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André Téchiné
André Téchiné est né le 13 mars 1943 à Valence
d'Agen, dans le Tarn et-Garonne. Après avoir vécu une enfance provinciale sans
histoire, il est pensionnaire d'un collège religieux qui ne lui permet de
sortir que le dimanche après-midi. Un moment qu'il passera systématiquement au
cinéma et qui lui apporte peu à peu la conviction que c'est aussi la carrière
qu'il souhaite embrasser. Le jeune homme gagne la capitale à l'âge de 20 ans
pour y poursuivre des études de Lettres, et entrer à l'Idhec, prestigieuse
école de cinéma (l'ancêtre de la Femis). En 1964, il débute aux "Cahiers
du cinéma" à la faveur d'une critique de La peau douce de François
Truffaut. Téchiné continuera d'écrire régulièrement dans la revue pendant encore
trois années, tout en débutant dérrière la caméra avec un premier court
métrage, réalisé dans le cadre de l'école, Les oiseaux anglais (tourné
en 1965).
Son premier long métrage, Paulina s'en va,
qui suit le parcours d'une jeune femme en butte aux carcans où on souhaite
l'enfermer (son foyer, un asile, une maison close) sera réalisé en deux temps :
une semaine de tournage en 1967, une autre en 1969. Le film, qui voit Bulle
Ogier tenir un de ses premiers grands rôles) est présenté au Festival de Venise
de 1969 mais ne sortira à Paris qu'en 1975, après Souvenirs d'en France,
chronique plutôt tendre d'une famille d'immigrés espagnols où Jeanne Moreau se
taille la part du lion. Grâce au bon accueil reçu par ce dernier film, André
Téchiné peut ensuite se consacrer à un ambitieux projet, Barocco, avec
Isabelle Adjani et Gérard Depardieu. Comme son titre l'indique, il s'agit d'un
film baroque, expressionniste, aux confins du surréalisme, qui prend pour point
de départ un meurtre pendant une campagne électorale. Elégant et racé, un rien
maniéré diront les moins convaincus, le film a au moins le mérite de
surprendre.
Avec Les sœurs Brontë, le cinéaste revient à
un sujet et à une narration plus classique, à partir d'un scénario vieux de
plusieurs années auquel il tient énormément et qui lui a d'ailleurs empêché de
tourner d'autres films qu'il avait alors en réserve. Même si le film n'est pas
un triomphe commercial, il lui permet de tourner avec trois des plus grandes
actrices françaises du moment : Isabelle Adjani, Marie-France Pisier et
Isabelle Huppert. Car le cinéaste est fasciné par les femmes au-delà du
charnel, et est un remarquable directeurs d'actrices, comme le prouve Hôtel
des Amériques en 1981, évocation en quasi huis clos, digne d'un roman noir,
de la rencontre entre un homme et une femme dans un hôtel au bord de la mer.
C'est aussi une première rencontre avec Catherine Deneuve, qu'il retrouvera
cinq ans plus tard pour Le lieu du crime. En attendant, Téchiné et son
cinéma sensible, raffiné et haut de gamme ont Rendez-vous avec le
premier grand succès critique (Prix de la mise en scène à Cannes) et public de
sa carrière. Une histoire d'amour torride entre un employé d'une agence
immobilière et une jeune actrice, et l'occasion de lancer deux comédiens qui
vont dès lors beaucoup faire parler d'eux, Lambert Wilson et Juliette Binoche.
Avec Le lieu du crime, Téchiné touche au
polar, genre encore inédit pour lui, avec une grâce fébrile et sensuelle que le
genre n'exploite guère en ce milieu des années 80. Encore un succès public qui
conforte André Téchiné comme l'un des auteurs phare du cinéma français. Si Les
innocents, qui reste dans le registre du cinéma âpre et lyrique, reste l'un
de ses films les moins connus malgré Sandrine Bonnaire en tête d'affiche,
J'embrasse pas, parcours initiatique d'un provincial monté à Paris et
confronté au monde de la prostitution masculine, lui redonne les faveurs du
grand public. C'est aussi son premier film avec Emmanuelle Béart. Un frère
(Daniel Auteuil) et une sœur (Catherine Deneuve) qui se retrouve sous le toit
familial à l'aube de la cinquantaine, c'est le point de départ du contemplatif Ma
saison préférée, qui fait l'ouverture du Festival de Cannes 1993 et donne à
Marthe Villalonga (la mère) son plus beau rôle. Mais l'œuvre du cinéaste trouvant
toujours son meilleur dans la peinture de la jeunesse et de ses émois amoureux,
Les roseaux sauvages s'impose, en 1994, comme le film de Téchiné le plus
connu et célébré à ce jour. Au départ, il s'agit d'un film de commande réalisé
pour la télévision, puis remonté pour sortir en salle. Une œuvre où le souvenir
de sa jeunesse en province se mêle à l'Histoire de France, alors en plein
conflit avec l'Algérie. Téchiné, à travers le personnage joué par Gaël Morel,
se raconte à demi-mot, et le film, d'une sensualité et d'une sensibilité
éblouissantes, est un triomphe, remportant notamment le Prix Louis-Delluc et le
César du Meilleur film.
Retour au polar, mais non exempt d'un certain
lyrisme, même brutal, pour Les voleurs, où Catherine Deneuve “joue” avec
son image au gré d'une scène d'amour avec une autre femme (Laurence Côte, qui
décroche le César du Meilleur espoir féminin pour l'occasion). Deux ans plus
tard, Alice et Martin raconte une nouvelle fois l'histoire d'un
déracinement provincial, celui de Martin, qui monte à Paris à 20 ans pour
devenir mannequin, et qui tombe amoureux de l'amie de son frère. Un film
finalement trop “téchinien” pour véritablement marquer, et le premier échec
commercial pour l'auteur depuis longtemps. Lequel s'en remettra en tournant
avec des moyens plus réduits (notamment en utilisant le numérique) son film
suivant, Loin, qui entraîne un routier (Stéphane Rideau, découvert dans Les
roseaux sauvages) à Tanger où il vit une relation tumultueuse avec une
jeune Marocaine. Un joli film qui s'éloigne des terrains de prédilection du
réalisateur, lequel réalise son deuxième film “d'époque“ (après Les sœurs
Brontë) avec Les égarés, pour lequel il retrouve son scénariste
fétiche Gilles Taurand, ainsi qu'Emmanuelle Béart.
FILMOGRAPHIE
1970 Paulina s'en va
1975 Souvenirs d'en France
1976 Barocco
1979 Les sœurs Brontë
1985 Rendez-vous
1986 Le lieu du crime
1987 Les innocents
1991 J'embrasse pas
1993 Ma saison préférée
1994 Les roseaux sauvages
1996 Les voleurs
1998 Alice et Martin
2001 Loin
2003 Les égarés