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croissance

Étapes de la croissance économique | transition démographique | baby-boom | immigration | démographie | démographie historique | division du travail | travail | taylorisme | fordisme |

 

Étapes de la croissance économique

LES DIFFÉRENTES ÉTAPES LES CARACTÉRISTIQUES DES ÉTAPES DE LA CROISSANCE
Société traditionnelle Société agricole, stationnaire, où la terre constitue l’unique source de richesses.
Les perspectives de changement sont inexistantes.
La structure sociale est très hiérarchisée.
Phase des conditions préalables au décollage Les notions de changement et de progrès se diffusent largement.
L’épargne et l’investissement augmentent.
Décollage ou « take off » Phase de courte durée au cours de laquelle les branches motrices émergent.
La croissance devient régulière et crée un processus cumulatif, auto-entretenu.
Passage à la maturité Diffusion du décollage à l’économie dans son ensemble.
De nouvelles industries se substituent aux anciennes; les productions se diversifient.
Ère de la consommation de masse Les besoins essentiels sont satisfaits.
Politique sociale de bien-être ou de puissance économique.

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transition démographique

transition démographique

1 INTRODUCTION

transition démographique, phase de mutation par laquelle une population passe d’un régime démographique de type traditionnel (caractérisé par des taux de natalité et de mortalité élevés) à un régime démographique de type moderne (marqué par une natalité et une mortalité faibles). Dans les deux cas, l’accroissement naturel est lent et la population augmente peu. Le passage de l’un à l’autre, en revanche, se traduit par une véritable explosion démographique. Voir démographie.

2 UN MODÈLE D’ÉVOLUTION THÉORIQUE

La transition démographique est un modèle d’évolution reposant sur un certain nombre de similitudes dans l’histoire démographique des populations.

1 L’ancien régime démographique

Tous les peuples ont connu, jusqu’à un passé plus ou moins récent, l’ancien régime démographique propre aux sociétés rurales traditionnelles (voir monde rural). La forte fécondité des femmes — 6 à 8 enfants par femme — y compensait une effroyable mortalité infantile (voir taux de mortalité). La natalité était très élevée — 40 à 45 p. 1 000 —, la population n’exerçant aucune limitation des naissances. Toutefois, cette forte natalité était en grande partie annihilée par une terrible mortalité — environ 40 p. 1 000 —, aggravée par de nombreux cas de surmortalité accidentelle — famines, épidémies et guerres. L’accroissement naturel, par conséquent, se trouvait limité, l’espérance de vie à la naissance excédant rarement 30 ans.

2 Les étapes de la transition démographique

Le passage de taux de natalité et de mortalité élevés à des niveaux beaucoup plus faibles reflète l’évolution progressive des sociétés rurales prolifiques vers des sociétés industrielles et urbaines désireuses de limiter le nombre d’enfants.

D’une façon générale, la chute de la mortalité précède la baisse de la natalité, le décalage chronologique provoquant une explosion démographique. La transition se déroule donc en deux phases : dans un premier temps, la mortalité, et en particulier la mortalité infantile, diminue rapidement grâce aux progrès sanitaires et médicaux, tandis que la natalité reste abondante en raison d’une fécondité toujours élevée. Pendant cette période transitoire, qui peut être plus ou moins longue, la population enregistre d’importants excédents de naissances et connaît un très fort accroissement naturel.

Dans une seconde phase intervient une baisse de la natalité liée à l’émergence de pratiques destinées à limiter les naissances (voir contrôle des naissances) : la fécondité se réduit du fait de la diminution de la mortalité infantile, le rythme de la croissance ralentit, tandis que l’espérance de vie augmente jusqu’à atteindre un niveau élevé.

3 Le régime démographique moderne

La transition démographique s’achève lorsque la population se stabilise ; les pays entrent alors dans le régime démographique moderne qui conjugue faible natalité et faible mortalité. La fécondité, désormais réduite — 2 enfants ou moins par femme en moyenne —, se situe en dessous du seuil de renouvellement des générations, d’où un processus de vieillissement des populations. À ce stade de maturité démographique, la croissance est à nouveau très lente, mais sur un mode radicalement différent du régime traditionnel.

La situation démographique actuelle oppose les pays développés, qui ont achevé depuis longtemps leur transition démographique, aux pays en voie de développement qui s’y sont engagés plus récemment et se trouvent aujourd’hui à différents stades.

3 LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS
1 L’impact de la révolution industrielle

Le régime démographique moderne est exclusivement le fait des pays développés, constatation mettant en évidence l’étroite relation entre mutation démographique et évolution économique. Dans la plupart d’entre eux, en effet, la transition démographique s’est effectuée entre la fin du xviiie siècle et la première moitié du xxe siècle, soit au cœur des révolutions industrielle et agricole. C’est l'Europe qui, la première, a amorcé le processus. La mortalité commence à reculer dès le xviiie siècle, avec l’amélioration de l’alimentation et la disparition des famines, puis cette tendance à la baisse s’accélère aux xixe et xxe siècles, grâce aux progrès de l’hygiène et de la médecine.

2 De l’Europe à l’Amérique du Nord : une natalité toujours importante

À l’exception de la France, la natalité est restée longtemps abondante, si bien que la population européenne a enregistré un fort excédent naturel, avec un taux de croissance annuel de 1 à 1,5 p. 100 en moyenne. Certains États européens voient ainsi leur population multipliée par trois ou quatre en l’espace de 150 ans. Le phénomène s’étend rapidement à l’Amérique du Nord, vers laquelle affluent les « surplus » humains du Vieux Continent.

3 Le « spectre » du vieillissement de la population

Puis, sous l’effet de l’augmentation du niveau de vie et de l’urbanisation, la fécondité commence, à son tour, à décliner. Cette deuxième phase de la transition débute au cours du xixe siècle dans les pays d’Europe occidentale au xxe siècle pour l’Amérique du Nord et le reste de l’Europe. Depuis les années soixante, la dénatalité s’accentue au point que les pays développés n’assurent plus le renouvellement des générations. Leur accroissement démographique est désormais très faible, voire négatif (certains pays, comme la Russie ou la Hongrie, voient leur population diminuer). Le taux de natalité s’établit de nos jours entre 10 et 15 p. 1 000, le taux de mortalité autour de 10 p. 1 000, tandis que l’espérance de vie atteint 70 ans et plus.

La conséquence de ce déclin démographique est le vieillissement de la population : la proportion de personnes âgées de plus de 64 ans avoisine les 15 p. 100 et celle des moins de 15 ans oscille entre 15 et 20 p. 100. L’effondrement de la fécondité représente pour ces pays un souci majeur, car il risque d’entraîner, à moyen terme, une remise en cause des structures sociales, notamment des systèmes de retraites.

4 L’EXCEPTION FRANÇAISE

La France a connu une transition démographique à la fois très précoce (dès la fin du xviiie siècle) et particulièrement rapide. En effet, tandis que les pays d’Europe de l’Ouest subissent les deux phases de la transition, la fécondité de la France baisse en même temps que sa mortalité. Dès la Révolution, la taille des familles commence à se réduire. Le poids démographique de la France, pays le plus peuplé d’Europe à la fin du xixe siècle avec 40 millions d’habitants, s’en trouve considérablement modifié. Ainsi, en 1968, la France ne compte que 50 millions d’habitants, en dépit des millions d’immigrés accueillis sur son territoire depuis un siècle (voir immigration). Si elle avait connu une transition démographique identique aux autres pays européens, il y aurait sans doute plus de 100 millions de Français aujourd’hui.

5 LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT

Dans les pays en voie de développement, la transition démographique, amorcée dans le courant du xxe siècle, est plus tardive et nettement plus rapide que dans les pays riches. Ses effets sont amplifiés par le recul accéléré de la mortalité, lui-même dû au soutien des nations développées (aides médicales et alimentaires). Il en résulte une croissance plus explosive, avec des taux d’accroissement naturel partout supérieurs à 2,5 p. 100 à la fin des années soixante, la population allant jusqu’à décupler dans certains cas. À l’inverse des pays riches, les pays en voie de développement sont aujourd’hui confrontés aux nombreux problèmes posés par l’extrême jeunesse de leurs habitants — alimentation, habitat, éducation, santé, emploi, etc. —, les moins de 15 ans constituant souvent plus de 40 p. 100 de la population, pour seulement 4 à 5 p. 100 de plus de 64 ans.

La situation est aujourd’hui très hétérogène : certains États d’Afrique noire, par exemple, commencent ou achèvent seulement la première phase de leur transition démographique, avec des taux d’accroissement naturel de 3 p. 100 par an (soit un doublement de la population en 23 ans). La fécondité reste également très élevée dans les pays du Moyen-Orient, pourtant plus développés et plus urbanisés, pour des raisons essentiellement religieuses et culturelles. La plupart des pays en voie de développement, néanmoins, sont déjà entrés dans la deuxième phase de la transition démographique : l’urbanisation croissante, la mise en place de politiques de planning familial, l’éducation scolaire (des filles notamment), ainsi que les mutations économiques et sociales ont contribué à changer les mentalités et à réduire la fécondité. La croissance naturelle, si elle diminue, demeure toutefois importante, la forte proportion de jeunes en âge de procréer maintenant la natalité à un taux élevé. Enfin, certains États d’Asie orientale, comme la Corée du Sud, Taïwan, Singapour ou la Thaïlande, ont quasiment achevé leur transition démographique.

6 L’EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE MONDIALE

Pendant des siècles, l’humanité a connu une croissance ralentie, le poids de la mort bridant considérablement l’accroissement de l’espèce humaine qui ne comptait qu’un milliard d’habitants vers 1820. La diffusion récente des techniques sanitaires et médicales, cependant, a entraîné un recul durable de la mortalité partout dans le monde. Tous les pays, ou presque, ont aujourd’hui entamé leur transition démographique. C’est ce qui explique la brutale accélération de la croissance démographique contemporaine, la population mondiale s’étant accrue, en moins d’un siècle, de 4 milliards d’habitants supplémentaires — 2 milliards d’habitants en 1920, 3 milliards en 1960, 6 milliards en l’an 2000.

Cet essor considérable est, pour l’essentiel, le fait des pays du tiers-monde. La croissance démographique mondiale est toutefois en régression depuis les années soixante-dix : le taux d’accroissement est retombé à 1,4 p. 100 par an à la fin des années quatre-vingt dix, après avoir culminé à 2,1 p. 100 par an en 1960. Les baisses récentes de la fécondité et de la natalité conjointement enregistrées dans la plupart des pays en voie de développement peuvent expliquer ce phénomène. La population mondiale continue de s’accroître à un rythme d’environ 80 millions de personnes par an. Cependant, la tendance « lourde » à la baisse s’inscrit en faux contre les craintes alarmistes d’une surpopulation de la planète et permet d’envisager une stabilisation de la population mondiale dans les décennies à venir.

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baby-boom

baby-boom

1 INTRODUCTION

baby-boom, expression qui définit une période de hausse de la natalité en Europe, plus particulièrement en France, de 1942 à 1973.

2 CAUSES ET CONTEXTE

Plusieurs éléments relatifs à la représentation de la société française, à la législation sociale, à l’économie et au quotidien des Français, participent à l’explication de ce phénomène démographique majeur du XXe siècle.

En 1944-1945, dans la paix retrouvée, face à la gageure de la reconstruction de la nation et en dépit de la pénurie, la notion d’avenir revêt une connotation positive aux yeux des Français. Une France relevée et conquérante est une France qui fait des enfants. À la Libération, le général de Gaulle réclame d’ailleurs « 12 millions de beaux bébés ».

Amorcé dès 1942, le retournement démographique s’accentue. L’acquis du Code de la famille (1939) et des allocations familiales — dès le deuxième enfant — soutiennent cet élan, favorisant ainsi la multiplication des familles de 3 enfants. Le taux de fécondité, estimé à 2,5 p. 1000 enfants par femme en 1945, passe à 2,98 dès 1946, année record depuis 1900 avec 840 000 naissances.

Cette situation est une réponse en profondeur — pas seulement conjoncturelle — au déficit de natalité datant du XIXe siècle, qui empêchait jusqu’alors le renouvellement des générations.

Dans un second temps, entre 1950 et 1955, la France entre dans la période faste des Trente Glorieuses. Le niveau et les conditions de vie s’améliorent. Sur les plans économique (croissance), médical (progrès sanitaires), du quotidien (logements, équipements, loisirs, etc.) et du long terme (promotion sociale), le mieux-être touche la plupart des couches sociales, engageant les couples à concevoir des enfants avec un regard optimiste sur leur avenir.

3 TRENTE ANNÉES DE FORTE FÉCONDITÉ

Les chiffres illustrent la rupture qui intervient entre l’avant-guerre et l’après-guerre.

Pour 630 000 naissances en 1936, on en compte 800 000 par an entre 1946 et 1973. L’apogée du baby-boom se situe en 1964 (874 000). Malgré le maintien d’un fort contingent de naissances chaque année (854 000 en 1973), le taux de fécondité décroît à partir de 1965. Puis, dès 1975, il chute.

Ce recul souligne la volonté évidente des Français, libérés des tabous (les lois Neuwirth et Veil légalisent la contraception et l’avortement en 1967 et 1975) et empreints de malthusianisme face à la crise, d’avoir moins d’enfants.

4 LES CONSÉQUENCES DU BABY-BOOM

Avec la baisse de la mortalité, l’allongement de l’espérance de vie et l’apport de l’immigration, le baby-boom est le principal levier de l’importante croissance de la population française après-guerre : 40,1 millions en 1946, 52,6 en 1975. Le rajeunissement de la population est une autre de ses conséquences : les moins de 20 ans constituaient 29,5 p. 100 de la population en 1946, ils en constituent 33,8 p. 100 en 1968. Cette massification de la jeunesse soutient et encourage certaines évolutions sociales majeures, comme la formidable extension du système scolaire entre 1945 et les années quatre-vingt.

Le baby-boom fut célébré en son temps. Aujourd’hui en revanche, son héritage — ajouté au recul de la natalité — pose à nouveau l’épineux problème du vieillissement de la population, mis en exergue à travers la question de l’avenir des régimes de retraite.

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immigration

immigration

1 INTRODUCTION

immigration, fait de séjourner de manière durable ou de s’installer définitivement dans un pays étranger. L’immigration est un phénomène très étroitement encadré par les droits nationaux qui établissent un ensemble de règles applicables à l’entrée et au séjour de personnes d’origine étrangère sur le territoire national.

2 HISTOIRE DE L'IMMIGRATION EN FRANCE

En France, l’immigration comme phénomène véritablement collectif ne date que du XIXe siècle, dans un contexte, celui de la révolution industrielle, qui encourageait d’importants flux migratoires afin de satisfaire les besoins en main-d’œuvre. C’est lors du recensement de 1851 que les étrangers sont pris en compte pour la première fois dans la population française, dont ils ne représentent alors que 1 p. 100 de la population totale, soit 380 000 personnes. À la veille de la Première Guerre mondiale, en revanche, le nombre de ressortissants étrangers dépasse le million (dont 40 p. 100 nés sur le territoire national).

Une seconde vague d’immigration a lieu après 1918 pour compenser le déficit démographique consécutif à la guerre. L’origine des immigrés se diversifie et ne se limite plus aux régions frontalières du Nord et de l’Italie, mais s’étend à l’Europe centrale, avec en tête la Pologne. Une troisième vague d’immigration est consécutive à la Seconde Guerre mondiale et concerne principalement les pays du Maghreb et du sud de l’Europe (Espagne et Portugal).

Après la suspension de l’immigration officielle en 1974, 100 000 étrangers sont autorisés à immigrer en France tous les ans, en fonction de critères précis ; ils représentent aujourd’hui environ 3,5 millions de personnes. À la fin du XXe siècle, l’immigration est majoritairement composée de ressortissants d’Afrique noire et d’Asie.

Dès le XIXe siècle, le droit de l’immigration est empreint d’une double préoccupation : d’une part, que la présence de l’étranger ne trouble pas l’ordre public, faute de quoi il encourt une mesure d’expulsion qui est prononcée par les pouvoirs publics français ; d’autre part, qu’il ne soit pas oisif et ne représente pas une charge pour la collectivité nationale.

La crise de 1929 a des répercussions immédiates sur le droit de l’immigration puisque sont mises en place un certain nombre de mesures visant l’instauration d’un contingentement (c’est-à-dire de quotas) de la main-d’œuvre étrangère. Cette période est également marquée par une forte xénophobie dans l’opinion publique. Le gouvernement de Vichy, quant à lui, remet en cause le principe même de la reconnaissance de droits aux étrangers par un certain nombre de lois, et notamment les lois antijuives. Ces lois sont abrogées à la Libération et remplacées par l’ordonnance du 2 novembre 1945, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

L’objectif poursuivi par ce texte est d’introduire au cours des années suivantes, avec méthode et intelligence, les bons éléments d’immigration au sein de la collectivité française. Il s’agit de compenser les pertes humaines dues à la guerre par un apport de main-d’œuvre étrangère, afin de reconstruire la France. La maîtrise de l’immigration est devenue un véritable problème politique à la fin des années soixante lorsque la croissance économique, constante depuis plus de vingt ans, a commencé à ralentir, puis, après le choc pétrolier de 1973, quand la soudaine augmentation du chômage a rendu l’opinion française extrêmement sensible à la présence d’étrangers en France, certains considérant que ces derniers occupaient des emplois dont seraient privés les Français. Le législateur a alors durci les conditions d’entrée des étrangers en France et a étendu les cas pouvant donner lieu à une mesure d’expulsion du territoire français (outre en cas de menace à l’ordre public, cette mesure d’expulsion pouvait être prononcée à l’encontre de tout étranger séjournant irrégulièrement en France).

L’élection de François Mitterrand en mai 1981 constitue une étape importante dans l’évolution récente du droit de l’immigration. En effet, deux grands principes ont alors marqué la politique de l’immigration : le maintien de la fermeture des frontières aux nouveaux immigrants et l’intégration des étrangers régulièrement établis en France. Les nombreuses lois qui se sont succédées, toutes marquées par le souci de lutter contre l’immigration clandestine, mais également de renforcer le régime des mesures d’éloignement et de restreindre le droit d’asile, manifestent un durcissement important de la législation concernant les étrangers.

3 CONDITIONS D’ENTRÉE DES ÉTRANGERS EN FRANCE

L’entrée sur le territoire français est subordonnée à un certain nombre de conditions, qui diffèrent sensiblement selon que l’intéressé provient d’un pays membre de l’Union européenne ou non. En effet, les ressortissants communautaires bénéficient de conditions très privilégiées depuis l’adoption de l’Acte unique européen de 1986 et la signature de l’accord de Schengen du 19 juin 1990, qui prévoient l’ouverture d’un espace sans frontières intérieures leur permettant d’entrer en France sans contrôle douanier. Toutefois, le décret du 11 mars 1994, actuellement en vigueur, offre encore aux autorités douanières la faculté d’exiger la présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. En outre, l’accord de Schengen permet aux États membres de rétablir le contrôle douanier pour des motifs d’ordre public.

