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citoyenneté (sociologie) | nation | système représentatif | démocratie | régimes politiques | pouvoir législatif | souveraineté | déclaration des droits de l'homme | contrat social |

 

citoyenneté (sociologie)

1 INTRODUCTION

citoyenneté (sociologie), qualité d'un citoyen jouissant de l'ensemble de ses droits civiques dans un État ou dans une communauté politique. La citoyenneté est un statut juridique de membre d'un État ou d'une communauté internationale (citoyenneté européenne), par la naissance ou par la naturalisation. Elle désigne étymologiquement l'appartenance à une cité ou à un État, assortie de droits et de devoirs définis. Historiquement, elle est liée au mouvement des Lumières et à la Révolution française qui renversa la monarchie. Dans le système monarchique, les citoyens étaient les sujets de la Couronne, soumis à des lois sur lesquelles ils n'avaient aucun pouvoir. Avec l'avènement de régimes démocratiques, les citoyens sont devenus des éléments actifs des États dans lesquels ils vivent, participant à l'exercice de l'autorité souveraine (droit de vote et d'être éligible). La citoyenneté demeure aujourd'hui un principe d'une extrême importance ; l'Union européenne constitue de ce fait un cas particulièrement intéressant, au moment où elle dépasse le simple espace de marché économique pour former une communauté supranationale.

2 THÉORIES

Dans Du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau fut le premier à définir clairement le concept de citoyenneté : son pacte social est ainsi la forme juridique du passage de l'état de nature à la société civile. D'autres auteurs, comme Thomas Paine, ont analysé le concept de citoyenneté dans le cadre de leurs doctrines de la démocratie. La citoyenneté utilise l'État pour revendiquer des droits pour les individus et pour imposer des devoirs, comme le service militaire, le devoir fiscal ou le respect du droit en vigueur. Les théories marxistes ont longtemps opposé la classe sociale à la citoyenneté, signifiant de ce fait que l'appartenance à une communauté nationale n'était qu'un leurre créé par la bourgeoisie afin de tromper le prolétariat. Selon Marx, les ouvriers n'avaient pas de patrie (doctrine internationaliste) et se définissaient plus par leur condition économique que par leur appartenance à une nation.

3 CITOYENNETÉ ENRICHIE

On peut considérer que les droits civils contenus dans l'habeas corpus au XVIIIe siècle, l'avènement du suffrage universel au XIXe siècle et d'un droit à la retraite, à une sécurité sociale et à l'éducation au XXe siècle, ont à des titres divers contribué à la définition d'une citoyenneté contemporaine enrichie. Toutefois, le concept de la citoyenneté dépasse largement aujourd'hui le simple état de fait juridique pour signifier l'intégration d'un individu à un groupe ou à une communauté donnés. Du fait du caractère profondément républicain de la démocratie française, la citoyenneté dans ce pays a ainsi une connotation tout aussi politique que juridique. On peut parler, à cet égard, d'une citoyenneté militante ou active, défendue par les républicains sous la IIIe République (Jules Ferry, Léon Gambetta, Jean Jaurès, etc.) et aujourd'hui par des hommes politiques comme Jean-ierre Chevènement ou Philippe Séguin.

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nation

nation

1 INTRODUCTION

nation, groupe humain vivant sur un même territoire, lié par la conscience d’une histoire, d’une culture, de traditions et parfois d’une langue communes et formant une entité politique.

2 DU SENTIMENT NATIONAL À LA NATION

Si le sentiment national, suscité par les rois de France, fait son apparition lors de la guerre de Cent Ans, la définition actuelle du mot « nation » est le fruit d’une longue évolution qui n’aboutit qu’au XIXe siècle, bien que le terme ait existé antérieurement : ainsi, au XVIIe siècle, le dictionnaire de Furetière en donne la définition suivante : « Un grand peuple habitant une même étendue de terre renfermée en certaines limites ou même sous une certaine domination », mais le terme n’a pas encore sa connotation idéologique d’attachement à un ensemble géographique, d’enracinement dans un terroir. L’Encyclopédie (1765) n’est pas plus précise et s’attache au constat : « Une quantité considérable de peuples qui habite une certaine étendue de pays, renfermée dans de certaines limites, qui obéit au même gouvernement. »

3 L’APPORT DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

L’exaltation de la nation se fait avec la poussée de la bourgeoisie contre l’Ancien Régime d’abord, puis contre la royauté. Sieyès, dans Qu’est-ce que le tiers état ? (1789), donne la conception moderne de nation. Celle-ci est formée d’individus, éléments indépendants, mais gouvernés par un unique pouvoir, et soumis aux mêmes lois, ouvrages de leur volonté. Tous ont les mêmes droits et sont libres dans leur communication. Cette collectivité forme un corps ; la nation n’est pas une combinaison. L’État n’est pas autre chose que la personnification de la nation. L’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 déclare que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». L’idée dominante, ici, est que la volonté nationale n’est pas la somme des volontés singulières, mais qu’elle doit être dégagée par les représentants de la nation. En 1789, la devise révolutionnaire montre ce renversement des valeurs et cette nouvelle hiérarchie : « La Nation, la Loi, le Roi. » L’idée de nation s’exprime également à travers des symboles : le drapeau national, la fête nationale ou l’hymne national (la Marseillaise, créée en 1792).

4 LA NAISSANCE DES ÉTATS-NATIONS

Les guerres de la Révolution et de l’Empire cristallisent à travers l’Europe un mouvement de prise de conscience nationale. Des pays morcelés comme l’Italie ou l’Allemagne commencent à se penser en tant que nations, par opposition à l’hégémonie française. Mme de Staël tente, dans un roman comme Corinne ou l’Italie et dans un traité comme De l’Allemagne, de définir la constitution de ces nations en relation avec un lieu, un climat d’une part, une histoire, une religion et une culture de l’autre.

Le mot « nation » domine toute la pensée et l’histoire du XIXe siècle. Les conflits européens inspirent à Ernest Renan son essai philosophique Qu’est-ce qu’une nation ? (1882). Renan met en avant les différents éléments constitutifs d’une nation : la race, la langue, la religion, la géographie, mais il ajoute que le fondement d’une nation est essentiellement affectif et intellectuel : « Une nation est une âme, un principe spirituel [...], c’est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements ; avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les questions essentielles pour être un peuple. » Pour Renan, la nation est le sentiment d’avoir un passé commun et un avenir à construire ensemble.

À cette conception « spirituelle » de la nation telle que l’expose Renan, qui souhaite le retour de l’Alsace-Lorraine dans la France et donc fonde la nation non sur la langue mais sur l’attachement à une communauté, s’oppose celle des Allemands Herder et Fichte, qui définissent la nation sur une base organiciste. La nation est un organisme, né de la géographie, mais plus encore d’une langue, de goûts et de caractères communs. Ainsi elle ne peut demeurer à travers l’histoire qu’en restant fidèle à sa propre culture. Chaque nation diffère donc des autres par son caractère. À la nation de Renan qui s’exprime, de façon universaliste — chaque nation est fondée sur le même principe de l’attachement de chaque peuple à une même communauté —, répond celle d’Herder : chaque nation existe intrinsèquement et de façon irréductible, différente, indépendante d’un État qui la constituerait, marquant ainsi la prééminence de la société sur l’État, mais ouvrant aussi la voie à un particularisme propre à chaque nation.

Les XIXe et XXe siècles voient se développer dans le monde une société de nations. La multiplication des liens internationaux conduit à la formation d’organisations supranationales, voire à la formation de fédérations nationales. En 1945, le droit des peuples est consacré par la Charte des Nations unies. Fortes de cette légitimité nouvelle, les revendications nationalistes et les mouvements d’indépendance se renforcent au sein des empires coloniaux. Ces mouvements conduisent, par des processus divers, à l’émancipation des nations asiatiques et africaines. La chute du communisme en Europe de l’Est et la décomposition de l’Union soviétique, à la fin du XXe siècle, provoquent un nouveau mouvement de construction nationale avec l’éclatement de l’ex-Yougoslavie en cinq États et l’émergence des États baltes, slaves et d’Asie centrale.

