ouvrier. Comme praticien de la politique, Marx ne rencontra guère de succès. De même comme théoricien, il n'a exercé une influence sur le mouvement ouvrier que pendant la dernière partie de sa vie. Sa pensée n'a pénétré de larges cercles que sous la forme de slogans superficiels et elle a été mélangée avec d'autres courants intellectuels scientistes de l'époque comme le darwinisme ou le matérialisme mécaniste. Marx conçut sa théorie comme une synthèse de la philosophie allemande (Hegel), de l'économie politique anglaise (Adam Smith, Ricardo) et des théories socialistes françaises, mêlant en permanence la théorie et la pratique, l'action politique et la réflexion intellectuelle. Ses idées et théories prirent le nom de marxisme, ou socialisme scientifique, qui constitue l'un des principaux courants de la pensée politique contemporaine. Ses analyses sur l'économie capitaliste alliées à ses théories sur le matérialisme historique, la lutte des classes et la plus-value sont devenues le fondement des doctrines socialistes au XXe siècle. En regard de son action révolutionnaire, ses théories sur la nature de l'État capitaliste, la route vers le pouvoir et la dictature du prolétariat sont d'une importance capitale. Ces doctrines, revues et complétées par la plupart des socialistes après sa mort, furent reprises par Lénine puis, développées et appliquées, constituèrent le noyau de la théorie et de la pratique du bolchevisme et de la IIIe Internationale. Atténuées, elles influencèrent également profondément le courant du socialisme démocratique et réformiste au XXe siècle, en particulier le socialisme français jusqu'au début des années 1980.
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marxisme
1 | INTRODUCTION |
marxisme, doctrine et méthode danalyse formulées par Karl Marx et Friedrich Engels et développées par leurs disciples.
On emploie ladjectif « marxien », plutôt que « marxiste », pour désigner précisément le corpus initial des uvres de Marx et Engels, tandis que le terme « marxisme » sapplique aux thèses de ceux qui se veulent les continuateurs de Marx à différents titres, et recouvre les mouvements socialistes qui ont pris appui sur ses thèses.
Karl Marx apparaît comme le théoricien le plus analysé et peut-être le plus influent du XXe siècle. Avant leffondrement du communisme en Europe, un tiers de lhumanité vivait sous des régimes qui se disaient inspirés de luvre et de la pensée de Marx.
2 | LE MARXISME CLASSIQUE ET LUVRE DE MARX |
Ce qui fonde loriginalité du marxisme et structure sa pensée, cest de se concevoir à la fois comme une critique théorique et un projet révolutionnaire. Il sagit de comprendre pour transformer, théorie et pratique étant indissociables dans la pensée de Marx. Si le marxisme recouvre à la fois les domaines de la philosophie, de lhistoire, de la sociologie et de léconomie, la pensée de Marx est avant tout sous-tendue par le fait que les phénomènes sociaux et donc historiques peuvent être expliqués par lanalyse des lois économiques.
1 | La lutte des classes et le matérialisme historique |
Dans beaucoup de ses ouvrages et notamment dans son uvre principale, le Capital, Marx analyse les lois internes du développement du capitalisme, en tant que lois qui reposent sur un rapport dexploitation des salariés. Cest de la lutte des classes, avant tout, dont il rend compte dans son analyse de la production capitaliste.
Selon lui, chaque époque historique est caractérisée par un mode spécifique de production et dexploitation auquel correspond un système de pouvoir particulier et une classe dominante. Lhistoire est faite de transformations dont le moteur est la lutte des classes. De lesclavage au féodalisme et du féodalisme au capitalisme, des transitions sont rendues nécessaires lorsque les forces de production (force de travail et moyens de production concrets, comme les machines) ne peuvent plus se développer à lintérieur des relations de production existantes, cest-à-dire aussi à lintérieur des rapports de classes existants.
Le capitalisme ne correspond quà un système transitoire de rapports sociaux et économiques : il a dû abolir le mode féodal de production pour se développer, et porte en lui les germes de sa destruction. Le communisme, précédé du socialisme, est le stade que la société atteindra au terme de son évolution.
2 | Le capital et le surtravail |
Le capitalisme est fondé sur le principe de linvestissement et de laccroissement de valeur. Seul le capital industriel peut produire une quantité de valeur supplémentaire, la plus-value. Outre la propriété des moyens de production (machines, matières premières), la production de valeur suppose lachat de la force de travail. Cest, en dernière analyse, sur le travail que repose tout le principe de la production capitaliste : pour chaque marchandise produite, une quantité de valeur proportionnelle à la quantité de travail mise en uvre sajoute à la valeur issue des moyens de production.
Or, dans le salariat, le prix de la force de travail est sous-évalué par rapport à la valeur quelle produit. Le salaire que chaque travailleur reçoit pour consommer et reproduire ainsi sa force de travail reste inférieur à la valeur que son travail produit : chaque salarié fournit donc un excédent de travail, un surtravail. Le principe même qui permet de dégager la plus-value est donc un principe dexploitation : les lois économiques du capitalisme sont indissociables de la lutte des classes qui les sous-tend.
3 | La superstructure et la société capitaliste |
Puisque le capital résulte dune accumulation de plus-value, accumulation qui a sa source dans le surtravail, lécart se creuse entre les propriétaires du capital, qui augmentent ainsi leur richesse et les travailleurs qui sont maintenus dans un rapport de dépendance vis-à-vis de leurs employeurs. Ces derniers détiennent donc aussi le pouvoir. Une « superstructure » politique complexe faite de lois et didéologies contribue à perpétuer ces rapports sociaux.
Mais cette superstructure, en particulier lÉtat qui en est lexpression politique principale, bien quelle soit déterminée par une base économique, ne saurait se réduire, selon Marx, à ce seul déterminisme économique. Elle conserve une part relative dautonomie et peut, le cas échéant, influer sur la sphère économique et la faire évoluer.
Aussi les capitalistes déterminent-ils à leur avantage lorientation globale de la société. Si les biens produits par le capitalisme doivent posséder « une valeur dusage », sans laquelle ils ne trouveraient pas dacheteurs, les capitalistes privilégient la valeur déchange. La société capitaliste est essentiellement tournée vers la circulation marchande et monétaire, qui est improductive. La concurrence conduit les capitalistes non efficaces à la faillite ; les moyens de production se concentrent donc nécessairement de manière croissante, tandis que les marchés se développent. Le capitalisme tend également à accroître la plus-value par une augmentation de la productivité du travail. Il est donc contraint de révolutionner sans cesse les techniques de production.
4 | Le marxisme politique |
Lapplication politique du marxisme découle directement de lanalyse économique. Marx fait du rapport de travail le rapport social fondamental. Les crises sont un élément central du capitalisme. Les capitalistes sont incités à allonger la durée du travail quotidien, à augmenter lintensité ou la productivité du travail. Il apparaît alors comme légitime que les travailleurs sassocient de façon à leur opposer une résistance. Victime de lexploitation, le prolétariat incarne les contradictions du capitalisme qui sont aussi ses limites. Cest pourquoi il devra être lagent du dépassement historique du capitalisme dans la révolution. De plus, la transformation du mode de production capitaliste doit saccompagner dune nécessaire prise de contrôle par les travailleurs et les organisations révolutionnaires, de lÉtat et, plus largement de lensemble de lappareil politique. Marx considère, à la différence des anarchistes, quau lendemain de la révolution, une phase transitoire est nécessaire, caractérisée par la dictature du prolétariat, conçue comme celle de la majorité sur la minorité. Le dépérissement de lÉtat, temporairement maintenu, doit intervenir lorsque disparaîtront les classes sociales.
3 | LES MARXISMES |
1 | Le marxisme-léninisme |
Karl Kautsky, théoricien du Parti social-démocrate dAllemagne (SPD), a longtemps été considéré comme lhéritier direct du marxisme. Mais la révolution russe de 1917 est en fait apparue comme la première mise en pratique de principes dérivés du marxisme. À Kautsky, qui insiste sur laspect quasi automatique de laccentuation des contradictions du capitalisme et donc sur sa destruction inéluctable, et préconise par conséquent le simple renforcement des partis ouvriers dans lattente de cette destruction, Lénine oppose la nécessité dune action politique favorisant la venue de la révolution. Surtout, il fait des principes dorganisation révolutionnaire un point central de la pratique marxiste, en prônant la constitution dun parti de révolutionnaires professionnels, discipliné et très structuré, le parti communiste, qui se présente comme lavant-garde consciente et agissante du prolétariat. Ajoutant une théorie de limpérialisme et une autre sur le rôle de lÉtat, il créé ainsi le « marxisme-léninisme ».
2 | Le marxisme occidental |
On désigne sous le terme de « marxisme occidental » plusieurs courants qui se sont développés en Europe occidentale à partir de la Première Guerre mondiale. Parmi ses représentants, on trouve le Hongrois György Lukács (Histoire et conscience de classe, 1923), qui sintéresse à laliénation de la conscience ouvrière ainsi quau phénomène de réification, propre au capitalisme. Le communiste italien Antonio Gramsci met pour sa part laccent sur le rôle quoccupe lidéologie dans la société civile pour la construction de lhégémonie politique. Les théoriciens de lécole de Francfort intègrent le marxisme à dautres courants de pensée, telles la phénoménologie ou la psychanalyse (Max Horkheimer, Theodor Adorno, Walter Benjamin, Herbert Marcuse), pour fonder la théorie critique ou sen servent comme point de départ dune théorie globale de la connaissance et de la communication (Jürgen Habermas). Jean-Paul Sartre et Louis Althusser témoignent dans les années cinquante dune philosophie intégrant le marxisme comme objet de réflexion et comme concept opératoire. Jusquà la fin des années soixante-dix, enfin, le marxisme exerce une influence considérable dans le champ des sciences sociales.