Les ressortissants des pays extérieurs à l’Union européenne doivent pour leur part être en possession d’un passeport (et parfois de documents complémentaires), et un visa peut être exigé en fonction de leur pays d’origine. En effet, les ressortissants de certains pays (c’est le cas des citoyens suisses, par exemple), dont la liste est variable, sont dispensés de cette exigence, à condition qu’il s’agisse de courts séjours. Dans ce cas, un simple passeport en cours de validité suffit. Néanmoins, la plupart des ressortissants de pays étrangers doivent obligatoirement obtenir un visa français auprès des représentations consulaires françaises à l’étranger, avant même d’entamer leur voyage.

1 Le visa

Le visa consiste en une autorisation d’entrée sur le territoire français pour un temps plus ou moins long et pour une activité donnée. Jusqu’alors les consulats français disposaient du droit discrétionnaire d’accorder ou de refuser de délivrer les visas par des considérations d’ordre public, les services consulaires ayant pour mission d’apprécier les motifs animant les demandeurs de visa au vu des renseignements exigés à l’appui de leur demande. Par dérogation à la loi du 11 juillet 1979 (qui pose une obligation de motivation des actes administratifs), la loi du 9 septembre 1986 dispensait le refus de visa de toute motivation. Adopté par l’Assemblée nationale le 8 avril 1998, le projet de loi Chevènement sur l’immigration oblige dorénavant les consulats à motiver les refus pour certains étrangers, comme les conjoints, enfants et parents de Français, les bénéficiaires du regroupement familial et les « travailleurs autorisés » à exercer une activité en France.

C’est la première limite apportée par le législateur au refus d’accorder un visa, pourtant considéré comme l’un des attributs de la souveraineté de l’État. La décision de refus peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, qui ne peut opérer qu’un contrôle minimum, limité à l’erreur manifeste d’appréciation. Dans l’état actuel de la jurisprudence, le juge administratif accepte d’exercer un contrôle de proportionnalité plus poussé afin de vérifier que le refus de visa ne porte pas une atteinte excessive au droit à une vie familiale normale.

2 Les documents complémentaires relatifs à l’objet et aux conditions du séjour

Selon le décret du 27 mai 1982, l’objet de l’entrée et du séjour de l’étranger en France conditionne les documents à fournir aux services consulaires français. L’étranger peut simplement souhaiter effectuer un séjour touristique ; il doit dans ce cas pouvoir prouver par tous moyens qu’il est un touriste. Si l’étranger effectue un voyage professionnel, il doit alors prouver ses relations d’affaires avec des entreprises françaises ou situées sur le territoire national. Si l’étranger vient en France pour travailler, il doit présenter les documents exigés par l’administration (contrat de travail, notamment). Enfin, l’étranger peut effectuer une visite privée à une personne séjournant habituellement en France. Dans cette hypothèse, l’ordonnance de 1945 exigeait que la personne qui invite l’étranger signe un certificat d’hébergement. Ce dernier devait comporter un certain nombre de mentions relatives à l’identité de la personne qui envisageait de recevoir chez elle l’étranger, ainsi que des précisions sur les possibilités réelles d’hébergement. Ce document devait être signé par le maire de la commune de résidence de l’hébergeant, qui disposait d’un pouvoir d’évaluation lui permettant de ne pas signer le certificat si les conditions d’hébergement lui paraissaient douteuses. En de telles circonstances, le maire pouvait saisir l’Office des migrations internationales et lui demander d’effectuer une enquête afin de déterminer la véracité des motifs fondant la demande de certificat. Destinée à prévenir l’immigration clandestine facilitée par des personnes complaisantes ou intéressées, cette mesure présentait un certain danger pour les étrangers, en subordonnant leur entrée en France à l’aval des maires, élus très exposés aux pressions xénophobes.

Le projet de loi Chevènement supprime ce certificat et le remplace par une simple « attestation d’accueil », soumise à des conditions moins contraignantes et excluant tout pouvoir d’appréciation du maire.

Le consulat où la demande de visa est déposée peut exiger un certain nombre de garanties de la part de l’étranger, notamment que celui-ci soit en possession de moyens de subsistance suffisants pour séjourner en France (espèces, chèques de voyage, carte de paiement internationale), ainsi que d’un billet de retour dans son pays d’origine.

Certaines personnes échappent à toutes ces conditions, comme par exemple les membres du corps diplomatique, les membres d’équipage des navires, ou les membres d’une famille venant rejoindre leur parent ou conjoint dans le cadre d’une procédure de regroupement familial.

3 Le refoulement

Néanmoins, dans tous les cas, et même si l’étranger possède tous les documents exigés par les services d’immigration, les autorités françaises se réservent le droit de refuser l’accès au territoire national à toute personne susceptible de troubler l’ordre public ou de constituer une menace pour l’ordre public. De plus, ne peuvent entrer en France les personnes ayant fait l’objet d’une interdiction du territoire, ou d’un arrêté d’expulsion. Lorsque l’accès au territoire est ainsi refusé par le poste du chef de police ou de douane, il doit l’être par une décision écrite, motivée (c’est-à-dire justifiée en droit), exécutoire immédiatement. Dans ce cas, la personne fait l’objet d’une procédure de refoulement ; elle est tout d’abord placée dans l’une des zones d’attente installées dans les ports maritimes, les aéroports, les gares ferroviaires ouvertes au trafic international et légalisées par la loi du 6 juillet 1992, pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa situation. L’étranger considéré comme indésirable peut demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin et communiquer avec la personne de son choix. Le délégué du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les représentants des associations humanitaires peuvent pénétrer dans les zones d’attente. La durée maximale de la rétention administrative est de quatre jours. Au-delà, le maintien en zone d’attente ne peut être autorisé que par ordonnance du juge judiciaire, pour une durée de huit jours, renouvelable une fois (soit vingt jours maximum au total). L’intéressé quittera la zone d’attente dès que les autorités françaises auront organisé son rapatriement vers son pays d’origine ou vers un pays d’accueil, en fonction des moyens de transport disponibles.

4 LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE
1 Titres de séjour

Le séjour en France de plus de trois mois fait l’objet d’une réglementation stricte. Dans les huit jours suivant leur entrée en France, les étrangers doivent demander au préfet du département de leur résidence une autorisation de séjour. Il existe trois titres de séjour : la carte de séjour de ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, la carte de séjour temporaire et la carte de résident.

Le décret du 11 mars 1994 octroie aux ressortissants communautaires la faculté de séjourner indéfiniment en France s’ils y occupent un emploi. En outre, il étend le bénéfice de cette carte de séjour aux ressortissants n’exerçant pas d’activité professionnelle, à condition qu’ils disposent de ressources minimales et qu’ils soient couverts par une assurance maladie et maternité. Cette carte est valable cinq ans et renouvelable de plein droit.

La carte de séjour temporaire, accordée pour une durée maximale d’un an et renouvelable, doit être demandée par les étrangers ne remplissant pas les conditions d’octroi de la carte de résident. L’étranger devra en tout état de cause justifier de la régularité de son entrée sur le territoire français et être titulaire d’un visa de séjour de plus de trois mois. D’autres documents seront exigés en fonction de l’objet du séjour (études, activité professionnelle, regroupement familial). La loi Chevènement ajoute quelques catégories de bénéficiaires de la carte temporaire, dont les retraités rentrés au pays et les nouveaux époux de Français que la loi Debré laissait sans papiers pendant un an. De plus, de nouvelles cartes spécifiques pourront être délivrées aux scientifiques, aux chercheurs, aux personnes ayant « des liens personnels et familiaux en France » et aux grands malades.

La carte de résident est valable dix ans et renouvelable de plein droit, c’est-à-dire automatiquement. Elle confère à son titulaire le droit d’exercer la profession de son choix, salariée ou non, sur l’ensemble du territoire français. Certaines personnes peuvent bénéficier de plein droit de cette carte de résident, comme les étrangers ayant un lien de famille avec un Français ou les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans. Certains étrangers bénéficient de régimes spéciaux, généralement plus avantageux : il s’agit des ressortissants algériens et des ressortissants des États membres de l’Union européenne dont le régime est fixé par les accords de Schengen. La loi Chevènement supprime la condition d’entrée irrégulière pour l’octroi de la carte de résident de dix ans.

La France accorde en outre à certaines personnes le droit d’asile, qui permet aux étrangers persécutés dans leur pays de trouver refuge sur le territoire français. Le plus souvent, l’étranger qui aura pu entrer sur le territoire national au titre de l’asile politique demandera auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) un statut de réfugié, particulièrement protecteur, qui permet de séjourner de façon permanente en France grâce à la délivrance d’une carte de résident. Le statut de réfugié peut être accordé à « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors de son pays et ne peut y retourner », selon les termes de la Convention de Genève du 28 juillet 1951. L’obtention de ce statut est soumise à un contrôle étroit, et l’OFPRA rejette 90 p. 100 des demandes qui lui sont adressées, de sorte que seulement 15 000 étrangers en bénéficient chaque année. Le statut de réfugié peut aussi être retiré, dans trois hypothèses prévues par la Convention de Genève. C’est le cas si l’étranger obtient une nouvelle nationalité, s’il commet un crime grave, ou si, tout risque de persécution ayant disparu dans son pays, il peut y retourner sans courir de danger. Selon les nouvelles dispositions de la loi Chevènement, le droit d’asile pourra également être accordé à tout étranger persécuté en raison « de son action en faveur de la liberté ».

2 Les étrangers et l’accès au travail et aux prestations sociales

L’étranger admis à résider en France jouit de certaines libertés et bénéficie des services publics au même titre que les Français. L’accès à un nombre important de professions est cependant refusé aux étrangers, soit pour des raisons tenant à l’absence d’équivalence des diplômes (notamment pour les professions libérales), soit pour des motifs tenant à la concurrence. Toute activité salariée, commerciale, industrielle ou agricole suppose une autorisation préalable. Néanmoins, beaucoup d’étrangers peuvent se prévaloir de conventions internationales ou communautaires les autorisant à exercer la profession de leur choix. Les étrangers en France doivent normalement jouir de toutes les libertés publiques inhérentes à la personne humaine reconnues par le droit français et le droit international.

Outre les droits fondamentaux reconnus à tous les travailleurs (droit de grève, droit syndical, non-discrimination dans son travail en raison de ses origines), les étrangers bénéficient de la même protection sociale que les Français. En revanche, ils sont exclus du droit de vote, même pour les élections locales, en vertu de la conception de la souveraineté qui lie la citoyenneté française à la possession de la nationalité française ; toutefois, les ressortissants communautaires peuvent désormais être électeurs et éligibles aux élections municipales.

En matière de droits sociaux, le projet Chevènement prévoit que les allocations aux personnes âgées, aux adultes handicapés, et de logement social seront étendues aux étrangers en situation régulière. Les prestations « vieillesse » pourront être perçues même si l’assuré réside à l’étranger. Les retraités étrangers ne résidant pas en France et ayant cotisé au moins quinze ans pourront bénéficier de l’assurance maladie lors de séjours temporaires en France, si leur état de santé « vient à nécessiter des soins immédiats ».

3 Les mesures d’éloignement et d’interdiction du territoire

C’est à l’occasion des contrôles d’identité effectués dans le cadre de la police judiciaire ou dans le cadre de la police administrative que sont constatées en pratique les infractions à la réglementation de l’entrée et du séjour en France.

Les sanctions relatives à l’entrée ou au séjour irréguliers en France peuvent résulter soit d’une procédure judiciaire, soit d’une procédure administrative. En vertu de la procédure judiciaire, c’est au juge du tribunal correctionnel qu’il appartient de statuer sur la régularité de l’entrée ou du séjour de l’étranger. Dans ce cas, l’étranger encourt non seulement une peine d’emprisonnement d’un mois à un an assortie d’une peine d’amende, mais également une interdiction de pénétrer ou de séjourner sur le territoire français pour une durée qui ne peut excéder trois ans. Cette peine d’interdiction du territoire emporte alors de plein droit la reconduite de l’étranger à la frontière.

La principale innovation apportée par la loi Chevènement dans ce domaine consiste à supprimer les dispositions de la loi Debré qui donnaient aux parquets le pouvoir de s’opposer à une décision judiciaire de remise en liberté d’un étranger.

La procédure administrative de reconduite à la frontière est exercée en dehors de tout cadre judiciaire. Elle est utilisée par l’administration et non par un juge dans les hypothèses d’entrée ou de séjour irréguliers en France. Cette mesure peut être prise par le préfet, qui doit notamment apprécier si elle n’est pas de nature à comporter pour la situation personnelle ou familiale de l’étranger intéressé des conséquences d’une exceptionnelle gravité (atteinte au respect de sa vie familiale, par exemple). Cet arrêté de reconduite à la frontière doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours suspensif (c’est-à-dire que la reconduite n’est pas mise en œuvre tant que la décision du tribunal saisi n’est pas intervenue), dans un délai de quarante-huit heures (sous l’empire de la loi précédente, ce délai était de vingt-quatre heures) à compter de sa signification à l’intéressé, devant le tribunal administratif en vue d’obtenir son annulation. Ce dernier a quarante-huit heures pour se prononcer. Le jugement du tribunal administratif peut faire également l’objet d’un appel devant le Conseil d’État. Cet appel n’étant en principe pas suspensif, la mesure de reconduite à la frontière peut être exécutée, sauf si le vice-président du Conseil d’État a accordé le sursis à exécution de cette mesure. Avant l’adoption de la loi Chevènement, la durée maximale de rétention administrative des étrangers en instance de reconduite à la frontière était de dix jours, et l’arrêté de reconduite pouvait être assorti d’une décision d’interdiction du territoire d’une durée maximale d’un an, motivée par le préfet, en raison de la gravité du comportement de l’étranger. La loi Chevènement prolonge la durée maximale de rétention de deux jours — elle est dorénavant de douze jours —, et elle supprime la possibilité offerte au préfet d’assortir un arrêté de reconduite à la frontière d’une interdiction de territoire.

Certains étrangers qui ne peuvent être ni expulsés ni reconduits à la frontière aux termes d’une procédure administrative (parce qu’ils vivent en France depuis l’âge de six ans, par exemple) peuvent cependant être éloignés du territoire français s’ils font l’objet de poursuites pénales.

Enfin, lorsqu’un étranger a été relaxé (c’est-à-dire qu’il a été déclaré non coupable des faits pour lesquels il a été poursuivi) par la juridiction pénale du chef d’entrée ou de séjour irrégulier, il est impossible que celui-ci soit frappé d’un arrêté de reconduite à la frontière. En effet, dans ce cas le principe selon lequel les décisions rendues par les juridictions pénales ont autorité sur les décisions administratives s’applique.

La possession d’une autorisation de séjour régulière ne donne pas à l’étranger un droit inconditionnel, comparable à celui de tout Français, à demeurer sur le territoire français. Si sa conduite le rend indésirable sur le territoire, son expulsion peut être ordonnée en cas d’urgence absolue ou de nécessité impérieuse pour la sécurité publique. De plus, si cet étranger a commis, avant son entrée sur le territoire français, des faits répréhensibles dans un autre pays, l’État français peut décider de l’extrader, à la demande du pays qui a condamné cet étranger ou qui le poursuit en raison des actes qu’il a commis. Cependant, la France peut refuser cette extradition, notamment lorsque ce pays admet la peine capitale ou la torture.

5 LES GRANDES LIGNES DE LA LOI CHEVÈNEMENT

Pour la troisième fois en cinq ans et la vingt-sixième fois depuis 1945, le Parlement a modifié la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers : c’est dire si, dans la société française, l’immigration est devenue un sujet passionnel.

Annoncé en juin 1997 par Lionel Jospin lors de son discours de politique générale, le nouveau projet de loi sur l’immigration (définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 8 avril 1998) s’inspire largement du rapport remis en juillet 1997 par le politologue Patrick Weil, auquel le Premier ministre avait demandé de définir « une politique d’immigration ferme et digne » que la France pourrait appliquer « sans renier ses valeurs, sans compromettre son équilibre social ».

Le souci de concilier ces deux exigences, la recherche d’un certain équilibre justifient la tonalité de la loi Chevènement, texte d’inspiration libérale mais qui laisse subsister certaines dispositions de la loi Pasqua.

Voici, brossées à grands traits, les principales modifications apportées par la loi Chevènement :

— les consulats doivent motiver les refus de visa pour certaines catégories d’étrangers comme les conjoints, enfants et parents de Français, les bénéficiaires du regroupement familial et les « travailleurs autorisés » ;

— le certificat d’hébergement est supprimé et remplacé par une attestation d’accueil qui échappe au contrôle du maire et dont les conditions d’obtention sont moins rigoureuses ;

— les scientifiques, les chercheurs, les personnes ayant des liens personnels et familiaux en France et les grands malades peuvent bénéficier de nouvelles cartes de séjour spécifiques ;

— s’il est entré régulièrement en France, le conjoint étranger d’un ressortissant français peut obtenir un titre de séjour dès le mariage, même s’il est en situation irrégulière ;

— le préfet ne peut plus refuser le regroupement familial sur le seul motif des ressources insuffisantes si celles-ci sont supérieures au SMIC ;

— les étrangers en situation régulière peuvent prétendre aux allocations versées aux personnes âgées, aux adultes handicapés ou au titre du logement social ;

— le recours contre un arrêté de reconduite à la frontière devra être déposé dans les 48 heures.

1 La régularisation des « sans papiers »

En juin 1997, afin de dénouer au plus vite les situations inextricables de certains étrangers sans attendre l’élaboration de la loi, le gouvernement a engagé une vaste opération de régularisation, sur le fondement de la circulaire Chevènement.

À la fin du mois de février 1998, sur les 62 000 dossiers traités par les préfectures, un bilan provisoire faisait état de 32 000 régularisations accordées contre 30 000 rejetées.

Au 30 avril 1998, date fixée pour la clôture de l’examen des dossiers par les préfectures, plus de 150 000 étrangers avaient déposé une demande de régularisation (sur un nombre total de 300 000 clandestins, selon les estimations du ministère de l’Intérieur). Environ la moitié devraient voir leur régularisation accordée. Alors que les situations des familles sont largement régularisées, les célibataires, sans charge de famille en France, essuient généralement des refus.

2 L’abandon du certificat d’hébergement ou la fin du pouvoir de contrôle des maires sur l’immigration

Créé par le décret du 27 mai 1982, le certificat d’hébergement a disparu avec la loi Chevènement. À l’origine, l’esprit du texte était de vérifier la décence des conditions d’hébergement. Certes, l’idée de contrôle des entrées était sous-jacente, mais on ne parlait pas, en 1982, de « maîtrise des flux migratoires ».

Après la vague d’attentats terroristes de 1986, en revanche, le certificat devient un véritable instrument de contrôle en même temps qu’une condition incontournable à l’obtention d’un visa pour la France.

Il suscite de nombreuses polémiques au début des années quatre-vingt-dix, alors que le débat sur l’immigration devient plus radical. Au centre des discussions se trouve l’abus des refus arbitraires de certains maires, qui créaient de sérieuses disparités engendrant de graves inégalités de traitement. Si, de leur côté, les maires aspiraient à voir étendu leur pouvoir de contrôle, de fait, seuls des agents de l’Office des migrations internationales étaient autorisés à contrôler les conditions d’hébergement.

