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Mike contre-attaque !
Bienvenue aux États stupides d'Amérique
Michael Moore
http://www.michaelmoore.com/
Editions Le Découverte & Syros, Paris, 2002.

Sommaire du livre / Extraits
Présentation :
Pour vous mettre l'eau à la bouche,
voici quelques extraits de ce magnifique livre qui vaut pour son impertinence.
C'est un livre un peu moins universitaire que les autres
mais c'est tellement bon de se lâcher de temps à temps.
Pour ceux qui ne connaisse pas Michael et non "mickael",
sachez que c'est avant tout un cinéaste américain
spécialiste de documentaires sur l'état social américain
roger et moi, bowling for colombine, the big one.
Il faut remarquer que la France
manque cruellement de tels personnages,
à part Pierre Carles peut-être !
 

 

SOMMAIRE

INTRODUCTION Un putsch à l'américaine page 9

1.      Mon cher George. page 39

2.      Ça s'appelle le C-A-P-I-T-A-L-I-S-M-E page 59

3.      Mort aux visages pâles ! page 71

4.      Les États Stupides d'Amérique page 105

5.      Sauve qui peut la planète ! page 133

6.      La fin des hommes          page 155

7.      On est les plus forts ! page 175

8.      Tous en taule, c'est tellement plus drôle page 209

ÉPILOGUE                     La triste et sordide histoire

          de Ben Cheney et Ben Bush page 225

 

EXTRAITS
Exploitation capitaliste / Les profs et l'éducation 
Les états-unis number one / Système pénal étasunien 

 

P 62-64

…/…

Ces pilotes - comme le reste des salariés américains - ne cessent de s'entendre dire que l'économie bat de l'aile, qu'on est en pleine récession, que les profits déclinent, que la Bourse plonge et que M. Greenspan a beau baisser les taux d'intérêt, tout va de mal en pis.

Et les chiffres semblent bien appuyer ces dires. Chaque semaine, on compte environ 403 000 nouveaux chômeurs aux États-Unis. Des centaines d'entreprises annoncent des licen­ciements massifs. Des milliers de start-ups et d'entreprises. com hypersophistiquées ont fait long feu. Les ventes d'automobiles sont au plus bas. Les fêtes de fin d'année ont été désastreuses pour le commerce. De Silicon Alley à Silicon Valley, tout le monde se serre la ceinture.

Et les citoyens avalent docilement toutes ces sornettes.

Eh bien, figurez-vous qu'il n'y a pas plus de récession que de beurre en branche. Pas de crise, pas de dépression, tout va très bien, madame la marquise. Les riches se vautrent dans la montagne de billets verts qu'ils ont accumulés sur votre dos pendant les vingt dernières années, et ils ne veulent surtout pas que vous veniez y fourrer votre nez et demander votre part.

Les plus fortunés font tout ce qu'ils peuvent pour vous convaincre de ne pas réclamer votre dû en prétextant que, tout

d'un coup, c'est la crise, c'est la débâcle ! Tous les soirs, par la voix des médias qui leur appartiennent, on vous martèle que tout va mal, on vous fait pleurer avec l'histoire de la dernière start-up qui a fait faillite, du dernier fonds de pension qui a tout perdu, de l'investisseur du Nasdaq qui n'a plus que sa chemise sur le dos. Aujourd'hui, le Dow Jones a perdu plus de 300 points. La firme Lucent Technologies a annoncé quinze mille nouveaux licenciements, United et US Airways ont renoncé à fusionner, Général Motors se débarrasse d'Oldsmobile

et même votre brave petit plan de retraite est en péril. Il y a de

quoi flipper, non ?

Alors bien sûr, tout ça, c'est vrai. Ils iraient quand même pas vous raconter des mensonges. En tout cas, pas sur ces petites histoires qui servent à manipuler vos angoisses.