5 NATION ET NATIONALISME

Le mot « nationalisme », dérivé du mot « nation » et employé couramment à partir du début du XIXe siècle, est ainsi défini par Raoul Girardet, dans Nationalisme français 1871-1914 : « Le souci prioritaire de conserver l’indépendance, de maintenir l’intégrité de la souveraineté et d’affirmer la grandeur d’un État-nation. » Dans le nationalisme, le sentiment d’appartenance et d’adhésion à la nation se double de l’affirmation de la prééminence de la nation comme cadre de la solidarité sur les autres solidarités. Le nationalisme désigne trois sortes de réalités associées à l’idée de nation. Il est couramment employé dans le sens de chauvinisme pour désigner des formes outrancières ou caricaturales d’adhésion à la patrie. Il s’utilise également pour désigner les revendications d’un peuple assujetti, aspirant à l’indépendance. Il sert enfin d’étiquette idéologique à des mouvements de droite ou d’extrême droite, qui affirment la priorité des défenses et des intérêts nationaux sur tout autre enjeu politique.

On voit donc que la nation est une notion complexe, porteuse de liberté, mais chargée de représentations symboliques, plus ou moins imaginaires, qui peuvent légitimer les conduites les plus extrêmes. Il y a ainsi une dérive possible dont la séquence va de la nation à la revendication nationale pour aboutir finalement au nationalisme.

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représentatif, système

représentatif, système

représentatif, système, mode d'organisation du pouvoir en vertu duquel les citoyens donnent mandat à leurs élus de décider en leur nom.

La théorie de la représentation est le concept fondateur des régimes démocratiques modernes. L'idée de représentation apparaît avec l'invention anglaise du régime parlementaire représentatif et se poursuit avec l'élaboration constitutionnelle qui accompagne la Révolution française. Cette théorie s'oppose à la théorie classique de la démocratie directe et au principe de la souveraineté populaire. Fondée sur le principe de la souveraineté nationale, ce système établit non pas le gouvernement du peuple par le peuple, mais le gouvernement du peuple par des représentants élus du peuple. Si Rousseau voit dans la représentation un risque d'aliénation, Sieyès y voit, au contraire, l'expression de la volonté générale. Ainsi, la représentation est indivisible. Le corps des représentants devient constitutif de la nation et chaque membre de ce corps (les députés en France, par exemple) représente la nation. Leur Assemblée est dite nationale et l'expression individuelle devient illégitime face à l'expression nationale qui émane du corps des représentants. Seules de petites entités administratives, comme on en trouve en Suisse, par exemple, pratiquent la démocratie directe, c'est-à-dire sans passer par l'intermédiaire de représentants. Pour désigner l'ensemble des représentants envisagés collectivement, on parle alors de représentation nationale. Les régimes parlementaires et présidentiels sont les deux grands modèles classiques du gouvernement représentatif. Dans ces régimes, il existe des institutions politiques qui autorisent indirectement l'expression des gouvernés par l'intermédiaire de représentants comme le corps législatif. S'opposant aux régimes autoritaires, la représentation s'exerce par le biais du suffrage universel qui reste le moyen le plus répandu pour faire valoir les aspirations d'une société tout entière.

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démocratie

démocratie

1 INTRODUCTION

démocratie (du grec dêmokratia, dêmos, « peuple » ; kratein, « gouverner »), système politique dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble des citoyens.

La démocratie, dont le principe fondateur « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » se retrouve par exemple dans la Constitution française, est dite directe, lorsque le peuple est investi d’une responsabilité effective sur l’ensemble des décisions ayant trait à la collectivité, ou représentative, lorsque le peuple délègue librement le pouvoir de gouverner à des mandants. À la fois conçue comme une valeur, constitutive d’un objectif à atteindre (la liberté pour tous réalisée dans l’organisation collective), et comme une technique de gouvernement, la démocratie s’est incarnée dans de nombreux modèles et selon des formes différentes.

2 LES ORIGINES DE L’IDÉE DÉMOCRATIQUE
1 La démocratie dans l'Antiquité

Pour les cités-États de la Grèce classique, comme Athènes, la démocratie directe, modèle opposé à la tyrannie et à l’oligarchie, paraît le mode de gouvernement le plus adapté à de petites entités, soucieuses d’autonomie et dotées d’une forte homogénéité sociale. Tous les citoyens peuvent effectivement prendre la parole et voter à l’Agora, l’assemblée de la cité, à l’exception notable des femmes, des esclaves et des « métèques » (non autochtones) qui, exclus de la citoyenneté, n’ont aucun droit politique. La démocratie romaine ressemble à celle des Grecs, bien que Rome ait parfois accordé la citoyenneté à des hommes nés hors de la cité.

2 L’émergence de l’individualisme à la Renaissance

À partir du Moyen Âge, l’idée démocratique s’efface devant la montée du modèle théocratique, qui fait de la religion, inséparable d’une vision hiérarchique de la société, la base de la légitimité du pouvoir et celle de l’organisation sociale dans son ensemble. La prééminence peu à peu acquise par la monarchie aux dépens de la papauté ne remet pas en question, bien au contraire, l’idée selon laquelle l’individu n’existe au sein de la société qu’en fonction de la place qui lui a été assignée par sa naissance, système qui veut que le pouvoir soit exercé par ceux-là seuls qui, par nature, en ont reçu la capacité.

Toutefois, certaines conceptions issues du christianisme, comme l’affirmation selon laquelle les hommes sont égaux devant Dieu, contribuent à une nouvelle formulation de l’idée démocratique dès la fin du Moyen Âge, en liaison avec le déclin du féodalisme, l’émergence des premières formes du capitalisme, et la constitution d’une bourgeoisie urbaine désireuse de participer aux affaires publiques. S’inscrivant dans le cadre d’une affirmation progressive de l’individualisme, la Renaissance consacre l’idée d’une autonomie de l’Homme, qui doit s’entendre comme autonomie et liberté de la conscience (manifestée par l’humanisme dans le domaine intellectuel), mais également comme une autonomie vis-à-vis d’un pouvoir en voie de sécularisation, dont la légitimité fait l’objet d’une interrogation majeure.

3 LA NAISSANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNE

Si le souverain n’est plus incontestable, soit parce qu’on considère que sa qualité de représentant de Dieu ne lui confère pas une légitimité absolue, soit, dans une optique plus concrète prenant en compte la finalité du pouvoir, parce qu’on estime que la monarchie telle qu’elle existe ne garantit pas à chacun le bonheur auquel il aurait droit, la question consiste à définir le « bon » modèle de gouvernement. La démocratie, qui associe au pouvoir l’ensemble de la collectivité, apparaît dès lors comme l’horizon de toute réforme politique d’envergure.

1 La « révolution » anglaise (1642-1649)

La révolution anglaise constitue l’une des premières tentatives de remise en cause de la monarchie absolue. La guerre civile qui se déroule en Angleterre de 1642 à 1644 voit l’affrontement de la petite noblesse et de la bourgeoisie puritaine avec le roi Charles Ier, dont l’autoritarisme finit par provoquer sa destitution, et son exécution en 1649. Cependant, la République instituée par Cromwell, qui se maintient au pouvoir de 1649 à 1658, est à peu près dépourvue de caractère démocratique, et après le retour de la monarchie avec Charles II (1660-1685), il faut attendre la « glorieuse révolution » de 1688, marquée par la formulation de la Déclaration des droits, pour que la limitation effective apportée aux pouvoirs du souverain et la garantie des libertés individuelles accordée aux citoyens préfigure la démocratie moderne. L’Angleterre s’emploiera progressivement à en élaborer l’un des principaux modèles, celui de la démocratie libérale et représentative, au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

2 L'apport du siècle des Lumières

Le siècle des Lumières marque un approfondissement considérable de la réflexion sur la démocratie. Mettant l’accent sur la valeur absolue de la liberté individuelle, le philosophe anglais John Locke, auteur du Traité sur le gouvernement civil (1690), se prononce en faveur d’une monarchie constitutionnelle, où le souverain, tenant son pouvoir du pacte social et non plus du droit divin, peut être renversé par l’insurrection s’il outrepasse ses prérogatives. Poursuivant cette réflexion qui, sans remettre en cause le principe monarchique, s’interroge sur la forme que doit revêtir le pouvoir pour qu’il soit considéré comme légitime, Montesquieu fait franchir un pas décisif à la pensée politique en formulant la théorie de la séparation des pouvoirs, en vertu de laquelle une limitation réciproque des prérogatives de l’exécutif, du législatif et du judiciaire évite toute dérive vers l’absolutisme.