En 1997, la loi Debré a substitué la compétence du préfet à celle du maire, afin de limiter l’arbitraire. Et, afin de vérifier la réalité du retour de l’étranger dans son pays d’origine, il tente d’obliger l’hébergeant à déclarer le départ de l’étranger hébergé à la mairie de son domicile, sous peine de se voir interdire pendant deux ans de recevoir des étrangers. Sous la pression de l’opinion publique, cette disposition était finalement retirée, après qu’un groupe de cinquante-neuf cinéastes eut appelé à la « désobéissance civique ».

Le certificat d’hébergement est finalement supprimé par la loi Chevènement et remplacé par une attestation d’accueil.

L’arrêté de reconduite à la frontière peut également être assorti d’une décision d’interdiction du territoire d’une durée maximale d’un an, qui doit être motivée par le préfet, en raison de la gravité du comportement de l’étranger.

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démographie

démographie

démographie, étude des populations humaines, principalement d'un point de vue quantitatif. La démographie traite des caractéristiques sociales d'une population précise et de son développement dans le temps. Les données démographiques peuvent inclure : l'analyse de la population sur la base de l'âge, des conditions physiques, de l'emploi, de la position sociale, donnant la taille et la densité de chaque division composite ; les mutations de la population à la suite des naissances, mariages et décès ; les statistiques démographiques sur les migrations, leurs effets et leur incidence sur les conditions économiques ; les statistiques sur la criminalité ; le niveau d'éducation et les statistiques économiques et sociales, notamment celles portant sur l'assurance vie ; la démographie historique. Les études démograpiques en France sont conduites par l'Institut national d'études démographiques (INED). Voir aussi Naissances, contrôle des.

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démographie historique

démographie historique

1 INTRODUCTION

démographie historique, branche de la démographie qui a pour objet l’étude de la structure et de l’évolution des populations du passé.

Longtemps considérée comme une discipline annexe, une science auxiliaire, la démographie historique se distingue de la démographie proprement dite par son objet et ses méthodes, l’historien démographe disposant rarement de matériaux statistiques fiables définis dans un but scientifique. Il doit utiliser des sources externes, qui, mises en relation et analysées, permettent de donner une image de la population passée d’un pays, voire, mais c’est plus difficile, du mouvement naturel de cette population. La démographie historique est, à cet égard, une science qui touche à des domaines très sensibles, qui ressortissent à l’intimité de l’individu, la culture des sociétés humaines, l’idéologie, la religion, la politique et l’économie.

2 LES SOURCES ET LES TECHNIQUES

Les techniques sont liées aux sources de l’historien démographe. Il n’y a pas eu, avant les grandes ordonnances prises par François Ier en 1539 (ordonnance de Villers-Cotterêts), de politique de recensement systématique.

Les registres paroissiaux — recensant les baptêmes, les mariages et les sépultures — constituent une source de choix, longtemps ignorée, qui donne une base quantitative aux démographes et permet d’étudier les familles : la méthode définie par Pierre Goubert dans les années cinquante consiste à rassembler tous les documents relatifs à un mariage, ainsi qu’aux descendants et aux ascendants. On peut alors en tirer des éléments fondés, comme la fréquence des conceptions prénuptiales et hors mariage ou le taux de fécondité par groupe d’âge, analyses qui permettent de prendre la mesure de comportements sociaux et de phénomènes biologiques.

Les autres techniques se rapportent à la correction des données et à l’établissement de quotients de mortalité, de nuptialité et de migration. La reconstitution de familles peut être tentée, comme à Montréal, où les démographes de l’université de Montréal et de l’université Laval ont entrepris de reconstituer la généalogie de toutes les familles franco-canadiennes depuis le XVIIe siècle.

D’autres sources sont utilisables : documents fiscaux, contrats de mariage, inscriptions funéraires, archives judiciaires, comme celles des « grands jours d’Auvergne » de 1666, qui permettent, à l’occasion des procès, de repérer par exemple l’infanticide, difficilement évaluable, mais dont on sait qu’il était largement répandu dans la France de l’Ancien Régime.

Dans tous les cas, les études menées par les historiens démographes ont permis d’arriver à de précieuses définitions. Pour la France, c’est celle d’un Ancien Régime démographique, ou encore du concept de fécondité naturelle, défini par Louis Henry. Les monographies villageoises et régionales permettent d’étudier le comportement des Français par rapport au mariage, à la famille, et de découvrir que nos ancêtres se mariaient fort tard aux XVIIe et XVIIIe siècles (27 ans pour les hommes, 25 ans pour les femmes), et que chaque mariage donnait en moyenne quatre ou cinq enfants. Ce système autorégulateur, malthusien avant Malthus, permettait à la société française de combler ses pertes, liées à une forte mortalité infantile.

3 UN CAS EXTRÊME : LA CHINE

Le dénombrement exact de la population chinoise a toujours été une quasi-chimère. Le cas chinois est néanmoins passionnant, car il est révélateur des difficultés que peuvent rencontrer les historiens démographes dans leur tâche.

Les premières estimations sérieuses sont les résultats du recensement de 1953. Pour la première fois, on a disposé d’un instrument statistique fiable ; jusqu’alors, on se fondait sur des sources externes — les recensements fiscaux ou la consommation moyenne du sel rapportée aux habitudes alimentaires —, ce qui donnait lieu aux extrapolations les plus variées.

Les recensements opérés par les Chinois au cours de leur histoire ont surtout été destinés à connaître le nombre des conscrits et des paysans corvéables. Sous les Han, il y aurait eu 60 millions d’habitants. En 750, l’institution d’un nouveau système foncier liant la fiscalité à la terre, distribuée proportionnellement à la taille des familles, donne aux recensements une valeur certaine : il y aurait eu 50 millions d’habitants. Après, les recensements ne sont plus que des recensements fiscaux, dont la fiabilité est évidemment douteuse. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’État chinois, préoccupé par la croissance démographique, commence à recenser ses sujets dans le cadre de milices, et ce jusqu’en 1850. Mais à cause des migrations, la Chine n’a jamais été un État fermé, c’est-à-dire stable avec seulement deux flux, l’un d’entrée, l’autre de sortie — la naissance et la mort —, les recensements du XIXe siècle ne sont pas non plus complètement fiables.

Dans les années trente, historiens et démographes anglo-saxons reprennent les estimations du XIXe siècle. Ils parviennent alors à la conclusion que la Chine comptait environ 430 millions d’habitants en 1850 et qu’elle n’en avait plus que 400 millions en 1870. Cette perte de population est due aux conséquences de la guerre des Taiping qui a ravagé cinq des provinces les plus peuplées du continent (Jiangsu, Zhejiang, Anhui, Jiangxi, Hebei). En 1947, le gouvernement nationaliste de Nankin estime la population chinoise à 450 millions d’habitants. En 1950, Zhou Enlai, s’appuyant sur des estimations partielles, avance publiquement le chiffre de 490 millions d’habitants. Aussi, grande est la surprise lorsque, en 1953, le gouvernement chinois publie les résultats du recensement national de la Chine continentale : 574 millions d’habitants. À cette occasion, on a pu constater que le creux démographique lié à la guerre des Taiping n’était pas comblé, la population des cinq provinces précitées étant, en 1953, de 145 millions d’habitants contre 170 millions environ en 1850.

De 1953 à 1993, il n’y a plus eu aucun recensement officiel, mais des projections à partir de données partielles ; en 1972, il devait y avoir environ 890 millions d’habitants en Chine. Le recensement de 1993 a donné le chiffre de 1 185 millions d’habitants. Toute la question est de savoir quelle est la marge d’erreur (1 p. 100, 2 p. 100 ou 3 p. 100) de ce recensement.

4 LA NAISSANCE DES THÉORIES DE LA POPULATION

Les théories de la population sont nées en même temps que les tentatives des États d’arriver au dénombrement exact des hommes. Ce ne fut jamais l’œuvre de démographes au sens propre du terme, mais de fonctionnaires, d’économistes au service des États. Partout où ils étaient puissants, on a cherché à dénombrer exactement les hommes. En Chine, les légalistes font procéder aux premiers recensements dès le Ier siècle de notre ère. La pensée dominante a été le plus souvent populationniste, au sens que lui donne Jean Bodin au XVIe siècle : « il n’est de richesses que d’hommes ». Au siècle suivant, les mercantilistes français, Vauban et Colbert, soutiennent la même position. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que des théoriciens, comme Cantillon, puis les physiocrates, comme Quesnay ou Turgot, déterminent l’existence d’un rapport naturel entre la population et les subsistances, les secondes déterminant la croissance de la première jusqu’à un seuil limite. Cette vision pessimiste est contrebalancée par la foi dans le progrès économique et social. Elle est ensuite élargie et reprise au XIXe siècle, mais dans un tout autre sens, par un pasteur anglican également économiste : Malthus.

Dans son Essai sur le principe de population (1798), Malthus tente d’établir une théorie générale, dont les prémisses sont justes mais les conclusions fausses. Il pense avoir découvert une loi naturelle de la population, que l’on peut résumer sommairement ainsi : la Terre peut porter un nombre limité d’êtres humains ; la tendance naturelle est à l’accroissement de l’espèce sans que les ressources agricoles croissent d’autant ; la conséquence à long terme pour l’espèce humaine ne peut être que la misère et la surpopulation. La solution qu’il propose, face à cet écart croissant entre le nombre des hommes et la diminution de leurs ressources, est la limitation des naissances par la chasteté et le recul de l’âge au mariage. Malthus n’apporte rien de franchement nouveau, mais son discours très affectif, ses affirmations et ses propositions de réformes brutales, ébranlent les idées reçues. Son impact sur la pensée économique et la démographie est énorme, en ce sens qu’en cherchant à infirmer ou à confirmer ses théorisations hâtives, les économistes classiques Jean-Baptiste Say, puis Sismondi et Marx ont permis la constitution d’une démographie scientifique. Le malthusianisme a profondément influencé les politiques des États européens entre les deux guerres. Encore aujourd’hui, la question de la surpopulation est appréhendée en termes malthusiens par les écologistes, les eugénistes et certains États comme l’Inde ou la Chine, qui ont mis en place des politiques autoritaires de restriction des naissances. Il est aujourd’hui généralement admis qu’il n’y a pas de loi naturelle de la population, mais des fluctuations liées aux conditions économiques et aux cultures des différents pays.

5 LA DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE DEPUIS 1945

La démographie historique est une discipline relativement récente. En France, avant 1945, historiens et démographes s’ignoraient dans l’ensemble. Ce n’est qu’avec la fondation des Annales, par Marc Bloch et Lucien Febvre (1929), et avec la fondation de l’Institut national d’études démographiques (INED) par Alfred Sauvy, puis la publication de la revue Population, que la démographie historique commence à se constituer en discipline à part entière. Enfin, en 1963, Marcel Reinhard crée la Société de démographie historique et sa revue, les Annales de démographie historique.

De grandes enquêtes ont été entreprises par l’INED ; elles ont permis de sonder l’évolution de la population française entre 1670 et 1830. Le nombre des hommes est désormais mieux connu, mais aussi leurs mentalités. L’étude du mariage dans la France de l’Ancien Régime a permis de connaître le poids réel des interdits posés par l’Église et les effets de la déchristianisation sur les naissances, très précoces, par exemple, dans le sud-ouest de la France.

La discipline s’est aujourd’hui diversifiée, faisant appel à des techniques scientifiques variées et à la collaboration d’autres sciences exactes, comme la médecine ou la biologie. Les études sur les groupes sanguins menées par des biologistes et des historiens sous la direction de Jean Bernard ont permis de préciser certains aspects de la géographie du peuplement de la France et, par recoupement, des migrations françaises. Enfin, il convient de préciser l’existence aux États-Unis de l’œuvre entreprise, avec des moyens informatiques considérables, par la Société généalogique des mormons de Salt Lake City. Celle-ci a en effet entrepris de recenser tous les registres de baptêmes et de sépultures connus — tout mormon pouvant obtenir le baptême rétroactif de sa famille s’il connaît précisément son ascendance —, offrant ainsi aux historiens de la population un outil de travail inestimable.

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travail, division du

travail, division du

1 INTRODUCTION

travail, division du, en économie, décomposition du travail, dans les activités de production et de commerce, en des opérations réalisées par différents travailleurs ou groupes de travailleurs. La décomposition des opérations de production en tâches limitées, chacune effectuée par un groupe différent de travailleurs, est une caractéristique des usines modernes, en application de la technique de la « chaîne de production ». Par exemple, une voiture est constituée de milliers de pièces, qui nécessitent chacune plusieurs opérations de fabrication distinctes. Beaucoup de ces pièces sont fabriquées dans des usines qui produisent uniquement ces seuls objets ; dans ces usines, les opérations de production sont réparties entre différents groupes de travailleurs spécialisés dans l'exécution d'une tâche précise. Le principal avantage de la division technique du travail est une plus grande productivité, qui résulte de plusieurs facteurs. Les plus importants sont une augmentation sensible de l'efficacité collective et individuelle ainsi que des compétences grâce à la spécialisation ; une économie de formation des travailleurs, surtout une économie de temps ; une économie découlant de l'utilisation continue des outils qui, sinon, seraient inutilisés pendant une partie de la fabrication quand les travailleurs passent d'une opération à l'autre ; et le développement d'outils, de machines et d'équipements hautement productifs et spécialisés.

2 HISTORIQUE

La division du travail a été une caractéristique de la production à toutes les époques de l'histoire. À mesure que les civilisations se sont développées, une division du travail s'est imposée selon les professions. Les différentes activités économiques étaient effectuées par des groupes séparés de fabricants. Avec le développement des outils et des techniques de production, les activités artisanales et agricoles furent exercées par des groupes séparés. La croissance des villes entraîna une plus grande spécialisation des artisans. La division du travail devint plus répandue au Moyen Âge grâce au développement des corporations.

À la fin du Moyen Âge, la division du travail fut pour la première fois utilisée à grande échelle, du fait de l'importante augmentation de la production des biens de consommation. La révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle fut à l'origine du système de production moderne ; elle donna un élan considérable au développement de la division du travail. Cette dernière, dans l'industrie moderne en plusieurs milliers d'opérations séparées nécessitant des compétences précises, engendra de complexes problèmes humains, techniques et d'organisation. Pour répondre à ces problèmes, des techniques de gestion des ressources humaines sophistiquées et hautement spécialisées ont été mises au point.

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travail (économie)

travail (économie)

1 INTRODUCTION

travail (économie), activité faisant l’objet d’une rémunération. Traditionnellement, le travail est considéré dans la théorie économique comme un facteur de production. Il intervient, comme le capital ou les matières premières, dans le processus de création des biens et des services, et représente une ressource pour l’entreprise.

Pourtant, il apparaît trop réducteur d’assimiler l’activité des hommes dans l’entreprise à une quantité vague et indifférenciée d’heures de travail : en effet, les tâches humaines sont très diverses et la façon même de les organiser détermine en grande partie leur efficacité.

2 LE TRAVAIL DANS LE MODÈLE ÉCONOMIQUE TRADITIONNEL

Dans les théories classiques et néoclassiques, très marquées par le développement du salariat, le travail est une marchandise comme une autre, un objet d’échange que les salariés négocient par quantités d’heures avec les entrepreneurs.

En fonction de la rémunération que le marché propose pour un travail horaire, les offreurs de travail que sont les salariés vont arbitrer entre l’utilité retirée de la consommation permise par un revenu supérieur et la désutilité provoquée par le renoncement aux loisirs pour travailler. Les demandeurs de travail, les employeurs, vont pour leur part fixer un volume d’heures de travail leur permettant de procéder à la fabrication de biens de manière à obtenir une égalité entre le coût du travail et sa productivité. À l’équilibre, une rémunération horaire est déterminée et l’échange s’effectue.

Cet équilibre correspond à l’optimum de Pareto, situation dans laquelle on ne peut augmenter la satisfaction d’un agent économique sans diminuer celle d’un autre. Dans ce modèle, le chômage est toujours considéré comme volontaire, puisque l’individu a la possibilité d’effectuer un arbitrage entre travail et loisir, son choix étant en fait déterminé par la prise en compte d’un salaire de réserve en dessous duquel il s’abstiendra.

Cependant, la théorie classique, décrivant une situation de symétrie parfaite entre offreurs et demandeurs de travail, s’adapte mal à la réalité du marché du travail telle qu’on l’observe dans les économies contemporaines. En effet, elle ne permet de décrire, et a fortiori d’expliquer, ni le chômage involontaire, ni la rigidité des salaires, ni l’organisation interne du travail, ni les caractéristiques actuelles des relations entre employeurs et employés.

3 LES CRITIQUES MARXISTES ET KEYNÉSIENNES

Si Marx, le premier, a souligné que les travailleurs ne sont pas en mesure d’opérer de véritables choix sur le marché du travail, la menace du chômage les obligeant à accepter les conditions imposées par les employeurs, c’est à Keynes que l’on doit la formulation de la théorie du chômage involontaire. Selon lui, en effet, le marché du travail n’est pas revêtu d’une identité propre, et n’est en fait que le miroir du marché des biens : si la demande de biens est inférieure à l’offre, alors le marché du travail sera en situation de sous-emploi, car les entreprises diminueront leur offre pour s’adapter à la baisse de la demande, et un chômage non désiré fera son apparition.

La synthèse néoclassique confirme les observations de Keynes en les fondant sur un ensemble d’explications microéconomiques. Pour sa part, la théorie du déséquilibre, développée notamment par Edmond Malinvaud, explique le chômage involontaire par l’imparfaite flexibilité des prix et des salaires qui empêche une coordination optimale des choix individuels.

4 LES NOUVELLES THÉORIES DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Au cours des années 1980, de nouvelles hypothèses ont été développées, qui toutes tentent d’intégrer certaines spécificités propres au marché particulier que constitue le marché du travail. Elles prennent en compte les recherches des courants hétérodoxes, appelés ainsi car ils s’éloignent de l’hypothèse de rationalité qui prévaut dans les analyses classique et keynésienne. Ces courants se sont en particulier intéressés au contexte institutionnel des relations de travail et aux logiques collectives (celles des syndicats par exemple) plutôt qu’aux stratégies individuelles. Cette démarche permet d’expliquer les déséquilibres par l’imparfaite flexibilité des salaires et par la segmentation du marché, à l’origine de la faible mobilité des travailleurs.

D’autres théories, enfin, tentent d’opérer la synthèse entre analyses orthodoxes et hétérodoxes. Ainsi, la théorie des négociations s’intéresse aux relations et aux stratégies des agents sur le marché du travail.

Martin Weitzman, par exemple, a présenté le modèle d’une économie de partage des profits : dans ce modèle, la rémunération des travailleurs est partiellement liée aux résultats de l’entreprise, que des subventions à l’emploi encouragent à opter pour ce système, rendant ainsi une légitimité à l’intervention de la puissance publique. Au niveau macroéconomique et pour une même rémunération globale, l’économie de partage se trouve ainsi en situation de sur-emploi, à condition que le salaire de base ne soit pas trop élevé. Les coûts découlant de l’implantation de ce système restent quant à eux inférieurs à ceux qui sont nécessaires pour obtenir le plein emploi dans une économie salariale traditionnelle. Une telle organisation économique présente, de plus, l’avantage d’être plus stable face aux chocs macroénomiques.

