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Eric Rohmer
Eric Rohmer, de son vrai nom Jean-Marie Maurice
Scherer, est né le 4 avril 1920 dans la belle ville de Tulle, en Corrèze. Sa
formation est essentiellement littéraire (avec une thèse sur l'organisation de
l'espace dans le Faust de Murnau), ce qui le destine tout naturellement à
l'enseignement : il officie notamment en tant que professeur d'anglais à
Vierzon. C'est assez tardivement qu'il s'oriente vers le cinéma, et ce par le
biais de la critique : il sera successivement rédacteur à "La revue
du cinéma", aux "Temps modernes", à "Arts", puis
devient rédacteur en chef de "La gazette du cinéma" en 1959, et des
fameux "Cahiers du cinéma", de 1957 à 1963. Ses cinéstes de
prédilection vont alors de Roberto Rossellini à Kenji Mizoguchi, en passant par
Jean Renoir ou Howard Hawks, sans oublier Alfred Hitchcock : Rohmer
signera d'ailleurs un célèbre essai sur le cinéaste anglais, avec la
collaboration de Claude Chabrol. Et puis comme ses cadets des
"Cahiers", Eric Rohmer se tourne lentement, mais sûrement, vers la
réalisation. Il démarre avec quelques courts métrages très peu diffusés, et un
long métrage inachevé (Les petites filles modèles) avant d'achever
finalement Le signe du lion, fable de l'errance dans un Paris estival
fantômatique, qui restera hélas bloqué dans les couloirs de la distribution
pendant trois ans. Cet échec voit Eric Rohmer se contenter alors de l'ombre de
François Truffaut et de Jean-Luc Godard, parvenus de leur côté, et ce dès leur
premier film, au statut d'auteurs à part entière.
Eric Rohmer n'abandonne pas ses activités de
critique quand il entreprend la réalisation d'un vaste projet en six films,
intitulé "Contes moraux" et axé sur un thème identique : “Tandis
que le narrateur est à la recherche d'une femme, il en rencontre une autre qui
accapare son attention jusqu'au moment où il retrouve la première.” Le cycle
commence par le court métrage La boulangère de Monceau et continue avec
le moyen métrage La carrière de Suzanne, réalisé avec l'aide d'amis des
"Cahiers", dont le réalisateur Barbet Schroeder. La
collectionneuse, son premier film en couleur, tourné dans le Midi, sera
aussi le premier long de la série. Un film qui sort le réalisateur de l'ornière
d'un auditoire purement cinéphilique. Suivent Le genou de Claire, avec
Jean-Claude Brialy et Patrick Bauchau, et L'amour l'après-midi, romance
adultérine avec la rousse Zouzou et Bernard Verley. Autant de films raffinés,
littéraires, dialogués avec une précision qui feront la marque d'Eric Rohmer,
qui s'attellera bientôt, en transition, à deux adaptations en costumes :
une nouvelle de Kleist pour La marquise d'O..., avec Bruno Ganz, et le
célèbre poème de Chrétien de Troyes pour Perceval le Gallois, pour
lequel le réalisateur s'inspire de la peinture romantique du Moyen Age, livrant
une miniature précieuse, scandée en octosyllabes rimés.
Autant dire qu'Eric Rohmer prend son public à
rebours avec son nouveau cycle entamé en 1980, intitulé "Comédies et
proverbes", et qui penche vers la modernité la plus ostentatoire (tous les
films se déroulent dans un Paris ultra-branché) tout en conservant cet amour
indéfectible pour la mécanique des sentiments et le dialogue ultra-ciselé, que
certains qualifieront vite de “jeu faux”. Ainsi, les personnages de La femme
de l'aviateur, du Beau mariage, de Pauline à la plage, des Nuits
de la pleine lune (ses deux plus grands succès commerciaux), du Rayon
vert et de L'ami de mon amie essaient tant bien que mal de mettre en
accord leurs aspirations romantiques aux normes d'une société embourgeoisée.
Mais Eric Rohmer, c'est aussi l'éternel chantre de
la jeune fille en fleurs, découvreur de comédiennes aussitôt qualifiées
de “rohmeriénnes” car bientôt fidélisées autour du maître : ainsi Pascale
Ogier (Perceval le Gallois, Les nuits de la pleine lune), Marie Rivière
(La femme de l'aviateur, Le rayon vert), Béatrice Romand (L'amour
l'après-midi, Le beau mariage, Le rayon vert), Anne-Laure Meury (La
femme de l'aviateur, L'ami de mon amie), Amanda Langlet (L'amour
à la plage) ou Arielle Dombasle (Le beau mariage). Sans oublier les
acteurs fétiches tels que Fabrice Luchini (Le genou de Claire, Perceval
le Gallois, La femme de l'aviateur, Les nuits de la pleine lune)
ou Pascal Greggory (Le beau mariage, Pauline à la plage). Les
personnages de Rohmer s'aiment, se trompent, se quittent, s'entraînent parfois
dans une rhétorique vertigineuse aux implications quasi-mathématiques, comme
dans L'ami de mon amie, où toutes les formules de couples possibles sont
passées en revue. A la fois paradoxalement ultra-naturaliste et complètement
“fabriqué”, Rohmer se constitue de film en film une chapelle de fans (mais
aussi de détracteurs) et trouve un public croissant à l'étranger, notamment en
Allemagne et en Angleterre.
En 1990, c'est l'inauguration d'un nouveau cycle,
intitulé "Contes des quatre saisons" qui, une fois de plus, se penche
sur les affres de l'amour galant. Conte de printemps, avec Hugues
Quester et la découverte Florence Darel, cerne les élans du cœur d'une jeune
fille partagée entre modernité et traditions, Conte d'hiver retrace les
angoisses d'une femme (Charlotte Véry) qui a perdu le trace de son grand amour
d'été, Conte d'été est une ronde sentimentale bretonne entre un jeune
musicien (Melvil Poupaud) et trois jeunes filles, et enfin Conte d'automne
permet à Rohmer de retrouver ses habituées Marie Rivière et Béatrice Romand
pour une parade amoureuse plus adulte, retraçant dans une certaine nostalgie
les derniers soubresauts du coup de foudre. Entre-temps, le réalisateur se sera
détourné de ce cycle avec le divertimento campagnard (et en chansons !)
L'arbre, le maire et la médiathèque (avec une Arielle Dombasle d'anthologie
qui découvre comment poussent les salades), et Les rendez-vous de Paris,
film à sketches plus mineur tourné dans la capitale avec de parfaits inconnus.
Avec L'Anglaise et le duc, réalisé en DV,
Eric Rohmer revient au film à costumes, délaissé depuis près de vingt ans. A
bientôt 82 ans, le cinéaste, naturellement discret et pudique, est loin d'avoir
tiré sa révérence au 7e Art.
FILMOGRAPHIE
1959 Le signe du lion
1963 La carrière de Suzanne
La
boulangère de Monceau (court métrage)
1965 Paris vu par... (un sketch)
1967 La collectionneuse
1969 Ma nuit chez Maud
1970 Le genou de Claire
1972 L'amour l'après-midi
1976 La marquise d'O...
1978 Perceval le Gallois
1980 La femme de l'aviateur
1982 Le beau mariage
1983 Pauline à la plage
1984 Les nuits de la pleine lune
1986 Le rayon vert
1987 Quatre aventures de Reinette et Mirabelle
1987 L'ami de mon amie
1990 Conte de printemps
1991 Conte d'hiver
1993 L'arbre, le maire et la médiathèque
1995 Les rendez-vous de Paris
1996 Conte d'été
1998 Conte d'automne
2001 L'Anglaise et le duc