Rompant avec cette optique qui, si elle définit un nouveau mode d’exercice du pouvoir, mettant l’accent sur la protection de l’individu dans la perspective du libéralisme, refuse de s’interroger sur l’origine du pouvoir, et refuse par exemple toute perspective de démocratie directe, Jean-Jacques Rousseau fait de toute forme de collectivité politique la résultante d’un contrat social, par lequel chaque citoyen, se soumettant à la volonté générale incarnée par le corps social dans son ensemble, est plus libre que s’il était isolé face au pouvoir d’un seul, et plus heureux puisque la collectivité favorise nécessairement le bonheur du plus grand nombre.

Cette conception, qui fait primer le collectif sur l’individuel, est l’une des sources de la conception moderne de la démocratie, mais elle est entrée fréquemment en conflit avec le modèle de la démocratie représentative et libérale tel qu’il a été défini par les révolutions américaine et française.

3 La guerre de l’Indépendance américaine

Née de la volonté des colonies américaines de s’affranchir de la domination britannique, la guerre de l’Indépendance américaine est à l’origine de la création des États-Unis d’Amérique. S’appuyant sur la déclaration d’Indépendance de 1776, rédigée par Thomas Jefferson, la Constitution de 1787, conciliant avec souplesse désir d’autonomie des États et nécessité d’un certain centralisme fédérateur, définit les contours d’une démocratie représentative soucieuse de la garantie des libertés individuelles.

4 La Révolution française

C’est sans doute la Révolution française qui, en raison de son caractère radical et de son retentissement en Europe, a exercé l’influence la plus déterminante sur la formation de l’idée démocratique moderne. En effet, l’importance de la Révolution française ne réside pas tant dans un changement brutal de régime, puisque la France connaîtra de nouveau des formes plus ou moins autoritaires de régime monarchique au XIXe siècle, mais dans l’affirmation d’un certain nombre de principes qui acquièrent peu à peu une portée universelle. Découlant de la Déclaration des droits de l’Homme adoptée en 1789, la consécration des principales libertés publiques (sécurité et sûreté individuelles, liberté d’opinion, d’expression, de circulation) a dessiné d’une manière définitive l’idéal d’une société démocratique, quel que soit le type de régime politique dans lequel elle s’incarne.

5 L'extension du modèle démocratique

L’idée démocratique connaît une diffusion remarquable dans les sociétés occidentales du XIXe siècle, en proie à de profonds changements économiques et sociaux (extension de la révolution industrielle, consolidation du capitalisme, naissance de la classe ouvrière). Avant la fin du XIXe siècle, toutes les grandes monarchies d’Europe occidentale ont adopté une constitution qui limite ou encadre le pouvoir de la Couronne et accorde une part plus ou moins importante du pouvoir politique à des représentants élus, sur le modèle de la Grande-Bretagne, berceau du régime parlementaire. Dans le cadre de ce mouvement, le droit de vote connaît des extensions successives, jusqu’à devenir universel dans la plupart des sociétés démocratiques occidentales.

4 FORMES ET LIMITES DE LA DÉMOCRATIE AU XXE SIÈCLE
1 Démocratie représentative, démocratie directe

Les démocraties modernes mêlent, en général, des formes de démocratie représentative et de démocratie directe. Dans le premier modèle, le pouvoir politique est exercé par les représentants élus au suffrage populaire par les citoyens et responsables devant eux, ou bien, plus rarement, il est exercé directement, notamment par le référendum, utilisé dans certains pays, de manière large comme en Suisse, de manière beaucoup plus restreinte en France.

2 Droits et garanties dans les démocraties modernes

Les démocraties modernes entendent protéger la liberté individuelle tout en permettant la décision majoritaire. Elles garantissent les droits politiques individuels conformément au principe de la participation des citoyens aux affaires publiques (droit de suffrage notamment). Elles permettent le multipartisme, institutionnalisent la lutte pacifique pour le pouvoir politique, et tentent de concilier les principes parfois contradictoires d’égalité et de liberté.

5 LES LIMITES DU MODÈLE DÉMOCRATIQUE

Néanmoins, la démocratie n’est qu’un concept vide si tous les citoyens n’ont pas accès à l’information ou à un niveau d’instruction qui leur permette de participer au débat politique. Cette conception, qui souligne que la démocratie n’a pas pour seule finalité de garantir l’autonomie de l’individu mais aussi celle de favoriser son insertion et sa participation dans une collectivité qui ne serait rien sans lui, a inspiré les tentatives modérées d’inscrire dans les Constitutions certains droits sociaux, à l’image de la Constitution française de 1946. Un versant plus radical de cette conception s’est incarné dans les pays socialistes qui, s’appuyant sur l’analyse de Marx selon laquelle la démocratie bourgeoise n’est qu’une démocratie formelle, entendaient promouvoir de véritables démocraties sociales, dans lesquelles la suppression de la propriété privée et la mise en commun des moyens de production, supprimant les antagonismes de classe, permettait de promouvoir une démocratie à visée totalisante.

Ainsi, l’existence formelle d’une Constitution démocratique ne saurait garantir pour autant le caractère réel de la démocratie, dans la mesure où tout pouvoir peut s’affranchir par la force ou par des pratiques plus discrètes des limites qui lui sont fixées, dès lors que l’opinion publique ne parvient plus à faire entendre sa voix. Ainsi la démocratie semble toujours enfermée dans le dilemme qu’a souligné au XIXe siècle l’un de ses plus éminents analystes, Tocqueville : favorisant l’égalité de tous plutôt que la liberté de chacun, la démocratie est toujours fragile, à moins que l’action des corps intermédiaires et la qualité du débat public évite la fragmentation du corps social, qui laisserait le citoyen seul face au pouvoir.

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régimes politiques

régimes politiques

1 INTRODUCTION

régimes politiques, concept de base de la typologie classique des modes d’organisation et d’exercice du pouvoir politique dont le contenu comprend essentiellement les règles du droit constitutionnel, règles relatives au pouvoir. Cette notion permet de situer les uns par rapport aux autres des modes de gouvernement étatique qui diffèrent entre eux du point de vue de leurs règles constitutionnelles de fonctionnement (régime parlementaire, présidentiel, monarchique, dictatorial, etc.).

2 GÉNÉALOGIE DES CLASSEMENTS

Le lexique qui sert aujourd’hui à nommer les principales formes de régimes politiques est largement hérité d’une tradition qui remonte à l’Antiquité grecque. En revanche, c’est au XXe siècle qu’apparaît la catégorie du totalitarisme, concept souvent contesté.

Se fondant sur l’étude comparée de cent cinquante cités grecques, Aristote distingue dans son Éthique à Nicomaque, comme dans son traité Politique, trois formes justes de gouvernements : la royauté (ou monarchie), l’aristocratie et la république (ou politie), et leurs formes corrompues : la tyrannie, l’oligarchie et la démocratie.

Proche d’Aristote sur ce point, Jean-Jacques Rousseau distingue, selon le nombre des gouvernants, trois formes de gouvernements (Du contrat social, 1762) : la démocratie, lorsque « tout le peuple ou la plus grande partie du peuple » exerce la souveraineté ; l’aristocratie, lorsque la souveraineté est détenue par une minorité ; la monarchie, enfin, quand le gouvernement est concentré « dans les mains d’un magistrat unique dont tous les autres tiennent leur pouvoir ». Pour Rousseau, chaque forme de gouvernement est « la meilleure en certains cas et la pire en d’autres ». Mais il croit pouvoir poser la règle selon laquelle « en général » la démocratie convient aux États petits et pauvres, l’aristocratie aux médiocres en grandeur et en richesse, la monarchie aux grands États opulents.