Malgré son rayonnement intellectuel, le marxisme a traversé une crise profonde. Antérieure à leffondrement des régimes communistes dans lEurope de lEst, cette remise en cause est dabord liée aux révélations faites sur la réalité du stalinisme, à la faillite des économies socialistes et à la caducité qui frappe des notions comme celle de « dictature du prolétariat ». Plus profondément, la perte de crédibilité du marxisme est apparue liée aux problèmes que pose linévitable devenir étatique de la politique prolétarienne, alors même quelle prévoit un dépérissement de lÉtat, tandis que son analyse économique apparaît liée à un certain stade de développement du capitalisme, le capitalisme industriel du xixe siècle, rendant compte assez mal de son évolution ultérieure.
Mais réhabilité par certains penseurs en tant que philosophie, et non plus en tant que système théorique ayant des implications pratiques révolutionnaires ; le marxisme, débarrassé de son statut didéologie officielle, offre aujourdhui encore, au-delà de ses aspects historiquement dépassés, une méthode, la dialectique, et des concepts qui peuvent permettre, dans le cadre dune remise en question de l« économisme », promu au nom du triomphe de léconomie de marché dopérer certaines lectures éclairantes, et conserve sa vigueur critique et révolutionnaire aux yeux de toute une partie de la gauche.
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Jevons, William Stanley
Jevons, William Stanley (1835-1882), économiste et mathématicien britannique. Né à Liverpool, il fit ses études à University College à Londres. Il est connu pour le développement de la théorie de l'utilité marginale, selon laquelle l'utilité détermine la valeur d'un bien. Jevons établit le rapport entre l'utilité et la valeur en termes mathématiques. Parmi ses uvres, on peut citer notamment The Coal Question (« La question du charbon », 1865), Elementary Lessons in Logic (« Leçons élémentaires de logique », 1876), The Theory of Political Economy (« Théorie de l'économie politique », 1871), The Principles of Science (« Les principes de la science », 1874).
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Walras, Léon
Walras, Léon (1834-1910), économiste français né à Évreux.
Professeur à Lausanne, Léon Walras dénonça à partir des années 1870 les théories économiques libérales alors enseignées dans les universités, qu'il jugeait incapables de rendre compte des problèmes économiques de son temps. Dans ses Éléments d'économie politique pure (première édition 1874-1875), la critique vise en particulier les théories de la valeur travail et de la rente foncière de Ricardo, mais à travers lui c'est tout l'héritage classique qu'il remet en cause (notamment celui d'Adam Smith). Influencé par le mathématicien Antoine Cournot, il est l'un des premiers à introduire de manière systématique le calcul mathématique en économie.
Walras place l'entreprise au cur de l'économie et s'intéresse à son action dans le cadre d'une concurrence entre agents, ainsi que dans celui d'une interdépendance de tous les marchés économiques : les marchés des produits (biens et services) et ceux des facteurs de production (notamment la terre, le travail et les capitaux). Il se demande comment se fixent les prix et les quantités de façon simultanée, et pose le problème de l'équilibre général, c'est-à-dire de la stabilité des équilibres sur tous les marchés. L'attention portée à cette question caractérise les membres de l'école de Lausanne, en particulier le successeur de Walras, Vilfredo Pareto. Avec l'Autrichien Carl Menger et le Britannique Stanley Jevons, qu'il ne connaissait pas au moment où il s'engageait sur cette voie, il est considéré comme l'un des fondateurs du courant néoclassique et du marginalisme.
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Marshall, Alfred
Marshall, Alfred (1842-1924), économiste britannique. Enseignant à l'université d'Oxford, puis directeur d'un établissement universitaire à Bristol, il fut de 1885 à 1908 professeur d'économie politique à Cambridge, où il compta Keynes parmi ses élèves. Empruntant à l'économie politique classique le postulat selon lequel le prix d'un bien est déterminé par son coût de production et conditionne l'offre sur le marché, et à l'école marginaliste de Walras et Jevons la théorie selon laquelle le coût dépend de la satisfaction apportée par la dernière unité produite (ou utilité marginale), qui influe directement sur la demande, il proposa un modèle d'équilibre du marché des biens et des services, en distinguant entre la courte période, où la demande apparaît comme le facteur déterminant du prix d'un bien, et la longue période, où ce sont les conditions de l'offre (les capacités de production) qui interviennent dans le processus de fixation des prix. Précurseur de l'utilisation de la modélisation mathématique dans l'analyse économique, Marshall, considéré comme le fondateur de l'école néo-classique, laissa plusieurs ouvrages, dont les Principes d'économie politique (1890) et Industrie et Commerce (1919).
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Keynes, John Maynard, 1er baron Keynes of Tilton
Keynes, John Maynard, 1er baron Keynes of Tilton
Keynes, John Maynard, 1er baron Keynes of Tilton (1883-1946), économiste anglais dont l'apport dans le domaine de l'économie politique a été capital, en particulier à travers sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) où il justifie le recours au déficit public pour stimuler l'emploi.
Né à Cambridge, Keynes fait ses études au collège d'Eton puis à l'université de Cambridge, où il étudie les mathématiques. Il commence sa carrière comme fonctionnaire, au bureau des affaires indiennes, puis revient enseigner à Cambridge (1908). Pendant la Première Guerre mondiale, il est employé par le Trésor britannique et devient membre de la délégation britannique à la Conférence de paix. Opposé aux réparations imposées à l'Allemagne par le traité de Versailles, il démissionne de son poste et rédige les Conséquences économiques de la paix, publié en décembre 1919. Ce pamphlet, où il prédit que les réparations draconiennes imposées à l'Allemagne l'entraîneront au nationalisme économique et à une reprise du militarisme, est immédiatement traduit en plusieurs langues et assure à Keynes une renommée internationale.
Après la guerre, Keynes enseigne à Cambridge, Oxford (1924) et Berlin (1926). En 1921 paraît le Traité sur les probabilités, qui est un remaniement de sa thèse de 1906. Il fait fortune dans les années 1920 grâce à son talent de spéculateur.
En 1930 est édité le Traité sur la monnaie, où il explore le problème de la détermination des prix ainsi que le rôle de la monnaie. L'existence de cycles économiques y est expliquée de la manière suivante : lorsque les intentions d'épargne sont supérieures aux intentions d'investissement il y a dépression, et lorsque les intentions d'investissement sont supérieures à celles d'épargne, il y a expansion. Si les intentions d'investissement sont fortes, elles provoquent une production et un revenu élevés qui stimulent l'épargne, l'ajustement épargne-investissement se produit alors à un niveau élevé et stimule les créations d'emplois et la croissance.
L'uvre novatrice de Keynes est la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936). Il y propose, dans le contexte de la crise de 1929, des solutions qui s'opposent radicalement à la pensée économique néoclassique (voir Smith, Adam ; Walras, Léon ; Ricardo, David ). Selon celle-ci, les crises doivent se réguler d'elles-mêmes. Elles sont caractérisées par une accumulation de l'épargne, ce qui entraîne une chute des taux d'intérêt et doit encourager les entreprises à investir et à relancer l'économie. L'enlisement dans la crise des années 1930 semblait contredire l'existence d'un retour automatique au plein emploi.
Contrairement aux classiques et aux néoclassiques, Keynes considérait que l'épargne non utilisée prolonge la stagnation économique, et que l'investissement des entreprises était déterminé par d'autres facteurs importants, comme les nouvelles inventions, l'ouverture de nouveaux marchés, ainsi que d'autres facteurs indépendants du taux d'intérêt. L'investissement des entreprises est donc fluctuant ; il dépend en fait de la « demande effective », c'est-à-dire de la demande attendue par les entreprises. Ces diverses prévisions déterminent le volume de l'emploi offert par les entreprises.
Pour Keynes, les dépenses de l'État doivent compenser l'insuffisance des investissements des entreprises en temps de crise. La Théorie générale fournit dans une certaine mesure une justification théorique a posteriori aux programmes testés alors au Royaume-Uni et aux États-Unis (voir New Deal).
Peu après l'entrée du Royaume-Uni dans la Seconde Guerre mondiale, Keynes publie Comment financer la guerre (1940), où il recommande qu'un pourcentage de chaque salaire soit automatiquement investi en bons du Trésor.
En 1944, Keynes dirige la délégation anglaise à la conférence monétaire et financière des Nations unies, ou conférence de Bretton Woods, qui a pour mission de réorganiser le système financier international à l'issue de la guerre. Son plan, beaucoup plus ambitieux que le plan américain présenté par H.D. White, nest cependant pas retenu, le rapport de forces dans les négociations étant nettement favorable aux États-Unis. Keynes propose en effet la création d'une monnaie internationale, le Bancor, définie par rapport à l'or selon un taux variable, ainsi que d'une méthode de compensation multilatéral, ce qui conduirait à un système beaucoup moins dépendant des États-Unis. Dans le cadre de cette conférence, il contribue à la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et du Fonds monétaire international.
Les idées de Keynes ont été largement reprises et débattues (voir keynésianisme) et ont grandement influencé les politiques économiques des pays occidentaux dans les années 1950 et 1960.
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keynésianisme
1 | INTRODUCTION |
keynésianisme, courant économique reposant sur les théories de l'auteur britannique John Maynard Keynes. Le principal ouvrage de Keynes, la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), a été publié durant une période de crise qui affectait l'ensemble des pays développés. Rompant avec la théorie économique « classique » qui avait pendant plus d'un siècle joui d'une emprise inégalée, Keynes affirma que l'évolution de l'économie nécessitait la mise en uvre de politiques gouvernementales différentes.