5 LE PROBLÈME DE L'ORGANISATION DU TRAVAIL

Une entreprise n’est pas une boîte noire dans laquelle des facteurs de production sont introduits pour créer mécaniquement des biens. Tirant les conclusions de cette observation, la sociologie du travail étudie l’organisation et la nature des tâches au sein de l’entreprise.

Cette discipline est née avec les premières recherches de l’Américain Frederick Taylor, ingénieur autodidacte et inventeur d’une méthode d’organisation de l’entreprise, le taylorisme, que l’on appelle également « organisation scientifique du travail ». Cette méthode repose sur la rationalisation des tâches, consistant dans la division entre les tâches des concepteurs, qui assurent la mise au point des produits et le suivi des méthodes de production, et les tâches des exécutants, chargés d’appliquer les consignes des ingénieurs. La stricte division du travail dans le cadre de la production de masse se révèle d’une efficacité bien supérieure à la parcellisation empirique des tâches, comme en attestent les expériences réalisées dans les usines d’automobiles Ford à partir du début du XXe siècle. Cependant, de nombreuses expériences menées à partir des années 1930 ont remis en cause le caractère trop simpliste des schémas de Taylor.

Ainsi, Elton Mayo, fondateur de l’école des relations humaines, s’est attachée à souligner les limites inhérentes à la parcellisation des tâches. Il a fait valoir que, dans l’entreprise, les ouvriers se structurent en groupes, qui partagent souvent la même culture et la même sensibilité aux conditions de travail et aux styles de commandement, de sorte qu’ils ont besoin, pour être motivés, d’une zone de liberté dans laquelle les cadres ne pénètrent pas.

Enfin, certains sociologues du travail, comme le Français Georges Friedmann (auteur de plusieurs ouvrages, dont Où va le travail humain ?, publié en 1950), ont établi que le travail à la chaîne n’était pas seulement d’une efficacité limitée quand il s’exerçait dans certaines conditions, mais qu’il encourageait, par son aspect déresponsabilisant et répétitif, une véritable déshumanisation.

6 L'ORGANISATION DU TRAVAIL AUJOURD'HUI

Les transformations économiques intervenues depuis une vingtaine d’années ont rendu nécessaires des modifications de l’organisation du travail dans la plupart des grands secteurs industriels. Confrontées à la mondialisation des échanges et à la montée de la concurrence, ainsi qu’aux évolutions de la demande, les entreprises se sont vues contraintes de produire dans les meilleures conditions de rentabilité mais aussi de s’adapter à des variations rapides des goûts des consommateurs, davantage informés et demandeurs de produits plus différenciés. De tels changements ont nécessairement influé sur l’organisation du travail.

Les entreprises japonaises se sont adaptées les premières aux mutations de la demande mondiale et ont conçu de nouveaux modes d’organisation du travail au cours des dernières décennies. Le « juste-à-temps » (Just in Time) et le « zéro stock », techniques de gestion fondées sur une production directement reliée à la demande, furent rendus possibles par la méthode de l’atelier flexible ; il s’agit d’introduire une très grande flexibilité dans la chaîne de montage en utilisant des ordinateurs qui pilotent des unités mobiles de production. Corollaire de cette méthode, la déspécialisation des ouvriers à leur poste a permis d’accroître leur efficacité en leur accordant plus de responsabilités et en exigeant d’eux une qualification plus poussée.

Dans d’autres pays, où l’adaptabilité des salariés est moins forte (du fait de l’existence d’un droit du travail plus contraignant et d’une présence syndicale qui reste importante), ces adaptations ont fait l’objet de négociations, particulièrement en Allemagne, qui possède une forte tradition de cogestion entre syndicats et chefs d’entreprise. Elles ont fréquemment consisté dans des incitations salariales pour améliorer la qualité des produits, technique propre à encourager la responsabilisation des salariés.

Cependant, dans des pays où la culture du conflit l’emporte fréquemment sur celle de la négociation, comme la France et la Grande-Bretagne, on s’aperçoit que la flexibilité externe (l’embauche et le licenciement, ou le recours aux emplois précaires) est souvent préférée à la flexibilité interne (l’adaptation des ressources internes à de nouveaux métiers ou à de nouveaux postes). En période de compétition accrue conduisant à réduire les marges, le facteur travail, considéré comme le plus mobile, est le plus souvent la première victime des phénomènes de flexibilité.

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taylorisme

taylorisme

taylorisme, en économie, système d'organisation du travail mis au point par l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, décrit dans son ouvrage la Direction scientifique des entreprises (1911).

Élaborée dans les ateliers de la Midvale Steel Corporation, cette méthode repose sur l'Organisation scientifique du travail (OST) dont l'objectif premier est d'accroître la productivité dans les usines. Pour Taylor, une double division du travail est nécessaire si l'on veut accroître cette dernière : une division verticale des tâches fondée sur la séparation entre la conception et l'exécution (la direction se charge de tous les éléments de la connaissance et les ouvriers se contentent d'appliquer ses consignes), une division horizontale des tâches reposant sur la parcellisation des activités et la spécialisation des ouvriers attachés à leur poste fixe et à une opération élémentaire. Des techniques comme le chronométrage, visant à contrôler les temps d'exécution des ouvriers, et la transmission par courroies, permettent d'améliorer encore les potentialités du système et de diminuer les erreurs qui peuvent survenir.

De nombreuses critiques ont été adressées à cette organisation du travail certes très efficace, mais dévalorisante et éprouvante pour les ouvriers que l'on ne cherche à motiver que par une politique de rémunération. Il faut cependant remarquer que Taylor lui-même ne la concevait nécessaire que dans un contexte très particulier, celui des États-Unis du début du siècle, pays dans lequel la main-d'œuvre est alors très peu qualifiée (car issue de la deuxième grande vague d'immigration qu'a connue le pays).

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fordisme

fordisme

1 INTRODUCTION

fordisme, étape du capitalisme moderne, caractérisée par la production de masse, le taylorisme, une division du travail accrue et l'accroissement du crédit qui a permis la consommation de masse.

2 AUX ORIGINES DU FORDISME

Les méthodes fordiennes de production furent adoptées à l'origine par la Ford Motor Company à Detroit en 1913 sous la direction d'Henry Ford et se répandirent rapidement dans toute l'industrie. Le fordisme au sens strict a ensuite été étendu à un ensemble de règles couvrant non seulement l'organisation de la production (notamment du travail), mais également les buts de la production et les modes de résolution des conflits pour élaborer une méthode complète d'organisation et de gestion des entreprises.

Le mode de production fordiste conjugue taylorisme et accroissement de la mécanisation à l'intérieur de grandes sociétés divisées en de nombreux services, produisant sur des chaînes d'assemblage mobiles des composants standard et des produits finis.

Le taylorisme, fondé sur une organisation scientifique du travail et développé par Frederick Winslow Taylor, propose une rationalisation de la production basée sur la séparation de la conception et de l'exécution des tâches, c'est-à-dire la séparation entre les organisateurs de la production (ingénieurs, etc.) et les exécutants (ouvriers) réalisant effectivement la production. Cette séparation renforce le contrôle du processus par la direction. Les aspects intellectuel et manuel du travail se trouvent ainsi complètement séparés, ce qui constitue une rupture totale avec le passé où la production était organisée en chaînes de métiers, avec des ouvriers dotés de compétences à la fois techniques et organisationnelles. Le taylorisme provoqua des résistances considérables, mais syndicats et entrepreneurs finirent par trouver un compromis. En acceptant l'instauration des méthodes de production tayloristes, les syndicats obtinrent une part des profits supplémentaires résultant des gains de productivité liés à la rationalisation et à l'intensification du travail. Ce compromis fut d'abord accepté par une minorité d'employeurs (parmi lesquels Henry Ford). Malgré le soutien de grands économistes comme John Maynard Keynes, il fallut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour qu'il devienne la règle.

3 LE FORDISME EN APPLICATION

En considérant les employés non seulement comme un facteur du processus de production, mais également comme des consommateurs du produit fini, en permettant que les gains de productivité soient redistribués aux salariés par le biais d'augmentations du salaire réel, le fordisme a associé la production en série et le progrès technologique à la consommation de masse. L'âge d'or de l'après-guerre fut une période de plein emploi, d'investissement ou de forte accumulation de capital, de fonctionnement des usines à leur pleine capacité et de haute rentabilité des entreprises. Des facteurs autres que le taylorisme et la production de masse ont contribué à cette réussite. Le premier d'entre eux fut la syndicalisation, déterminante pour les rapports sociaux dans les entreprises, et le second, l'État-providence qui garantissait à chacun un certain niveau de vie, de sorte que la population inactive (retraités, chômeurs, etc.) puisse continuer à consommer. Enfin, le développement du système bancaire et du système de crédit a eu une influence non négligeable. L'État a joué un rôle de plus en plus actif dans la gestion de l'économie, à la fois directement par les dépenses publiques (politiques keynésiennes de régulation de la demande), et indirectement par son rôle de régulateur du système du crédit. À un niveau international, la coordination et le commerce entre les économies des pays développés s'accrurent sous la direction des États-Unis, le dollar étant accepté comme base des paiements internationaux. Après 1945, les États-Unis ont fait face au communisme en favorisant le développement du fordisme dans les économies d'Europe et d'Extrême-Orient par le biais de subventions, par exemple le plan Marshall.

4 LE DÉCLIN DU FORDISME

Le fordisme a commencé à péricliter avec la diminution des gains de productivité obtenus par les méthodes tayloristes. L'intensification du travail, la déqualification et l'aliénation des travailleurs entraînèrent des résistances sporadiques et désordonnées, mais d'autant plus significatives au regard de l'accroissement de l'automatisation et de la complexité de la production. Une forte accumulation du capital rendit coûteux tout arrêt ou toute diminution de la productivité, et conduisit à une baisse des taux de profit. Vers la fin des années 1960, les fondements du fordisme furent remis en question alors que les relations entre les partenaires sociaux devenaient plus conflictuelles et que les engagements des gouvernements sur des sujets comme le plein-emploi ou la protection sociale aggravaient les déficits budgétaires. Cette « crise » du fordisme a conduit de nombreux observateurs à penser que le capitalisme s'orientait vers un système post-fordiste de production et de relations sociales.

5 LE POST-FORDISME

Le capitalisme post-fordiste semble se caractériser par un renversement de nombreux traits du fordisme, en raison de nouvelles méthodes de production fondées sur des technologies nouvelles, comme la biotechnologie, la microélectronique ou l'informatique. Ces méthodes ont fait disparaître le taylorisme, tandis que le travail post-fordiste, à la fois dans ses rapports sociaux et ses usages, semble se caractériser par une plus grande flexibilité. Le keynésianisme est quelque peu discrédité alors que le monétarisme, qui met en avant les forces du marché comme garant de la meilleure rentabilité économique, s'impose dans toute l'économie. Un nouvel individualisme remplace l'ancienne foi dans les institutions collectivistes de l'ère fordienne. Ces changements sont accompagnés d'une réduction sensible du rôle des syndicats (et de leurs effectifs), qui a obligé ces derniers à accepter un « nouveau réalisme » face aux problèmes auxquels ils sont traditionnellement confrontés, ainsi qu'une réduction de l'intervention de l'État dans l'industrie comme en témoigne le vaste mouvement de privatisation en cours dans les économies de marché des pays développés.

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automatisation

automatisation

1 INTRODUCTION

automatisation, exécution et contrôle de tâches techniques par des machines fonctionnant sans intervention humaine, ou à l’aide d’une intervention réduite.

L’automatisation s’est généralisée à l’ensemble des activités de production, tant dans l’industrie, que dans les activités de services. Quelque soit son domaine d’application et les techniques auxquelles elle fait appel, l’automatisation s’est constamment développée dans l’unique but de réduire la pénibilité du travail humain et d’améliorer la productivité du travail.

2 HISTORIQUE
1 Origines de l’automatisation

L’automatisation trouve ses origines dans la construction d’automates, dont les premiers modèles remontent à l’Antiquité. Héron d’Alexandrie met au point au Ier siècle apr. J.-C. de nombreux systèmes automatiques utilisant les ressources de l’énergie hydraulique. Les progrès amenés par la mécanique viendront contribuer au développement de la construction d’automates.

En 1623, le scientifique allemand Wilhelm Schickard invente la première machine à calculer, qui sera suivie de celle élaborée par Blaise Pascal dix-neuf ans plus tard. En 1745, Jacques de Vaucanson conçoit le premier métier à tisser entièrement automatique, prototype dont s’inspire le mécanicien français Joseph-Marie Jacquard pour fabriquer, en 1793, un métier à tisser dont les séquences d’opérations à effectuer sont inscrites sur des cartes perforées : l’automatisation appliquée à l’industrie est née. Elle s’épanouira et se généralisera à l’ensemble des activités industrielles dans la première moitié du XXe siècle, en association avec l’instauration de nouvelles méthodes d’organisation scientifique du travail, inspirées des travaux de Taylor. Depuis lors, elle ne cessera de se perfectionner grâce à l’utilisation des techniques issues de l’électronique, de la robotique et de l’informatique.

2 Nouvelles méthodes de travail

Dès la fin du XVIIIe siècle, la division du travail, c’est-à-dire le découpage d’un processus de production en plusieurs étapes successives, avait déjà contribué à un accroissement de la productivité du travail. La révolution industrielle va accélérer ce processus. L’identification de tâches élémentaires qui composent tout cycle de production va permettre de construire des machines reproduisant les mouvements humains, ouvrant la voie à la constitution de chaînes de montage et d’assemblage.

Dans les années vingt, ces méthodes seront largement appliquées dans l’industrie automobile, notamment dans les usines Ford aux États-Unis, qui mettent en pratique les enseignements issus du taylorisme. Ce que l’on dénommera l’organisation scientifique du travail, qui sera appliquée par l’ensemble des constructeurs automobiles avant d’être généralisée à l’ensemble de l’industrie, a permis à Ford de réduire considérablement le nombre d’heures de travail nécessaires à la fabrication de ses véhicules.

3 Essor de l’automatisation

L’utilisation de robots industriels ne représente qu’une partie, la plus visible sans doute, d’un phénomène de plus grande envergure qui concerne à la fois l’évolution de l’organisation du travail et celle des techniques de production.

3 PRINCIPE DE RÉTROACTION

L’ensemble des mécanismes de contrôle utilisés par les sciences de l’automatisation est fondé sur le principe de rétroaction. Ce principe, issu de la cybernétique, permet en effet de doter une machine d’une capacité d’autocorrection. Une boucle de rétroaction est un dispositif, pouvant être de nature mécanique ou pneumatique mais le plus souvent électronique, qui mesure une grandeur physique comme la position, la température ou la vitesse. Ce dispositif compare alors la grandeur mesurée à une norme établie, agissant ensuite sur le système pour maintenir cette grandeur dans des limites prédéfinies.

1 Régulateur à boules

Le principe de rétroaction est connu depuis longtemps. Comme exemple ancien et marquant, on peut citer le régulateur à boules, inventé en 1788 par l’ingénieur britannique James Watt pour contrôler la vitesse d’une machine à vapeur. Dans ce dispositif, deux boules lestées sont suspendues à des bras accrochés à un arbre, relié par des engrenages à un arbre en sortie de la machine. Au sommet de cet arbre, les bras sont reliés par un levier à un clapet qui régule la pression de la vapeur. Lorsque le moteur accélère au-delà de la vitesse désirée, il oblige l’arbre à tourner plus vite, si bien que les boules sont poussées vers le haut par la force centrifuge. Le levier agit alors sur le clapet, réduisant la pression de vapeur à l’intérieur de la machine qui ralentit en conséquence. Inversement, si la vitesse devient trop faible, les clapets d’admission s’ouvrent de nouveau afin que la pression augmente.

4 AUTOMATISATION ET INFORMATIQUE

L’introduction de l’informatique dans les processus de fabrication a considérablement accéléré le développement de l’automatisation, en facilitant l’utilisation des boucles de rétroaction et en augmentant la flexibilité des systèmes de production. En effet, avec l’avènement des ordinateurs sont apparues des machines à commande numérique, dont les mouvements sont enregistrés sur une unité de stockage, et qui peuvent accomplir plusieurs opérations d’usinage différentes. Si, en 1950, les ordinateurs étaient encore peu courants, moins d’un demi-siècle plus tard, ce sont des millions d’ordinateurs qui, isolés ou en réseau, peuvent accomplir des tâches complexes, non seulement de contrôle par des boucles de rétroaction, mais aussi de pilotage de machines, de traitement de données, de circulation de l’information et de simulation. Ils sont utilisés à tous les stades du processus productif (conception, production, contrôle de la qualité des produits).

1 Conception et fabrication assistées par ordinateur

Plus récemment, les progrès de l’informatique ont donné naissance aux techniques de conception et de fabrication assistée par ordinateur, qui favorisent encore davantage l’automatisation des processus de production. Ce système permet d’intégrer et de visualiser toutes les étapes nécessaires à la fabrication d’un produit.

2 Systèmes de production flexibles

Les systèmes de production flexibles développés par l’informatique caractérisent les manifestations actuelles de l’automatisation. Ces systèmes permettent d’équiper des entreprises qui produisent en petites séries et qui, par souci de rentabilité, ne peuvent donc automatiser complètement leur production. Dans ces entreprises, un ou plusieurs ordinateurs sont utilisés afin de surveiller et diriger tout le fonctionnement de l’usine, depuis la planification de chaque étape de la production jusqu’au suivi des stocks de pièces et de l’utilisation des outils. L’opérateur humain reste cependant maître des décisions, mais dispose ainsi à tout moment d’informations précises sur la production, les stocks, le carnet de commandes.

3 Bureautique

L’automatisation s’est aussi répandue dans des activités dites de services, notamment dans le secrétariat où elle s’associe à la Bureautique. Les micro-ordinateurs, qui équipent la plupart des postes de travail, permettent d’accomplir des tâches qui étaient auparavant réalisées à l’aide d’une machine à écrire. Munis d’un logiciel de traitement de texte et reliés à une imprimante, ces ordinateurs se révèlent d’une efficacité bien supérieure, et ont renvoyé la machine à écrire au stade de la préhistoire en moins de vingt ans. La productivité du travail en bureau s’en est trouvée là encore améliorée (la comptabilité, le suivi de la facturation, l’édition des fiches de paie, sont autant d’exemples de travaux dont la réalisation s’est simplifiée et accélérée).

4 Systèmes experts

Les techniques d’automatisation décrites jusqu’ici permettent de faire effectuer par des machines des tâches manuelles entrant dans le processus de production. Les systèmes experts peuvent être considérés comme le prolongement de ces techniques, qui tentent de modéliser et d’automatiser des travaux de nature intellectuelle. Ces systèmes informatiques se composent de bases de données associées à un ordinateur : une base d’expertise est élaborée qui consiste en un ensemble de faits décrivant de manière précise des types de situations reliées entre elles par un moteur d’inférence capable de proposer face à une situation inédite une solution appropriée, en effectuant des déductions à partir des faits en s’aidant des règles contenues dans la base d’expertise.

Il est certain que les progrès attendus dans le domaine des systèmes experts et plus généralement de l’intelligence artificielle permettront de franchir de nouvelles étapes dans l’automatisation des tâches techniques.