La science politique contemporaine distingue trois types d’organisation politique : les démocraties pluralistes, les régimes autoritaires et les systèmes totalitaires. Les démocraties pluralistes légitiment les désaccords, les régimes autoritaires en prohibent l’expression publique, les systèmes totalitaires ambitionnent de les extirper par un remodelage des mentalités.

3 LES DÉMOCRATIES

La démocratie est l’exercice direct des responsabilités gouvernementales par le peuple lui-même. L’idée de démocratie directe est donc utopique en ce qu’elle méconnaît les données objectives les plus simples de l’activité gouvernementale et de l’existence humaine. Seule une démocratie représentative (voir représentatif, système) est, en pratique, possible.

La théorie constitutionnelle distingue classiquement deux idéaux types, susceptibles concrètement de nombreuses variantes : les régimes parlementaires où le gouvernement, responsable devant une assemblée susceptible d’être dissoute, exerce un pouvoir au nom d’un chef d’État irresponsable, et les régimes exécutifs où le pouvoir gouvernemental et les assemblées délibératives sont autonomes.

Dans les régimes parlementaires, la capacité de l’assemblée d’obtenir la démission du ministère est censée être équilibrée par l’exercice éventuel du droit de dissolution. Le chef de l’État (monarque au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, président de la République en Italie ou en France) symbolise l’unité au-dessus des divisions partisanes. Généralement, le Parlement comporte deux Chambres à pouvoirs inégaux. La première, seule issue du suffrage universel direct, exerce la plénitude du contrôle de l’exécutif avec le pouvoir de censurer le gouvernement ; la seconde a des prérogatives plus limitées, justifiées généralement par son mode de désignation.

Pratiquement, les régimes parlementaires se sont développés selon deux types. Dans le premier cas, appelé régime d’assemblée, le régime parlementaire se caractérise par l’affaiblissement des organes exécutifs. L’exemple le plus connu est la Constitution française de 1946 (voir République, IVe). Dans le deuxième cas, que l’on peut appeler « exécutif dominant », le régime parlementaire est rationalisé par certaines règles (maîtrise par le gouvernement de l’ordre du jour de l’assemblée, limitation de la durée des sessions parlementaires). Ce régime est fréquent dans les régimes parlementaires contemporains (France, Grande-Bretagne, Suède, Allemagne).

Dans le régime présidentiel, le chef de l’exécutif ne peut dissoudre le parlement et celui-ci ne peut renverser le gouvernement. L’exemple type en est la Constitution des États-Unis d’Amérique. Le président des États-Unis est élu au suffrage universel (quoique indirect). Celui-ci lui confère une légitimité incontestable face aux deux Chambres du Congrès.

4 LES RÉGIMES POLITIQUES AUTORITAIRES

Les régimes dictatoriaux ont en commun de confisquer le pouvoir au profit du gouvernement en place. Celui-ci s’attribue un monopole absolu et ne tolère aucune procédure susceptible de remettre en cause sa domination. Les mécanismes de l’alternance, comme les élections, sont supprimés. L’ordre est maintenu avec fermeté voire brutalité. Une censure, avouée ou occulte, limite l’information. Cependant, à la différence des régimes totalitaires, les régimes autoritaires n’exigent pas des citoyens qu’ils partagent intimement l’idéologie des gouvernants.

Le verrouillage institutionnel étroit est la principale préoccupation des dirigeants, soucieux d’empêcher toute remise en cause de leur présence au pouvoir. Une première manière d’opérer consiste à interdire purement et simplement toutes les activités politiques organisées (partis, syndicats, associations civiques). Une seconde manière revient à contrôler étroitement la vie politique, et notamment l’appareil d’État, depuis le sommet jusqu’à la base.

Les dictatures personnelles appuient leur pouvoir sur l’individu. Elles sont fréquentes dans le tiers-monde. Le dictateur acquiert le pouvoir par la violence et le conserve par la répression.

Souvent, la dictature se déclare au service d’une cause qui la dépasse et la légitime. Il s’agit toujours d’une cause sacrée (dictature de salut public, dictature révolutionnaire, dictature nationaliste). Les dictatures nationalistes se rencontrent aujourd’hui surtout dans les pays du tiers-monde et tendent souvent à dégénérer en dictatures personnelles (Saddam Hussein en Irak). Le franquisme peut être pris comme l’exemple d’une dictature nationaliste réactionnaire ; le régime de Franco visait à maintenir l’ordre social, les valeurs du catholicisme traditionnel et ce qu’il considérait comme l’identité espagnole face au péril révolutionnaire. Le fascisme italien présentait les traits d’une dictature personnelle, avec le culte institutionnalisé de Mussolini, mais il était aussi une dictature nationaliste, dans la mesure où il visait à créer un empire colonial et, plus généralement, à relever un orgueil national bafoué.

5 LES TOTALITARISMES

Le système totalitaire est une réalité spécifique. Le nazisme (voir National-socialisme) et le communisme, dont Hannah Arendt a montré les profondes affinités, ont fourni des illustrations incontestables de cette catégorie. À la différence des régimes autoritaires, les régimes totalitaires n’ont pas pour seule ambition d’instaurer un monolithisme purement extérieur, c’est-à-dire un ordre public apparent, sans discordances audibles. Il leur faut obtenir l’adhésion active et sans réserves à leur projet de société. Comme l’écrit Hannah Arendt : « Le totalitarisme diffère par essence des autres formes d’oppression politique que nous connaissons, tels le despotisme, la tyrannie et la dictature… Le régime totalitaire transforme toujours les classes en masses, substitue au système des partis non pas des dictatures à parti unique mais un mouvement de masse, déplace le centre du pouvoir de l’armée à la police et met en œuvre une politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde. » Le régime totalitaire s’appuie sur quatre éléments : le culte paroxystique du chef, le monopole idéologique, le contrôle de tous les moyens de pouvoir et de persuasion, le système policier et concentrationnaire.

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législatif, pouvoir

législatif, pouvoir

1 INTRODUCTION

législatif, pouvoir, ensemble des organes représentant le corps politique dans le système de la démocratie représentative, qui ont pour fonction d'élaborer et de voter la loi ainsi que de contrôler l'action du gouvernement. La notion de pouvoir législatif découle de la séparation des pouvoirs, qui implique une stricte distinction entre le Parlement, détenteur de l'initiative en matière législative, et l'exécutif, responsable devant les assemblées parlementaires. Le pouvoir législatif est détenu par un ou deux corps législatifs élus au suffrage universel, selon que le système représentatif est organisé autour d'une chambre (monocamérisme) ou de deux chambres (bicamérisme). L'histoire du pouvoir législatif accompagne celle du parlementarisme, de sa naissance, issue de la volonté manifestée par les gouvernés de déterminer le montant des ressources qu'ils affectent à l'État, à son affaiblissement actuel, en liaison avec le renforcement du pouvoir exécutif observé dans les démocraties contemporaines.

2 L'ANGLETERRE, BERCEAU DU PARLEMENTARISME

C'est en Angleterre que s'est développée, à partir du XIIIe siècle, l'idée que le pouvoir du roi devait être contrôlé par une assemblée. Le régime parlementaire anglais, qui a servi de modèle à la conception de la séparation des pouvoirs développée par Montesquieu, est né grâce à une institution, le Magnum concilium, conseil de féodaux qui assistaient le roi et dont la fonction était à l'origine purement consultative. Dès le XIIIe siècle, cependant, le Magnum Concilium fut habilité à consentir l'impôt et à présenter des pétitions (bills). Mais ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle, après une longue crise politique et deux révolutions, que le Parlement acquit un véritable statut juridique (bill des droits complété par l'Acte d'établissement) qui institutionnalisait son rôle politique, consistant dans le vote des lois et le contrôle de l'action des ministres. Progressivement, l'autorité du roi fut transférée à un conseil des ministres et les ministres virent leur responsabilité politique engagée devant le Parlement. Dès la fin du XVIIIe siècle, le régime parlementaire anglais devint un modèle politique pour toute l'Europe.