2 | LA THÉORIE ÉCONOMIQUE CLASSIQUE |
Les économistes classiques estimaient que le plein-emploi constituait un état normal vers lequel l'économie tendait naturellement. L'évolution des goûts ou de la technologie, l'ouverture des marchés nationaux ou internationaux pouvaient certes conduire à la suppression d'emplois dans certaines industries, mais également à la création de nouveaux postes dans d'autres secteurs. Le chômage, lorsqu'il apparaissait, était, selon ces auteurs, temporaire dans la mesure où le jeu des forces du marché, et plus particulièrement la flexibilité des salaires, contribuait à l'éliminer rapidement. Une période de chômage prolongée ne pouvait alors s'expliquer que par la demande de salaires excessivement élevés. S'ils exigeaient des salaires plus modiques, les chômeurs de longue durée trouveraient alors immanquablement un emploi. Dans cette perspective, le chômage était considéré comme « volontaire ».
3 | LA THÉORIE KEYNÉSIENNE |
Keynes mit en évidence le fait que l'économie ne tendait pas nécessairement vers une situation de plein-emploi et que l'on ne pouvait attendre des forces du marché qu'elles apportent une solution à la récession. Supposons, par exemple, que l'économie se trouve en situation de plein-emploi et que les entreprises décident, pour une raison ou une autre, de réduire leurs investissements consacrés à de nouveaux équipements. Les personnes fabriquant ces équipements vont alors perdre leur emploi et ne pourront plus consacrer les mêmes sommes à l'achat de biens de consommation qu'auparavant, de sorte que certaines d'entre elles, qui produisent ces biens de consommation, vont à leur tour se retrouver au chômage. Il en résulte un effet « multiplicateur » qui conduit l'économie au point le plus bas jamais atteint en termes d'emploi, de revenus et de production. Selon Keynes, aucun mécanisme économique ne se met alors naturellement en route pour mettre un terme à cette spirale. Bien qu'elles diminuent les coûts des entreprises, les réductions de salaire sont inutiles dans la mesure où elles limitent également le pouvoir d'achat des travailleurs et, par conséquent, le volume des ventes des sociétés. Un taux de chômage élevé est, dans cette optique, lié à la faiblesse de la demande (autrement dit des dépenses). Seule une intervention de l'État visant à diminuer les impôts ou à augmenter ses propres dépenses (même si cela doit induire un déficit budgétaire temporaire) peut remettre l'économie sur la voie du plein-emploi. En résumé, le gouvernement doit veiller à maintenir la demande à un niveau suffisant pour créer une situation de plein-emploi et la faire perdurer sans pour autant générer d'inflation.
4 | LES POLITIQUES KEYNÉSIENNES |
Les politiques keynésiennes ont commencé à être appliquées dans la plupart des pays occidentaux à partir des années 1940, et jusqu'à la fin des années 1970. Le gouvernement estimait alors le niveau probable de la demande pour les deux années à venir. S'il était trop faible, l'État augmentait ses dépenses, diminuait les impôts ou les taux d'intérêt. S'il semblait trop élevé, l'État faisait exactement l'inverse. Les effets de telles stratégies sur le budget étaient considérés comme secondaires. En France, des politiques de relance ont été menées, notamment en 1954, 1957, 1966 et 1969. À l'inverse, une politique de refroidissement a été décidée en 1963 (plan Giscard d'Estaing), dans le cadre de ce que l'on nommait le « stop and go ».
5 | INFLATION ET MONÉTARISME |
Dès le début des années 1970, les théories keynésiennes furent vivement remises en cause par la montée en puissance d'une nouvelle doctrine, le monétarisme, qui s'apparentait pour l'essentiel à une reformulation de l'économie classique du XIXe siècle, celle-la même que Keynes avait rejetée dans sa Théorie générale. Dans la plupart des pays développés, le plein-emploi et l'accroissement du niveau de vie, caractéristiques des Trentes Glorieuses, s'étaient accompagnés d'un niveau élevé d'inflation. Les partisans de Keynes avaient alors admis depuis longtemps que, à partir du moment où l'État parvenait à assurer une situation de plein-emploi, il était difficile de stabiliser le niveau des prix dans la mesure où les syndicats étaient libres de revendiquer, et les employeurs de concéder, les hausses de salaires qu'ils souhaitaient. C'est pour cette raison qu'une série de politiques des revenus visant à limiter les hausses de salaires et de prix a été mise en uvre dans la plupart des pays industrialisés entre la fin des années 1940 et le milieu des années 1970. Bien que parfois sous-estimé, le succès de ces politiques n'a pas permis d'assurer un équilibre permanent. À partir de la fin des années 1960, les taux d'inflation ont commencé à progresser de manière alarmante.
Selon les partisans du monétarisme, l'accélération de la hausse de l'inflation est la conséquence de la mise en uvre des politiques keynésiennes qui visent à faire baisser le chômage au-dessous d'un seuil « naturel » d'équilibre de l'économie et de stabilisation de l'inflation. Dans cette optique, la seule solution possible pour réduire le chômage consiste à baisser ce taux naturel en adoptant des politiques « d'offre » destinées, par exemple, à favoriser la formation et à limiter les allocations de chômage afin de rendre plus efficace l'action des forces du marché.
6 | PERSPECTIVES |
Depuis la fin des années 1970, les théories keynésiennes ne sont plus appliquées ; elles sont remises en cause par la doctrine monétariste qui a, à la fois, alimenté et tiré profit des nouvelles politiques mettant l'accent sur la maîtrise de l'inflation et la baisse du chômage. Néanmoins, la gravité des crises survenues à travers le monde au début des années 1980 et 1990 témoigne de la validité fondamentale des théories keynésiennes. Si celles-ci devaient, toutefois, être appliquées de nouveau, il faudrait qu'elles intègrent une dimension internationale dans la mesure où la mondialisation de l'économie et notamment l'élimination de fait des contrôles exercés sur les mouvements internationaux de capitaux limitent considérablement l'impact de ces théories lorsqu'elles sont appliquées dans un seul pays. Les politiques keynésiennes devraient, par ailleurs, être mises en uvre de manière coordonnée par six ou huit grandes économies mondiales et il est possible que des facteurs politiques rendent cette coordination difficile.
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Schumpeter, Joseph Alois
Schumpeter, Joseph Alois (1883-1950), économiste autrichien, né à Triesch-Taconic, Moravie (aujourd'hui en République tchèque). Il fit ses études à l'université de Vienne, et fut notamment l'élève de Böhm-Bawerk. Professeur d'économie, il fut également ministre des Finances en Autriche en 1919. Il émigra aux États-Unis en 1935 et enseigna à l'université Harvard.
Son apport à la théorie économique a porté sur l'analyse de la fonction de l'entrepreneur, dont il a souligné le rôle déterminant dans les processus d'innovation et d'investissement. Il s'est également attaché à expliquer les fluctuations de l'économie capitaliste. Parmi ses ouvrages les plus connus, on peut citer la Théorie de l'évolution économique (1912), Business Cycles (« Cycles économiques », 1939), Capitalisme, socialisme et démocratie (1942) et Histoire de l'analyse économique, publiée après sa mort en 1954.
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Friedman, Milton
Friedman, Milton (1912- ), économiste américain et lauréat du prix Nobel, considéré comme le principal théoricien du monétarisme.
Né à New York, Milton Friedman fit ses études aux universités de Rutgers et de Chicago. Il occupa le poste de conseiller économique au sein de divers organismes fédéraux à Washington DC, de 1935 à 1940, puis de 1941 à 1943. En 1946, il entra au Département des sciences économiques de l'université de Chicago. Il est considéré comme le chef de file du monétarisme, préconisant qu'un taux de croissance stable et non inflationniste peut être réalisé en laissant librement fonctionner l'économie de marché, l'interventionnisme de l'État ne pouvant être que destructeur. Il défendit fiévreusement l'idée que la banque centrale devait assurer l'équilibre économique général en accroissant la masse monétaire régulièrement et modérément, au rythme de la croissance de la production, et non en tentant des politiques conjoncturelles abruptes.
Friedman reçut le prix Nobel de sciences économiques en 1976 pour « ses travaux dans les domaines de l'analyse de la consommation et de l'histoire et la théorie monétaires, ainsi que pour sa démonstration de la complexité de la politique de stabilisation ». Parmi ses nombreuses publications, les travaux les plus importants sont : Capitalisme et liberté (1962), où il énonce sa philosophie politique, Histoire monétaire des États-Unis, 1867-1960 (1963), travail accompli avec Anna Schwartz, où il confirme par une étude empirique la théorie quantitative de la monnaie (toute variation de la masse monétaire est nécessairement suivie d'une variation de même sens des prix, du revenu et de la production). Les fluctuations monétaires sont sinon provoquées, du moins aggravées par des politiques monétaires erratiques. Ainsi, la réserve fédérale est-elle en partie responsable de l'enlisement dans la crise de 1929. Dans Inflation et systèmes monétaires (1968), Friedman énonce sa théorie du « taux de chômage naturel ». Celui-ci est déterminé par des forces réelles, comme la structure du marché du travail, les imperfections du marché, l'assurance-chômage. Tout effort pour abaisser le taux de chômage en dessous de ce « taux naturel » entraîne obligatoirement une inflation qu'il faut accroître sans cesse pour maintenir ce niveau d'emploi. L'hypothèse se fonde sur l'anticipation de hausse des prix par les agents, qui exigeraient donc un salaire toujours plus élevé pour travailler. Dans A Theoretical Framework for Monetary Analysis (1971), il expose sa théorie monétaire générale, et dans la Liberté du choix (1980), écrit avec Rose Friedman, il fait une sorte de profession de foi politico-économique personnelle.
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sociologie
1 | INTRODUCTION |
sociologie, science des phénomènes sociaux.
La sociologie se situe dans le champ des sciences sociales ou humaines qui, comme léconomie, la science politique, lanthropologie, la psychologie ou l'histoire, étudient les comportements humains collectifs. La sociologie peut avoir des points de contact avec ces autres sciences, partager avec elles les mêmes objets d'études, et même développer des liens interdisciplinaires.