Le mensonge se situe à un autre niveau. Dans l'idée que tout va mal au niveau de l'économie mondiale. Évidemment, sous un certain aspect, ça a l'air plausible. Si vous faites partie des classes moyennes ou des couches populaires, vous avez toutes les raisons d'être inquiets. Pourquoi ? Parce qu'au sommet de la pyramide ils ont encore plus les jetons que vous. Ils pani­quent complètement à l'idée que vous ayez envie de vous invi­ter à leur fête. Ils ont la trouille que vous leur disiez : « OK, vous avez votre yacht, votre villa dans le sud de la France, mais moi, à quoi j'ai droit ? J'aimerais bien avoir une petite rallonge pour remplacer la porte de mon garage. » La seule chose qui dépasse leur appréhension, c'est leur stupéfaction de constater qu'aucun d'entre vous n'a exigé une augmentation, des congés payés, le remboursement partiel d'une visite chez le dentiste, ni la moindre miette de la surabondance de richesse qui a été engendrée au cours des dix dernières années. À croire que vous êtes vraiment satisfaits de passer quatre soirées par semaine à regarder le programme « Qui veut gagner des millions ? » sans jamais oser répondre « MOI » ! Les nababs s'attendraient plutôt à vous voir mendier.

Eh oui, ces types-là savent bien qu'un jour vous allez récla­mer votre part, c'est inévitable. Et comme il est absolument hors de question de vous l'accorder, ils ont le doigt sur la gâchette et ils ont décidé de lancer une frappe préventive dans l'espoir qu'il ne vous vienne même pas à (idée de lorgner sur leur magot.

C'est pour ça qu’on vous licencie, ou qu'on vous raconte des histoires à faire peur. C'est pour ça qu'il n'y a plus de café gratuit dans leurs bureaux, pas du tout parce qu ils n'ont plus les moyens de vous offrir le café, mais parce qu'ils veulent vous mettre sous pression. Ils veulent que vous soyez dans un état constant de stress et de parano. FAIS GAFFE, T'ES PEUT-ÊTRE LE PROCHAIN SUR LA LISTE ! Oublie le Maxwell qualité filtre, essaie plutôt de sauver ta peau! Ah, ils doivent bien se marrer, les patrons, derrière leurs bureaux.

…/…

 

P 117-120

…/…

Bien sûr, il y a un tas de profs qui déconnent et qui feraient mieux de faire du démarchage téléphonique pour vendre des produits de beauté. Mais la vaste majorité des enseignants sont des éducateurs consciencieux qui gagnent moins d'argent par mois que ce que certains de leurs propres élèves empochent en vendant de l'ecstasy, et nous nous permettons de critiquer leur extrême dévouement. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, personnellement, je préférerais que les personnes qui s'occupent de ma progéniture pendant la majeure partie de la journée, en tout cas plus longtemps que moi, soient traitées avec un peu plus d'affection et de sympathie. Après tout, c'est l'avenir de mes gosses qui est entre leurs mains, alors pourquoi leur chercher systématiquement des poux dans la tête ?

On pourrait penser que l'attitude normale envers les enseignants serait à peu près la suivante.

 

Chers professeurs, je vous remercie mille fois de consacrer

autant de temps à mon enfant. Puis je faire QUOI QUE CE

SOIT pour vous aider ?Avez-vous besoin de QUOI QUE CE

SOIT ? je suis entièrement à votre disposition. Pourquoi ? Parce

que vous aidez mon enfant - MA PETITE CHÉRIE - à

apprendre et àgrandir Non seulement vous êtes largement respon­

sables de sa future capacité à gagner sa vie, mais votre influence

comptera beaucoup dans sa façon de percevoir le monde, dans

sa connaissance des autres êtres humains et dans la confiance

qu elle aura en elle-même. Mon plus cher souhait, c est qu elle se

sente capable d’affronter tous les obstacles, qu'elle sente que toutes

les portes lui sont ouvertes et qu'aucun rêve ne lui est inacces­

sible. C est la personne la plus importante de mon existence que

je vous confie sept heures par jour. Trous êtes donc vous aussi lune

des personnes les plus importantes de mon existence !Merci.

 

Eh bien non, au lieu de ça, voilà ce que les profs s'entendent dire

 

X « On peut se poser des questions sur ces enseignants qui prétendent donner la priorité absolue aux intérêts de nos enfants et qui ne songent qu'à ruiner notre système d'édu­cation en exigeant constamment des augmentations » (New York Post, 26.12.2000).

X « On estime qu'entre 5 % et 18 % des 2,6 millions d'ensei­gnants sont incompétents » (Michael Chapman, Investor's Business Daily, 21.09.1998).