Le Parlement anglais comprend deux chambres, la Chambre des lords et la Chambre des communes. La première ne joue plus qu'un rôle politique modeste depuis la réforme électorale de 1832 et surtout depuis les Parliaments Acts de 1911 et de 1949 qui ont amoindri ses pouvoirs au bénéfice de la Chambre des communes. La Chambre des lords, composée de 1 350 membres dont 800 lords héréditaires, n'exerce plus qu'une sorte de magistère moral. La Chambre des communes, élue pour cinq ans au scrutin majoritaire à un tour, compte 635 députés. Elle possède en théorie l'initiative en matière législative, siège en commission et contrôle le gouvernement par le biais des questions orales. En fait, en Grande-Bretagne comme dans la plupart des démocraties occidentales, en raison de l'autorité croissante du Premier ministre dans la définition de la politique du pays, le Parlement a perdu ses prérogatives originelles en matière législative et budgétaire. Près de 90 p. 100 des lois sont d'origine gouvernementale, et les députés des communes n'ont plus l'initiative des dépenses. La discussion du budget se limite à 40 jours par an, ce qui est insuffisant pour mener un débat de fond. Quant au contrôle du gouvernement par la Chambre des communes, il reste limité puisque la Chambre des communes est dominée par le parti dont le Premier ministre est le leader. Ainsi la mise en cause de la responsabilité politique du gouvernement est-elle très rare. Seuls deux gouvernements ont été renversés par les communes en 1924 et en 1979. La responsabilité face au corps électoral s'est substituée ainsi à la responsabilité parlementaire, tendance observée dans la plupart des démocraties occidentales. Cependant, la Chambre des communes conserve un rôle politique important dans la mesure où elle sert de tribune politique à l'opposition qui peut ainsi dialoguer avec le gouvernement. Le speaker, qui dirige les débats de la Chambre des communes, veille avec une grande impartialité au respect des droits de l'opposition.

3 LE DÉCLIN DU POUVOIR LÉGISLATIF EN FRANCE

En France, sous la IIIe et la IVe République, le pouvoir législatif a longtemps exercé une domination sans partage sur la vie politique. Il possédait la maîtrise de la fonction législative et contrôlait le pouvoir exécutif, qui apparaissait soumis à sa tutelle. En effet, le Parlement, seule institution élue au suffrage universel, semblait revêtu d'une autorité supérieure à celle du chef de l'État. Le gouvernement, composé de parlementaires désignés par le président du Conseil, lui-même investi par le Parlement, en fonction de l'état des forces politiques, était étroitement soumis au contrôle de l'Assemblée, qui pouvait le renverser à tout moment. Cette situation conduisait à une sacralisation de la fonction législative, source d'une très importante instabilité au sein de l'exécutif.

Le Parlement sous la Ve République comprend deux chambres, le Sénat et l'Assemblée nationale. Ses 577 députés sont élus au suffrage universel direct. L'Assemblée nationale est revêtue d'une autorité supérieure à celle du Sénat, dans la mesure où, s'il existe un désaccord entre les deux chambres concernant le vote d'une loi, l'Assemblée nationale tranche en dernier recours. Le Sénat, émanation des collectivités locales, comprend 321 membres élus au suffrage universel indirect.

La Constitution de la Ve République a opéré un rééquilibrage entre le législatif et l'exécutif, qui a conduit à un accroissement des pouvoirs du gouvernement, par la mise en œuvres de techniques ressortissant à ce qu'on appelle le « parlementarisme rationalisé ». Si l'initiative des lois appartient concurremment aux membres du Parlement et au gouvernement, les propositions de loi émanant des parlementaires ne représentent que 3 à 4 p. 100 des lois votées chaque année. Ce phénomène tient en premier lieu à la définition très stricte du domaine de la loi, contenue dans l'article 34 de la Constitution (droits civils, délits et peines, impôts, statut des fonctionnaires, nationalisation, défense, droit de la propriété, droit du travail), cependant que l'article 37, pour sa part, autorise le gouvernement dans les autres domaines à édicter de façon autonome des textes ayant valeur législative, les règlements, et à prendre en vertu de l'article 38 des ordonnances dans des matières relevant du domaine de la loi, à condition d'en obtenir l'autorisation auprès du Parlement, sur la base d'un programme. Le Parlement, qui, depuis 1995, siège en session annuelle, n'est pas maître de l'ordre du jour de la discussion législative, particulièrement en matière budgétaire, où les parlementaires ne peuvent proposer des lois ou des amendements (modifications de la loi) susceptibles de diminuer les ressources publiques ou d'aggraver la dette publique. Enfin l'article 44 institue le « vote bloqué », permettant au gouvernement d'exiger de l'Assemblée qu'elle se prononce en un seul vote sur un texte en discussion en ne retenant que les amendements acceptés par le gouvernement. L'autre fonction du pouvoir législatif, le contrôle de l'action du pouvoir exécutif, reste limitée pour des raisons politiques. Si le gouvernement est responsable de son programme politique et de ses actes devant l'Assemblée nationale qui peut le renverser par le vote d'une motion de censure, cette responsabilité politique reste théorique en raison de l'existence d'une même majorité politique au sein du Parlement et du gouvernement (un seul gouvernement a été renversé sous la Ve République en 1962). Le gouvernement est en fait responsable devant le président de la République, investi d'une légitimité propre en raison de son élection au suffrage universel, et qui dispose du pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale exerce cependant une certaine activité de contrôle au moyen des questions orales, des questions au gouvernement (instaurées en 1974), des débats à la suite des déclarations du gouvernement. Enfin, l'Assemblée nationale et le Sénat peuvent constituer des commissions d'enquête depuis les lois de 1977 et de 1991, mais leur efficacité est encore loin d'égaler celle du Congrès américain.

Sous la Ve République, le Parlement a vu ainsi son pouvoir s'affaiblir. L'élection au suffrage universel du président de la République et la personnalisation du pouvoir qui s'en est ensuivie lui ont conféré une légitimité moindre, sauf en période de cohabitation, où coexistent un président et un Premier ministre issus de majorités différentes. La limitation des pouvoirs du Parlement a, d'autre part, été accrue par l'instauration du Conseil constitutionnel, chargé d'apprécier la conformité des lois votées avec la Constitution et dont la réforme de 1974, permettant sa saisine directe par 60 parlementaires, a multiplié les possibilités d'intervention. Par ailleurs, les institutions européennes (notamment la Commission européenne et le Parlement européen) ont reçu le pouvoir de prendre des règlements directement applicables sur le territoire des États-membres de l'Union, ce qui constitue un facteur supplémentaire d'affaiblissement de tous les parlements nationaux. Enfin, l'instauration du référendum a dépossédé le Parlement d'une partie de ses compétences législatives. L'extension de son champs d'application dans les domaines économiques et sociaux depuis la loi constitutionnelle de 1995 est susceptible d'accentuer encore ce phénomène.