Sa spécificité tient au fait qu'elle s'attache à la logique sociale des phénomènes qu'elle observe, tandis que la psychologie tend à en privilégier la dimension individuelle (par exemple, dans l'étude de la famille, la psychologie pourra s'intéresser à la vie psychique de l'enfant, alors que la sociologie insistera plutôt sur la transmission de la position sociale ou du capital culturel). Par rapport à la science économique, la sociologie propose des cadres d'analyse plus larges et plus qualitatifs pour interpréter les phénomènes sociaux au-delà de leur pure fonction économique (la sociologie des marchés se distinguera ainsi de l'analyse économique des prix). D'autre part, l'anthropologie ou l'ethnologie fournissent des analyses en termes de culture et de pratiques rituelles que la sociologie peut reprendre, tout en ajoutant, cependant, une dimension plus quantitative, voire statistique (classer les comportements humains en fonction de certaines variables, comme le sexe, l'âge ou l'origine socioprofessionnelle est une des caractéristiques de la recherche sociologique).
Les objets soumis à l'analyse sociologique peuvent être très variés. À des thèmes classiques comme les relations familiales, les idéologies, la religion, l'éducation, l'organisation du travail, la violence, le pouvoir ou les pratiques culturelles peuvent s'ajouter des domaines comme l'art, la technologie, le corps ou la science. L'activité sociologique se caractérise par un travail théorique poussé, mais aussi par une démarche empirique rigoureuse, quantitative et qualitative, et par une dimension appliquée.
2 | CONCEPTS ET OBJECTIFS |
En général, et de manière typique, la sociologie tente d'expliquer les comportements humains en montrant des déterminations sociales qui ne sont pas toujours évidentes, et qui se placent au-delà de la portée des individus en tant que tels. Les phénomènes collectifs peuvent avoir une logique propre : ils ne sont donc pas le pur reflet d'actions et de choix individuels. Un exemple classique de ce genre de logique sont les phénomènes de foule : des phénomènes composés, bien entendu, d'actions et de comportements individuels, mais dont la dynamique dépasse les décisions individuelles qui en sont à l'origine. La sociologie tentera de mettre en évidence l'autonomie relative de ce genre de phénomènes sociaux. Parallèlement, les manières d'agir, de penser et de sentir peuvent être conditionnées par des éléments extérieurs à l'individu (par exemple, par son insertion dans un contexte social et dans une histoire collective). L'illustration typique de cette démarche est celle que le sociologue classique Émile Durkheim a proposée à l'égard du suicide : la sociologie ne traitera pas ce phénomène comme un événement de la vie intérieure ou comme un cas psychologique, mais comme un « fait social » qui peut être rattaché à l'évolution de diverses formes de solidarité sociale.
Un parcours sur quelques concepts clés du vocabulaire sociologique peut aider à comprendre la portée de cette discipline. La socialisation est, par exemple, le processus par lequel les individus acquièrent leurs compétences et leurs ressources sociales et deviennent des acteurs sociaux : la famille et l'école sont les éléments centraux de ce processus, mais d'autres milieux, comme les cercles d'amis ou le travail, peuvent avoir une place importante dans la socialisation. Le rôle social est la caractéristique qui rattache un acteur à une fonction sociale.
Une norme sociale est une règle de conduite généralement admise dans une société. Elle va au-delà des dispositions légales ou des règlements écrits : une norme de politesse, qui varie de société en société, ou un interdit sexuel sont des exemples de normes sociales. On parlera aussi, dans certains cas, de conventions sociales : le sens de la circulation routière est un exemple typique de convention sociale. Une société dispose de moyens plus ou moins subtils, plus ou moins violents, pour sanctionner les déviances aux normes sociales. Elle dispose aussi des ressources qui permettent aux acteurs sociaux de les transformer.
Les institutions sociales sont les entités qui garantissent l'ordre de la vie collective. Elles permettent aux acteurs de « tenir ensemble » sous plusieurs aspects : par exemple, en garantissant les processus de socialisation et de reproduction sociale (la famille, l'école), en sanctionnant les déviances (le droit, la police), en organisant la vie économique (le marché, le droit, les syndicats), en permettant la communication (la langue, les moyens de communication) ou en fournissant des repères d'intégration morale (la religion).
Les institutions sociales, les normes et les conventions sociales ne sont pas toujours le résultat de choix conscients et rationnels. La sociologie les décrit plutôt comme l'effet de processus historiques longs, complexes, coûteux et contingents. Certains courants sociologiques insisteront sur les éléments qui font de ces institutions, normes et conventions des modes de domination. Un concept fondamental de la sociologie est, à cet égard, celui de classe sociale. Les sociétés humaines ne sont pas homogènes. Les classes sociales peuvent être entendues comme l'effet de la distribution des personnes dans des luttes d'intérêts ou dans des rapports de domination. D'une manière plus générale, les classes sociales ou les catégories sociales sont des classements qui distinguent la place des personnes dans la société en fonction de leurs revenus, de leur profession, de leur culture, de leur fonction sociale ou de leur mode de vie.
La sociologie s'intéresse aussi aux phénomènes d'interaction sociale, c'est-à-dire, aux rapports de communication intersubjective, rapports de « face à face » entre les individus ou phénomènes sociaux dans des groupes de taille modérée (habitudes des personnes dans la vie quotidienne, relations de proximité ou organisation de la hiérarchie dans un groupe de pairs). À une échelle plus large, on appelle réseaux sociaux les chaînes de relations qui lient les individus et les groupes entre eux. La sociologie étudie la forme de ces réseaux et leurs caractéristiques.
D'autre part, l'analyse sociologique des contenus subjectifs s'attaque aux motivations, aux intérêts, aux opinions, aux valeurs et aux croyances des individus. Ces contenus trouvent leur correspondance avec des grandeurs sociales : des représentations collectives, des systèmes symboliques, des cultures, des idéologies. C'est ainsi que la sociologie s'intéresse aux relations entre la vie subjective des acteurs sociaux, qui est vécue de manière plus ou moins spontanée, et des régularités structurelles qui sont, elles, objectives et durables.
3 | HISTOIRE DE LA DISCIPLINE |
1 | Aux origines de la sociologie |
La sociologie comme ensemble de connaissances systématisées est une science récente. Le terme « sociologie » (composition moderne à partir de la racine latine du mot « société » et d'une terminaison d'origine grecque) apparaît dans la première moitié du XIXe siècle. Il est créé par Auguste Comte pour désigner la science « positive » des faits sociaux : une science des « lois » qui, à l'image des lois de la nature mises en évidence par les sciences physiques ou naturelles, régissent la société humaine. Comte utilise aussi l'expression « physique sociale » pour souligner le caractère scientifique de la nouvelle discipline. Cette discipline s'inscrit donc, à son origine, dans le courant positiviste du comte de Saint-Simon et dAuguste Comte.
Mais les problèmes auxquels sintéresse la sociologie ont déjà fait l'objet de réflexions dans le champ de la philosophie. Le concept de société civile en tant que domaine distinct de lÉtat apparaît dabord au XVIIe siècle dans les uvres des philosophes Thomas Hobbes et John Locke, puis chez les penseurs français et écossais du XVIIIe siècle, le siècle des Lumières. On notera, en particulier, le rôle précurseur de la philosophie politique de Montesquieu et de Jean-Jacques Rousseau et l'incidence de la naissante économie politique avec des auteurs comme Adam Smith. L'idéalisme allemand, et notamment la philosophie de l'histoire de Hegel, préfigure également les orientations de la recherche sociologique.
Au XIXe siècle, et parallèlement à la dilatation de l'État moderne et au développement de son outil de représentation typique, la statistique, la réflexion sociologique prend un caractère plus systématique. Parallèlement au courant positiviste dAuguste Comte et à l'organicisme du philosophe britannique Herbert Spencer, d'autres penseurs contribuent à l'essor de la discipline : Alexis de Tocqueville, John Stuart Mill et Karl Marx, entre autres. Karl Marx propose un cadre d'analyse du capitalisme occidental conçu comme un mode d'organisation des rapports sociaux. On voit s'annoncer dans ce siècle les préoccupations fondamentales de la sociologie classique : l'opposition entre la modernité et les formes traditionnelles d'organisation sociale, le sens du progrès et de l'évolution historique et, finalement, les décalages et les ajustements entre la vie subjective des individus, d'une part, et l'ordre matériel et social, dautre part.
2 | La sociologie classique |
En tant que discipline universitaire, la sociologie nest reconnue quà partir des années 1880 et 1890. En France, Émile Durkheim commence alors à enseigner la sociologie dans les universités de Bordeaux et de Paris (il obtient en 1913 une chaire de sociologie à la Sorbonne) et fonde la première véritable école de pensée sociologique. Dans les Règles de la méthode sociologique (1895), Durkheim systématise la démarche sociologique et défend sa thèse principale : le social existe indépendamment de la conscience que nous pouvons en avoir et se définit comme un fait qui s'impose à nous. Il faut, par conséquent, « traiter les faits sociaux comme des choses ».
En Allemagne, la sociologie est officiellement reconnue comme discipline universitaire à partir de la première décennie du XXe siècle, grâce aux efforts de Max Weber. Alors quen France et dans les pays anglo-saxons la physique sert de modèle à la nouvelle discipline des sciences sociales, la sociologie allemande retient lenseignement de Wilhelm Dilthey, qui sépare les « sciences de lesprit » (Geisteswissenschaften) des « sciences de la nature » (Naturwissenschaften). La sociologie allemande sinscrit ainsi dans le prolongement de lécole historique allemande.