X « La plupart des professionnels de l'éducation appartiennent à un cercle fermé d'initiés [...] qui obéissent aux modes péda­gogiques au lieu d'appliquer des méthodes scientifiquement éprouvées » (Douglas Carminen, cité dans la Montreal Gazette, 06.01.2001).

X « Les syndicats enseignants en arrivent à défendre des délinquants ou des professeurs qui ont des relations sexuelles avec des élèves, ou encore des individus tout simplement incompétents » (Peter Schweizen, National Review, 17.08.1998).

 

Quelle priorité accordons-nous à l'éducation dans ce pays ? Oh, bien sûr, elle est sans doute budgétée quelque part entre l'inspection du travail et l'hygiène alimentaire. Les individus qui veillent quotidiennement à l'éducation de nos enfants gagnent en moyenne 41 351 dollars par an. Un congressiste dont le seul souci est de savoir quel représentant du lobby du tabac va l'inviter à dîner ce soir gagne 145 000 dollars.

Vu le profond mépris social qui s'exprime à travers ce salaire de misère, il n'y a pas de quoi s'étonner qu'il y ait si peu de vocations enseignantes. La pénurie de professeurs est si forte aux États-Unis que certains districts scolaires doivent recruter des enseignants à l'étranger. Tout récemment, à Chicago, on a dû embaucher des profs originaires de vingt-huit pays différents, dont la Chine, la France et la Hongrie. À New York, lors de la prochaine rentrée, sept mille enseignants seront partis en retraite, et 60 % de leurs remplaçants ne seront pas des profes­seurs certifiés.

Mais vous ne connaissez pas la meilleure: 163 établissements scolaires de New York ont inauguré l'année 2000-2001 sans avoir de directeur! Vous avez bien entendu: des dizaines d'écoles sans personne au poste de commande ! Il semblerait que les responsables de l'éducation publique de la mairie de New York soient tentés de mettre en pratique la théorie du chaos : fourrez-moi cinq cents pauvres gosses dans un bâtiment en ruine et observez le résultat ! Il faut croire qu'une métropole qui contrôle l'essentiel des richesses de la planète et où il y a plus de millionnaires au mètre carré que de vieux chewing-gums sur le trottoir est incapable de trouver de quoi payer un prof débutant plus de 31 900 dollars par an. Et après ça, on s'étonne de la médiocrité des résultats du système.

Et ce ne sont pas seulement les enseignants qui sont mal trai­tés : les établissements scolaires des États-Unis tombent littéralement en ruine. En 1999, 25 % des écoles publiques améri­caines signalaient qu'au moins un de leurs bâtiments était dans un état critique. En 997, à Washington, on dut repousser la rentrée de trois semaines parce que les conditions de sécurité étaient déficientes dans un tiers des établissements.

Près de 10 % des écoles reçoivent 25 % d'élèves en plus que ce que leur permet leur capacité d'accueil. Certains cours ont lieu dans les halls, dans la cour, dans les salles de gym ou dans la cafétéria; j'ai même visité une école où une classe occupait la remise du gardien. De toute façon, la remise du gardien ne sert généralement pas à entreposer les produits de nettoyage

à New York, près de 15 % des 1 100 écoles publiques n'ont pas de personnel d'entretien à plein temps ; ce sont les profs qui doivent balayer leurs salles de classe, et il n'y a pas de papier dans les toilettes des élèves. On envoie déjà les gosses vendre des bonbons dans la rue pour pouvoir acheter des instruments de musique pour l'orchestre du collège, alors pourquoi pas leur faire laver les pare-brise pour financer la ration de PQ?

Une autre preuve de l'intérêt que suscite l'avenir de notre progéniture auprès de nos élus est le nombre des bibliothèques publiques, et même des bibliothèques scolaires, qui ont été fermées ou qui ont dû limiter leurs heures d'ouverture.

…/…

 

P 186-188

…/…

Mais il n'y a pas de quoi désespérer. Parmi les vingt pays les plus développés, les États-Unis sont le numéro un absolu dans tous les domaines suivants

Numéro un pour le nombre de millionnaires.

Numéro un pour le nombre de milliardaires.

Numéro un en matière de dépenses militaires.

Numéro un pour le nombre de victimes d'armes à feu.

Numéro un en matière de production de viande de bœuf.