4 UN POUVOIR LÉGISLATIF FORT : LE CONGRÈS AMÉRICAIN

L'affaiblissement du pouvoir législatif constaté dans la plupart des démocraties occidentales ne se retrouve pas, paradoxalement, dans les pays où il existe traditionnellement un pouvoir présidentiel fort ; l'exemple des États-Unis montre en effet que l'exécutif doit composer avec un pouvoir législatif puissant, qui assure ainsi un certain équilibre au système. L'organe législatif américain, le Congrès, est composé de la Chambre des représentants et du Sénat. La Chambre des représentants compte 435 membres élus par les citoyens pour deux ans au scrutin majoritaire uninominal proportionnellement au nombre des habitants des États. Le Sénat, qui se renouvelle par tiers tous les deux ans, compte deux sénateurs par État, quelque soit le chiffre de sa population, soit 100 membres en tout élus pour six ans. Le Congrès est indépendant par rapport au Président, il ne peut être dissous par lui et il possède la maîtrise de l'ouverture et de la clôture de sa session annuelle. La fonction législative est l'attribution essentielle du Congrès, fonction qu'il ne peut exercer, cependant, que sous le contrôle du Président et de la Cour suprême. Selon la Constitution américaine, l'initiative des lois appartient aux membres du Congrès (et non au Président). Les propositions de loi sont d'abord examinées en commissions spécialisées qui décident de l'adoption ou du rejet d'une loi. Le texte de loi, une fois examiné en commission, est voté et amendé à la Chambre. La loi adoptée par une chambre passe devant l'autre. En cas de désaccord, une commission de conciliation (Conference Committe) est chargée d'établir un texte de compromis. Lorsque la loi (bill) est votée par les deux assemblées en termes identiques, elle est transmise au Président, qui doit le signer afin qu'elle ait valeur exécutoire. Mais le Président, qui dispose d'un droit de veto, peut refuser de signer cette loi, et reporter un nouvel examen jusqu'à la session suivante. Enfin, la Cour suprême vérifie si la loi n'est pas contraire aux dispositions constitutionnelles. Le pouvoir législatif du Congrès est plus important que celui qui est dévolu aux parlements européens, mais ce pouvoir s'intègre dans un système de freins et de contrepoids avec le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Ainsi, les deux chambres ont-elles des prérogatives en matière financière illimitées en votant le budget, et en autorisant recettes et dépenses. Enfin, le Sénat jouit dans les textes de certaines prérogatives comme le pouvoir de confirmation des fonctionnaires fédéraux et la ratification des traités internationaux. En fait, ces pouvoirs propres ont été modifiés par la coutume. Ainsi le Sénat approuve-t-il systématiquement les nominations proposées par le Président. Ce dernier, afin de conserver sa pleine indépendance dans la conduite de la politique étrangère, peut signer lui-même certains traités et ne pas les soumettre au Sénat. Le Congrès exerce un pouvoir de contrôle sur l'exécutif par la mise en place de commissions d'enquête (hearings) devant lesquelles les collaborateurs du Président peuvent être appelés à comparaître. Cette pratique confère un grand pouvoir d'investigation et d'enquête au Congrès. Enfin les deux chambres peuvent exercer un contrôle judiciaire sur le Président en ayant la possibilité de le destituer par la procédure de l'impeachment, qui fut employée en 1974 contre Richard Nixon, à l'occasion du scandale du Watergate. Ainsi, face à un président puissant, irresponsable devant les chambres et dont les prérogatives sont allées croissantes à partir de l'arrivée au pouvoir de F.D. Roosevelt, en 1933, le Congrès, outre sa fonction législative, joue un véritable rôle de contre-pouvoir, essentiel au fonctionnement de la démocratie américaine.

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souveraineté

souveraineté

1 INTRODUCTION

souveraineté, principe abstrait qui désigne l’instance détentrice de l’autorité légitime.

D’origine divine ou humaine, la souveraineté exprime l’identité du corps politique duquel émane la capacité à édicter des normes et le devoir d’obéissance. La caractéristique la plus remarquable de la souveraineté est son double aspect, illimité et originaire. Elle est conçue comme un pouvoir absolu, suprême, sans concurrent. Ce que les auteurs allemands ont désigné par la compétence de la compétence (Kompetenz Kompetenz) : le souverain décide lui-même de l’étendue de son pouvoir, ce qui représente le stade ultime du pouvoir.

2 SOUVERAINETÉ ET ÉTAT

La souveraineté, dans le monde contemporain est une caractéristique qui s’attache essentiellement à l’État. L’État représente, en effet, la seule entité que l’on peut proprement qualifier de souveraine : lui seul ne reconnaît aucun pouvoir au-dessus de lui. La souveraineté revêt une double dimension, interne et externe. La souveraineté de l’État comprend aussi le monopole de l’usage de la contrainte légitime à la fois à l’intérieur, à l’égard des personnes établies, ou transitant sur son territoire — ce qui correspond à la souveraineté territoriale de l’État — et à l’extérieur, à l’encontre des autres entités souveraines de l’ordre international, afin de défendre sa propre souveraineté. Nulle personne ne saurait, en son sein, user de la force sans son consentement et sans son contrôle, sans remettre gravement en cause le caractère souverain de l’État. Aussi bien, le monopole de l’usage légal du pouvoir coercitif constitue la raison même de la naissance de l’État au-dessus de la société, en vue de préserver la sécurité de tous dans la pensée de Thomas Hobbes (Léviathan, 1651). Ce monopole réside au cœur de la définition que le sociologue allemand Max Weber donne de l’État moderne.

Toutefois, il apparaît qu’une conception par trop absolue de la souveraineté comporte deux limites. D’abord, elle représente un danger pour ceux qui y sont soumis. Ensuite, elle ne rend pas compte de la soumission du souverain au droit, condition pourtant indispensable à la réalisation de l’État de droit et de la démocratie. Toute souveraineté absolue comporte des virtualités de despotisme et d’arbitraire.

Sur le plan interne, la souveraineté de l’État implique que celui-ci ne soit subordonné à aucune autre entité, que sa volonté prime celle de toutes les autres personnes morales ou physiques dans et hors de lui. Le souverain détient un pouvoir originaire, c’est-à-dire qui n’émane que de lui-même et qui l’autorise à édicter ses propres règles, lois et règlements, librement, sans considération des règles extérieures à lui. Ce pouvoir est, en outre, illimité. Il peut s’exprimer dans tout domaine, sous toutes les formes, sans entraves. Telle est, du moins, la théorie de la souveraineté élaborée par les juristes pour décrire et asseoir la situation de l’État moderne. C’est pourquoi la pensée politique a tenté de rechercher des fondements à la limitation, ou à l’autolimitation, du pouvoir souverain.

3 HISTOIRE DES CONCEPTIONS DE LA SOUVERAINETÉ
1 La conception théologico-politique de la souveraineté

Sous l’Ancien Régime, la souveraineté réside tout entière dans la personne du roi, et elle revêt une origine divine. Le roi est le souverain par la grâce de Dieu. Une première formalisation de la souveraineté, toujours à l’intérieur du modèle théologico-politique, a consisté à détacher la souveraineté de la personne physique du roi afin de préserver la permanence. En effet, le roi étant (malgré tout) mortel, il convenait de situer le pouvoir souverain hors de son enveloppe charnelle, afin que ce pouvoir échappe aux vicissitudes du corps du roi, et pour éviter qu’une situation de vacuité du pouvoir politique ne survienne. C’est ce qu’expriment les formules traditionnelles de la monarchie française : « le roi ne meurt jamais », « le roi est mort, vive le roi » ; ou encore la métaphore médiévale élisabéthaine « le roi a deux corps, un corps naturel et un corps politique ».

La seconde réflexion a visé à limiter l’étendue du pouvoir souverain. À cette fin, les légistes, les théologiens et les philosophes se sont accordés pour considérer que le roi exerçait le pouvoir souverain sous l’œil de Dieu : absolu, grâce à la légitimité divine en lui déposée, le pouvoir du roi est limité par la loi même qui lui confère l’autorité, ainsi que l’exprime Jean Bodin dans ses six livres de la République (1576). C’est finalement le droit naturel, d’origine divine, qui sépare le pouvoir absolu, reconnu au roi, du pouvoir arbitraire qui lui est dénié. Le roi, et avec lui la souveraineté qu’il incarne, sont par conséquent soumis au droit naturel.

2 Laïcisation du concept de souveraineté à partir du XVIIe siècle

Le concept de souveraineté évolue néanmoins à partir du XVIIe siècle, parallèlement au mouvement de sécularisation du pouvoir politique qui accompagne l’avènement de l’État moderne. La laïcisation de la souverainté apparaît comme une évolution liée à la formation des États-nations. La souveraineté n’est plus associée à une transcendance, dès lors que la société politique est pensée comme résultant d’un accord volontaire et libre entre ses membres. Ces conceptions sont développées dans les théories du contrat social de Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau. Désincarnée, la souveraineté devient un lieu inappropriable, occupé seulement transitoirement par des titulaires. Dans le même mouvement, le pouvoir politique originaire, qui deviendra bientôt le pouvoir constituant, celui de forger pour soi sa propre constitution, sa Loi fondamentale, se trouve transféré du prince à la nation ou au peuple. Ainsi, au fondement du pouvoir politique se trouve non plus un monarque, mais un corps politique formé des citoyens qui le composent. Le point d’arrivée de cette évolution est que la base du pouvoir souverain répond désormais aux critères de la démocratie, du moins dans les pays qui embrassent ce régime. Deux modalités d’exercice de la souveraineté sont alors concevables : elle peut être exercée directement par le peuple (souveraineté populaire), ou indirectement par les représentants élus de la nation (souveraineté nationale).