5 AUTOMATISATION ET SOCIÉTÉ

L’utilisation toujours croissante de l’automatisation a influencé en profondeur la vie quotidienne et l’évolution générale de la société. Tout au long de l’histoire industrielle, cette automatisation a en effet permis une augmentation constante de la productivité du travail, ce qui a permis de réduire considérablement le temps de travail nécessaire à la production. Ce faisant, la pénibilité des tâches d’exécution s’est, elle également, considérablement réduite. Cette évolution de la nature et des cadences de travail a permis une augmentation du niveau de vie général de la population.

1 Amélioration de la qualité de vie

L’élévation du niveau de vie de la grande majorité des travailleurs des pays industrialisés, qui s’est avant tout traduite par la croissance du pouvoir d’achat, est d’abord due à une meilleure productivité du travail. Celle-ci n’est pas la conséquence d’un effort plus important de travail, mais bien davantage la résultante de l’utilisation de techniques de production plus efficaces. Ce progrès technique est avant tout le résultat des avancées scientifiques qui ont permis l’automatisation. Cette évolution qui s’est considérablement accélérée au début de ce siècle, et plus encore durant les quarante années qui viennent de s’écouler, dont personne ne conteste les effets bénéfiques sur la nature du travail, a cependant pu être critiquée sur certains points.

2 Incidence sur l’emploi

La progression du taux de chômage demeure aujourd’hui la principale critique formulée contre le développement des tâches automatisées. L’introduction de nouvelles techniques de production reposant sur l’automatisation a une incidence sur le niveau de l’emploi. En permettant une croissance de la production à un moindre coût, l’introduction d’une machine à la place d’un ou de plusieurs postes de travail, s’il réduit la pénibilité des tâches exécutées, supprime nécessairement, dans un premier temps du moins, des emplois. Face à ce constat, un contre-argument est fréquemment avancé : en permettant de créer de nouveaux produits, l’automatisation et le progrès technique engendrent l’apparition d’activités nouvelles, elles-mêmes génératrices d’emplois. Ceci est certes vrai, toutefois, il faut constater que l’évolution technique est, aujourd’hui, globalement destructrice d’emploi. La raison en est simple : l’automatisation ne recrée pas au niveau de son utilisation le niveau d’emploi qu’elle crée du fait de son introduction. Substituer une machine qui remplit les tâches nécessitant l’intervention de dix salariés, n’aboutit pas mécaniquement à la création de dix emplois nouveaux. Si cette évolution est génératrice de nouveaux emplois (par exemple en employant un technicien afin de contrôler l’exécution du travail réalisé par la machine nouvelle), la nouveauté tient davantage à la nature de l’emploi (qui par définition est plus qualifié) qu’à son volume. C’est cette distorsion qui est cause de chômage. Cela montre par ailleurs que les compétences et le niveau de formation de la main-d’œuvre joue dans ce phénomène un rôle important. À terme — et la question fait aujourd’hui l’objet de débats passionnés —, il semble que ce soit la relation de l’Homme au travail qui devra être repensée. L’association de techniques toujours plus productives et élaborées, nécessite pour mise en œuvre un volume d’emploi toujours plus faible à mesure qu’il devient de plus en plus intellectuel. Comment occuper ceux qui ne peuvent alors s’insérer sur ce nouveau marché du travail ? La réponse à cette question, simple à formuler, excessivement complexe à résoudre, orientera dans un futur proche l’évolution des sociétés industrielles du siècle prochain.

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échelle, économie d'

échelle, économie d'

échelle, économie d', facteurs entraînant une baisse des coûts moyens de production lorsque le volume de cette production augmente. Les économies d'échelle constituent le principal gain attendu de la production en série. Par exemple, dans l'impression d'un livre, l'installation de la presse représente un important coût fixe initial, alors que lorsque la presse fonctionne le coût d'impression de chaque livre reste à peu près constant. Ainsi, si l'installation de la presse coûte 10 000 F et l'impression de chaque livre 10 F, le coût unitaire de chaque livre sera de 20 F dans le cas d'un tirage en 1 000 exemplaires, mais de 15 F pour 2 000 exemplaires et de 11 F pour 10 000 exemplaires. Le même principe s'applique à la construction automobile, où le coût de production de 1 000 voitures est rarement dix fois supérieur au coût de production de 100 voitures. Ce type d'économies d'échelle internes demande généralement un investissement important. Ainsi, pour augmenter la production et réduire les coûts, les constructeurs automobiles ont investi d'énormes sommes dans des chaînes de production intégrant des robots sophistiqués. Mais les économies d'échelle ont toujours une limite. Il n'est pas rare, en effet, que de grandes sociétés deviennent difficiles à gérer en raison de leur taille, ce qui les rend vulnérables à la concurrence d'entreprises plus petites, plus innovantes et plus flexibles. Il convient également de garder à l'esprit que, lorsqu'une société a atteint la taille qui lui permet l'économie d'échelle maximale, elle doit trouver un marché pour son volume supplémentaire de production.

Outre les économies d'échelle internes, il existe également des économies d'échelle externes. Ces dernières naissent du développement de services auxiliaires, par exemple une revue commerciale qui permet à une entreprise de faire sa publicité à un faible coût.

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macroéconomie

macroéconomie

1 INTRODUCTION

macroéconomie, partie de la science économique qui étudie le comportement des agrégats, tels que le produit national brut (PNB), le revenu, le taux de chômage, la balance des paiements ou le taux d’inflation.

La macroéconomie étudie la formation du revenu national à travers celle de ses composantes : la consommation, l’investissement, les dépenses publiques et les échanges avec l’étranger. Elle se distingue de la microéconomie, qui analyse les choix individuels des agents économiques considérés comme rationnels pour expliquer la formation des prix. La théorie macroéconomique est née avec les travaux de John Maynard Keynes dans les années 1930. Elle se concentre sur l’étude de trois marchés : celui des biens et services, celui de la monnaie et celui du travail. La portée éventuelle des politiques budgétaires pour stabiliser l’économie et l’orienter vers un plein emploi sans inflation figure également en bonne place dans toute analyse macroéconomique. Ces analyses sont le plus souvent normatives (décrivant ce qui devrait être) que positives (expliquant ce qui est réellement) : il existe donc plusieurs courants (néokeynésiens, monétaristes, néoclassiques, économistes de l’offre).

2 KEYNÉSIANISME ET CLASSICISME

Les modèles « classiques » excluaient tout rôle d’une déficience de la demande globale sur le marché des biens et services. Ils postulaient en effet que tout écart entre l’épargne et l’investissement se réduisait automatiquement par une variation du taux d’intérêt, de sorte que si, par exemple, l’épargne excédait l’investissement, les taux d’intérêt baisseraient. Cette baisse réduirait l’offre d’épargne et en même temps encouragerait les entreprises à emprunter de l’argent pour investir dans des machines, des bâtiments et du capital humain. Autrement dit, les variations des taux d’intérêt étaient considérées comme une force régulatrice permettant d’ajuster le marché global des biens et services de la même manière que n’importe quel bien s’ajuste par un équilibre entre l’offre et la demande.

Le modèle keynésien, au contraire, souligne l’incidence régulatrice des variations de revenu et de production. Si la demande est inférieure à l’offre, autrement dit si l’épargne est supérieure à l’investissement désiré, les entreprises vont modifier leur production (pour écouler les invendus) et non faire varier leurs prix. Cet équilibre du revenu et de la production ne correspond pas ainsi nécessairement à un niveau de production pour lequel la demande de travail est égale à l’offre, d’où l’importance de pouvoir influer sur la demande globale.

La théorie keynésienne, qui met l’accent sur la demande en tant que facteur clé du niveau de production à court terme, a permis d’effectuer des progrès considérables dans l’analyse des facteurs déterminant les catégories de la demande finale, tels que la demande globale de consommation, envisagée dans ses relations avec les niveaux de revenus et les taux d’intérêt pratiqués.

La macroéconomie s’intéresse également aux autres composantes de la demande, telles que l’investissement « effectif », par opposition à l’investissement de portefeuille, qui n’affecte qu’indirectement le niveau de la demande. Une autre composante majeure de la demande finale est la dépense publique. Enfin, parmi les composantes essentielles de la demande globale, la macroéconomie doit également prendre en compte le solde de la balance commerciale, c’est-à-dire la différence entre exportations et importations, et les paramètres qui lui sont associés, notamment le taux de change. En effet, les exportations jouent le même rôle que la formation de capital pour la stimulation de la demande, et les importations sont assimilables à une fuite dans le circuit des revenus, car elles satisfont la demande intérieure sans créer de revenus à l’intérieur du pays, alors que ces revenus pourraient être « recyclés » pour générer une nouvelle demande intérieure.

La macroéconomie est une modélisation de l’économie à travers deux types d’équations : les équations d’équilibre sur les marchés où l’offre est égale à la demande et les équations de comportement par groupes d’agents économiques (ménages, entreprises etc.). À partir de ces comportements, la macroéconomie cherche à déterminer l’équilibre et les fluctuations. Selon l’école keynésienne, la résorption des déséquilibres se fait par un ajustement des quantités, car celles-ci s’adaptent plus vite que les prix. L’économie keynésienne est par définition une économie de sous-emploi à l’inverse du modèle économique privilégié par l’analyse classique où tous les marchés sont équilibrés et où il n’existe pas d’ajustement possible par les quantités. On distingue trois marchés (celui des biens et services, de la monnaie et du travail) et six variables (l’offre et la demande globales, le niveau de l’emploi, l’indice des prix, la masse monétaire et le solde des échanges extérieurs).

3 FONCTION DE CONSOMMATION

On détermine le comportement de consommation en cherchant à savoir comment s’établit le partage entre consommation et épargne quand le revenu national se modifie. Pour Keynes, la consommation augmente en même temps que le revenu mais dans des proportions moindres. Autrement dit, une augmentation de production ne trouvera pas forcément de débouchés. Cette théorie trouve son application dans les politiques de relance par la demande dites du multiplicateur, qui permettent, en augmentant les dépenses gouvernementales et donc la demande globale, d’augmenter le revenu national.

4 FONCTION D’INVESTISSEMENT

La macroéconomie cherche ensuite à définir par quoi est déterminé l’investissement. En situation de plein emploi des facteurs de production, seule la rémunération réelle des facteurs est importante alors que, si l’entreprise est confrontée à une contrainte sur ses ventes, ce seront le coût relatif et la demande anticipée qui seront déterminants. Ainsi, en cas de sous-emploi, la théorie de l’accélérateur de Samuelson établit qu’une augmentation de la demande anticipée relancera l’investissement.

5 OFFRE ET DEMANDE DE MONNAIE

Selon la vision classique, il n’existe pas d’influence de la sphère réelle de l’économie sur la sphère monétaire. La théorie monétaire occupe en revanche une place centrale dans la théorie keynésienne, où elle a donné lieu à de vives controverses. Pour Keynes, les taux d’intérêt sont dans une large mesure un phénomène monétaire, et leur fonction essentielle dans un monde d’incertitudes est d’équilibrer l’offre et la demande de monnaie, plutôt que l’épargne et l’investissement anticipés. Cette fonction de la monnaie expliquerait les variations considérables de la propension à la thésaurisation pour un taux d’intérêt donné, et par conséquent de la vitesse de circulation de la monnaie.

Cette importance accordée aux facteurs à court terme des taux d’intérêt contraste avec la conception traditionnelle selon laquelle les taux d’intérêt sont déterminés à long terme par les « forces réelles » de la productivité et de l’épargne. La conception de Keynes reflète sa préoccupation pour le court terme, et de nombreux économistes conviennent qu’à long terme la moyenne des taux d’intérêt réels, corrigée des distorsions causées par l’inflation ou la fiscalité, tend à se rapprocher du taux de profit réel à long terme du capital investi. À l’inverse, se fondant sur l’idée que la demande de monnaie est liée de façon stable au niveau de richesse, certains auteurs ont soutenu qu’un accroissement de la masse de monnaie en circulation tendait à faire baisser les taux d’intérêt, ce qui contribuait à stimuler l’investissement et donc la demande globale. Par conséquent, un autre moyen de réduire le chômage consisterait à favoriser un accroissement de la masse monétaire.

Pourtant, et bien que les points de vue soient très partagés sur la manière dont la monnaie affecte l’économie, les partisans du monétarisme seraient sans doute unanimes pour affirmer que de telles méthodes ne pourraient augmenter la production que temporairement, pour la simple raison qu’une augmentation de la masse monétaire, toutes choses égales par ailleurs, finirait par provoquer de l’inflation. Pour certaines écoles, notamment celles qui font appel à l’hypothèse des « anticipations rationnelles », les agents économiques finiraient par s’apercevoir du lien existant entre la masse monétaire et le niveau des prix, de telle sorte qu’une tentative de réduction du chômage par l’accroissement de la masse monétaire ne produirait pas même un résultat à court terme.

6 ÉQUILIBRE DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Les modalités d’ajustement sur le marché du travail font l’objet d’une attention particulière. Jusqu’à la publication en 1936 de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes, on expliquait le chômage à grande échelle par une rigidité du marché du travail empêchant les salaires de descendre à un niveau tel que le marché soit en « équilibre ». L’idée qui sous-tendait ce modèle était qu’en cas de chômage à grande échelle la pression des personnes à la recherche d’un emploi ferait baisser les salaires à un point tel que, d’une part, certains se retireraient du marché (l’offre de travail diminuerait) et que, d’autre part, les employeurs chercheraient à embaucher davantage, car le bas niveau des salaires accroîtrait la rentabilité d’embauches supplémentaires. Si des rigidités empêchaient les salaires de descendre jusqu’au point d’équilibre auquel la demande et l’offre de travail deviennent égales, le chômage persisterait.

Ces rigidités, qui empêcheraient de parvenir à un niveau de salaires permettant une compensation de l’offre et de la demande de travail, sont par exemple imputées à l’action des syndicats pour maintenir un salaire minimal ou à l’existence d’une législation contraignante sur les salaires. La plus grande innovation de Keynes a été de montrer que le chômage permanent pouvait avoir pour cause une déficience de la demande adressée à la production plutôt qu’un déséquilibre du marché du travail. De plus, une réduction des salaires dans une telle situation ne serait d’aucun secours pour résorber le chômage. Keynes ne fut pas le premier économiste à expliquer le chômage en termes d’insuffisance globale de la demande sur le marché des biens et, comme il le reconnut lui-même, Malthus, parmi d’autres, avait déjà proposé une explication similaire dans le passé. À l’époque de Keynes et tout à fait indépendamment de lui, l’économiste polonais Michal Kalecki proposa une théorie très proche de la théorie keynésienne, que l’on retrouve également chez le Suédois Karl Gunnar Myrdal.

La « révolution keynésienne » consistait en fait à faire admettre que, selon la terminologie macroéconomique, le « marché des biens » peut constituer un « équilibre de sous-emploi », dans la mesure où il n’assure pas l’équilibre du marché de l’emploi. C’est pourquoi sur le marché du travail, le nombre de travailleurs embauchés par les employeurs n’atteint pas le niveau qui serait profitable à ces derniers si la demande avait correspondu à leur production. Le concept « d’équilibre de sous-emploi » et les concepts qui lui sont liés, comme celui de « demande rationnée de travail », furent largement développés dans les années qui suivirent.

7 DILEMME INFLATION-CHÔMAGE

Pendant plusieurs décennies après la Seconde Guerre mondiale, on a divisé de façon conventionnelle les théories sur l’inflation en « théories de l’inflation par la demande » et « théories de l’inflation par les coûts ». Alors que cette dernière insiste sur le rôle des hausses excessives de salaires par rapport aux hausses de productivité dans l’inflation continue, la première tend à attribuer plutôt l’inflation à une demande excessive sur le marché des biens.

L’analyse de Phillips (élaborée dans les années 1950) est devenue un concept central de la théorie de l’inflation. Elle montre qu’il existe une relation inverse entre taux d’inflation et taux de chômage car le taux de salaire augmente (et les prix par contrecoup) quand le chômage est faible. Dans la mesure où l’existence d’une relation stable de ce type peut être établie, cela suggère que la société doit choisir entre diverses combinaisons de taux d’inflation et de niveau de chômage.

Cette conclusion a été infirmée dans les années 1970 par le phénomène de stagflation (augmentation simultanée du chômage et de l’inflation). Milton Friedman l’a alors expliqué par le fait que les agents forment des anticipations d’inflation qui rendent la relation de Phillips instable. Parallèlement, de nombreux économistes mettent en doute l’existence d’une relation stable entre chômage et niveau réel des salaires, et donc de celle d’un « taux naturel du chômage ». Enfin, certains économistes croient bien en un « taux naturel du chômage », mais considèrent que ce taux varie en permanence.

8 MACROÉCONOMIE CONTEMPORAINE

Au cours des dernières décennies, des approfondissements ont été apportés à la théorie keynésienne. Par exemple, bien que l’importance de la rigidité des salaires ne fasse pas l’unanimité, il est devenu beaucoup plus facile de l’expliquer sans avoir recours au comportement des syndicats ou à la législation. Il semblait au départ difficile de réconcilier la notion de rigidité salariale avec le postulat habituel des économistes, pour lesquels les agents économiques recherchent une utilité maximale et sont donc prêts à accepter un salaire moindre pour obtenir du travail. Néanmoins, cela est devenu plus facile dès lors que l’on a élargi la gamme des variables relatives à cette utilité maximale jusqu’à y englober la recherche d’un emploi orientée vers une maximisation du bien-être à long terme, ou encore des variables sociologiques ou psychologiques comme la loyauté.

Un autre élément important, apparu récemment dans la théorie macroéconomique moderne trouve ses racines dans l’importance qu’accorde Keynes à l’incertitude du comportement économique. Il s’agit de l’analyse des lacunes d’information dans l’explication du chômage comme agrégat, à laquelle on relie certains éléments de la théorie des jeux. Par exemple, des entreprises pourraient trouver souhaitable d’embaucher plus de main-d’œuvre si elles étaient sûres que les autres entreprises en fassent autant, car elles pourraient ainsi espérer que l’accroissement du montant global des salaires qui en résulterait entraînerait une hausse de la demande globale et donc de la demande pour leurs propres produits.

L’absence dans l’économie d’un mécanisme permettant une décision collective entraîne un point d’équilibre inférieur qui n’est pas sans rappeler le « dilemme du prisonnier », chaque société décidant individuellement de consolider ses propres profits, alors qu’une mise en commun de l’information et de la décision aurait permis un plus grand bénéfice commun pour toutes. D’autres théories du marché du travail contribuent à mieux faire comprendre comment fonctionne le marché de l’emploi. C’est le cas par exemple de la théorie des « marchés internes du travail », qui met en lumière le conflit d’intérêt opposant ceux qui n’ont pas de travail et ceux qui en ont, ces derniers étant en même temps ceux qui négocient les salaires.

Les théories macroéconomiques constituent la base des grands modèles utilisés dans les prévisions économiques de la production, de l’emploi et de diverses autres variables. Au cours de ces dernières années, ces prévisions se sont montrées très décevantes, et la recherche des sources d’erreur a conduit à des révisions répétées des modèles de base ainsi qu’à des raffinements de la théorie. Par exemple, on accorde aujourd’hui davantage d’attention aux rôles du crédit à la consommation et de la richesse pour déterminer les comportements d’épargne et de consommation, ainsi qu’au rôle des anticipations parfois capricieuses des agents économiques.