Max Weber, auteur de Wirtschaft und Gesellschaft (Économie et Société, 1922) et de Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie (Sociologie des religions, 1920), est présenté souvent comme l'initiateur d'une sociologie de l'action et d'une sociologie compréhensive et interprétative, par opposition à une sociologie plus scientiste. Weber tente de comprendre l'évolution des formes d'organisation sociale en y décelant une tendance à la rationalisation. Il analyse les relations particulières entre ce processus de rationalisation et les différentes formes de vie religieuse comme, par exemple, dans le cas du capitalisme et de l'éthique protestante.
D'autres sociologues allemands comme Ferdinand Tönnies ou Georg Simmel, auteur de Philosophie des Geldes (Philosophie de l'argent, 1900), s'intéressent, dans la ligne de Weber, à la condition particulière des sociétés modernes. L'opposition entre tradition et modernité, ou entre communauté (Gemeinschaft) et société (Gesellschaft), est un thème classique de la sociologie de cette époque. Dans un sens similaire, Durkheim s'intéresse au changement des formes d'intégration morale, en analysant la différence entre solidarité « mécanique » et solidarité « organique ».
Le développement de la sociologie européenne dans la première moitié du XXe siècle s'organise donc autour de ces thèmes, reflets dune époque mouvementée : fondement et crise des formes d'intégration sociale, rôle de l'État moderne et développement de la bureaucratie, portée et limites du capitalisme.
Aux États-Unis, le premier département de sociologie est créé à luniversité de Chicago en 1893. La sociologie s'y développe avec une claire vocation appliquée et orientée à la réforme sociale. On assiste à la naissance de l'école de Chicago, souvent associée à « l'écologie urbaine » et à l'analyse des interdépendances entre les personnes et leur milieu. Les grandes enquêtes empiriques se développent et les premiers manuels systématiques de sociologie sont publiés.
Deux traditions sociologiques reconnues apparaissent dans le panorama sociologique nord-américain dans la première moitié du XXe siècle. D'une part l'interactionnisme symbolique, inspiré du philosophe George Herbert Mead et de la pragmatique anglo-saxonne, se propose de mettre en évidence le rôle fondamental des interactions entre les individus dans la formation des valeurs, du « moi » et de la société. D'autre part, apparaît le fonctionnalisme, dont on peut trouver les éléments majeurs chez Talcott Parsons, auteur de The Structure of Social Action (la Structure de laction sociale, 1937), et chez Robert King Merton, auteur de Social Theory and Social Structure (1949, traduit en 1951 sous le titre Éléments de théorie et de méthode sociologique). Ces théories décrivent l'ordre social comme un mécanisme d'attribution de fonctions, de rôles et de valeurs.
3 | La sociologie contemporaine |
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la sociologie soriente vers létude de nouveaux objets. Elle trouve des domaines d'application de plus en plus institutionnalisés, comme les sondages d'opinion et les études de marché. Les compétences des sociologues trouvent des débouchés dans plusieurs domaines : dans la recherche académique, mais aussi dans le monde de l'entreprise (conseil, ressources humaines, marketing) et de l'administration (planification, éducation). La sociologie assiste aussi à une croissante diversité des démarches internes à la discipline. En raison de la diversité des domaines, des méthodes et des cadres conceptuels, elle devient un savoir hétérogène et une profession diversifiée.
Les courants fonctionnaliste et structuro-fonctionnaliste continuent de se développer en sociologie, après Talcott Parsons, mais aussi en anthropologie, sous l'inspiration des travaux de Bronislaw Malinowski et dAlfred Reginald Radcliffe-Brown. La rencontre entre ces courants et d'autres sciences comme la cybernétique ou les sciences cognitives produit des développements novateurs : la théorie des systèmes sociaux du sociologue allemand Niklas Luhmann en est l'exemple majeur. D'autre part, et notamment aux États-Unis, l'influence du philosophe Karl Popper et de l'économiste Friedrich von Hayek oriente la sociologie vers un individualisme méthodologique qui s'oppose au « sociologisme » du fonctionnalisme et qui rejoint les points de vue de la science économique néoclassique. On notera, à ce titre, l'essor des théories du « choix rationnel » (rational choice) et l'importance d'auteurs comme James S. Coleman.
Par ailleurs, le structuralisme déploie une présence décisive dans la discipline, notamment en France, sous l'influence de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss et de son ouvrage Anthropologie structurale (1958) et du linguiste Ferdinand de Saussure. La méthode structuraliste vise à mettre en évidence des relations nécessaires entre les termes d'un système : un système de parenté, un récit mythique ou le système de la langue, par exemple. Une des caractéristiques notoires de cette approche est de rendre superflue, ou du moins problématique, l'analyse de l'action et des représentations concrètes des individus. Certains auteurs ont proposé des apports et des modifications à cette approche. C'est le cas du philosophe Louis Althusser, de Michel Foucault, auteur de les Mots et les Choses (1966), du psychanalyste Jacques Lacan ou du sémiologue Roland Barthes. Pierre Bourdieu entreprend, dans le Sens pratique (1980) notamment, une critique et une transformation de cette méthode pour formuler une nouvelle théorie de l'action. Ses travaux sont ainsi une tentative de dépasser les oppositions entre individualisme et structuralisme, ou entre objectivisme et subjectivisme. On trouve aussi, dans une autre référence clé de la sociologie contemporaine, la théorie de la structuration sociale exposée par Anthony Giddens dans The Constitution of Society (la Constitution de la société, 1984), une tentative novatrice de surmonter les impasses théoriques de la discipline.
La sociologie critique et le marxisme jouent aussi un rôle important dans la seconde moitié du siècle. L'école de Francfort rassemble les travaux de plusieurs auteurs qui, influencés par le marxisme et par la psychanalyse freudienne, développent une interprétation de la culture moderne particulièrement critique. Theodor Adorno et Max Horkheimer en sont les représentants les plus importants. Jürgen Habermas, auteur de Theorie des Kommunikativen Handelns (Théorie de l'agir communicationnel, 1981) et représentant capital de la sociologie contemporaine, a été longtemps présenté comme le continuateur de cette école.
À un niveau d'analyse moins général et plus proche de la psychologie sociale, l'interactionnisme symbolique se développe notamment grâce aux travaux dErving Goffman, auteur de The Presentation of Self in Every Day Life (la Présentation de soi dans la vie quotidienne, 1969). L'influence d'auteurs comme Georg Simmel contribue à ce mouvement. Toujours dans une perspective microsociologique se développe aussi l'ethnométhodologie, issue de la phénoménologie et inspirée d'Alfred Schutz. Les travaux dHarold Garfinkel, que l'on peut lire dans Studies in Ethnomethodology (Études d'ethnométhodologie, 1967), sont la référence la plus importante de ce courant. On retrouve aussi la perspective phénoménologique dans The Social Construction of Reality (la Construction sociale de la réalité, 1966) de Peter Berger et Thomas Luckman, ouvrage qui a contribué à élargir la portée de la sociologie.
En France, parmi les noms qui ont le plus marqué la sociologie depuis les années soixante, il faut souligner ceux d'Alain Touraine, de Raymond Aron, de Georges Friedmann, de Pierre Naville, de Michel Crozier, de Henry Mendras, de Raymond Boudon, de Pierre Bourdieu, de Luc Boltanski et de Bruno Latour.
4 | LES DOMAINES DÉTUDES DE LA SOCIOLOGIE |
Il est possible d'identifier un certain nombre de sous-disciplines de la sociologie en fonction du domaine de recherche. En dépit de l'hétérogénéité de la formation sociologique, ces sous-disciplines correspondent normalement à des enseignements spécifiques.
La structure sociale demeure l'objet privilégié d'une sociologie plus « pure ». L'étude des différences et des inégalités sociales requiert souvent un travail quantitatif et statistique. La sociologie de l'éducation et la sociologie de la famille peuvent, de leur côté, se rattacher à ce courant général. Elles aborderont des sujets comme les inégalités d'opportunité des jeunes face au monde du travail, le problème du logement ou la régularité statistique des choix de mariage. L'étude sur le système d'éducation la Reproduction (1970) de Pierre Bourdieu est un exemple, maintenant classique, de ce type de recherches sur les inégalités sociales. La sociologie urbaine et la sociologie rurale s'intéresseront aussi à ce genre de problèmes, en insistant sur la dimension géographique (migrations, organisation de l'espace urbain). La sociologie rejoint ainsi quelques thèmes de la démographie : cette science (étude de la dimension, de lévolution et de la structure des populations humaines) est considérée parfois comme un domaine de la sociologie. La sociologie de la déviance, qui garde un certain rapport avec la criminologie, étudie de son côté les comportements qui se situent en marge des normes sociales.
La sociologie industrielle s'occupe de l'organisation des processus de production. Originellement, elle s'attaquait aux problèmes suscités par le développement, phénoménal à l'époque, des usines modernes, en essayant de dépasser les préceptes du taylorisme. Elle a connu un grand essor aux États-Unis dans les années trente et quarante. Cette sous-discipline partage son domaine d'études avec deux autres branches de la sociologie : la sociologie des organisations et la sociologie du travail. La première aborde, par exemple, les formes de hiérarchies et de pouvoir ou les processus de changement dans les organisations des entreprises, mais aussi des administrations publiques ou d'autres types d'organisations. En France, l'ouvrage l'Acteur et le Système (1977) de Michel Crozier et Erhard Friedberg est une bonne illustration de ce courant. La sociologie du travail s'attaque, de son côté, aux problèmes des conditions de travail. On notera, par exemple, l'ouvrage Traité de sociologie du travail (1962) de Pierre Naville et de Georges Friedmann. Ces disciplines pourront trouver une dimension appliquée dans la gestion de ressources humaines ou dans le dialogue avec l'ingénierie ou l'ergonomie.
La sociologie économique observe, quant à elle, l'organisation et l'évolution des activités marchandes. Aux États-Unis, les études de Harrison White et de Mark Granovetter ont contribué à l'essor de cette sous-discipline. Par ailleurs, l'influence de l'anthropologie et d'auteurs comme le Français Marcel Mauss se fait sentir aussi dans l'analyse de systèmes d'échanges non marchands.