Numéro un en matière de consommation d'énergie par habitant.

Numéro un en matière d'émission de dioxyde de carbone (à nous tout seuls, nous en laissons échapper dans l'atmosphère plus que l'Australie, le Brésil, le Canada, la France, l'Inde, l'Indonésie, l'Allemagne, (Italie, le Mexique et le Royaume-Uni pris ensemble).

Numéro un pour le volume d'ordures municipales par habi­tant (720 kilos par an et par personne).

Numéro un pour le volume de déchets toxiques (nous en produisons vingt fois plus que l'Allemagne, notre principal concurrent en la matière).

Numéro un en matière de consommation de pétrole.

Numéro un en matière de consommation de gaz naturel.

Numéro un pour le faible volume des recettes de l'impôt sur le revenu (en pourcentage du PIB).

Numéro un de l'avarice en matière de dépenses publiques (en pourcentage du PIB).

Numéro un en matière de déficit budgétaire (en pourcentage du PIB).

Numéro un en matière de consommation de calories par jour et par personne.

Numéro un en matière d'abstention électorale.

Numéro un du bipartisme absolu et exclusif.

Numéro un pour le nombre de viols (presque trois fois plus que le Canada, notre principal concurrent en la matière).

Numéro un pour le nombre de morts et de blessés à l'occasion d'accidents de la route (presque deux fois plus que le Canada, notre principal concurrent en la matière).

Numéro un pour le nombre de mères célibataires de moins de vingt ans (là aussi, deux fois plus que le Canada, et presque deux fois plus que notre principal concurrent, la Nouvelle-Zélande).

Numéro un pour le nombre d'accords

droits de l'homme que nous avons refusé de signer.

Numéro un parmi les nations démocratiques représentées aux Nations unies ayant refusé de ratifier la Convention sur les droits de l'enfance.

Numéro un pour le nombre d'exécutions judiciaires de mineurs.

Numéro un pour le nombre de mineurs de moins de quinze

ans susceptibles de mourir victimes d'une arme à feu.

Numéro un pour le nombre de mineurs de moins de quinze

ans susceptibles de se suicider avec une arme à feu.

Numéro un pour la médiocrité du niveau de nos élèves de

quatrième en mathématiques.

Numéro un de la pauvreté infantile, dans la mesure où nous

sommes la première société dans l'histoire où le segment le plus pauvre de la population sont les enfants.

 

Réfléchissez un peu à la signification de cette liste. Ne sentez-vous pas votre poitrine se gonfler d'orgueil à l'idée que nous autres, les Américains - et rien crue nous autres -, sommes capables d'occuper la première place dans un si grand nombre de domaines ? Ça rappelle un peu l'époque où l'Allemagne de l'Est raflait toutes les médailles aux jeux Olympiques. Et ce n'est pas un succès facile, les gars. Ça vaut bien une accolade de félicitations et une nouvelle réduction d'impôts pour les riches.

Dans le but de démontrer un peu plus d'empathie à l'égard des 191 autres pays du monde, je souhaiterais offrir quelques suggestions quant à la meilleure manière de promouvoir la paix mondiale. Très modestement, j'ai choisi d'intituler cette rubrique « Le Plan de Paix Global de Mike ». De mon humble point de vue, on est tous dans le même bateau, il n'y a d'exception pour personne, et personne ne risque de se faire débarquer en marche. Alors, que ce soit pour des raisons de principe ou parce que nous n'avons pas envie de voir proliférer les Ben Laden dans nos aéroports, il est temps de contribuer à régler les problèmes les plus brûlants de la planète.

…/…

 

 

P 220-224

…/…

Si de simples étudiants peuvent démontrer de telles erreurs judiciaires, on peut légitimement se demander combien de centaines d'autres détenus du couloir de la mort à travers les États-Unis ont été injustement condamnés.

La peine de mort existe dans trente-huit États. Elle est également appliquée par les tribunaux fédéraux et les tribunaux militaires. Douze autres États, plus le District de Columbia (ce minuscule territoire marécageux plein d'Afro-Américains dont les plaques d'immatriculation réclament pour Washington le statut d'État, au grand dam de George W ), l'ont supprimée.

Depuis 1976, il y a eu sept cents exécutions aux États-Unis.