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travail (économie)

travail (économie)

1 INTRODUCTION

travail (économie), activité faisant l’objet d’une rémunération. Traditionnellement, le travail est considéré dans la théorie économique comme un facteur de production. Il intervient, comme le capital ou les matières premières, dans le processus de création des biens et des services, et représente une ressource pour l’entreprise.

Pourtant, il apparaît trop réducteur d’assimiler l’activité des hommes dans l’entreprise à une quantité vague et indifférenciée d’heures de travail : en effet, les tâches humaines sont très diverses et la façon même de les organiser détermine en grande partie leur efficacité.

2 LE TRAVAIL DANS LE MODÈLE ÉCONOMIQUE TRADITIONNEL

Dans les théories classiques et néoclassiques, très marquées par le développement du salariat, le travail est une marchandise comme une autre, un objet d’échange que les salariés négocient par quantités d’heures avec les entrepreneurs.

En fonction de la rémunération que le marché propose pour un travail horaire, les offreurs de travail que sont les salariés vont arbitrer entre l’utilité retirée de la consommation permise par un revenu supérieur et la désutilité provoquée par le renoncement aux loisirs pour travailler. Les demandeurs de travail, les employeurs, vont pour leur part fixer un volume d’heures de travail leur permettant de procéder à la fabrication de biens de manière à obtenir une égalité entre le coût du travail et sa productivité. À l’équilibre, une rémunération horaire est déterminée et l’échange s’effectue.

Cet équilibre correspond à l’optimum de Pareto, situation dans laquelle on ne peut augmenter la satisfaction d’un agent économique sans diminuer celle d’un autre. Dans ce modèle, le chômage est toujours considéré comme volontaire, puisque l’individu a la possibilité d’effectuer un arbitrage entre travail et loisir, son choix étant en fait déterminé par la prise en compte d’un salaire de réserve en dessous duquel il s’abstiendra.

Cependant, la théorie classique, décrivant une situation de symétrie parfaite entre offreurs et demandeurs de travail, s’adapte mal à la réalité du marché du travail telle qu’on l’observe dans les économies contemporaines. En effet, elle ne permet de décrire, et a fortiori d’expliquer, ni le chômage involontaire, ni la rigidité des salaires, ni l’organisation interne du travail, ni les caractéristiques actuelles des relations entre employeurs et employés.

3 LES CRITIQUES MARXISTES ET KEYNÉSIENNES

Si Marx, le premier, a souligné que les travailleurs ne sont pas en mesure d’opérer de véritables choix sur le marché du travail, la menace du chômage les obligeant à accepter les conditions imposées par les employeurs, c’est à Keynes que l’on doit la formulation de la théorie du chômage involontaire. Selon lui, en effet, le marché du travail n’est pas revêtu d’une identité propre, et n’est en fait que le miroir du marché des biens : si la demande de biens est inférieure à l’offre, alors le marché du travail sera en situation de sous-emploi, car les entreprises diminueront leur offre pour s’adapter à la baisse de la demande, et un chômage non désiré fera son apparition.

La synthèse néoclassique confirme les observations de Keynes en les fondant sur un ensemble d’explications microéconomiques. Pour sa part, la théorie du déséquilibre, développée notamment par Edmond Malinvaud, explique le chômage involontaire par l’imparfaite flexibilité des prix et des salaires qui empêche une coordination optimale des choix individuels.

4 LES NOUVELLES THÉORIES DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Au cours des années 1980, de nouvelles hypothèses ont été développées, qui toutes tentent d’intégrer certaines spécificités propres au marché particulier que constitue le marché du travail. Elles prennent en compte les recherches des courants hétérodoxes, appelés ainsi car ils s’éloignent de l’hypothèse de rationalité qui prévaut dans les analyses classique et keynésienne. Ces courants se sont en particulier intéressés au contexte institutionnel des relations de travail et aux logiques collectives (celles des syndicats par exemple) plutôt qu’aux stratégies individuelles. Cette démarche permet d’expliquer les déséquilibres par l’imparfaite flexibilité des salaires et par la segmentation du marché, à l’origine de la faible mobilité des travailleurs.

D’autres théories, enfin, tentent d’opérer la synthèse entre analyses orthodoxes et hétérodoxes. Ainsi, la théorie des négociations s’intéresse aux relations et aux stratégies des agents sur le marché du travail.

Martin Weitzman, par exemple, a présenté le modèle d’une économie de partage des profits : dans ce modèle, la rémunération des travailleurs est partiellement liée aux résultats de l’entreprise, que des subventions à l’emploi encouragent à opter pour ce système, rendant ainsi une légitimité à l’intervention de la puissance publique. Au niveau macroéconomique et pour une même rémunération globale, l’économie de partage se trouve ainsi en situation de sur-emploi, à condition que le salaire de base ne soit pas trop élevé. Les coûts découlant de l’implantation de ce système restent quant à eux inférieurs à ceux qui sont nécessaires pour obtenir le plein emploi dans une économie salariale traditionnelle. Une telle organisation économique présente, de plus, l’avantage d’être plus stable face aux chocs macroénomiques.

5 LE PROBLÈME DE L'ORGANISATION DU TRAVAIL

Une entreprise n’est pas une boîte noire dans laquelle des facteurs de production sont introduits pour créer mécaniquement des biens. Tirant les conclusions de cette observation, la sociologie du travail étudie l’organisation et la nature des tâches au sein de l’entreprise.

Cette discipline est née avec les premières recherches de l’Américain Frederick Taylor, ingénieur autodidacte et inventeur d’une méthode d’organisation de l’entreprise, le taylorisme, que l’on appelle également « organisation scientifique du travail ». Cette méthode repose sur la rationalisation des tâches, consistant dans la division entre les tâches des concepteurs, qui assurent la mise au point des produits et le suivi des méthodes de production, et les tâches des exécutants, chargés d’appliquer les consignes des ingénieurs. La stricte division du travail dans le cadre de la production de masse se révèle d’une efficacité bien supérieure à la parcellisation empirique des tâches, comme en attestent les expériences réalisées dans les usines d’automobiles Ford à partir du début du XXe siècle. Cependant, de nombreuses expériences menées à partir des années 1930 ont remis en cause le caractère trop simpliste des schémas de Taylor.

Ainsi, Elton Mayo, fondateur de l’école des relations humaines, s’est attachée à souligner les limites inhérentes à la parcellisation des tâches. Il a fait valoir que, dans l’entreprise, les ouvriers se structurent en groupes, qui partagent souvent la même culture et la même sensibilité aux conditions de travail et aux styles de commandement, de sorte qu’ils ont besoin, pour être motivés, d’une zone de liberté dans laquelle les cadres ne pénètrent pas.

Enfin, certains sociologues du travail, comme le Français Georges Friedmann (auteur de plusieurs ouvrages, dont Où va le travail humain ?, publié en 1950), ont établi que le travail à la chaîne n’était pas seulement d’une efficacité limitée quand il s’exerçait dans certaines conditions, mais qu’il encourageait, par son aspect déresponsabilisant et répétitif, une véritable déshumanisation.

6 L'ORGANISATION DU TRAVAIL AUJOURD'HUI

Les transformations économiques intervenues depuis une vingtaine d’années ont rendu nécessaires des modifications de l’organisation du travail dans la plupart des grands secteurs industriels. Confrontées à la mondialisation des échanges et à la montée de la concurrence, ainsi qu’aux évolutions de la demande, les entreprises se sont vues contraintes de produire dans les meilleures conditions de rentabilité mais aussi de s’adapter à des variations rapides des goûts des consommateurs, davantage informés et demandeurs de produits plus différenciés. De tels changements ont nécessairement influé sur l’organisation du travail.

Les entreprises japonaises se sont adaptées les premières aux mutations de la demande mondiale et ont conçu de nouveaux modes d’organisation du travail au cours des dernières décennies. Le « juste-à-temps » (Just in Time) et le « zéro stock », techniques de gestion fondées sur une production directement reliée à la demande, furent rendus possibles par la méthode de l’atelier flexible ; il s’agit d’introduire une très grande flexibilité dans la chaîne de montage en utilisant des ordinateurs qui pilotent des unités mobiles de production. Corollaire de cette méthode, la déspécialisation des ouvriers à leur poste a permis d’accroître leur efficacité en leur accordant plus de responsabilités et en exigeant d’eux une qualification plus poussée.

Dans d’autres pays, où l’adaptabilité des salariés est moins forte (du fait de l’existence d’un droit du travail plus contraignant et d’une présence syndicale qui reste importante), ces adaptations ont fait l’objet de négociations, particulièrement en Allemagne, qui possède une forte tradition de cogestion entre syndicats et chefs d’entreprise. Elles ont fréquemment consisté dans des incitations salariales pour améliorer la qualité des produits, technique propre à encourager la responsabilisation des salariés.

Cependant, dans des pays où la culture du conflit l’emporte fréquemment sur celle de la négociation, comme la France et la Grande-Bretagne, on s’aperçoit que la flexibilité externe (l’embauche et le licenciement, ou le recours aux emplois précaires) est souvent préférée à la flexibilité interne (l’adaptation des ressources internes à de nouveaux métiers ou à de nouveaux postes). En période de compétition accrue conduisant à réduire les marges, le facteur travail, considéré comme le plus mobile, est le plus souvent la première victime des phénomènes de flexibilité.

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chômage

chômage

1 INTRODUCTION

chômage, période d’inactivité forcée qui caractérise la situation de personnes capables, disponibles et désireuses de travailler mais qui ne parviennent pas à trouver un emploi. À l’époque contemporaine, l’importance du chômage, qui entraîne de graves conséquences humaines et économiques, a justifié l’adoption de mesures d’indemnisation, puis d’aide et d’assistance aux chômeurs.

2 MESURE DU CHÔMAGE

La méthode de mesure du chômage la plus utilisée a été développée aux États-Unis dans les années trente  ; elle est utilisée par de nombreux autres pays selon les recommandations de l’Organisation internationale du travail. À partir d’une enquête mensuelle menée sur un échantillon représentatif de la population active, des informations sont obtenues à propos de l’activité de chaque personne en âge de travailler. Est chômeur, au sens de cette organisation, toute personne âgée de plus de quinze ans, sans travail, immédiatement disponible pour occuper un emploi, qui recherche activement du travail, c’est-à-dire qui a effectué au moins un acte positif de recherche. Pour calculer le taux de chômage, on établit le rapport entre les chômeurs et la population active occupée, l’ensemble formant ce que l’on appelle la population active. En France, le chômage est calculé à partir de l’enquête sur l’emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui est réalisée chaque année au mois de mars et qui retient les critères définis par le Bureau international du travail ; le ministère du Travail dispose d’un indicateur différent, fondé sur les demandes d’emploi en fin de mois, qui recense les seules personnes inscrites à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) à la fin d’un mois donné, recherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée. Le taux de chômage s’élève en 1998, en France, à 12,5 p. 100 de la population active.

3 TYPOLOGIE ET FORMES DU CHÔMAGE

Les économistes établissent des typologies quant aux formes du chômage en fonction de ses manifestations et de ses caractéristiques.

Le chômage dit frictionnel correspond au temps nécessaire qui sépare la cessation volontaire d’une activité et la reprise d’une autre activité professionnelle. Ce type de chômage résiduel est en réalité — et au-delà de la contradiction — un chômage de plein emploi. Il ne concerne que l’hypothèse, aujourd’hui rare, du salarié qui quitte un poste pour un autre poste qu’il sait prochainement disponible.

Le chômage saisonnier concerne, quant à lui, l’ensemble des activités qui se déroulent selon un cycle qui n’est pas constant dans le temps. Ce type de chômage concerne par exemple les activités liées au tourisme, ou encore certaines activités agricoles.

Le chômage conjoncturel est celui qui résulte d’un ralentissement, plus ou moins durable, de l’activité économique. Lorsque le cycle économique connaît un ralentissement, celui-ci peut être cause de chômage. C’est le cas, par exemple, lorsque le volume de production excède la demande des consommateurs. L’entreprise qui ne peut plus écouler ses produits peut être contrainte de licencier faute de débouchés. Si cette situation frappe non pas une seule entreprise mais un ou plusieurs secteurs d’activité, le volume de chômage peut être important. Ce type de crise survenue dans le passé — la crise des années trente en est un exemple — peut être en partie résolue, comme Keynes l’a montré, par une politique publique de soutien de la demande, consistant à utiliser le déficit budgétaire afin d’injecter un supplément de pouvoir d’achat, pour que les entreprises puissent vendre leur production, augmenter celle-ci et, pour cela, embaucher à nouveau.

Le chômage structurel provient, pour sa part, d’un déséquilibre durable du fonctionnement du marché du travail, qui excède les difficultés conjoncturelles, par nature temporaires. Ce type de chômage caractérise la situation d’un grand nombre de pays industrialisés depuis le début des années quatre-vingt. L’évolution récente des chiffres du chômage révèle qu’il est devenu tout à la fois massif (bien qu’en constante régression depuis 1997, le taux de chômage s’élève en France à 8,6 % de la population soit plus de 2 millions de personnes) et permanent (le nombre de chômeurs de longue durée est de plus en plus important). La crise contemporaine frappe surtout par sa durabilité par rapport à la plupart des crises du passé. Si celles-ci pouvaient être extrêmement brutales, elles ne duraient que le temps d’une récession, un nouveau cycle de croissance assurant la reprise de l’emploi. La situation actuelle est bien différente : une rupture durable avec la croissance qui, lorsqu’elle existe, reste très faible, s’accompagne d’une progression toujours plus forte du nombre de sans-emploi. Nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur les causes de ce fort taux de chômage.

4 LES CAUSES DU CHÔMAGE

Au-delà des querelles théoriques relatives aux causes du chômage, qui opposent libéraux et keynésiens, les éléments factuels et historiques qui expliquent le chômage que connaît l’ensemble des pays industrialisés sont nombreux. Le chômage actuel n’a pas pour seule cause le ralentissement de la croissance : il est également — et surtout — la conséquence d’une rupture des liens, que l’on pensait éternels, entre production et emploi. Le système de production, qui fait de plus en plus appel à l’innovation technique, substitue, plus encore que par le passé, les machines aux hommes. L’évolution est telle, que le progrès technique ne recrée pas au stade de sa conception les emplois qu’il supprime au stade de son utilisation. L’utilisation de machines toujours plus sophistiquées entraîne le recours toujours moins important à la main d’œuvre. En cela, le chômage actuel revêt une spécificité historique : c’est la crise et le dépassement du modèle fordiste de production qui, en opérant une mutation dans l’organisation du système productif, engendre le chômage. Cette évolution a mis l’accent sur le déficit existant entre les compétences demandées par les entreprises et le niveau de formation moyen de la population active. Alors que les exigences professionnelles, techniques et intellectuelles de ceux qui proposent un emploi sont élevées, le niveau de qualification de ceux qui sont à la recherche d’un travail n’est pas nécessairement apte à y répondre. Cette inadéquation entre qualifications proposées et demandées joue comme un facteur aggravant sur le marché de l’emploi. Elle explique pour une large part le chômage des jeunes qui quittent le système scolaire en n’étant pas ou peu qualifiés.

À cela s’ajoute le fait, avancé par beaucoup afin d’expliquer la persistance d’un chômage important, que les charges sociales supportées par les entreprises qui embauchent seraient trop lourdes, et auraient un effet dissuasif sur la création d’emplois. Cet argument est fréquemment invoqué, à l’appui du précédent, pour expliquer le fort taux de chômage que connaît la frange de la population active privée de qualification professionnelle et / ou universitaire. Ce dernier élément d’explication est utilisé par ceux qui relèvent que ce sont les « rigidités du marché du travail » qui expliquent l’absence de création d’emplois. Parmi ces rigidités, outre celles mentionnées plus haut, les tenants de cette analyse avancent que l’existence d’un salaire minimum, en deçà duquel l’entreprise ne peut embaucher, associé au poids relatif des charges qui pèsent sur les salaires, empêche la création de nouveaux emplois. Il s’agirait alors pour soutenir l’emploi de rendre le marché du travail plus flexible. Cette flexibilité exigerait, par exemple, de réduire les salaires, au motif que l’entreprise, en réduisant ses coûts salariaux unitaires, pourrait utiliser cette marge de manœuvre afin de créer davantage d’emplois. Il s’agit en clair de payer moins pour payer plus de monde. Cette notion de flexibilité a servi, et sert encore, de critère aux politiques de l’emploi visant à lutter contre le chômage.

5 LES POLITIQUES DE L'EMPLOI

Depuis une dizaine d’années, les politiques de lutte contre le chômage ont été conduites dans le but de remédier aux dysfonctionnements du marché du travail. Elles se sont articulées principalement autour de deux objectifs. Elles ont consisté pour une part à agir sur l’environnement de l’entreprise. On peut inclure ici l’ensemble des mesures visant à réduire le coût du travail : réduction des charges sociales sur les salaires (notamment les plus faibles), octroi de subventions aux entreprises qui embauchent, déréglementation sociale rendant plus aisé le recours aux emplois précaires (contrats à durée déterminée, travail intérimaire, etc). Ces mesures participent à ce que l’on dénomme le traitement économique du chômage. Parallèlement, et cela constitue le second axe d’intervention des politiques de relance de l’emploi, les pouvoirs publics ont consenti un effort financier dirigé vers des catégories de chômeurs présentées comme les plus vulnérables face au risque d’inactivité. Ce traitement social du chômage concerne principalement les jeunes, les personnes de plus de cinquante ans, ainsi que les chômeurs de longue durée. En faveur des premiers, on recense depuis une dizaine d’années un ensemble varié de mesures qui ont pour objet de faciliter l’insertion sur le marché du travail : des pactes pour l’emploi aux plans avenir-jeunes, en passant par les récents emplois jeunes, ces nombreuses mesures n’ont à ce jour pas réglé le problème de l’inactivité de ceux qui postulent pour la première fois à un emploi. En faveur des seconds, l’intervention des pouvoirs publics a porté sur les retraits anticipés d’activité, principalement par l’incitation aux départs en préretraite. Il faut noter le lien entre ces deux politiques qui repose sur l’idée que le départ d’un salarié expérimenté, bénéficiant par définition d’une rémunération conséquente, peut permettre l’embauche d’un ou plusieurs jeunes pour un coût identique. Enfin, la politique de l’emploi s’oriente vers l’insertion des chômeurs de longue durée : les stages d’accès à l’emploi, le crédit-formation, les contrats de retour à l’emploi, constituent quelques-unes des mesures initiées dans ce but.

6 LE MARCHÉ DU TRAVAIL AUJOURD'HUI

La persistance d’un chômage massif et durable a profondément modifié la structure du marché du travail, caractérisé aujourd’hui par sa segmentation. Au côté d’un marché dit primaire, qui regroupe l’ensemble de ceux qui disposent d’un emploi à temps plein et à durée indéterminée, s’est développé un marché secondaire du travail. Celui-ci regroupe l’ensemble des situations précaires d’activité : contrats à durée déterminée, contrats à temps partiel, contrats d’insertion ou de réinsertion rémunérés en deçà du SMIC, dont les titulaires alternent périodes d’activité et période de chômage. Au-delà, et cet aspect apparaît aujourd’hui comme le plus grave et le plus discriminant, le marché du travail fonctionne comme un marché d’exclusion. Exclusion des chômeurs de longue durée, dont le nombre ne cesse de croître, exclusion des jeunes dépourvus d’expérience professionnelle, exclusion des femmes, dont le taux de chômage est supérieur à celui des hommes, exclusion des salariés les plus âgés qui peinent à retrouver un emploi. Ces caractéristiques expliquent que les politiques orientées vers l’emploi assurent davantage que par le passé une fonction d’assistance envers les plus démunis.