La sociologie politique aborde les phénomènes de pouvoir dans la sphère politique. Elle s'intéresse à des problèmes comme l'organisation des partis politiques et des systèmes démocratiques, les crises politiques et les révolutions, les relations internationales ou la culture politique d'une population. Elle partage certains domaines d'études avec d'autres disciplines, comme les sciences politiques, les sciences de l'administration ou la sociologie du droit.
La sociologie de la culture entretient des liens très étroits avec l'anthropologie et l'ethnographie. Elle s'intéresse, par exemple, aux goûts vestimentaires, gastronomiques ou artistiques d'une population. Elle s'oriente aussi vers l'étude de cultures non occidentales. L'étude des rituels et des pratiques qui ont un rôle d'intégration morale est un terrain quelle partage avec la sociologie de la religion, qui analyse les croyances religieuses et ses corrélats sociaux et institutionnels. Récemment se développent aussi des domaines comme la sociologie du genre (avec l'apport des théories féministes) ou la sociologie des minorités (ethniques ou politiques, par exemple).
La sociologie de la connaissance aborde l'étude des idéologies et des représentations collectives. Récemment, la sociologie des sciences et des techniques s'est dotée des instruments pour analyser aussi la production de connaissances scientifiques, comme dans l'ouvrage Science in action (1987) de Bruno Latour.
La communication humaine fait l'objet d'études en sociolinguistique et en sociologie de la communication. Cette dernière s'occupe notamment de l'étude des médias. Les nouvelles technologies d'information et de communication, telles quInternet, constituent un objet d'étude de plus en plus important en sociologie.
La sociologie historique, souvent fortement influencée par la pensée de Marx et de Weber, mais également dhistoriens français comme Fernand Braudel, sest considérablement développée au cours de ces dernières années, notamment aux États-Unis sous linfluence de Charles Tilly et dEmmanuel Wallerstein. Les frontières, autrefois bien distinctes, entre histoire et sociologie se sont déplacées grâce aux travaux du sociologue allemand Norbert Elias, qui a invité à saisir systématiquement lélaboration des phénomènes sociaux dans leur perspective historique. Des domaines tels que lhistoire sociale, lévolution démographique, léconomie et le développement politique ont été particulièrement influencés par ces nouvelles perspectives.
Au carrefour entre la sociologie et la psychologie se situe le domaine de la psychologie sociale. Elle étudie, surtout dans ses versions américaines, les interactions dans des groupes réduits, les croyances et les attitudes caractéristiques dune population, ainsi que la formation du caractère et de la vision du monde sous linfluence de la famille, des cercles damis, de lécole et dautres lieux de socialisation (la psychologie sociale rejoint ici la sociologie de la connaissance). En Europe, Serge Moscovici a joué un rôle notoire dans le développement de ce domaine d'études. Par ailleurs, la psychologie sociale sest inspirée des thèses de la psychanalyse et, plus récemment, des recherches en sciences cognitives.
5 | MÉTHODES DE RECHERCHE |
Les sociologues utilisent presque tous les méthodes de collecte dinformations que les autres sciences sociales exploitent, depuis les statistiques mathématiques jusquà la critique des sources écrites ou orales. Aussi sappuient-ils, dans une large mesure, sur les recensements, les statistiques démographiques, les chiffres du chômage, de limmigration, les données relatives à la criminalité et à dautres phénomènes sociaux, autant dinformations recueillies régulièrement par les pouvoirs publics.
La distinction entre techniques qualitatives et techniques quantitatives est quelque peu arbitraire, et parfois déroutante, mais elle est usuellement utilisée pour classer les différentes méthodes de recherche. Notons que les résultats d'une démarche qualitative peuvent faire l'objet d'une exploitation quantitative, et qu'une recherche quantitative peut, à son tour, faire intervenir des sources qualitatives.
1 | Techniques qualitatives |
Lobservation directe de certains aspects de la société se pratique depuis longtemps dans le domaine de la recherche sociologique. Les travaux de Harold Garfinkel ou d'Erving Goffman ont fourni à la fois des modèles et des théories de lenquête d'observation sur le terrain. Dans certains cas, il peut s'agir d'observation participante, en sintégrant temporairement au sein du groupe étudié : Goffman a ainsi vécu plusieurs mois au sein dun hôpital psychiatrique afin de rendre compte de la manière dont les malades mentaux sefforcent de préserver leur identité sociale au sein dune institution. Le chercheur peut, en plus du carnet de notes classique, utiliser des magnétophones ou des caméras vidéo pour saisir les individus en interaction sociale.
Le chercheur peut recueillir aussi des informations de première main auprès d'informateurs. Cette méthode est également utilisée par les anthropologues ou par les ethnologues. Il peut s'agir d'entretiens individuels, mais parfois également d'entretiens de groupe. L'entretien peut être directif (avec un protocole de questions préétabli), semi-directif (réponses ouvertes) ou non directif (en laissant place aux digressions et à la conversation spontanée). Ces méthodes qualitatives peuvent prendre des formes plus spécifiques, comme dans le cas des histoires de vie.
Les sociologues, comme les historiens, font également un usage intensif des informations indirectes. Il sagit, en général, de diverses sortes de documents : des récits de vie, des rapports cliniques ou judiciaires, des documents personnels, des sources journalistiques ou d'autres sources publiées. Le chercheur peut réaliser une analyse de contenu de ce genre de corpus. Dans certains cas, cette analyse pourra avoir une dimension quantitative, et comporter l'utilisation de logiciels d'analyse de textes.
2 | Techniques quantitatives |
Les méthodes quantitatives englobent la présentation dune grande quantité de données statistiques descriptives, des techniques déchantillonnage et lutilisation de modèles mathématiques, ainsi que des simulations informatiques des phénomènes sociaux. Lanalyse quantitative permet détablir des relations entre variables sociales et apparaît comme un moyen efficace de tester certaines hypothèses de recherche en établissant notamment des relations de causalité, en particulier dans lanalyse de la mobilité et de lascension sociales. L'analyse statistique du matériel sociologique peut devenir assez sophistiquée, comme dans le cas de l'analyse factorielle des correspondances ou de l'analyse de réseaux. Elle peut nécessiter l'assistance de logiciels spécifiques. C'est le cas du logiciel SPSS, amplement utilisé dans la profession.
Le terme « enquête » désigne à la fois la réalisation dentretiens non directifs et la collecte et lanalyse des réponses recueillies par questionnaire auprès de larges échantillons de la population. Pendant les années quarante et cinquante, les méthodes statistiques servant à classifier et à interpréter les résultats obtenus lors des enquêtes ont été un temps considérées comme la principale technique de recherche sociologique. Pratiqués pour la première fois dans les années trente aux États-Unis, les sondages dopinion, en particulier les sondages préélectoraux et les études de marché, sont aujourdhui les outils classiques des politiciens ainsi que des nombreuses organisations et entreprises concernées par lopinion publique.
Dans presque tous les domaines spécifiques de la sociologie, les enquêtes sont utilisées à des fins universitaires ou scientifiques, mais elles servent le plus souvent à létude du comportement des électeurs, des phénomènes d'opinion ou des réactions aux médias. Lenquête est un instrument de recherche sociologique irremplaçable, cependant on a souvent souligné son efficacité limitée dans de nombreux domaines. Alors que lobservation permet au sociologue de collecter des informations sur un groupe dindividus spécifique, lenquête par sondage fournit des informations concernant une plus grande portion de la population. En général, lenquête ne tient pas compte de la structure complexe des relations et des interactions des individus qui déterminent leur comportement social.
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Tocqueville, Alexis de
1 | INTRODUCTION |
Tocqueville, Alexis de (1805-1859), homme politique, sociologue et historien français, auteur de De la démocratie en Amérique.
Sa vie et son uvre font dAlexis de Tocqueville lun des auteurs les plus représentatifs de toute une génération de penseurs à la charnière de lAncien Régime et de la France postrévolutionnaire.
2 | UN PENSEUR À LA CHARNIÈRE DE DEUX ÉPOQUES |
Par ses origines familiales, Tocqueville incarne un monde en train de disparaître : il est issu dune famille de très ancienne noblesse normande, les Clérel de Tocqueville, qui compte dans ses rangs Malesherbes, lavocat de Louis XVI. Pour cette seule raison, son père est emprisonné sous la Terreur et échappe de peu à la guillotine.
Par ses travaux ultérieurs, Tocqueville apparaît au contraire tout particulièrement concerné par la « révolution démocratique » que connaît alors la France. Loin de se réfugier dans la nostalgie de lAncien Régime, Tocqueville se veut lanalyste des changements sociaux qui se déroulent sous ses yeux. En 1831-1832, il décide de partir à la découverte des États-Unis qui, selon lui, offrent limage de ce vers quoi tendent les pays européens. À son retour, il publie De la démocratie en Amérique (1835-1840), réflexion tout à la fois sociologique et politique sur les particularités américaines et le bénéfice que tirerait la France à sinspirer des institutions de ce pays. Limmense retentissement de cet ouvrage lui vaut dêtre élu à trente-trois ans à lAcadémie des sciences morales et politiques puis, en 1841, à lAcadémie française (voir Institut de France).