Ce qui change alors, au terme de ce mouvement historique, c’est le fondement de la légitimité du pouvoir, et non son étendue. La question reste donc entière dans la période contemporaine : sur quel fondement peut-on justifier une (auto-)limitation de la souveraineté ?

4 LE CONCEPT DE SOUVERAINETÉ DANS LES ÉTATS MODERNES AU XXE SIÈCLE
1 Problématique des limites de la souveraineté sécularisée

Comment, en effet, penser une norme s’imposant à l’État en dehors et au-dessus de lui, sans se référer à une entité extérieure transcendante ? Quelle instance, d’autre part, peut être investie de la compétence de définir le contenu du droit limitant le pouvoir de l’État, sinon le détenteur du pouvoir souverain originaire lui-même ?

Deux définitions de l’État de droit, c’est-à-dire de l’État souverain limité par le droit, émergent au XXe siècle. L’une, substantielle, confie au pouvoir constituant le soin d’inscrire dans la Constitution des normes de protection des droits et libertés fondamentales, qui encadreront l’activité de l’État. C’est ainsi que de nombreux préambules de constitutions d’États modernes contiennent des déclarations des droits plus ou moins précises, et plus ou moins respectées. L’autre, procédurale, et qui se combine souvent à la première, fait reposer sur des instances et des procédures préétablies la mission de faire respecter par les autorités étatiques la règle de droit, sans préjuger de son contenu. C’est le rôle qui incombe aux cours constitutionnelles instituées dans de nombreux États depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est également la fonction des juridictions supranationales, qui voient le jour en cette fin de siècle, et qui sont investies par les États eux-mêmes du pouvoir de les juger au regard de règles inscrites dans des traités internationaux, en particulier dans le domaine des droits de l’Homme. Il n’en reste pas moins que le pouvoir souverain originaire, qu’il réside dans le peuple, la nation ou le prince, demeure toujours susceptible de reprendre ce qu’il a concédé, puisque ce pouvoir est inhérent à son existence même.

2 Le problème de la souveraineté aujourd’hui et dans l’ordre international

Dans l’ordre international, les États sont, en principe, souverains et égaux, indépendants les uns des autres et tenus au respect de leur souveraineté respective, ainsi que le traduit le devoir de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Toutefois, en droit international, la souveraineté a pour contrepartie le devoir de respecter les engagements librement consentis : « les traités sont la loi des parties » ; les États sont soumis au respect des traités et conventions qu’ils signent et ratifient souverainement. L’Organisation des Nations unies (ONU) est aujourd’hui la principale organisation internationale à se porter garante des conventions, du droit et des traités internationaux.

Par ailleurs, certaines constructions politiques de la seconde moitié du XXe siècle conduisent à repenser la question de la souveraineté. Dans un monde où les interdépendances entre États vont croissant, la souveraineté paraît remise en cause à de nombreux égards, notamment par les flux transfrontaliers et la globalisation de l’économie et des échanges. Pour tenter d’apporter une solution aux défis que ce nouveau contexte impose aux États européens, certains se sont engagés dans une construction européenne, l’Union européenne, résultant du transfert à des instances supranationales de certains éléments de souveraineté. Le débat actuel porte ainsi sur les implications, pour la souveraineté des États et pour la démocratie, de l’adaptation des modes traditionnels d’exercice de la souveraineté au monde actuel ; certains y voient une périlleuse décomposition de la souveraineté.

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Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen

Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen

1 INTRODUCTION

Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, déclaration générale des droits votée par l’Assemblée nationale constituante le 26 août 1789, au début de la Révolution française, et intégrée, comme préambule, à la Constitution de 1791. Par sa portée universelle et intemporelle, cette déclaration — composée d’un préambule et de dix-sept articles — constitue l’un des textes majeurs de l’histoire mondiale. Depuis, les Constitutions françaises de 1946 et de 1958 l’ont intégrée au droit positif français.

2 HISTORIQUE

Le 17 juin 1789, les députés du tiers état des états généraux se proclament Assemblée nationale ; le 9 juillet, l’assemblée se déclare constituante. Par cette décision, les députés se donnent comme projet d’élaborer une Constitution dans laquelle les rapports entre pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire doivent être redéfinis. Il s’agit par là de refondre le régime politique et de transformer la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle.

Le même jour, Jean Joseph Mounier, député du Dauphiné, obtient du comité rédactionnel de faire précéder la Constitution à venir d’une déclaration des droits de l’Homme et insiste, à ce titre, sur les objectifs du texte : « Pour qu’une constitution soit bonne, il faut qu’elle soit fondée sur les droits de l’Homme et qu’elle les protège ; il faut connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler tous les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la Constitution puisse être la conséquence d’un principe ». C’est pourquoi, avant de voter le détail des textes qui doivent régir les rapports entre les différents pouvoirs, les députés acceptent d’adopter une déclaration exposant les principes qui les guident.

Pour ce faire, ils s’inspirent de deux précédents : celui de l’Habeas Corpus anglais et celui de la Déclaration d’Indépendance dans laquelle, en 1776, les révolutionnaires américains ont exposé leurs principes. Mais, outre l’influence des déclarations antérieures, les philosophes du xviiie siècle, en particulier Locke, Voltaire, Montesquieu et Rousseau, ont également une grande influence sur les rédacteurs. C’est pourquoi la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen », placée en tête de la Constitution, revêt une grande originalité : à la différence de la déclaration américaine, la déclaration française est dépouillée de toute préoccupation nationale et surprend par l’audace de son propos. La Révolution française affirme par là même son caractère absolu et universel.

Le comité rédactionnel — créé le 6 juillet 1789 par l’Assemblée nationale pour examiner la question constitutionnelle — reçoit bientôt les projets de Mounier, La Fayette (rédigé avec l’aide de l’auteur de la Déclaration d’Indépendance américaine, Thomas Jefferson), Lally-Tollendal et Servan, Sieyès et Clermont-Tonnerre. Au lendemain de la nuit du 4 août, un comité de cinq membres (le sixième bureau) est institué pour effectuer une synthèse des propositions, laquelle est lue par Mirabeau devant l’Assemblée le 18 août. Le texte suscite immédiatement de vives critiques et les députés décident de prendre pour base les projets de La Fayette, Sieyès et du sixième bureau de l’Assemblée.

Rédigée sous forme d’articles simples et courts, émettant des principes généraux, elle a en définitive pour principaux rédacteurs Sieyès, Condorcet, La Fayette, Mounier et Mirabeau. Le 26 août, le préambule et les 17 premiers articles sont adoptés par l’Assemblée. Néanmoins, en dépit de son importance, ce texte reste inachevé : la rédaction est interrompue à l’ouverture de la séance du 27 août 1789 par l’accord unanime sur la nécessité de se consacrer en priorité à la rédaction du détail de la Constitution. Quatre ans plus tard, cette déclaration est remplacée dans la Constitution de 1793 par une nouvelle déclaration, laquelle n’apporte que des retouches au texte initial.

3 OBJECTIFS ET CONTENU DE LA DÉCLARATION

La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen remplit plusieurs fonctions. Elle offre d’abord une légitimité à une Assemblée constituante qui s’est autoproclamée comme telle et qui, pour cette raison même, peut être contestée. En mettant en avant les droits inaliénables et sacrés de l’individu en société — que l’Assemblée se borne à exposer et à servir —, les députés donnent à leur mission une autorité qui lui faisait jusqu’alors défaut : s’appuyant sur des fondements naturels, leurs revendications ne peuvent être désormais taxées de prétentions arbitraires.