Cela n’est pas sans conséquences. Le principal effet est ressenti au niveau de l’équilibre des comptes sociaux de la nation. L’indemnisation du chômage représente un coût toujours plus lourd à assumer, surtout pour les pays qui, comme la France, ont conçu un système d’indemnisation qui repose sur la répartition. Ceci signifie que les actifs contribuent à financer l’indemnisation de ceux qui sont privés d’emploi. Dans une conjoncture dans laquelle le nombre de ceux qui travaillent reste, peu ou prou, constant, alors que le nombre de chômeurs augmente, la charge de l’indemnisation apparaît de plus en plus coûteuse. En outre, sur le plan social, la persistance de cette situation aggrave ce qu’il est convenu d’appeler la « fracture sociale », en opposant ceux qui ont un emploi à ceux qui en sont privés.

En vue de remédier à ce type de situation, les pays qui y sont confrontés réagissent de manière différente. La France, par exemple, tout comme l’Italie, oriente sa politique vers un mouvement de réduction de temps de travail généralisé. L’idée qui sous-tend cette pratique est simple : il s’agit de faire travailler moins afin de faire travailler davantage de personnes. D’autres, comme l’Angleterre ou les États-Unis qui, il est vrai, connaissent un taux de chômage moins élevé que la France, poursuivent une politique visant à réduire le coût du travail afin de renforcer l’employabilité de la main-d’œuvre. Toutefois, il est clair que les uns comme les autres doivent faire face à des situations de chômage aggravé, durable et massif, qui sont source de difficultés économiques, et plus encore sociales, graves.

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emploi

emploi

emploi, terme désignant l'utilisation d'un individu par un autre individu qui y consent ou par une institution visant à la réalisation d'un travail particulier en contrepartie d'un salaire ou autre rémunération. Cette pratique se distingue du servage ou de l'esclavage, systèmes dans lesquels le travail n'est pas fourni volontairement, contre une rémunération, et ne représente pas un coût pour l'employeur. En économie, ce terme peut avoir une acception plus générale : il désigne alors l'utilisation d'autres facteurs de production, à savoir la terre et le capital. Il est toutefois communément réservé aux ressources humaines. Par ailleurs, la définition de l'emploi exclut les personnes exerçant une activité non rémunérée, telles que les femmes au foyer ou les travailleurs bénévoles. Par contre, y sont inclus les travailleurs indépendants, qui en représentent une part considérable, notamment dans les pays en développement où ils constituent 25 p. 100 à 50 p. 100 de la population active totale. Ces travailleurs exercent pour leur compte et se rémunèrent eux-mêmes. On dénombre parmi cette catégorie les free-lances et les intérimaires qui passent un contrat avec leur employeur sans pour autant devenir salarié à plein temps. On distingue également les travailleurs itinérants, les salariés à temps partiel et les ouvriers payés à la pièce.

Les termes et les conditions du travail ont de tout temps été au centre des débats relatifs à l'emploi, étant donné leur impact global sur le niveau de vie des travailleurs, et sur la société en général. L'exploitation des enfants et d'autres abus notoires constatés au début de l'ère industrielle ont disparu dans les pays les plus développés. Des institutions mondiales, telles que l'Organisation internationale du travail, établissent les normes générales en matière de travail. Les heures de travail, les congés maladie, les congés payés et autres droits des travailleurs n'ont été acquis par les syndicats, qu'au prix, généralement, de longues tractations et de conflits avec les organismes professionnels et les employeurs réticents à l'idée de réduire leurs profits par la mise en œuvre de ces mesures. Les coûts impliqués expliquent en grande partie le désintéressement actuel pour les activités salariées à temps plein. De même, les conventions collectives ont mis à l'épreuve les relations de travail traditionnelles dualistes entre les employés et les employeurs. Certaines entreprises, notamment au Japon, ont essayé de supprimer cette division entre les deux camps par l'adoption d'un uniforme de travail commun et la mise en place de cantines où se mêlent tous les travailleurs, du plus petit ouvrier au cadre supérieur. Elles ont également accordé à leurs employés de nouveaux avantages sociaux, notamment parfois la garantie à vie de leur emploi.

L'emploi fait l'objet de nombreuses initiatives gouvernementales, la plupart des pays développés aspirant, du moins en théorie, à la réalisation du plein emploi. (Cette situation assure un emploi à toute personne désireuse de travailler.) L'enseignement et les formations professionnelles comptent parmi les mesures entreprises visant à réduire le chômage, et ainsi à instaurer une société stable et prospère. La législation en faveur d'opportunités égales et de salaires égaux permet aux autorités publiques d'offrir un maximum d'opportunités d'emplois.

Il existe de très grandes différences entre un pays comme le Japon, dans lequel l'emploi est très fortement segmenté, divisé en postes fixes, bien rémunérés, et postes précaires, mal rémunérés (liés aux activités traditionnelles comme la pêche par exemple), un pays comme la France, très attaché au modèle de l'emploi stable à durée indéterminée (même si la précarité s'accroît beaucoup) et un pays comme les États-Unis, favorisant la plus grande flexibilité possible du marché du travail, donc la multiplication d'emplois peu qualifiés et précaires. Les résultats en termes de lutte contre le chômage sont aujourd'hui flatteurs pour les États-Unis et le Japon, ce qui a poussé certains pays à suivre l'exemple américain (comme la Grande-Bretagne) ou à mener une politique de réduction des coûts salariaux et de simplification des procédures d'embauche et de licenciement (en France notamment). Longtemps épargnée par le chômage massif, l'Allemagne paie aujourd'hui en termes d'emplois ses coûts salariaux très importants (qui constituent les plus élevés du monde) : si le modèle allemand a pu fonctionner pendant des dizaines d'années sur la base d'un travail de qualité, bien rémunéré, apprécié par les importateurs mondiaux, il semble avoir atteint la limite de niveau de prix qui s'impose même à un pays price maker (faisant les prix sur les marchés, les imposant par la qualité de ses produits).

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plein-emploi

plein-emploi

1 INTRODUCTION

plein-emploi, en économie, désigne une situation dans laquelle les ressources en travail disponibles sur le marché sont pleinement utilisées.

2 DÉFINITION DU PLEIN-EMPLOI

La notion de plein-emploi désignant une situation théorique, dans laquelle la totalité de la main-d’œuvre disponible est employée, ne peut se définir que par rapport à un niveau de chômage, donc de non-emploi ou de sous-emploi. En situation de plein-emploi, le taux de chômage serait nul, tout chômage constituant une anomalie par rapport à un « état de nature » idéal auquel devrait tendre l’économie. Or cet état de nature n’existe pas, c’est pourquoi le plein-emploi ne peut se comprendre que face à l’existence de situations dans lesquelles le marché du travail est dans l’incapacité d’absorber l’ensemble de la demande de travail disponible.

1 Les différents types de chômage

Les premières analyses du fonctionnement du travail, entreprises à la lumière de cette définition, ont mis en évidence l’existence d’un chômage qualifié de frictionnel, correspondant aux situations où un certain volume de main-d’œuvre change d’entreprise, ce qui conduit certains salariés à rester momentanément privés d’emploi ; l’exemple le plus fréquemment cité pour illustrer ce type de chômage concerne le chômage saisonnier. Le plein-emploi ne correspondrait donc pas à un taux de chômage zéro, mais davantage à un taux de chômage dit incompressible (sorte de seuil « plancher » en deçà duquel le taux de chômage ne pourrait diminuer, soit en raison du progrès technique qui peut conduire à « détruire » des emplois — le chômage est alors dit « technologique » —, soit, selon la théorie néolibérale, en raison de charges sociales et salariales pesant sur les entreprises et les empêchant par conséquent de créer de nouveaux emplois), qui tient aux conditions mêmes de fonctionnement du marché du travail.

Les diverses théories qui se sont attachées à décrire les mécanismes de fonctionnement de ce marché ont mis en évidence d’autres causes explicatives du chômage, dont la typologie des causes s’est enrichie d’expressions nouvelles : au chômage frictionnel se sont ajoutés le chômage structurel — défini comme le résultat de l’inadéquation entre la qualification moyenne de la main-d’œuvre et celle exigée par le système productif — et le chômage conjoncturel mis en évidence par la théorie keynésienne (voir Keynes), celle-ci mettant l’accent sur l’insuffisance de la demande qui prive les entreprises de débouchés et exerce par là même une influence négative sur le niveau d’emploi.

2 Le « taux de chômage de plein-emploi »

Selon l’importance de ce niveau de chômage — et cela, quelle qu’en soit la cause profonde car, le plus souvent, la théorie économique ne parvient à la mettre en évidence qu’a posteriori —, la perception du niveau de plein-emploi varie d’un pays à l’autre. Ainsi est-il devenu coutumier d’affirmer que « le taux de chômage de plein-emploi » (taux de chômage correspondant à une offre d’emplois ayant atteint ses limites — son « plafond » — ou à une demande d’emplois ne pouvant plus être satisfaite par les entreprises) se situe aux alentours de 4 à 5 p. 100 aux États-Unis, tandis qu’en France il se situerait à un niveau de 2,5 p. 100, soit une variation allant du simple au double.

3 LA NOTION DE PLEIN-EMPLOI DANS L’HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE

Le plein-emploi, notion couramment évoquée pour désigner une période — sinon un âge d’or — où le taux de chômage était bien moins élevé qu’il ne l’est aujourd’hui, a été abordé tardivement par la théorie économique, puisque la réflexion économique ébauchée autour du travail n’a longtemps concerné que son coût. À partir de la fin du xixe siècle, elle s’est alors attachée à décrire non plus seulement les conditions de l’équilibre sur le marché du travail, mais, bien davantage, les facteurs expliquant le sous-emploi et donc le chômage. Avant cette date, les théories explicatives du chômage sont ainsi relativement pauvres et l’interprétation qu’en donnent certaines écoles de pensée aboutit, paradoxalement, à rejeter le chômage hors du champ d’étude de l’économie.

1 L’école classique

Ainsi, pour les premiers classiques (voir science économique), le chômage ne relève que de la décision d’un individu supposé rationnel qui se refuse à travailler car le salaire réel rémunérant l’heure de travail est perçu comme trop faible ; cet individu choisirait donc volontairement de différer son entrée sur le marché du travail en attendant une meilleure valorisation de sa rémunération.

2 Karl Marx

À la suite des classiques, Karl Marx lui-même, malgré les critiques qu’il porte à l’encontre du système de production capitaliste — dénonçant plus particulièrement la paupérisation des classes laborieuses —, n’appréhende le chômage que comme le résultat de crises de surproduction.

3 Plein-emploi et crise économique

Le constat d’un chômage massif, tel celui des années trente — et plus encore le niveau de sous-emploi des pays développés, consécutif, notamment, aux crises pétrolières des années soixante-dix —, a modifié la manière dont les économistes ont analysé la question de l’emploi. Fournissant (ou non) à une majorité d’acteurs sociaux les moyens fondamentaux de leur existence, l’emploi (a fortiori le plein-emploi) est devenu un élément essentiel dans l’élaboration des compromis sociaux ; la question de la définition, puis de la mesure d’un taux de chômage jugé incompressible, n’a, par ailleurs, pas pu être résolue. Ce débat a été relancé en France depuis que le gouvernement de Lionel Jospin a fait du plein-emploi l’un des objectifs de sa politique économique. S’appuyant sur une succession de chiffres attestant d’une croissance soutenue et d’une baisse continue du nombre de demandeurs d’emploi, nombre d’études ont été publiées, toutes s’efforçant de mettre en lumière la diversité des situations de chômage et de sous-activité au niveau macro-économique. Toutes s’accordent au moins sur un point : résoudre une telle question revient à s’interroger sur la nature même du contrat social prévalant dans notre société, à savoir arbitrer entre une forme de redistribution par l’emploi qui se substituerait à d’autres formes de redistribution assises sur les revenus du travail qui prévalent aujourd’hui.

Voir chômage.

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femmes, travail des

femmes, travail des

1 INTRODUCTION

femmes, travail des, contribution des femmes à la production d'une société, sous une forme rémunérée ou non.

Si la tendance actuelle est au rapprochement entre les formes de travail masculin et de travail féminin, ce dernier a amplement varié suivant les époques et les sociétés. Il subsiste le plus souvent une inégalité notable entre les rémunérations perçues par les hommes et les femmes et, parmi les autres formes d'inégalité, des possibilités moindres pour les femmes d'accéder à des postes à responsabilité malgré un principe général de non-discrimination reconnu dans la plupart des législations nationales.

2 HISTORIQUE DU TRAVAIL DES FEMMES

De tout temps et sous de multiples formes, la femme a contribué à la production et, en premier lieu, par son travail domestique (voir histoire des femmes).

1 Les prémices d’une reconnaissance du travail féminin

Dès le haut Moyen Âge, le travail des femmes, lorsqu’il est pratiqué hors du foyer, est considéré comme une simple assistance à l’époux : pour exemple, les travaux agricoles. Néanmoins, certains emplois spécifiquement féminins bénéficient d’un statut et d’une reconnaissance particulière, comme c’est le cas de la sage-femme, de la lavandière ou de la servante.

De fait, dans l'Europe médiévale, les artisans prennent également pour habitude d'employer les membres de leur famille comme main-d'œuvre. Cas particulier de la profession, il n'est pas rare que les guildes admettent en leur sein les veuves des membres de la corporation ; en France et en Angleterre, les femmes sont dès le xive siècle acceptées au même titre que les hommes dans les corporations de tailleurs, barbiers, charpentiers, selliers ou fabricants d'éperons. À l'inverse, les guildes de couture ou de dentelle sont exclusivement réservées aux femmes.

Progressivement, les corporations sont remplacées par un système de travail à domicile : les commerçants fournissent outils et matériaux à des travailleurs, hommes ou femmes, payés à la pièce et qui fabriquent les articles à leur domicile. Ce système, appelé « nébuleuse industrielle », profite beaucoup aux femmes qui peuvent conjuguer éducation des enfants et tâches domestiques à un travail rémunéré.

2 Les incidences de la révolution industrielle

Ce système périclite avec l'avènement de la société industrielle consécutive à la révolution industrielle, caractérisée par le développement du machinisme qui laisse la place à un travail mécanisé dans des manufactures. Les femmes sont particulièrement employées dans les fabriques de textile et les usines alimentaires ou d'habillement. Moins exigeantes sur les salaires et peu conscientes de l'utilité d'une syndicalisation en train de s'affirmer dans le milieu masculin, elles sont souvent exploitées : elles perçoivent en moyenne un salaire deux fois moins important que les hommes.

Bas salaires, mauvaises conditions de travail deviennent la règle jusqu'aux premières législations s'efforçant d'atténuer ces abus par des mécanismes de protection des travailleurs à la fin du xixe siècle. Puis au siècle suivant, la Première Guerre mondiale et, dans une moindre mesure, la seconde obligent la femme à intégrer le monde de l’usine, monde qu’elle ne veut plus quitter après le retour de l’époux. Même s’il est dur et peu valorisant, le travail rime alors avec l’émancipation pour la femme.

La situation est moins pénible pour les femmes employées dans les services ou exerçant une profession libérale, mais les possibilités d'accès aux différentes fonctions et les niveaux de salaire restent moindres que ceux des hommes. L'utilisation croissante de la machine à écrire et du téléphone à la fin du xixe siècle crée deux nouveaux types d'emploi presque exclusivement féminins, dactylographes et téléphonistes, et a de nouveau pour résultat l'émergence de professions féminines sous-payées et mal reconnues.

L'un des premiers métiers à se féminiser est la médecine, peut-être parce que la profession d'infirmière (et plus encore de sage-femme) est traditionnellement réservée aux femmes. En règle générale, les femmes exerçant une profession libérale bénéficient plus précocement de la législation sur l'égalité de l'emploi que les employées. Actuellement encore, dans de nombreux secteurs, inégalité de salaire et de travail restent de mise.

3 LE TRAVAIL DES FEMMES AUJOURD'HUI

Selon l'Organisation internationale du travail, si l'industrialisation permet la féminisation d'un nombre croissant de professions, la diversité des niveaux de développement, les caractéristiques du système économique et social et les particularités culturelles expliquent en partie les différences de situation entre pays.

1 Les pays occidentaux

Pour les pays occidentaux, les caractéristiques de l'emploi des femmes sont globalement identiques. En Europe, la présence féminine au sein de la population active a évolué de 30 p. 100 dans les années soixante à environ 42 p. 100 dans les années quatre-vingt-dix — avec des écarts selon les pays, 38 p. 100 en Allemagne, 44 p. 100 en France et 55 p. 100 en Suède. La plupart de ces pays ont adopté des lois posant le principe de l'égalité de rémunération à travail égal, comme l’a fait la France en 1972 tandis que les conventions collectives sont souvent utilisées, particulièrement en Europe, pour contribuer à l'amélioration des conditions de travail des femmes. D’ailleurs, afin de limiter toute discrimination dans le travail, une directive européenne datée du 9 février 1976 a établi le principe d’égalité entre hommes et femmes.

Néanmoins, les femmes sont inégalement présentes dans les différentes catégories socioprofessionnelles. Largement majoritaires parmi les employés (76 p. 100) et dans les professions intermédiaires de la santé et du travail social (76,8 p. 100), elles ne représentent que 28,6 p. 100 des cadres administratifs et commerciaux des entreprises, 26,6 p. 100 des cadres de la fonction publique, 12,9 p. 100 des ingénieurs et des cadres techniques et 33 p. 100 des professions libérales. La situation est plus équilibrée pour l'enseignement et les professions scientifiques où le taux de féminisation atteint 53,5 p. 100 (statistiques 1994).

Malgré ces efforts, les salaires des femmes en France restent en moyenne de 22 p. 100 inférieurs à ceux des hommes, à qualification égale (estimation de 1996). Chez les cadres, l'écart de salaire est encore de 16,6 p. 100 et de 12,7 p. 100 chez les cadres supérieurs ; il est de 16,3 p. 100 chez les ouvriers qualifiés. Les femmes sont également plus touchées par le chômage : le taux de chômage féminin s'élève à 13,9 p. 100 alors qu'il n'est que de 9,9 p. 100 chez les hommes. Déjà touchées par le chômage, les femmes le sont aussi par le salaire partiel, découlant du travail à temps partiel ; au sein de la Communauté européenne, entre 76 et 90 p. 100 de ces emplois sont exercés par des femmes (près de 85 p. 100 en France). Ces bas salaires féminins tendent à une paupérisation d’un nouveau type des pays industrialisés, paupérisation que les États-Unis, avec les working poors (essentiellement des femmes), ont déjà inaugurée.