Les États les plus sanguinaires sont, dans l'ordre, les suivants

Texas (248 exécutions, soit près du tiers du total depuis 1976), Virginie (82), Floride (51), Missouri (50), Oklahoma (43), Louisiane (26), Caroline du Sud (25), Arkansas (24), Alabama (23), Arizona (22), Caroline du Nord (17), Delaware (13), Illinois (12), Californie (9), Nevada (9), Indiana (8), Utah (6).

Dans une étude récente sur 4 578 cas d'inculpation répartis sur une période vingt-trois ans (1973-1995), les auteurs sont parvenus à la conclusion effrayante que les tribunaux avaient identifié de graves erreurs de procédure dans près de sept cas sur dix. Ils ont également découvert que le verdict de peine capitale était cassé deux fois sur trois en cas d'appel. Quant au taux d'erreurs au niveau de l'instruction, il était de 68 %.

Depuis 1973, près de quatre-vingt-quinze détenus du couloir de la mort ont fini par être purement et simplement acquittés par les tribunaux - à savoir qu'ils ont été jugés innocents des crimes pour lesquels ils avaient été condamnés à la peine capi­tale. Quatre-vingt-seize personnes ont été relâchées suite à un test d'ADN.

Quelles sont donc les causes d'erreur judiciaire les plus fréquentes ?

- L'incompétence massive de nombre d'avocats qui négligent ou ignorent systématiquement des preuves démontrant soit l'innocence de leurs clients, soit le caractère injustifié de la peine capitale dans leur cas. - Des policiers ou des magistrats qui ont effectivement découvert de telles preuves mais les ont dissimulées, déviant ainsi le cours de la justice.

Pour la moitié des années étudiées, y compris parmi les plus récentes, le taux d'erreurs était de 60 %. Ce taux d'erreurs élevé se distribue à travers tout le pays. Dans 85 % des cas de peine capitale, le taux d'erreurs est de 60 % ou plus. Dans trois cas sur cinq, le taux d'erreurs est de 70 % ou plus.

Repérer ces erreurs prend du temps. Sachant qu'en moyenne neuf années séparent le verdict de l'exécution, on constate que, dans la plupart des cas, les détenus du couloir de la mort doivent attendre plusieurs années pour que le lent processus de révision aboutisse et démasque toutes ces erreurs, permettant souvent dès lors l'annulation du verdict. Cela coûte extrêmement cher aux contribuables, aux familles des victimes, au système judi­ciaire et aux victimes de ces injustices elles-mêmes.

D'après la même étude, 82 % des détenus dont la condamnation à mort est annulée reçoivent alors une peine plus légère, et 7 % d'entre eux sont complètement acquittés.

Le taux d'erreurs a augmenté depuis 1996, quand le président Clinton a pris des mesures rendant beaucoup plus difficile aux condamnés à mort de prouver leur innocence. Ils ont désormais un an maximum pour faire appel auprès d'un tribunal fédéral après avoir épuisé toutes leurs possibilités d'appel auprès des tribunaux des divers États. À la lumière de l'étude mentionnée ci-dessus, qui prouve qu'un nombre important de ces condamnés ou bien sont innocents, ou bien ne méritent

pas une sanction aussi drastique, cette tentative de réduire encore plus leurs droits est tout simplement scandaleuse.

Nous sommes également un des rares pays dans le monde qui condamne à mort aussi bien les malades mentaux que les délinquants juvéniles. De fait, seuls dix États autorisent l'exécution des mineurs : l'Iran, le Nigeria, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, le Yémen et les États-Unis.

Avec la Somalie, les États-Unis sont le seul pays qui n'ait pas signé la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfance. Pourquoi ? Parce que ce texte comprend une clause interdisant l'exécution des mineurs de moins de dix-huit ans, et que nous ne voulons pas avoir les mains liées de ce point de vue.

Nous sommes le seul pays développé à mettre à mort ses enfants.

Même la Chine - un pays qui ne brille pourtant pas par son bilan en matière de droits de l'homme - exclut la peine de mort à l'encontre des mineurs de moins de dix-huit ans.

À l'heure où j'écris, le nombre total de détenus attendant leur exécution dans les prisons des États-Unis est de 3 700. Soixante-dix d'entre eux sont des mineurs ou l'étaient au moment de commettre leur crime.