3 | UN PENSEUR ENGAGÉ POLITIQUEMENT |
Son souci du devenir de la France le conduit bientôt à préciser son engagement politique : élu à la Chambre député du département de la Manche (1839-1848), Tocqueville défend un certain nombre de réformes comme la décentralisation des pouvoirs et lindépendance du pouvoir judiciaire. En 1849, il devient vice-président de lAssemblée nationale, puis ministre des Affaires étrangères. Son opposition au coup dÉtat de Louis Napoléon Bonaparte en 1851 loblige à se retirer de la vie politique. Il profite alors de cette retraite forcée pour rédiger son deuxième grand ouvrage : lAncien Régime et la Révolution (1856) où il sinterroge sur les causes de la Révolution française. Il est ainsi, avec Guizot, parmi les premiers auteurs du xixe siècle à proposer une analyse dépassionnée de cette période. Mais sa mort en 1859 lempêche de donner à cet ouvrage la suite escomptée.
4 | DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE |
Pour trois raisons au moins, De la démocratie en Amérique peut être considéré comme un ouvrage majeur de sociologie politique. Cest lun des premiers ouvrages à sintéresser au « mouvement dégalisation des conditions » (Tocqueville) qui caractérise nos sociétés. Selon Tocqueville, en effet, lépoque contemporaine se distingue par un mouvement inéluctable de « moyennisation ». Aux sociétés de type aristocratique du passé, Tocqueville oppose les sociétés démocratiques de demain. Les États-Unis offriraient lexemple du pays où ces évolutions seraient les plus abouties. Tocqueville a pu apparaître ainsi comme le prophète des sociétés contemporaines, où les différences de classe iraient satténuant et où les couches moyennes seraient de plus en plus nombreuses.
Mais Tocqueville ne se limite pas à ce simple constat. Il cherche également à dégager les principales conséquences, et plus particulièrement les dangers, de ce mouvement inéluctable dégalisation des conditions. Celui-ci, si lon en croit ce que lon peut voir aux États-Unis, comporte un risque : la privation de liberté, menacée tout à la fois par la tyrannie de la majorité, la dictature de lopinion et la centralisation des pouvoirs. Tocqueville établit ainsi une distinction fondamentale entre la démocratie définie comme un état social, partagé par tous les pays occidentaux, et la démocratie comme état politique, qui est loin dêtre acquise. Or la liberté politique est à ses yeux la valeur noble par excellence. Comment la garantir ? La décentralisation, la séparation des pouvoirs, lexistence de contre-pouvoirs comme la presse ou les associations... sont quelques-unes des solutions retenues par Tocqueville. Le troisième intérêt de Tocqueville réside dans la modernité de sa méthode danalyse : sociologie comparative reposant sur une étude des valeurs et des représentations des acteurs sociaux, luvre de Tocqueville se refuse à tout déterminisme. Il sattache à montrer la diversité des devenirs des sociétés démocratiques qui peuvent évoluer soit vers la tyrannie (la France de la Terreur), soit vers une véritable démocratie politique (les États-Unis).
5 | LANCIEN RÉGIME ET LA RÉVOLUTION |
La particularité française est justement lobjet du deuxième grand livre de Tocqueville, lAncien Régime et la Révolution, publié en 1856. Daprès lui, la Révolution française trouve ses origines dans les tensions entre une société qui, dès avant 1789, tendait à lindifférenciation sociale et un droit qui, au contraire, demeurait profondément inégalitaire. À la fin de lAncien Régime, les hommes des classes supérieures étaient de plus en plus semblables par leur mode de vie, mais ils différaient par leurs droits. La Révolution fut une manière brutale dadapter le droit aux murs.
LAncien Régime et la Révolution propose ainsi moins un récit des événements révolutionnaires quune théorie générale du changement social. Cest pour cette raison que Tocqueville est considéré davantage comme un sociologue que comme un historien. On retrouve dans son étude de la Révolution le souci dexactitude documentaire et la méthode comparative déjà présents dans De la démocratie en Amérique. À lenquête sur le terrain sest substitué le travail darchives, mais, dans les deux ouvrages, on retrouve cette volonté daller au plus près des faits. Quant à la méthode, cest en comparant la situation française à celle des autres pays européens que lauteur parvient à dégager les particularités de lhistoire politique française qui ont abouti à cet événement spécifique qua été la Révolution française.
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Durkheim, Émile
1 | INTRODUCTION |
Durkheim, Émile (1858-1917), sociologue français, un des fondateurs de la sociologie moderne.
2 | LE PÈRE FONDATEUR DE LÉCOLE FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE |
Né à Épinal, Émile Durkheim appartient à une brillante lignée de rabbins érudits. En 1878, il entre à l'École normale supérieure (ENS), où il est le condisciple de Jaurès et de Bergson. À sa sortie, en 1882, il enseigne le droit et la philosophie. Nommé professeur de pédagogie et de science sociale à la faculté des lettres de Bordeaux en 1887, il commence la rédaction de ses ouvrages. Avec le concours du philosophe français Célestin Bouglé, il fonde en 1896 la revue lAnnée sociologique, qui devient le point de ralliement de jeunes universitaires et philosophes (souvent anciens élèves de lENS) désireux dexplorer de nouveaux champs intellectuels. Le but avoué de Durkheim est de contribuer au développement dune nouvelle science objective du social, rigoureuse et professionnelle, conforme au modèle des autres sciences. Le premier volume est publié en 1898 (le douzième et dernier le sera en 1913). En 1902, il est nommé suppléant de Ferdinand Buisson à la chaire de sciences de léducation de la Sorbonne, dont il devient titulaire en 1906. En 1913, cette chaire prend le titre de « chaire de sociologie ».
3 | LA SPÉCIFICITÉ DU FAIT SOCIAL |
Formé à l'école du positivisme, Émile Durkheim définit la spécificité du fait social, c'est-à-dire l'indépendance du groupe par rapport aux hommes et, comme tel, non réductible à la somme des caractéristiques et des comportements individuels et pouvant donc, à ce titre, imposer une contrainte à l'individu. Extériorité et contrainte caractérisent donc le fait social. Cette thèse fait de lui le véritable fondateur de la sociologie. Le même esprit positiviste le conduit à adopter une conception presque médicale du fait social, en distinguant le normal et le pathologique. La conscience morale de chaque individu est l'intériorisation des contraintes institutionnelles par l'individu. Il y a donc des sociétés que l'on peut juger malsaines, et Durkheim définit à ce titre l'anomie, qui est une forme pathologique de la division du travail, celle où il n'existe pas de réglementation, ou seulement une réglementation insuffisante dans les règles légales instituant les fonctions spécialisées et réglant leur rapport.
4 | PRINCIPALES UVRES |
Dans son premier livre, qui est sa thèse, De la division du travail social (1893), Durkheim définit une véritable typologie de la vie en société, construite à partir de deux types possibles, la solidarité mécanique, qui se caractérise par le fait que les individus s'imitent les uns les autres en se conformant à une société qui les transcende, et la solidarité organique, qui se définit par la fusion des individus et de la société dans le cadre d'une véritable division du travail.
Les Règles de la méthode sociologique (1895) traite de la spécificité de la sociologie : celle-ci consiste en l'observation des faits sociaux et des faits physiques, dans la distinction du normal et du pathologique, dans l'irréductibilité des faits sociaux à d'autres faits, notamment psychologiques et biologiques.
Son ouvrage le Suicide (1897) a marqué des générations de chercheurs, dans la mesure où Durkheim y a appliqué avec rigueur sa méthode à un phénomène que l'on regardait jusqu'alors comme individuel. Pour Durkheim, le taux de suicides ne peut s'expliquer qu'à partir d'une analyse globale de la société ; il montre que celui-ci varie en proportion inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont fait partie l'individu.
Dans les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), Durkheim s'efforce de montrer que les représentations religieuses sont, en fait, des représentations collectives : l'essence du religieux ne peut être que le sacré, tout autre phénomène (comme le transcendant) ne caractérisant pas toutes les religions. Le sacré, être collectif et impersonnel, représente ainsi la société elle-même.
L'apport de Durkheim à la sociologie est fondamental, en ce sens que sa méthode, ses principes et ses études exemplaires, comme celle sur le suicide, constituent jusqu'à nos jours les bases de la sociologie moderne.
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Weber, Max (sociologue)
Weber, Max (sociologue), (1864-1920), sociologue allemand qui ouvrit la voie à la sociologie comparative et sinterrogea sur les caractéristiques de la civilisation occidentale.
Né à Erfurt, Max Weber fit ses études aux universités de Heidelberg, Berlin et Göttingen. Juriste, professeur déconomie aux universités de Fribourg (1894), de Heidelberg (1897) et de Munich (1919), il fut également directeur de la revue allemande de sociologie Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik.
Sa sociologie, appelée « compréhensive », se propose de saisir les motivations ou les raisons dagir des individus et den rendre compte en choisissant pour point de départ une approche individualiste. Il en vint ainsi à distinguer quatre types daction sociale : laction traditionnelle marquée par lemprise du passé, laction affective dominée par les pulsions, laction rationnelle en valeur, guidée par les convictions, et enfin laction rationnelle en finalité, commandée par le calcul et ladéquation des moyens avec les fins dont on dispose. Ces formes daction relèvent de la méthode wéberienne de lidéal type, qui vise à construire un modèle explicatif de la réalité destiné à être testé à travers différents cas historiques.
Dans lune de ses uvres majeures, Die Protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus (lÉthique protestante et lEsprit du capitalisme, 1904-1905), il cherche à mettre en relation linfluence du calvinisme sur la diffusion de lesprit du capitalisme : selon Weber, les deux éthos ont en commun de privilégier un comportement ascétique, qui satisfait aussi bien au salut de lâme puritaine quà la dynamique de laccumulation. Se refusant, à la différence de Marx, à trancher la question de la prédominance des valeurs ou du matérialisme, il conclut, en reprenant la formule de Goethe, à lexistence d« affinités électives » unissant les deux univers.
Élargissant son projet à létude de la civilisation occidentale, dont son ouvrage posthume Wirtschaft und Gesellschaft (Économie et Société, 1922) rend compte, il sorienta vers létude du droit, des formes du pouvoir politique, de lart, de la religion, tous ces domaines étant marqués, comme léconomie, par la rationalisation des activités sociales ou par le « désenchantement du monde », cest-à-dire par le recours progressif au raisonnement rationnel en finalité au détriment des autres formes daction sociale.