Parmi les nations occidentales, la Suède est la mieux placée en matière d'égalité entre hommes et femmes. Le salaire horaire des femmes, qui il y a vingt ans était d'un tiers inférieur à celui des hommes, atteint désormais 87 p. 100 du salaire masculin. Le gouvernement suédois a entrepris une vague de réformes qui visaient à assurer aux femmes une réelle égalité des chances sur le marché du travail, tout en tenant compte des besoins spécifiques des mères de famille. Les manuels et programmes scolaires, l'éducation parentale, les politiques d'imposition, le système de garde des enfants et les lois sur le mariage et le divorce ont été revus dans cette perspective. Par ailleurs, des programmes de conseil et de soutien ont été élaborés pour les femmes ayant repris une activité professionnelle. La France a, dans ce domaine, adapté depuis peu sa législation, en adoptant, en avril 2001, un projet de loi favorisant l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Le législateur a voulu donner l’exemple en favorisant, au nom de la parité, l’accès des femmes aux fonctions électives et publiques, une égalité étendue au monde de l’entreprise. Ce faisant, certaines dispositions, adoptées au nom de l’égalité entre sexes, ont pu surprendre. Il en est ainsi de la législation concernant le travail de nuit qui jusque-là était prohibé pour les femmes. Celles-ci pourront être désormais affectées à des postes de nuit dès lors qu’un accord d’entreprise ou de branche le prévoit. Ce faisant, la France se met en conformité avec la législation communautaire qui, depuis 1976, autorise le travail de nuit des femmes dans l’industrie tout en prenant en compte une réalité sociale, à savoir que près de 800 000 femmes travaillent actuellement entre 21 heures et 6 heures, notamment dans les métiers de la santé. Toutefois, malgré les garanties prévues en la matière (notamment le repos compensateur offert à ces salariés travaillant selon des horaires atypiques), nombreux sont celles et ceux qui pensent que le principe de l’égalité de traitement pourrait se retourner contre les femmes en précarisant encore davantage une situation qui de facto est inégalitaire.

Certains pays européens se sont inspirés de ces mesures pour adapter leurs politiques sociales, mais le coût de ces réformes freine considérablement leur concrétisation. À l’opposé de la Suède, l’Allemagne ne permet pas de concilier vie professionnelle et vie familiale ; les crèches étant très coûteuses, les horaires scolaires ne correspondant pas aux horaires de travail, les femmes sont souvent obligées de quitter le monde des actifs après la naissance d’un enfant.

2 Les pays asiatiques

Le Japon, pays le plus industrialisé d'Extrême-Orient, a conservé certaines de ses attitudes traditionnelles à l'égard de l'activité des femmes. Si la présence féminine sur le marché du travail n'est que légèrement inférieure à celle de la plupart des pays occidentaux, les femmes continuent à abandonner leur emploi lorsqu'elles ont des enfants, même si nombre d'entre elles sortent de l'enseignement supérieur avec des niveaux de qualification élevés. Bien qu'une législation sur l'égalité du travail ait été mise en œuvre, les femmes occupent le plus souvent des fonctions subalternes. Les possibilités de carrière, notamment dans le monde politique, de l'administration et des affaires, restent moindres comparées à celles qui sont offertes dans certains pays occidentaux.

L'expansion économique de la Corée du Sud, de Singapour, de Taiwan et des autres nouveaux pays industrialisés d'Asie a offert de nouvelles opportunités d'emploi pour les femmes. La croissance économique a été l'occasion pour ces dernières de prétendre à des carrières et à des salaires qu'elles n'avaient jamais connus auparavant. Ce mouvement est encore freiné par des rigidités culturelles (attitudes paternalistes, importance de la famille dans le confucianisme et influence de l'islam dans certaines régions), mais ces pays sont de moins en moins enclins à laisser les traditions écarter cette source potentielle de richesse.

3 Le système soviétique

Les politiques de l'emploi dans l'Europe de l'Est communiste et dans l'ancienne Union des républiques socialistes soviétiques, qui ont été mises en œuvre jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, se sont fondées sur l'idée du devoir et du droit des femmes au travail. Selon la Constitution soviétique, aucune législation ne pouvait déroger au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

L'URSS et ses alliés ont facilité l'activité professionnelle féminine par des mesures relatives à la garde des enfants, la santé, l'instruction et les loisirs. Selon les estimations, environ 85 p. 100 des femmes travaillaient à l'extérieur de leur foyer dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt. Elles restaient le plus souvent cantonnées dans les professions et les industries traditionnelles où elles avaient en général moins de responsabilités que les hommes. En Bulgarie par exemple, les femmes représentaient 78 p. 100 des employées du textile mais seulement 25 p. 100 des ingénieurs. En URSS, les proportions étaient respectivement de 74 p. 100 et 40 p. 100. Bien que l'emploi à temps partiel ait été découragé, il concernait environ la moitié des femmes.

L'effondrement des régimes communistes en Europe centrale et orientale a remis cette situation en question, mais il semble qu'à l'heure actuelle les femmes de l'ancien bloc communiste jouissent d'une meilleure situation sur le marché du travail que celles d'Europe occidentale.

4 Les pays du tiers-monde

La plupart des pays d'Afrique, d'Asie, du Moyen-Orient et d'Amérique latine conservent une économie pauvre, fondée sur l'agriculture. La majorité des femmes travaillent dans les champs ou sur les marchés, ramassent du bois ou transportent de l'eau sans que ces activités ne soient prises en considération dans les calculs économiques. Ce sont les pays africains qui connaissent les plus forts pourcentages de féminisation de la main-d'œuvre, mais il s'agit habituellement d'un travail agricole de subsistance. Alors que les hommes partent en ville à la recherche de revenus plus élevés, nombre de femmes se retrouvent seules pour s'occuper de la famille.

La Banque internationale pour la reconstruction et le développement a défini un programme d'enseignement de base destiné aux hommes comme aux femmes des pays en voie de développement. Ce programme inclut un effort en matière d'alphabétisation, un enseignement en matière de planning familial, de santé, de protection de l'enfance, de nutrition, d'hygiène et d'instruction civique, mais l'analphabétisme reste plus fort parmi les femmes que parmi les hommes. Même dans les pays qui sont parvenus à mettre en œuvre une certaine égalité, des problèmes tels que le niveau élevé du taux de chômage frappent durement la main-d'œuvre féminine.

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travail, durée du

travail, durée du

1 INTRODUCTION

travail, durée du, terme désignant la longueur de la journée ou de la semaine de travail. La fixation de la durée du travail constitue un des thèmes privilégiés de la négociation sociale. L’aspiration contemporaine à travailler moins, ou à travailler autrement, se double d’un débat sur l’intérêt de réduire la durée du travail dans le cadre de la lutte contre le chômage.

2 LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

La durée du travail n’est devenue un enjeu social important qu’à partir de la révolution industrielle. Cette mutation majeure des modes de production donne naissance à une importante classe de salariés sans qualification, contrainte de se soumettre aux conditions de travail imposées par le patronat. En 1800, dans les usines de Grande-Bretagne, les hommes, les femmes et les enfants travaillent quatorze heures par jour, et des journées encore plus longues prévalent dans certains secteurs industriels, notamment dans les filatures. Sous la pression des réformateurs sociaux puis du mouvement chartiste, le Parlement légifère pour limiter le recours au travail des femmes et des enfants. Enfin, les ouvriers organisent leur action au sein de syndicats, qui réussissent à obtenir effectivement la réduction des heures et des journées de travail.

3 LA JOURNÉE DE HUIT HEURES

Ce sont les ouvriers australiens qui entament en 1856 le mouvement pour la journée de huit heures. En 1866, la relève est prise par une organisation socialiste, la Ire Internationale, animée notamment par Karl Marx, suivie par les centrales syndicales américaine et britannique, respectivement en 1866 et en 1869. Les conventions collectives intervenues entre les syndicats et le patronat, et l’action du législateur permettent d’obtenir gain de cause. Ainsi, en France, la journée de travail des jeunes de treize à dix-huit ans est fixée à dix heures en 1892 et elle est progressivement ramenée à dix heures pour tous les ouvriers en ateliers en 1900. Le repos hebdomadaire est institué en 1906. À la fin de la Première Guerre mondiale, la journée de huit heures et la semaine de quarante-huit heures sont la règle dans la plupart des secteurs industriels des pays développés. L’un des facteurs expliquant cette tendance vers la réduction des journées de travail réside dans la croissance de la hausse de la productivité à mesure que le nombre d’heures diminue.

4 LA SEMAINE DE CINQ JOURS

Durant la crise économique de 1929, le mouvement de lutte pour la semaine de cinq jours s’étend, notamment aux États-Unis, où les dirigeants syndicaux proposent que la réduction de la durée du travail permette l’embauche de salariés supplémentaires. En 1933, le programme du New Deal, mis en œuvre par le président Franklin Roosevelt, réduit la semaine de travail dans de nombreux secteurs industriels à quarante heures, et la journée à huit heures. Au début de la Seconde Guerre mondiale, cette pratique de la semaine de cinq jours et de quarante heures environ a été étendue à l’ensemble du territoire américain.

Au milieu du XXe siècle, la plupart des États sont dotés de législations limitant la semaine de travail dans les secteurs non agricoles à quarante ou quarante-huit heures. Ainsi, en 1967, l’Union soviétique avait-t-elle réduit la semaine de travail de six à cinq jours, tout en maintenant la semaine à quarante et une heures. En France, la durée du travail a été divisée par deux entre 1881 et 1996. Elle est passée de trois mille heures environ par an et par employé à mille six cent cinquante environ.

5 LES DERNIÈRES ÉVOLUTIONS EN EUROPE

La semaine maximale de quarante heures est aujourd’hui en vigueur dans bon nombre de pays. En France, la durée hebdomadaire du travail est de trente-neuf heures depuis l’ordonnance du 16 janvier 1982. La moyenne pour les hommes, dans l’ensemble de l’Union européenne en 1992, était de 40,2 heures. On note toutefois de grandes disparités d’un pays à l’autre. Ainsi, ce sont les employés britanniques de sexe masculin qui travaillent le plus : 43,3 en moyenne, soit sept heures de plus par semaine que leurs homologues hollandais.

La moyenne pour l’ensemble des citoyens de l’Union européenne est de 37,2 heures par semaine (un peu moins de trente-neuf heures en France), chiffre quelque peu inférieur au nombre standard de quarante heures. Cette différence s’explique par le nombre d’heures généralement inférieur des femmes. Ici encore, on note des disparités d’un pays à un autre : les Portugaises travaillent 38,2 heures par semaine, contre 25,8 pour les Néerlandaises.

Bien que le nombre total des heures de travail hebdomadaires ne s’éloigne pas beaucoup de la norme des quarante heures, tout au moins en ce qui concerne les hommes, on observe que les heures réellement travaillées par jour sont aujourd’hui beaucoup plus flexibles. Par exemple, il ressort d’une étude réalisée en 1994 en Grande-Bretagne que 10 p. 100 des employés de sexe masculin et 15 p. 100 des employées du sexe féminin à plein-temps négocient des contrats à horaires flexibles. L’augmentation du nombre de femmes actives a par ailleurs accru le nombre des personnes ne travaillant que pendant les trimestres scolaires, qui représentent près de 10 p. 100 des salariés à temps partiel et qui sont en majorité des femmes.

Le travail aujourd’hui se caractérise par une hausse de l’emploi précaire (activité à temps partiel, intérim, contrats à durée déterminée) et par la présence d’un plus grand nombre de femmes dans la population active. Ces deux tendances ont été particulièrement importantes en France où, durant la dernière décennie, le nombre d’hommes employés a diminué d’environ deux cent mille unités. En 1994, la population active féminine a augmenté de un million par rapport à 1982. Le temps partiel regroupe environ 12 p. 100 des emplois (contre 9,1 p. 100 en 1982). Ainsi, les femmes représentent aujourd’hui 43 p. 100 de l’ensemble des employés. Cette tendance est observée dans de nombreux pays industrialisés, y compris au sein de l’Union européenne.

6 L’EXPÉRIENCE DES 35 HEURES

Le débat sur la réduction du temps de travail a connu une vigueur nouvelle avec l’adoption, en mai 1998, de la loi réduisant le temps de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures. Le dispositif adopté consiste en une réduction généralisée et obligatoire du temps de travail échelonnée dans le temps. Le passage aux 35 heures est prévu pour le 1er janvier 2000 pour les entreprises employant plus de 20 salariés et au 1er janvier 2002 pour celles qui disposent d’un effectif inférieur à ce seuil. Pour les entreprises qui prennent l’initiative de devancer cette date butoir, des mécanismes d’aides financières sont prévus afin d’inviter les entreprises à réorganiser leur façon de gérer le temps de travail de leurs salariés.

Cette loi généralise, en le rendant obligatoire, le mécanisme qui avait été mis en place en 1996 en application de la loi De Robien. Celle-ci opérait un lien entre création d’emplois, réduction des charges patronales et réduction du temps de travail. Elle permettait à toute entreprise qui le désirait de bénéficier d’un allégement, pendant une période de sept ans, des cotisations Urssaf dès lors que l’entreprise procédait à un réaménagement du temps de travail se manifestant par une création d’emplois.

Cette première loi a été complétée par l’adoption, le 19 janvier 2000, de la loi dite Aubry II. Ce nouveau texte confirme que la durée légale et effective du travail est de 35 heures par semaine, quel que soit le mode de calcul retenu, qu’il soit hebdomadaire ou annuel — auquel cas le contingent d’heures travaillées ne saurait être supérieur à 1 600 heures. À cet effet, la loi précise les modalités selon lesquelles le temps de travail peut être aménagé afin de permettre aux entreprises d’ajuster l’organisation du temps de travail, eu égard aux fluctuations de l’activité. Le seconde loi Aubry a donc mis en place plusieurs dispositifs de modulation du temps de travail permettant sous des formes diverses (réduction du temps de travail sous forme de jours, compte épargne-temps, travail à temps partiel, repos compensateur) de défalquer de leur temps de travail les éventuelles heures supplémentaires effectuées. Par ailleurs, afin de promouvoir plus rapidement le passage effectif aux 35 heures, cette même loi a renforcé le caractère incitatif du dispositif en mettant en place de nouveaux allègements de cotisations patronales, notamment pour l’emploi.

L’idée sous-jacente qui a présidé au vote de ces deux lois repose sur un constat simple : il s’agit de travailler moins afin de faire travailler davantage de personnes, et ce dans un contexte où l’indemnisation du chômage représente un coût social et financier toujours plus lourd à assumer. Le premier effet de cette généralisation de la réduction du temps de travail est donc attendu sur le front de l’emploi : diverses études ont ainsi conclu que le dispositif mis en place est susceptible d’engendrer la création de 250 000 à 300 000 emplois, soit un impact plus élevé qu’une politique qui ne serait orientée que vers la seule baisse des charges pesant sur les entreprises, politique qui a montré ces dernières années ses limites. Toutefois, cette idée a rencontré l’hostilité du patronat français, qui par la voix du Medef, a fait part de ses réticences à voir appliquer une réforme dans laquelle la baisse du temps de travail n’est pas compensée par une réduction de salaire équivalente. Payer 35 heures hebdomadaires de travail effectif pour un coût équivalent à 39 heures a été dénoncé comme une « hérésie économique ». En ce cas, l’aide financière apportée par l’État serait insuffisante pour compenser l’augmentation du coût horaire du travail et viendrait pénaliser les entreprises.

L’ensemble de ces critiques suffit à démontrer que l’efficacité de cette politique de réduction du temps de travail repose sur une coopération entre partenaires sociaux. Pour les uns, il s’agit de se convertir aux règles de la modération salariale. Pour les autres, le succès est conditionné par une réorganisation du travail et la volonté de jouer le jeu de l’embauche. Dans un pays comme la France, dans lequel les relations entre partenaires sociaux sont historiquement marquées par une opposition et moins par un jeu de collaboration reposant sur une règle de « donnant-donnant », comme cela peut être le cas en Allemagne, la mise en place de la réduction du temps de travail constitue une occasion de tester l’évolution des rapports de travail entre employeurs et salariés.

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apprentissage (formation)

apprentissage (formation)

apprentissage (formation), acquisition d’une technique professionnelle au moyen du placement, pour une période d’une durée variable, d’une personne qui désire se former dans une entreprise ou auprès d’un artisan. Très largement pratiqué au Moyen Âge dans le cadre des corporations, l’apprentissage reste le mode de formation privilégié de toutes les professions artisanales.

Aujourd’hui, il concerne, en France, 280 000 personnes environ. Les jeunes de 16 à 25 ans s’engagent à passer, au terme d’un à trois ans de formation alternée, un examen professionnel reconnu par l’Éducation nationale (CAP, BEP, bac professionnel ou diplôme d’ingénieur). Pour cela, l’apprenti signe avec son employeur un contrat de travail à durée déterminée d’un type particulier : en contrepartie d’un pourcentage du SMIC qui varie de 15 à 75 p. 100 selon l’âge et l’année (voir salaire minimum), il occupe, en entreprise, sous la conduite d’un maître d’apprentissage agréé, un emploi correspondant à la qualification qu’il prépare, et assiste à des cours théoriques dispensés au Centre de formation des apprentis (CFA) ou chez l’employeur, à raison de 400 h par an. La rémunération versée est exonérée de cotisations sociales.

Le taux préoccupant de chômage — tout particulièrement chez les jeunes — a redonné à l’apprentissage une actualité qu’il avait un temps perdu : beaucoup d’analyses considèrent, en effet, que l’inadéquation des formations assurées par l’école aux besoins des entreprises est l’une des causes principales de ce taux d’inactivité. Le recours à l’apprentissage apparaît, dans ce contexte, comme l’un des moyens de rapprocher l’école de l’entreprise et de mieux combiner formation théorique et pratique professionnelle. La politique de formation des jeunes, notamment en faveur de ceux qui ont peu de qualifications, a ainsi mis l’accent, depuis le milieu des années quatre-vingt, sur le développement de la formation en alternance. Ces mesures, qui s’inspirent du modèle allemand, ont connu un réel succès, comme en témoigne la croissance, depuis 1992, du nombre d’élèves concernés par les contrats d’apprentissage. La quasi-totalité de la formation en Allemagne se déroule, en effet, dans le cadre de l’alternance entreprise-école professionnelle publique. Ce mode de formation, qualifié de « système dual », accueille la majorité des jeunes d’une classe d’âge. La qualité de ce système constituerait l’un des éléments d’explication de la différence qui existe entre le taux de chômage des jeunes Français et celui des jeunes Allemands de moins de 25 ans. L’apprentissage se double, dans les entreprises allemandes, d’un système de formation continue qui permet aux anciens apprentis d’avoir accès à des carrières de maîtrise, de technicien et d’ingénieur. Cependant, en dépit de ses succès, le système dual suscite aujourd’hui en Allemagne même de nombreuses interrogations sur sa viabilité future : les jeunes ne veulent plus entrer dans certaines filières industrielles et artisanales ; ils préfèrent se diriger vers des filières dont l’accès passe par des études universitaires. Le fonctionnement du marché du travail renforce ces évolutions : les diplômés universitaires perçoivent de meilleures rémunérations, occupent de meilleures positions sociales et sont moins vulnérables au chômage que les diplômés du système dual. Pour toutes ces raisons, le système allemand d’apprentissage se voit menacé, au moment même où il est présenté comme un modèle pour les autres pays européens.

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