Mais la Déclaration a surtout pour objectif d’instaurer un nouvel ordre politique fondé sur des principes issus de la philosophie des droits naturels : l’influence de Rousseau, de Voltaire, de Montesquieu et plus généralement de l’idéal des Lumières est omniprésent.

Dans l’esprit de Sieyès, la Déclaration doit permettre d’assurer la plénitude des droits naturels de l’Homme, inhérents à chaque individu en raison de sa qualité d’humain et de membre d’un corps social. Au premier rang d’entre eux se placent la liberté et l’égalité civique. Parmi les droits individuels, la liberté fait l’objet du plus grand nombre d’articles (articles 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 17), qui affirment la liberté individuelle, d’opinion et de la presse, mais ne mentionnent pas la liberté de domicile, d’association et d’enseignement. L’égalité de droits (loi identique pour tous, accès aux emplois publics, fiscalité) est précisée aux articles 6 et 13. Le droit de résistance à l’oppression (article 2) légitime l’action des révoltés du 14 juillet (voir Bastille, prise de la). Enfin, objet de vifs débats, la propriété est définie à l’article 17 comme un droit inaliénable et sacré : aux yeux des révolutionnaires, l’indépendance économique de l’individu est en effet la garantie du libre exercice de sa souveraineté politique.

Pourvu qu’ils respectent les droits d’autrui, garantis par la loi, les citoyens doivent connaître eux-mêmes la plus totale liberté de culte, d’opinion, d’expression, etc. Les questions religieuses sont d’emblée au centre des débats. Les membres du clergé, représentant un quart des députés, souhaitent que le catholicisme soit déclaré religion d’État. La question est finalement tranchée par l’article 10 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses. »

La Déclaration cherche par là à éviter l’arbitraire d’un pouvoir personnel. L’État, dans ce cadre nouveau, ne trouve plus sa fin en lui-même mais dans la conservation et la garantie des droits naturels. La Déclaration affirme également le principe de souveraineté du peuple : le pouvoir réside désormais dans la nation qui en délègue l’exercice à un Parlement. Les droits de la nation (articles 3, 6, 12, 13, 14, 15, 16) mettent un terme à l’absolutisme et posent les assises de la société à venir. La monarchie n’est pas même mentionnée, le principe de toute souveraineté résidant dans la nation (article 3). La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen prépare la voie à la république et à l’instauration du suffrage universel. Ce même souci de lutte contre l’arbitraire est à la source de l’affirmation de la séparation des pouvoirs (article 16), directement inspiré des idées de Montesquieu.

4 PORTÉE DE LA DÉCLARATION

Les idéaux fondamentaux de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression », sont les fondements du libéralisme du xixe siècle, même s’ils n’ont pas été appliqués dans la France révolutionnaire. Le texte du 26 août 1789 est cependant devenu le dogme de la Révolution et a inspiré toutes les déclarations ultérieures.

La Déclaration de 1793 a un caractère plus social, posant l’égalité comme un droit naturel fondamental, et citant également les droits au travail, à l’assistance et à l’instruction. Celle de 1795, plus conservatrice, supprime l’article « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », afin de permettre le rétablissement du suffrage censitaire, et mentionne également les devoirs des citoyens. En 1948, l’ONU a voté une Déclaration universelle des droits de l’Homme, inspirée de celle de 1789, qui affirme la liberté et l’égalité de tous les hommes.

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contrat social, théories du

contrat social, théories du

1 INTRODUCTION

contrat social, théories du, réflexion politique et philosophique, développée aux XVIIe et XVIIIe siècles par les philosophes du droit naturel, postulant que l’individu se trouve au fondement de la société et de l’État, lesquels naissent de l’accord volontaire entre des individus libres et égaux.

2 LES ORIGINES DES THÉORIES DU CONTRAT SOCIAL

Les origines des théories du contrat social sont à rechercher dans le profond bouleversement que connaît l’Europe occidentale aux XVIIe et XVIIIe siècles dans sa représentation de la société. Alors que, jusqu’au XVIIe siècle, la communauté sociale était pensée comme une communauté naturelle, voulue par Dieu, certains auteurs, tel Thomas Hobbes, s’efforcent de donner à la société des justifications purement laïques. Hobbes distingue ainsi un « avant » de la société, fonctionnant selon l’ordre naturel mais désordonné, et un « après », qui trouve son fondement, non plus dans l’autorité divine, mais dans la volonté humaine. La société humaine n’est donc plus le simple prolongement de l’état de nature, mais, bien au contraire, l’œuvre de l’homme.

En même temps que s’effondrent les justifications naturelles de l’ordre social, les XVIIe et XVIIIe siècles voient se développer l’individualisme. Le problème majeur qui se pose alors aux penseurs des Lumières est de trouver des règles établissant l’ordre social tout en respectant l’individu et sa liberté.

3 LES PHILOSOPHIES DU CONTRAT

Fonder un ordre social sur l’individu qui garantisse les libertés de chacun, telle est la préoccupation qui guide Thomas Hobbes et John Locke, en Angleterre, Jean-Jacques Rousseau, en France, lorsqu’ils élaborent leurs théories du contrat social. Hobbes est le premier, dans le Léviathan (1651), à voir, dans la soumission volontaire des hommes à la loi, la naissance de la société. Cette idée est reprise par Locke, mais Rousseau, écrivant Du contrat social (1762), donne à la théorie du contrat sa forme la plus aboutie.

Selon ces auteurs, l’ordre social repose sur un contrat originel, qui s’appuie lui-même sur le désir de sociabilité des hommes, lesquels se dépossèdent volontairement de leurs droits et les transfèrent à une autorité supérieure chargée d’édicter l’ensemble des règles régissant la vie en société. Ces règles sont l’objet d’une discussion sur ce que doivent être les fins de l’ordre ainsi établi. L’ordre social est arbitraire : il ne repose pas sur une quelconque volonté divine, mais bien sur un accord entre des hommes libres.

Le contrat permet non seulement de fonder laïquement l’ordre social, en faisant l’économie de toute volonté divine, mais également de respecter la liberté individuelle. Comme le souligne en effet Rousseau, « chacun lors du contrat se donnant à tous ne se donne à personne » : certes, l’individu cède ses droits au souverain, mais le souverain n’est autre que le peuple lui-même. Grâce au contrat social, les individus sont donc, tout à la fois, sujets et auteurs de la loi, édictée par tous et pour tous : chacun n’obéit qu’à lui-même, chacun est donc libre. La loi apparaît ainsi comme l’expression de la volonté générale, supérieure et différente de la simple agrégation des intérêts égoïstes.

De ce schéma, Rousseau déduit la conception idéale de l’organisation politique : elle ne peut, selon lui, être que démocratique et directe : la puissance législative doit appartenir directement au peuple qui, en tant que souverain absolu, peut seul se représenter lui-même.

4 LES PROLONGEMENTS AUX XIXE ET XXE SIÈCLES

Les philosophies du contrat social ont eu une influence déterminante sur l’évolution des doctrines politiques au XIXe siècle. On peut, par exemple, voir dans la Révolution française une tentative de mettre en pratique un certain nombre des idées développées par les philosophes du siècle précédent. Mais l’influence des théories du contrat, et plus particulièrement celle de Rousseau, dépasse la seule expérience révolutionnaire pour s’étendre à toute la pensée libérale du XIXe siècle.

Et même, d’un point de vue théorique, les années soixante-dix, avec des auteurs comme John Rawls, philosophe américain, ont vu un retour des analyses en terme de contrat social. Rawls, cherchant à fonder philosophiquement l’État-providence dans Une théorie de la justice (1971), élabore un nouveau contrat social pour proposer une définition de ce qu’est une société juste. S’éloignant, par les buts qu’il poursuit et par la défense de l’intervention de l’État, du libéralisme strict, il renoue avec les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, témoignant de la prégnance des philosophies du contrat dans la philosophie contemporaine.

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Bibliographie


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