La sociologie de Max Weber est dénuée de toute vision prophétique contraire au principe de « neutralité axiologique », en vertu duquel son projet consiste à distinguer clairement le « rapport aux valeurs », qui éclaire le sociologue dans sa recherche, du « jugement de valeurs », nuisible à lanalyse. Cest dans cet esprit quil plaide, dans sa célèbre conférence de 1919, le Savant et le Politique, pour que la politique se retire de lUniversité, en appelant à l« éthique de responsabilité » des savants, laquelle ne saurait se confondre avec l« éthique de conviction » qui guide laction politique.
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Bourdieu, Pierre
1 | INTRODUCTION |
Bourdieu, Pierre (1930- ), sociologue français.
Pierre Bourdieu est, en France et dans le monde, une référence clé de la sociologie contemporaine et un représentant majeur du renouveau de la discipline.
2 | ITINÉRAIRE INTELLECTUEL ET UVRES |
Né à Denguin (Pyrénées-Atlantiques), Pierre Bourdieu entre à l'École normale supérieure en 1951. Agrégé de philosophie en 1954, il est mobilisé en Algérie entre 1955 et 1958, où il entreprend ses premières recherches.
Dans ses travaux sur l'Algérie, repris dans Travail et travailleurs en Algérie (1964), Esquisse d'une théorie de la pratique (1972), Algérie 60 (1977) et le Sens pratique (1980), Pierre Bourdieu analyse la structure sociale de la société colonisée et ses transformations. Il y développe aussi un travail ethnographique sur les traditions rituelles kabyles, centré sur l'analyse des attitudes temporelles qui caractérisent les conduites économiques pré-capitalistes. Cette recherche contribue à formuler des principes d'investigation novateurs, qui seront à la base de son travail théorique.
D'autres travaux viennent ensuite ouvrir les perspectives empiriques et théoriques de sa recherche sociologique. Dans les Héritiers (1964) et dans la Reproduction (1970), Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron examinent le système d'enseignement français en montrant le rôle que jouent les logiques scolaires dans la reproduction de la structure sociale. Dans Homo academicus (1984), Pierre Bourdieu analyse la relation entre la distribution du pouvoir dans le monde universitaire et les prises de position intellectuelles et politiques. Dans la Noblesse d'État (1988), il aborde également la question des modes de reproduction sociale, cette fois-ci en analysant le champ bureaucratique et la place des grandes écoles dans l'administration française. Le problème du pouvoir dans les échanges linguistiques est posé dans Ce que parler veut dire (1982). Dans l'Ontologie politique de Martin Heidegger (1988), Pierre Bourdieu montre larticulation qui sétablit entre la pensée du philosophe et son idéologie politique ; dans Méditations pascaliennes (1997), il s'interroge sur les états qui rendent possible la production philosophique. La Distinction (1979) examine la logique sociale de la consommation culturelle et livre une analyse sociologique du jugement esthétique ; dans les Règles de l'art (1992), cette analyse est étendue au champ de la production artistique et littéraire en particulier. La Misère du monde (1993), ouvrage collectif publié sous sa direction, témoigne des formes sociales de la souffrance et de la façon dont elles travaillent la subjectivité des individus.
En décembre 1995, Pierre Bourdieu prend position publiquement en faveur du mouvement social des grévistes du secteur public. Toujours dans une optique d'engagement politique, il lance la collection « Raisons d'agir », avec des petites publications comme Sur la télévision (1996), une critique de la manipulation médiatique, et Contre-feux (1998), un recueil d'interventions contre le néolibéralisme.
Pierre Bourdieu a été nommé en 1964 directeur d'études à l'École pratique des hautes études (maintenant École des hautes études en sciences sociales) et est titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France depuis 1981. Il travaille au Centre de sociologie européenne et dirige la revue Actes de la recherche en sciences sociales (fondée en 1975).
3 | PIERRE BOURDIEU ET LA SOCIOLOGIE |
Pierre Bourdieu a su combiner et renouveler l'héritage des grands classiques de la sociologie : Émile Durkheim, Max Weber et Karl Marx. Pour comprendre les apports de sa démarche, telle que présentée dans le Sens pratique (1980), on peut la situer dans le contexte de la sociologie de son époque. L'essor du structuralisme, représenté en anthropologie par l'uvre de Claude Lévi-Strauss, avait eu comme effet d'étendre à l'analyse des phénomènes sociaux un mode de pensée relationnelle qui rompait avec les limites du substantialisme. Mais cette démarche tendait à effacer, dans sa définition du rapport à l'objet, les « logiques pratiques » dans lesquelles les systèmes symboliques fonctionnent. C'est contre cela que Pierre Bourdieu entreprend la modification de la méthode structurale, sans pour autant tomber dans les illusions intellectualistes ou intuitionnistes qu'il critique dans la phénoménologie, et en particulier chez Jean-Paul Sartre, ou dans l'individualisme méthodologique propre à la théorie économique classique et néoclassique. Sa sociologie apparaît donc comme une tentative de dépasser les limites de la distinction entre objectivisme et subjectivisme.
D'un point de vue épistémologique, la sociologie ne doit pas non plus oublier la rupture méthodique qu'elle instaure vis-à-vis de ses objets : les faits sont le résultat d'une opération de conquête et construction scientifique qui doit être elle-même analysée, comme le montre Pierre Bourdieu, avec Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, dans le Métier de sociologue (1968).
L'uvre de Pierre Bourdieu constitue ainsi un des piliers du renouveau de la sociologie dans les années soixante-dix et quatre-vingt.
4 | LES CONCEPTS MAJEURS |
Les concepts fondamentaux de la sociologie de Pierre Bourdieu sont ceux d'habitus, « champ » et « capital ». Dans la relation entre le sens vécu et le sens objectif, l'habitus est le système de dispositions durables et transposables dont sont dotés les agents sociaux : c'est donc la façon dont l'extériorité s'intériorise, c'est-à-dire la manière dont les structures sociales s'inscrivent dans les esprits et dans les corps des personnes. L'intériorité s'extériorise et se cristallise historiquement, à son tour, au niveau des champs : espaces de la vie sociale qui deviennent relativement autonomes autour de relations, de ressources et denjeux qui leur sont propres (on parlera ainsi, par exemple, du « champ économique », du « champ scientifique » ou du « champ politique »).
Les champs sont donc des espaces de concurrence et de lutte pour l'appropriation de ressources spécifiques et de différentes formes de capital. Les valeurs spécifiques des capitaux de chaque champ s'affrontent dans un espace plus général, que Pierre Bourdieu appelle « champ du pouvoir ».
La notion de capital n'est pas, chez Pierre Bourdieu, uniquement économique. C'est ainsi qu'on trouve, dans ses analyses, des formes de capital symbolique ou culturel hétérogènes (il s'agit donc d'une sorte de généralisation de la notion marxiste de capital). La prise en compte de la dimension symbolique de la réalité sociale est donc nécessaire pour comprendre les modes de domination et pour y déceler les formes de « violence symbolique » qui produisent, chez le dominé, l'adhésion à l'ordre dominant. Cette adhésion est typiquement définie par un double processus de reconnaissance de la légitimité de l'ordre dominant et de méconnaissance des mécanismes qui font de cet ordre un mode de domination. C'est ainsi que la sociologie de Pierre Bourdieu se présente parfois comme une sorte de « socio-analyse », équivalent social de la prise de conscience ou de l'objectivation de rapports de force cachés ou refoulés.
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Boudon, Raymond
Boudon, Raymond (1934- ), sociologue français, représentant de lindividualisme méthodologique, qui introduisit de nouvelles techniques danalyse quantitative des phénomènes sociaux.
Né à Paris, Raymond Boudon fit ses études à lÉcole normale supérieure. Agrégé de philosophie et docteur en lettres, il fut chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique, de 1962 à 1964. Professeur à la Sorbonne, il enseigna à la faculté de lettres de Bordeaux jusquen 1967, puis à Stanford et à Harvard, à Stockholm, Genève, New York et Chicago. Il a été reçu à lAcadémie des sciences morales et politiques en 1990.
Privilégiant les méthodes statistiques, Raymond Boudon élabora de nouveaux outils mathématiques pour lexamen des données sociologiques (lAnalyse mathématique des faits sociaux, 1967 ; les Mathématiques en sociologie, 1971). Considérant que les actions et les convictions des acteurs individuels sont à lorigine de tout phénomène social, bien quelles produisent des effets pervers, cest-à-dire des résultats indésirables qui les rendent donc en partie imprévisibles, il adopta lindividualisme méthodologique en sopposant à lapproche globale (holisme) prédominante à lépoque contemporaine. En témoigne notamment lÉgalité des chances (1973), ouvrage consacré à létude de la mobilité sociale et en particulier au rapport entre le niveau scolaire des individus et leur statut social.
Affirmant la prééminence de la méthode scientifique sur la spéculation, Raymond Boudon poursuivit son travail pédagogique dans À quoi sert la notion de structure (1968), puis dans les Méthodes en sociologie (1969). Dans son analyse Effets pervers et Ordre social (1977), les acteurs sociaux sont caractérisés par la rationalité de leurs actes, qui implique celle des faits sociaux quils engendrent. Ainsi, les mouvements politiques et religieux, les changements révolutionnaires ou dautres phénomènes qui constituent lobjet de la sociologie peuvent être cernés par une approche scientifique, mais cette discipline doit renoncer à toute forme de déterminisme, en particulier de type marxiste, qui risque dinvalider ses interprétations et ses prévisions. Parmi les ouvrages récents de Raymond Boudon figurent la Place du désordre (1984) et De lidéologie (1986).
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