Mais notre Cour suprême ne me considère pas comme « une punition cruelle et exceptionnelle » (dans les termes du 8e amen­dement à la Constitution des États-Unis) le fait d'exécuter des adolescents qui avaient à peine seize ans au moment de commettre leur crime. C'est pourtant la même Cour suprême qui a établi qu'un adolescent de seize ans « n'a pas la maturité ou la capacité de jugement suffisantes » pour signer un contrat.

Vous ne trouvez pas ça un peu bizarre ? Quand il s'agit de signer des contrats, pas question de faire confiance au jugement d'un gosse, mais pour ce qui est de mériter la chaise électrique, on ne voit plus de différence entre lui et un adulte.

Dix-huit États autorisent l'exécution des criminels dès l'âge de seize ans. Cinq autres condamnent à mort sans problème ceux qui avaient au moins dix-sept ans au moment de

commettre leur crime. En 1999, la justice de l'État d'Oklahoma a fait exécuter Sean Sellers, qui avait seize ans au moment de l'assassinat dont il a été jugé coupable. Le fait que Sellers souffrait de graves troubles de la personnalité ne fut pas révélé au jury. Une cour d'appel fédérale estima que Sellers aurait pu être défini comme « factuellement innocent » en raison de cette infirmité mentale, mais qu'« à elle seule l'innocence ne justifie pas l'annulation du verdict par un tribunal fédéral ». Incroyable mais vrai.

Les Américains ne sont pas idiots, et maintenant que la vérité sur les nombreux innocents condamnés à mort est en train d'émerger à la vue de tous, leur réaction d'horreur est à la mesure de ce scandale. Il y a à peine quelques années, les sondages d'opi­nion donnaient 80 % d'avis favorables à la peine de mort. Mais, récemment, un sondage commandité par le Washington Post et la chaîne ABC News a montré un net déclin de ce pourcentage, tandis que le nombre d'Américains qui souhaiteraient que la peine capitale soit remplacée par l'incarcération à perpétuité a augmenté. 51 % des personnes interrogées sont favorables à l'arrêt de toute exécution jusqu'à ce qu'une commission compétente établisse si cette sanction est appliquée de façon vraiment équitable.

68 % estiment par ailleurs que la peine capitale est injuste en raison du nombre d'innocents exécutés. De récents sondages Gallup ont également démontré que le pourcentage d'opinions favorables à la peine de mort a atteint son plus bas niveau depuis dix-neuf ans. 65 % des sondés sont d'accord pour dire que les pauvres ont plus de risques d'être condamnés à mort pour le même crime que les personnes riches ou aisées. 50 % sont convaincus que les Noirs ont également plus de chances d'être condamnés à délit équivalent. Et, même dans un État aussi allègrement sanguinaire que le Texas, le Houston Chronicle rapporte que 59 % des Texans interrogés sont convaincus que leur État a exécuté au moins une personne innocente! 70 % d'entre eux

sont favorables au remplacement de la peine de mort par une peine de perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle et 60 % sont hostiles à l'exécution des malades mentaux.

Tel est le bilan de notre grand pays en la matière: au lieu de faire la guerre à la criminalité, nous avons fait la guerre aux déshérités, vu que c’est tellement plus commode de tout leur mettre sur le dos. Ce faisant, nous avons aussi oublié de protéger les droits de nos concitoyens, sous prétexte que ça nous coûterait trop cher.

Nous vivons dans une société qui honore et récompense les délinquants en col blanc - tous ces dirigeants d'entreprise qui saccagent directement ou indirectement les ressources naturelles et ne s'intéressent avant tout qu'à la rentabilité financière -tout en soumettant les pauvres à une « justice » répressive et complètement aléatoire.

Mais l'opinion est en train de se rendre compte de la perversité de ce système.

Il est temps de réformer notre société de telle sorte que l'existence de chaque individu en son sein y soit perçue comme précieuse et sacrée et que, par ailleurs, AUCUN CITOYEN ne puisse échapper à la loi, quel que soit le nombre de candidats aux élections qu'il est capable d'acheter. Tant que nous ne serons pas parvenus à ce but, nous ne saurions prononcer la devise « liberté et justice pour tous » sans frémir de honte.

…/…

 

FIN DES EXTRAITS

 

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BONNE LECTURE

 


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